Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier no PR-2019-057

SoftSim Technologies Inc.

c.

Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement

Ordonnance rendue
le jeudi 26 mars 2020

Motifs rendus
le vendredi 3 avril 2020

 



EU ÉGARD À une plainte déposée par SoftSim Technologies Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET À LA SUITE D’une requête déposée par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement le 28 février 2020, aux termes de l’article 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, demandant au Tribunal canadien du commerce extérieur de mettre fin à l’enquête.

ENTRE

SOFTSIM TECHNOLOGIES INC.

Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DU COMMERCE ET DU DÉVELOPPEMENT

Institution fédérale

ORDONNANCE

La requête déposée par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement est accueillie. Aux termes du paragraphe 30.13(5) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur met fin par les présentes à l’enquête sur la plainte et à toute procédure connexe. Chacune des parties assumera ses frais.

Peter Burn

Peter Burn
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.


EXPOSÉ DES MOTIFS

APERÇU

[1]  La présente enquête est la deuxième de deux enquêtes connexes concernant des plaintes déposées par SoftSim Technologies Inc. (SoftSim) dans lesquelles cette dernière allègue un parti pris de la part du ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD). Bien que la première enquête du Tribunal canadien du commerce extérieur soit en cours (dossier no PR‑2019‑053), le Tribunal a décidé de mettre fin à sa deuxième enquête (dossier no PR‑2019‑057). Il est apparu évident que la soumission de SoftSim pour l’appel d’offres en question dans la présente enquête a été déposée tardivement. Pour les motifs suivants, le Tribunal est d’avis que la plainte de SoftSim est devenue dénuée de tout intérêt et que la poursuite de l’enquête ne servirait à rien. Cette décision n’empêche pas le Tribunal d’examiner les arguments communs aux deux enquêtes lorsqu’il déterminera le bien-fondé de la première plainte de SoftSim.

CONTEXTE

[2]  Le 7 février 2020, SoftSim a déposé une plainte auprès du Tribunal, aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , concernant une demande de propositions (DP) (invitation no 20-166051) lancée par le MAECD. L’appel d’offres portait sur la prestation de services professionnels en informatique centrés sur les tâches afin de contribuer à l’initiative ministérielle de modernisation du commerce, notamment en embauchant jusqu’à quatre analystes de système d’entreprise et un architecte d’applications et de logiciels.

[3]  SoftSim allègue qu’il y a eu diverses irrégularités dans le processus de passation du marché public. Elle affirme notamment que l’évaluation de sa soumission n’a pas été effectuée conformément aux critères énoncés dans la DP et était très différente de l’évaluation des soumissions qu’elle avait présentées dans le cadre d’autres DP lancées par le MAECD pour des services comparables. SoftSim soutient également que le MAECD avait un parti pris contre elle et avait favorisé un autre fournisseur, Coradix Technology Consulting Ltd. (Coradix).

[4]  À titre de mesure corrective, SoftSim demande au Tribunal de recommander au MAECD de réévaluer les soumissions et de compenser SoftSim pour sa perte de profits ou d’opportunité. SoftSim demande également une indemnité pour les frais engagés lors de la préparation de sa soumission et du dépôt de sa plainte.

[5]  Les 12 et 13 février 2020, le Tribunal a avisé les parties que la plainte avait été acceptée le 11 février 2020 pour enquête, aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, car la plainte satisfaisait aux exigences du paragraphe 30.11(2) et aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] .

[6]  Le 13 février 2020, le Tribunal a rendu une ordonnance, en vertu du paragraphe 30.13(3) de la Loi sur le TCCE, différant toute adjudication de contrat par le MAECD en lien avec l’appel d’offres en question jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le bien-fondé de la plainte. Le Tribunal a annulé cette ordonnance le 26 février 2020, après que le MAECD eut indiqué au Tribunal que le contrat avait été adjugé à Coradix le 17 janvier 2020 [3] .

[7]  Le 28 février 2020, le MAECD a déposé une requête, aux termes de l’article 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [4] , demandant au Tribunal de mettre fin à son enquête au motif que SoftSim avait déposé sa soumission en réponse à la DP après la date de clôture et que, puisque sa soumission aurait alors dû être rejetée, la plainte est sans objet.

[8]  Le Tribunal a initialement accordé à SoftSim un délai jusqu’au 5 mars 2020 pour répondre à la requête du MAECD. Cependant, le Tribunal a ensuite accordé à SoftSim une prorogation du délai jusqu’au 10 mars 2020 pour déposer sa réponse.

[9]  Le 13 mars 2020, le Tribunal a avisé SoftSim que sa réponse à la requête du MAECD était tardive et lui a demandé soit de fournir sa réponse sans délai, soit de confirmer qu’elle n’avait pas l’intention de répondre à la requête.

[10]  Le 17 mars 2020, n’ayant reçu aucune réponse, le Tribunal a informé SoftSim qu’il avait fixé une date limite définitive au 19 mars 2020, 17 h, heure avancée de l’Est (HAE) pour le dépôt de sa réponse, faute de quoi le Tribunal déciderait de la requête en fonction des éléments disponibles au dossier. Le même jour, SoftSim a déposé sa réponse à la requête du MAECD. Elle a fait valoir que sa soumission avait été déposée avant la date de clôture et que le fait qu’elle ait été acceptée et évaluée par le MAECD en était la preuve.

[11]  Le 20 mars 2020, le MAECD a fait savoir au Tribunal qu’il n’avait pas l’intention de déposer des observations en réponse à celles de SoftSim et qu’il s’appuierait sur les observations et les éléments de preuves déposés avec sa requête.

POSITION DES PARTIES

[12]  Le MAECD soutient qu’après avoir été informé de la plainte, il a procédé à un examen de l’appel d’offres en question et a découvert qu’il avait reçu la soumission de SoftSim (par courriel) après la date de clôture qui était fixée au 10 décembre 2019, 14 h, HAE. Il explique qu’une demande de SoftSim, le 30 janvier 2020 (c’est-à-dire après que le contrat eut déjà été attribué à Coradix), pour une mise à jour du processus d’appel d’offres, a incité le MAECD à revérifier la boîte courriel de l’Unité de réception des soumissions, une adresse courriel générique qui n’est consultée qu’avant la date de clôture, afin de déterminer si une soumission de SoftSim avait été reçue en réponse à la DP. Le MAECD explique aussi que, n’ayant pas remarqué que la soumission de SoftSim était en retard, et pensant qu’elle avait été accidentellement négligée, il a évalué à tort la soumission mais a finalement jugé qu’elle était non conforme.

[13]  Le MAECD fait valoir qu’il incombe au soumissionnaire de satisfaire à toutes les exigences essentielles d’un marché public, y compris les exigences pour le dépôt des soumissions, et que le Tribunal a toujours refusé d’enquêter sur une plainte dans laquelle un soumissionnaire cherchait à faire accepter son offre tardive [5] . Il soutient que, de ce fait, le Tribunal confirme qu’une institution fédérale doit rejeter une soumission tardive à moins que le retard ne soit attribuable à l’une des quelques exceptions énoncées dans les documents d’appel d’offres, dont aucune ne s’applique selon lui en l’espèce. Il ajoute qu’il incombe à l’institution fédérale de corriger une erreur dans un processus de passation de marché public lorsqu’une telle erreur est constatée [6] .

[14]  Le MAECD soutient que la preuve démontre que SoftSim a tenté d’envoyer sa soumission à la boîte courriel de l’Unité de réception des soumissions du MAECD le 10 décembre 2019, à 13 h 34, mais que par erreur elle a entré une adresse courriel incorrecte, ce qui a eu pour conséquence que la soumission n’a pas été reçue par le MAECD. Il indique que la réception de la soumission de SoftSim dans la boîte courriel de l’Unité de réception des soumissions n’a eu lieu qu’à 14 h 38, après que SoftSim eut déterminé qu’elle avait commis une erreur et que sa soumission n’avait pas été reçue par le MAECD avant la date de clôture de 14 h. Il soutient donc que, selon les conditions de la DP, il était obligé de rejeter la soumission de SoftSim.

[15]  Le MAECD soutient que, puisque la soumission de SoftSim aurait dû être rejetée et qu’il n’y avait pas de motif pour que le MAECD procède à l’évaluation, la plainte est sans objet. Il demande donc que le Tribunal mette fin à son enquête aux termes du paragraphe 30.13(5) de la Loi sur le TCCE et de l’alinéa 10(1)a) du Règlement. De l’avis du MAECD, ces dispositions confèrent au Tribunal le pouvoir discrétionnaire d’ordonner le rejet d’une plainte à tout moment, y compris lorsqu’une plainte n’a pas de motif valable.

[16]  En réponse à la requête du MAECD, SoftSim soutient que sa soumission a été déposée auprès du MAECD le 10 décembre 2019 à 13 h 34, c’est-à-dire avant la date de clôture. Elle affirme que, étant donné que la soumission a été reçue et acceptée pour évaluation par le MAECD, il est maintenant trop tard pour que le MAECD puisse prétendre que la soumission était tardive. Elle allègue également que le MAECD a l’habitude de ne pas vérifier correctement la boîte courriel où sont reçues les soumissions.

ANALYSE

[17]  Pour les motifs suivants, le Tribunal décide de mettre fin à son enquête aux termes du paragraphe 30.13(5) de la Loi sur le TCCE, au motif que la plainte est dénuée de tout intérêt. En résumé, le Tribunal conclut que la soumission de SoftSim était tardive, que le MAECD aurait dû rejeter la soumission de SoftSim et que la poursuite de l’enquête ne servirait donc à rien. Les allégations de SoftSim concernant un parti pris seront traitées en détail dans le dossier no PR‑2019‑053 du Tribunal.

[18]  La DP donnait des instructions claires concernant la date, l’heure et la manière dont les soumissions devaient être déposées auprès du MAECD. La première page de la DP indiquait que les soumissions devaient être envoyées à la boîte courriel « receptionsoumission‌-bidsreceiving‌.spp‌@international‌.gc‌.ca » avant le 10 décembre 2019, à 14 h, HAE.

[19]  L’article 2.2 de la DP contenait également les indications suivantes :

2.2 DÉPÔT DES SOUMISSIONS

[...]

b.  Si vous envoyez votre soumission par télécopieur ou par courriel, le Canada ne sera pas responsable des soumissions reçues après la date et l’heure de clôture, même si elles ont été déposées avant.

Adresse courriel pour le dépôt de votre soumission :
receptionsoumission-bidsreceiving.spp@international.gc.ca

L’adresse courriel de l’Unité de réception des soumissions sert uniquement au dépôt des soumissions : l’adresse ci-dessus sert uniquement au dépôt des soumissions. Il ne faut pas envoyer d’autres messages à cette adresse.

[...]

[Traduction]

[20]  De l’avis du Tribunal, les éléments de preuve au dossier établissent que, bien que SoftSim ait tenté de déposer sa soumission auprès du MAECD à 13 h 34 le 10 décembre 2019, elle a en fait envoyé sa soumission à une mauvaise adresse courriel (il manquait le trait d’union ou le tiret entre les mots « receptionsoumission » et « bidsreceiving »); cette erreur a fait en sorte que SoftSim a reçu un message d’erreur du serveur indiquant que son courriel n’avait pas été acheminé [7] . Ce n’est qu’à 14 h 38, soit 38 minutes après la date de clôture, que SoftSim a procédé à l’envoi de sa soumission à la bonne adresse courriel [8] .

[21]  Le Tribunal a constamment affirmé qu’un pilier central de la procédure de passation des marchés publics est la réception en temps voulu de soumissions complètes à l’endroit spécifié et de la façon précisément indiquée dans les documents de l’appel d’offres [9] . Il est en outre bien établi que c’est le soumissionnaire qui a le fardeau de démontrer qu’il respecte toutes les exigences obligatoires d’un marché public, y compris les exigences pour le dépôt des soumissions [10] .

[22]  L’article 2.2 de la DP stipule que le gouvernement n’est pas responsable des soumissions reçues après la date et l’heure de clôture, même s’il y a eu une tentative de dépôt à temps. Ainsi, la preuve d’une tentative, ou même d’une intention, de soumettre une soumission à temps n’est pas suffisante. Le MAECD doit recevoir la soumission avant la date de clôture pour que celle-ci soit considérée comme conforme aux délais. En l’espèce, il est évident que le MAECD a reçu la soumission de SoftSim à 14 h 38. Le Tribunal conclut donc que la soumission de SoftSim était tardive.

[23]  Par conséquent, la soumission de SoftSim aurait dû être rejetée conformément aux Instructions uniformisées qui ont été intégrées par renvoi dans l’article 2.1 de la DP [11] .

[24]  La présente instance révèle que le MAECD a évalué la soumission de SoftSim alors qu’il n’aurait pas dû le faire. Ce développement est sans conséquence puisqu’il ne change rien au fait que la soumission de SoftSim était tardive et donc non conforme. SoftSim semble soutenir que la décision initiale du MAECD d’évaluer sa soumission a en quelque sorte remédié au fait qu’elle était en retard; ce raisonnement est faux. De plus, il incombe à une institution fédérale de corriger les erreurs, chaque fois qu’elles sont constatées [12] . C’est ce que le MAECD a fait en soulevant la question de la soumission tardive de SoftSim en l’espèce.

[25]  Les allégations de SoftSim concernant l’évaluation de sa soumission n’ont donc aucun motif valable. Ses allégations concernant le prétendu parti pris demeurent, mais sont essentiellement identiques à celles qui sont faites dans le cadre du dossier no PR-2019-053, qui concerne l’acquisition de services comparables par la même institution fédérale, et seront donc traitées de meilleure façon dans cette enquête.

DÉCISION

[26]  La requête déposée par le MAECD est accueillie. Aux termes du paragraphe 30.13(5) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal met fin par les présentes à l’enquête sur la plainte et à toute procédure connexe. Chacune des parties assumera ses frais.

Peter Burn

Peter Burn
Membre présidant

 



[1]   L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2]   DORS/93-602 [Règlement].

[3]   Le paragraphe 30.13(3) de la Loi sur le TCCE permet au Tribunal d’ordonner à une institution fédérale de différer l’adjudication d’un contrat spécifique qui est sur le point d’être adjugé. Il va de soi que le Tribunal ne peut pas ordonner le report de l’adjudication d’un contrat déjà adjugé.

[4]   DORS/91-499.

[5]   Le MAECD fait référence à certaines décisions du Tribunal : 2278089 Ontario Limited s/n Snap Cab (13 février 2020), PR-2019-056 (TCCE) [Snap Cab]; Corbel Management Corp. (9 juin 2009), PR-2009-009 (TCCE); Headwall Photonics, Inc. (26 septembre 2012), PR-2012-017 (TCCE); Hoskin Scientific (23 janvier 2014), PR-2013-034 (TCCE); Ex Libris (USA) Inc. (11 août 2009), PR-2009-034 (TCCE); Promaxis Systems Inc. (11 janvier 2006), PR-2005-045 (TCCE).

[6]   Francis H.V.A.C. Services Ltd. c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2017 CAF 165 [Francis H.V.A.C.].

[7]   Requête de l’intimé visant à mettre fin à l’enquête, pièce publique « E ». Le message d’erreur reçu du serveur était le suivant : « Votre message n’a pas été transmis à receptionsoumissionbidsreceiving.spp@international.gc.ca car l’adresse n’est pas valide, ou est incapable de recevoir des courriels » [traduction].

[8]   Requête de l’intimé visant à mettre fin à l’enquête, pièce publique « D ».

[9]   Voir Snap Cab au par. 11 et les causes qui y sont citées.

[10]   Otec Solutions Inc. c. Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (5 octobre 2016), PR-2016-012 (TCCE) au par. 28.

[11]   Voir 2003 (2019-03-04) Instructions uniformisées - biens ou services - besoins concurrentiels [Instructions uniformisées], en ligne : https://achatsetventes.gc.ca/politiques-et-lignes-directrices/guide-des-clauses-et-conditions-uniformisees-d-achat/1. La section 06 des instructions prévoit que les soumissions livrées après la date et l’heure de clôture stipulées dans l’appel d’offres seront rejetées.

[12]   Francis H.V.A.C. au par. 33; Telecore c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (10 octobre 2017), PR-2017-021 (TCCE) au par. 12; Valcom Consulting Group Inc. c. Ministère de la Défense nationale (14 juin 2017), PR-2016-056 (TCCE) au par. 52.

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