Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier no PR-2019-037

MGIS Inc.

Décision prise
le mardi 15 octobre 2019

 

Décision rendue

le jeudi 17 octobre 2019

 

Motifs rendus

le lundi 28 octobre 2019  

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

MGIS INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Rose Ann Ritcey

Rose Ann Ritcey
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1]               En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1], tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2], déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[2]               La présente plainte porte sur une demande de propositions (DP) (invitation no M7594-192085) publiée dans le cadre de l’arrangement en matière d’approvisionnement no E60ZT-16TSPS/D pour divers services professionnels, notamment les services d’un expert‑conseil principal en ressources humaines. La DP a été publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom de la Gendarmerie royale du Canada, et s’adressait seulement aux soumissionnaires retenus dans le cadre de l’arrangement en matière d’approvisionnement, dont la plaignante, MGIS Inc.

[3]               La soumission de MGIS a été rejetée au motif que la personne nommée à titre d’expert‑conseil en ressources humaines n’avait pas obtenu le nombre minimum de points requis, du fait que l’attestation présentée n’était pas une attestation professionnelle. MGIS affirme que la personne nommée atteignait bien le nombre minimum de points requis et que TPSGC a fait une interprétation déraisonnable du terme « attestation professionnelle ».

[4]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.

FAITS

[5]               TPSGC a publié la DP le 28 mars 2019. Après plusieurs modifications, la DP a pris fin le 22 mai 2019.

[6]               Les exigences obligatoires de ce marché sont énoncées notamment dans les grilles souples des Services professionnels centrés sur les tâches et les solutions (SPTS) pour chaque volet de services faisant l’objet du marché. Les grilles souples indiquent le nombre minimum de points requis pour chaque niveau d’expertise. Dans le cas de l’expert‑conseil en ressources humaines, le nombre minimum requis est de 95 points[3]. Les points sont accordés en fonction de trois critères : études, attestation professionnelle et nombre d’années d’expérience. La DP contient également un lien vers l’annexe A de l’arrangement en matière d’approvisionnement, dont les parties pertinentes prévoient que « [l]’attestation professionnelle doit être valide et pertinente à la catégorie visée », et qu’« il incombe au soumissionnaire de démontrer sa pertinence avec le travail demandé ».

[7]               Dans sa soumission, MGIS a indiqué qu’une personne nommée à titre d’expert‑conseil en ressources humaines était titulaire d’une attestation obtenue à l’issue du cours Formation sur la délégation de pouvoirs pour les gestionnaires (l’attestation FDP), offert par l’École de la fonction publique du Canada (EFPC). Selon les calculs de MGIS, les points accordés pour l’attestation combinés aux points accordés pour les études et les années d’expérience de la personne nommée permettaient à cette ressource d’atteindre le nombre minimum requis de 95 points.

[8]               Le 23 juillet 2019, TPSGC a demandé à MGIS d’indiquer dans sa soumission comment la personne nommée satisfaisait au critère de l’attestation professionnelle pertinente. MGIS a répondu en précisant les endroits pertinents dans sa soumission.

[9]               Dans un courriel envoyé le 15 août 2019, TPSGC a rejeté la soumission de MGIS au motif que l’attestation FDP n’était pas un titre professionnel, de sorte que la personne nommée n’obtenait pas le nombre minimum de points requis pour l’expert‑conseil en ressources humaines. MGIS s’est immédiatement opposée à l’évaluation, affirmant qu’un autre ministère fédéral avait déjà accepté l’attestation FDP à titre d’attestation professionnelle dans le contexte de la grille souple des SPTS. Dans un deuxième courriel envoyé le 15 août 2019, TPSGC a répondu à l’opposition de MGIS en affirmant avoir confirmé auprès de l’EFPC que l’attestation FDP n’était pas une attestation professionnelle.

[10]           Entre le 16 août 2019 et le 3 septembre 2019, MGIS a écrit à l’EFPC à propos de la nature de l’attestation FDP. L’EFPC a maintenu, constate le Tribunal, qu’elle ne considérait pas l’attestation FDP comme une attestation professionnelle[4].

[11]           Entre le 4 septembre 2019 et le 1er octobre 2019, MGIS a repris sa correspondance avec TPSGC à propos de la définition du terme « attestation professionnelle » appliquée par TPSGC. Toutefois, MGIS n’a pas écrit à l’agent responsable du marché, mais à d’autres représentants de TPSGC[5].

[12]           Le 8 octobre 2019, MGIS a déposé la présente plainte.

ANALYSE

[13]           Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, le Tribunal peut mener une enquête si les conditions suivantes sont satisfaites :

         la plainte a été déposée dans les délais prescrits à l’article 6[6];

         le plaignant est un fournisseur potentiel[7];

         la plainte porte sur un contrat spécifique[8];

         les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables[9].

[14]           Pour les motifs exposés ci‑dessous, le Tribunal détermine que la plainte ne satisfait pas à l’ensemble de ces quatre conditions.

La plainte n’a pas été déposée dans les délais

[15]           Les délais pour le dépôt de plaintes concernant les marchés publics sont stricts et rigoureusement appliqués[10]. On s’attend à ce que les fournisseurs soient vigilants et qu’ils réagissent dès qu’ils découvrent ou auraient vraisemblablement dû découvrir un vice de procédure[11].

[16]           Aux termes de l’article 6 du Règlement, le fournisseur potentiel doit présenter une opposition à l’institution fédérale responsable du marché ou déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte[12]. Le fournisseur potentiel qui a présenté une opposition à l’institution fédérale responsable du marché dans les délais prescrits et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus[13].

[17]           En l’espèce, MGIS a présenté une opposition à TPSGC le jour même où ce dernier a rejeté sa soumission, c’est‑à‑dire bien avant l’expiration du délai de 10 jours prévu pour présenter une opposition à l’institution fédérale responsable du marché.

[18]           Comme nous l’avons souligné ci-dessus, MGIS a contesté l’évaluation de TPSGC selon laquelle l’attestation FDP n’était pas une attestation professionnelle. Dans sa réponse finale du 15 août 2019, TPSGC a affirmé que « le Canada avait vérifié l’attestation FDP auprès de l’École de la fonction publique du Canada, laquelle avait confirmé qu’il ne s’agissait pas d’une attestation professionnelle » [traduction].

[19]           De l’avis du Tribunal, la réponse susmentionnée donnée par TPSGC n’indique pas, dans une mesure raisonnable, que TPSGC reverrait son évaluation, mais répète plutôt la raison pour laquelle TPSGC avait rejeté la soumission de MGIS[14]. Le Tribunal estime donc que cette réponse constitue un « refus de réparation » aux fins du paragraphe 6(2) du Règlement. MGIS était ainsi tenue de déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant le 15 août 2019, c’est‑à‑dire au plus tard le 29 août 2019. Toutefois, MGIS n'a pas déposé la présente plainte avant le 8 octobre 2019.

[20]           Par conséquent, le Tribunal conclut que la plainte n’a pas été déposée dans les délais[15].

[21]           Le Tribunal reconnaît la contrainte que le délai de 10 jours ouvrables impose aux soumissionnaires. Toutefois, le respect des délais est essentiel dans les procédures de marché public; les délais prescrits par le Règlement, y compris les délais prévus pour déposer et engager une plainte auprès du Tribunal, tiennent compte de ce fait.

Absence d’indication raisonnable de manquement

[22]           Le Tribunal ajoute que, même si elle avait été déposée dans les délais, la plainte n’établissait pas, dans une mesure raisonnable, que TPSGC avait manqué aux obligations prévues dans les accords commerciaux.

[23]           Il est de droit constant que le Tribunal fasse généralement preuve de beaucoup de déférence envers les évaluateurs en ce qui concerne l’évaluation des propositions et intervienne seulement si l’évaluation est déraisonnable[16]. À cet égard, le rôle du Tribunal consiste à déterminer si l’évaluation est étayée par une explication défendable[17].

[24]           En l’espèce, le Tribunal estime que l’évaluation de la soumission faite par TPSGC est bien étayée. Selon le Tribunal, il n’était pas déraisonnable pour TPSGC de se fier à l’avis du fournisseur de l’attestation FDP pour déterminer qu’il ne s’agissait pas d’une attestation professionnelle.

[25]           Quant à l’observation de MGIS selon laquelle un autre ministère fédéral avait déjà accepté l’attestation FDP à titre d’attestation professionnelle, le Tribunal a déterminé auparavant que les appels d’offres doivent être examinés de façon indépendante et que les conclusions formulées lors d’une évaluation antérieure ne sont pas contraignantes ni déterminantes dans le cadre des processus d’évaluation subséquents. En bref, l’acceptation alléguée de l’attestation FDP dans le cadre d’un autre processus d’approvisionnement ne suffit pas pour démontrer que la décision des évaluateurs était déraisonnable dans le présent cas[18].

[26]           Dans l’ensemble, le Tribunal conclut que rien n’indique, dans une mesure raisonnable, que l’évaluation de la soumission de MGIS faite par TPSGC était déraisonnable.

DÉCISION

[27]           Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Rose Ann Ritcey

Rose Ann Ritcey
Membre présidant

 



[1]      L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2]      DORS/93-602 [Règlement].

[3]      Pièce PR-2019-037-01 à la p. 43, vol. 1.

[4]      Pièce PR-2019-037-01 aux p. 201-268, vol. 1.

[5]      Pièce PR-2019-037-01 aux p. 15, 279-295, vol. 1.

[6]      Paragraphe 6(1) du Règlement.

[7]      Alinéa 7(1)a) du Règlement.

[8]      Alinéa 7(1)b) du Règlement.

[9]      Alinéa 7(1)c) du Règlement.

[10]     Alcohol Countermeasure Systems Corp. c. Gendarmerie royale du Canada (24 avril 2014), PR-2013-041 (TCCE) au par. 27. Le Tribunal constate que, dans sa lettre de rejet initiale, TPSGC a dirigé MGIS vers la page Mécanismes de recours sur le site Web Achatsetventes.gc.ca en indiquant que des délais stricts s’appliquent pour le dépôt de plaintes auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur. Pièce confidentielle PR-2019-037-01A à la p. 2, vol. 2.

[11]     IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd., 2002 CAF 284 (CanLII) au par. 20.

[12]     Paragraphes 6(1) et 6(2) du Règlement.

[13]     Paragraphe 6(2) du Règlement.

[14]     Voir Aero Support Canada Inc. (14 mars 2016), PR-2015-065 (TCCE) au par. 15.

[15]     Le Tribunal souligne que le fait qu’un plaignant continue de communiquer avec une institution fédérale après avoir reçu un refus de réparation définitif ne le soulage pas de l’obligation de respecter les délais prévus à l’article 6 du Règlement. Voir IT/net Ottawa Inc. (6 juillet 2009), PR-2009-023 au par. 11; Groupe-conseil INTERALIA S.E.N.C. (9 octobre 2009), PR-2009-052 (TCCE) au par. 15; et Dataintro Software Ltd. (1er décembre 2010), PR-2010-077 (TCCE) au par. 32. De plus, dans le présent cas, les communications subséquentes de MGIS avec TPSGC n’étaient pas adressées aux agents responsables du marché, comme nous l’avons déjà indiqué.

[16]     Voir Davtair Industries Inc. (13 février 2019), PR-2018-061 (TCCE) aux par. 16-17.

[17]     Dans Saskatchewan Institute of Applied Science and Technology c. Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (9 janvier 2014), PR-2013-013 (TCCE) au par. 58, le Tribunal a expliqué « qu’il interviendra relativement à une évaluation uniquement dans les cas où elle serait réputée déraisonnable et qu’il ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs à moins que les évaluateurs ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d’un soumissionnaire, qu’ils aient donné une interprétation erronée de la portée d’une exigence, qu’ils n’aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu’ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou que l’évaluation n’ait pas été effectuée d’une manière équitable du point de vue de la procédure. En outre, le Tribunal a déjà indiqué que la décision d’une entité publique sera jugée raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal. » Saskatchewan Polytechnic Institute c. Procureur général du Canada (ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement) et Agriteam Canada Consulting Ltd., College of the North Atlantic, 2015 CAF 16 au par. 7.

[18]     Samson & Associates c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (13 avril 2015), PR‑2014-050 (TCCE) au par. 41.

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