Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier no PR-2020-008

Terrapure Environmental

Décision prise
le lundi 15 juin 2020

Décision rendue
le mardi 16 juin 2020

Motifs rendus
le lundi 22 juin 2020

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

TERRAPURE ENVIRONMENTAL

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1]  En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] , déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[2]  La présente plainte concerne une demande d’offres à commandes (DOC) lancée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale, pour la fourniture de la main-d’œuvre, des matériaux, des outils, de l’équipement, du transport et de la supervision nécessaires à l’exécution des services d’enlèvement et d’élimination de déchets dangereux produits par la réparation des navires à la BFC Halifax et à bord des NCSM, des sous-marins et des navires auxiliaires au sein de la municipalité régionale d’Halifax (invitation no W3554-206280/A).

[3]  Terrapure Environmental (Terrapure) conteste l’évaluation de sa soumission en ce qui concerne les exigences de l’appel d’offres pour une preuve d’enregistrement à un système de gestion de la qualité et à un plan de gestion des risques. Terrapure fait également valoir que TPSGC aurait dû demander des précisions au sujet de sa soumission et que la soumission retenue n’était pas conforme aux conditions de l’appel d’offres. Terrapure demande que lui soit attribué le contrat spécifique.

[4]  Pour les motifs énoncés ci-dessous, le Tribunal conclut que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que TPSGC n’a pas suivi la procédure du marché public conformément aux accords commerciaux applicables. Par conséquent, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.

CONTEXTE

[5]  Le 30 avril 2020, TPSGC a informé Terrapure qu’elle ne se verrait pas attribuer d’offre à commandes parce qu’elle n’avait pas satisfait au critère technique obligatoire exigeant une preuve d’enregistrement à un système de gestion de la qualité.

[6]  Le 11 mai 2020, Terrapure a demandé une réunion de compte rendu avec TPSGC et a souligné les motifs pour lesquels elle estimait que sa soumission était conforme au critère obligatoire en question.

[7]  Terrapure a déposé sa première plainte (dossier no PR-2020-006) le 12 mai 2020. Le 19 mai 2020, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte car Terrapure avait prévu une réunion de compte rendu avec TPSGC et la plainte était donc prématurée [3] .

[8]  Le 26 mai 2020, Terrapure et TPSGC ont tenu une réunion de compte rendu, au cours de laquelle TPSGC a réitéré que la soumission de Terrapure n’était pas conforme au critère technique obligatoire exigeant une preuve d’enregistrement à un système de gestion de la qualité.

[9]  Le 8 juin 2020, Terrapure a déposé la présente plainte. Terrapure a demandé que tous les documents déposés dans le cadre de la première plainte soient joints à la deuxième plainte.

[10]  Le 15 juin 2020, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

ANALYSE

[11]  Afin de déterminer s’il y a lieu d’enquêter, le Tribunal doit être convaincu que les renseignements fournis dans la plainte démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables [4] .

[12]  Terrapure est située en Nouvelle-Écosse; par conséquent, l’Accord de libre-échange canadien s’applique [5] . L’ALEC exige que les entités contractantes fondent leurs évaluations sur les conditions spécifiées dans les avis d’appel d’offres et la documentation relative à l’appel d’offres et que seuls les soumissionnaires qui satisfont à ces conditions soient considérés en vue d’une adjudication [6] .

[13]  Terrapure conteste l’évaluation de son système de gestion de la qualité et de son plan de gestion des risques. Elle soutient également que TPSGC aurait dû demander des précisions au sujet de sa soumission et que le soumissionnaire retenu ne répondait pas aux exigences de la DOC.

[14]  De l’avis du Tribunal, les éléments de preuve et les arguments présentés par Terrapure ne démontrent pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément à l’ALEC [7] .

1)  L’évaluation du système de gestion de la qualité de Terrapure était raisonnable

[15]  Dans sa lettre de refus, TPSGC indiquait que la soumission de Terrapure ne satisfaisait pas aux exigences du système de gestion de la qualité de la DOC : « La preuve d’enregistrement à un système de gestion de la qualité a été fournie, mais il a été constaté qu’elle manquait de détails quant à la manière dont elle répondait à chaque point de la section 1.5 de l’Énoncé des obligations de l’entrepreneur qui figure dans l’Énoncé des travaux à l’annexe A de l’appel d’offres [8]  » [traduction].

[16]  Selon Terrapure, la décision de TPSGC était fondée sur une section de la DOC qui « n’est pas dans la partie technique requise dans la soumission, mais fait uniquement référence aux clauses du contrat subséquent [9]  » [traduction]. Terrapure fait valoir que « l’Énoncé des obligations de l’entrepreneur cité [par TPSGC] se trouve à la section 7B de la DOC [...] [qui] fait référence explicitement aux CLAUSES DU CONTRAT SUBSÉQUENT [10]  » [traduction]. Toutefois, l’examen de la DOC par le Tribunal indique que ces exigences se trouvent en fait dans l’Énoncé des travaux à l’annexe A, qui contient des instructions détaillées sur ce qui doit être contenu dans une soumission et ce qui fait partie des exigences de l’appel d’offres [11] .

[17]  La section 23 de l’annexe A de la DOC prévoit ce qui suit :

EXIGENCES OBLIGATOIRES :

[...]

23b) Preuve d’enregistrement à un système de gestion de la qualité ou un système de gestion de la qualité acceptable approuvé par la section de gestion de la qualité de l’IMF Cape Scott.

Section de la gestion de la qualité (certificat ISO ou copie du système de gestion de la qualité requise avec la soumission) [12]

[Nos italiques]

[18]  De plus, la section 1.5 de l’Énoncé des obligations de l’entrepreneur de la DOC contient une liste des processus qui doivent être inclus dans la description du système de gestion de la qualité du soumissionnaire [13] .

[19]  Terrapure soutient qu’elle « était et est toujours en mesure de mettre en œuvre le système de gestion de la qualité requis à la suite d’un appel d’offres [14]  » [traduction]. Cependant, la soumission de Terrapure indique seulement qu’elle a mis en place des programmes « fondés sur les exigences applicables de la norme internationale ISO 9001:2004 pour les systèmes de gestion de la qualité [15]  » [traduction]. La soumission ne contient pas de certificat ISO ni de détails sur le système de gestion de la qualité.

[20]  De l’avis du Tribunal, Terrapure n’a pas réussi à démontrer dans sa soumission que son système de gestion de la qualité satisferait aux critères de la DOC, qui exige soit un certificat, soit une copie du système même.

[21]  Enfin, Terrapure fait valoir que son plan de gestion des risques fait référence à une « méthode détaillée pour des procédures de contrôle, de mesure, d’enquête et de mesures correctives » [traduction], ce qui laisse croire que ces procédures répondraient à l’exigence de la DOC concernant un système de gestion de la qualité [16] . Cependant, Terrapure n’a joint à sa soumission que la table des matières du plan de gestion des risques, et non l’ensemble du document [17] . Là encore, Terrapure n’a pas réussi à démontrer que sa soumission était suffisamment détaillée pour satisfaire aux exigences de la DOC.

(2)  L’évaluation du plan de gestion des risques de Terrapure était raisonnable

[22]  Terrapure affirme que, bien que sa soumission ne comprenne que la table des matières de son plan de gestion des risques et non l’ensemble du document, TPSGC aurait dû juger sa soumission conforme, car « le Canada a accepté cette démarche par le passé [18]  » [traduction].

[23]  La façon de faire des institutions fédérales dans le cadre des appels d’offres passés ne constitue pas un précédent pour les appels d’offres à venir. Chacun d’entre eux est régi par ses propres conditions. Par conséquent, pour déterminer si l’évaluation de la soumission de Terrapure était raisonnable, le Tribunal doit examiner les conditions de l’appel d’offres en question. La DOC est claire : « L’offrant doit fournir une copie du plan de gestion des risques avec sa soumission [19]  ». Il s’agit d’une exigence simple, et Terrapure ne s’y est tout simplement pas conformée.

(3)  TPSGC n’était pas dans l’obligation de demander des précisions au sujet de la soumission

[24]  Terrapure a présenté un courriel dans lequel TPSGC avait précédemment demandé des précisions au sujet d’une soumission pour un appel d’offres antérieur [20] . Terrapure soutient que cette demande de précisions a créé un précédent et que TPSGC aurait dû faire une demande similaire dans le cadre de l’appel d’offres en question.

[25]  Une fois de plus, le Tribunal doit évaluer chaque appel d’offres selon les conditions prévues. La DOC comporte des instructions normalisées qui stipulent que même si TPSGC peut demander des précisions aux soumissionnaires, il n’est pas tenu de le faire [21] . Ainsi, bien que TPSGC ait pu demander des précisions par le passé, il n’avait aucune obligation de le faire dans le cadre de l’appel d’offres en question.

(4)  Terrapure n’a pas établi, dans une mesure raisonnable, que le soumissionnaire retenu ne satisfait pas aux exigences

[26]  Terrapure soutient que le soumissionnaire retenu n’a pas satisfait aux exigences obligatoires de la DOC en matière d’expérience [22] , car celui-ci « n’a pas été embauché à titre d’entreprise de services d’enlèvement de déchets dangereux mis en conteneurs alors qu’il s’agit d’une part importante du travail [23]  » [traduction].

[27]  Le Tribunal a conclu par le passé « qu’il incombe aux parties plaignantes de démontrer le bien-fondé de leurs allégations [24]  ». Notamment, lorsqu’il est allégué que le soumissionnaire retenu n’a pas satisfait aux exigences essentielles, « le Tribunal n’enquêtera sur la plainte que si des éléments de preuve indiquent que l’entité acheteuse a pu commettre une erreur dans son évaluation des renseignements contenus dans les propositions [25]  ».

[28]  Bien que le critère préliminaire de preuve pour déposer une plainte soit peu rigoureux, le plaignant doit fournir un minimum d’éléments de preuve pour étayer l’allégation selon laquelle le soumissionnaire retenu n’a pas satisfait aux exigences. Le Tribunal a déjà expliqué ce critère comme suit :

Dans une plainte concernant les marchés publics, la partie qui allègue qu’un marché public n’a pas été passé en conformité avec les accords commerciaux applicables doit présenter certains éléments probants à l’appui de son allégation. Cela ne signifie pas qu’une partie plaignante dans un litige concernant un marché public aux termes d’un des accords doive démontrer tous les faits nécessaires comme une partie plaignante doit généralement le faire dans une action au civil. [...] Cependant, la partie plaignante doit présenter suffisamment de faits ou arguments qui indiquent, d’une façon raisonnable, qu’il y a eu violation d’un des accords commerciaux [26] .

[29]  Au-delà d’une simple affirmation que le soumissionnaire retenu ne s’est pas conformé aux exigences, Terrapure n’a fourni aucun élément de preuve ni aucune information supplémentaire qui pourrait étayer cette affirmation. Par conséquent, le Tribunal estime qu’il n’y a tout simplement pas d’élément de preuve qui indique, dans une mesure raisonnable, une violation d’un accord commercial à cet égard.

DÉCISION

[30]  Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal décide de ne pas enquêter sur la plainte.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant

 



[1]   L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2]   DORS/93-602 [Règlement].

[3]   Terrapure Environmental (20 mai 2020), PR-2020-006 (TCCE).

[4]   Alinéa 7(1)c) du Règlement.

[5]   En ligne : Secrétariat du commerce extérieur < https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2020/04/CFTA-Consolidated-Text-Final-French_April-24-2020.pdf> (entré en vigueur le 1er juillet 2017) [ALEC].

[6]   Voir les articles 507(3) et 515(4) de l’ALEC.

[7]   Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que le Tribunal examine les autres conditions d’enquête prévues aux articles 6 et 7 du Règlement.

[8]   Pièce PR-2020-008-01A, vol. 1 à la p. 55.

[9]   Pièce PR-2020-008-01, vol. 1 à la p. 11.

[10]   Ibid.

[11]   Pièce PR-2020-008-01A, vol. 1 aux p. 175-182.

[12]   Ibid. à la p. 178.

[13]   Ibid. aux p. 179-180. L’exigence est la suivante :

« Point 1.5 :

L’entrepreneur doit avoir un système de gestion de la qualité qui comprend, au minimum, des processus pour :

  • déceler les travaux ou les matériaux produits qui ne sont pas conformes à ses normes ou aux nôtres;

  • assurer la consignation et la correction de toute non-conformité;

  • prévoir une méthode pour analyser les données sur les non-conformités et pour entreprendre des mesures correctives et préventives;

  • faire en sorte que toutes les mesures correctives soient enregistrées et appliquées efficacement afin d’améliorer ses pratiques;

  • contrôler toute la documentation portant sur ses pratiques;

  • examiner et vérifier continuellement ses pratiques pour assurer leur conformité aux normes reconnues;

  • gérer et surveiller le rendement de ses sous-traitants;

  • faire en sorte que ses dirigeants examinent les résultats de toutes les évaluations et de toutes les vérifications visant à favoriser l’amélioration continue, y compris toutes les évaluations réalisées par l’IMF Cape Scott;

  • gérer les connaissances et les compétences de son personnel par la certification et la formation dans le cadre de la gestion des processus. »

[14]   Pièce PR-2020-008-01, vol. 1 à la p. 11.

[15]   Pièce PR-2020-006-01A, vol. 2 à la p. 1.

[16]   Pièce PR-2020-008-01B, vol. 2 à la p. 33.

[17]   Pièce PR-2020-008-01, vol. 1 à la p. 11.

[18]   Ibid.

[19]   Pièce PR-2020-008-01A, vol. 1 à la p. 209.

[20]   Pièce PR-2020-008-01, vol. 1 à la p. 13.

[21]   La DOC mentionne que « [l]e document 2006 (2019-03-04) Instructions uniformisées - demande d’offres à commandes - biens ou services - besoins concurrentiels, sont incorporées par renvoi à la DOC et en font partie intégrante » (voir pièce PR-2020-008-01A, vol. 1 à la p. 15). Ces instructions normalisées prévoient que « le Canada [...] peut, sans toutefois y être obligé, [...] demander des précisions ou vérifier l’exactitude de certains renseignements ou de tous les renseignements fournis par les offrants relatifs à la DOC » (en ligne : https://achatsetventes.gc.ca/politiques-et-lignes-directrices/guide-des-clauses-et-conditions-uniformisees-d-achat/1/2006/23).

[22]   Le paragraphe 4.1.1.1a) de la DOC exige que « [l]es soumissionnaires doivent fournir des exemples détaillés de l’expérience acquise par les entreprises dans la prestation de services d’enlèvement et d’élimination des déchets dangereux produits par la réparation des navires au cours des quatre (4) dernières années, de taille, de portée et de complexité semblables dans leur soumission. (Nombre requis de 2) » (voir pièce PR-2020-008-01A, vol. 1 à la p. 19).

[23]   Pièce PR-2020-008-01, vol. 1 à la p. 11.

[24]   Sepha Catering Ltd. (13 novembre 2014), PR-2014-038 (TCCE) au par. 28.

[25]   Ibid. Le Tribunal a aussi tenu compte d’une situation similaire dans Terragon Environmental Technologies Inc. (18 avril 2019), PR-2019-004 (TCCE) au par. 19.

[26]   Paul Pollack Personnel Ltd. s/n The Pollack Group Canada (24 septembre 2013), PR-2013-016 (TCCE) au par. 27, citant K-Lor Contractors Services Ltd. (23 novembre 2000), PR-2000-023 (TCCE) à la p. 6.

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