Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier no PR-2020-019

K’(Prime) Technologies Inc.

c.

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Décision rendue
le lundi 26 octobre 2020

Motifs rendus
le lundi 9 novembre 2020

 



EU ÉGARD À une plainte déposée par K’(Prime) Technologies Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

K’(PRIME) TECHNOLOGIES INC.

Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (Loi sur le TCCE), le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est en partie fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux une indemnité raisonnable pour les frais engagés pour répondre à la plainte, indemnité qui doit être versée par K’(Prime) Technologies Inc. Conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (Ligne directrice), le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 575 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité et du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Randolph W. Heggart

Randolph W. Heggart
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.


 

Membre du Tribunal :

Randolph W. Heggart, membre présidant

Personnel de soutien :

Heidi Lee, conseillère juridique

Partie plaignante :

K’(Prime) Technologies Inc.

Institution fédérale :

ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques de l’institution fédérale :

Roy Chamoun
Benjamin Hiemstra
Manou Ranaivoson

Partie intervenante :

Nuctech Company Ltd.

Conseillers juridiques de la partie intervenante :

Martha L. Harrison
Oksana Migitko

Veuillez adresser toutes les communications au :

Greffier
Secrétariat du Tribunal canadien du commerce extérieur
15e étage
333, avenue Laurier Ouest
Ottawa (Ontario)  K1A 0G7

Téléphone : 613-993-3595
Télécopieur : 613-990-2439
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[1]  K’(Prime) Technologies Inc. (KPrime) a déposé la présente plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] . Elle concerne une demande d’offres à commandes (invitation no E60PV-20WTMD/A) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) pour l’acquisition d’équipement de contrôle de sûreté (la DOC).

[2]  La DOC a établi deux offres à commandes principales et nationales : le groupe 1 pour des machines à rayons X avec convoyeur et le groupe 2 pour des portiques de détection de métaux. L’offre à commandes a été attribuée à Nuctech Company Ltd. (Nuctech) pour le groupe 1 et à Rapiscan Systems Inc. pour le groupe 2.

[3]  Dans la présente plainte, KPrime soutient que sa soumission a été déclarée, à tort, non conforme et que Nuctech était inadmissible à l’adjudication du contrat. 

[4]  Le Tribunal a accepté d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi et du paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] .

[5]  Au terme de son enquête sur la plainte, le Tribunal conclut que la plainte est en partie fondée.

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[6]  La DOC a été publiée le 1er décembre 2019 et a été modifiée à 14 reprises. La date de clôture était le 3 avril 2020 [3] .

[7]  Pendant son évaluation, TPSGC a demandé des précisions à KPrime concernant ses réponses à plusieurs critères obligatoires, notamment les critères 3.8.1.3 et 3.8.1.4, ce que KPrime a fourni le 13 mai 2020 [4] .

[8]  Le 15 juillet 2020, TPSGC a informé KPrime que sa soumission avait été jugée non conforme et a attribué les offres à commandes aux soumissionnaires retenus. 

[9]  KPrime a déposé la présente plainte le 28 juillet 2020, et le Tribunal a accepté d’enquêter sur celle-ci le 31 juillet 2020.

[10]  TPSGC a déposé le rapport de l’institution fédérale (RIF) le 4 septembre 2020.

[11]  Le Tribunal a accueilli la requête en intervention de Nuctech le 11 septembre 2020 [5] , et celle‑ci a déposé ses observations concernant la plainte et le RIF le 24 septembre 2020.

[12]  KPrime a déposé ses commentaires sur le RIF et sur les observations de Nuctech le 5 octobre 2020.

[13]  Comme les renseignements au dossier étaient suffisants pour qu’il puisse se prononcer sur le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé que la tenue d’une audience n’était pas requise et a tranché la plainte sur la foi des pièces versées au dossier.

DISPOSITIONS APPLICABLES DE LA DOC

[14]  Les dispositions applicables de la DOC sont les suivantes :

PARTIE 4 – PROCÉDURES D’ÉVALUATION ET MÉTHODE DE SÉLECTION

4.1.1 Évaluation technique

4.1.1.1 Critères techniques obligatoires

Une offre doit respecter les exigences de la demande d’offres à commandes et satisfaire à tous les critères obligatoires les critères d’évaluations techniques énumérées dans la pièce jointe 1 de la partie 4 des présentes pour être déclarée recevable. L’offre recevable avec le prix évalué le plus bas pour chaque groupe dans les groupes 1 et 2 sera recommandée pour l’émission d’une offre à commandes.

ANNEXE « A »

ÉNONCÉ DES TRAVAUX

GROUPE 1 – MACHINE À RAYONS X À CONVOYEUR [6]

3.0 EXIGENCES RELATIVES À LA MACHINE À RAYONS X

3.8 Détection automatique des menaces

La machine à rayons X doit présenter la fonctionnalité suivante de détection automatique des menaces :

3.8.1  La machine à rayons X doit automatiquement aviser :

3.8.1.3 De la présence possible d’une arme à partir d’une forme type (incluant, entre autres, des fusils et des couteaux) en dessinant une case autour de la zone suspecte à la façon d’une aide visuelle;

3.8.1.4 De la présence possible de liquides, de gels et de produits en aérosol en dessinant une case autour de la zone suspecte à la façon d’une aide visuelle.

PIÈCE JOINTE 1 DE LA PARTIE 4

DOCUMENT D’OFFRES TECHNIQUE

Groupe 1

5.0 Tâches réalisées par le soumissionnaire

Le soumissionnaire doit fournir une :

c) Description de la marche à suivre du soumissionnaire pour expédier des pièces de rechange à l’échelle mondiale [7] .

Groupe 2

2.0 Exigences en matière de portique de détection des métaux (PDM)

2.4  Le portique de détection des métaux doit être muni d’un bloc d’alimentation relié à une tension de 110 V et 220 V afin de répondre aux exigences générales suivantes en matière de courant :

2.4.3 Transitoires équivalant jusqu’à cinq fois la valeur nominale de la tension, pendant des périodes pouvant atteindre 100 ms.

ANALYSE

[15]  Le paragraphe 30.14(1) de la Loi exige que, dans son enquête, le Tribunal limite son étude à l’objet de la plainte. À la fin de l’enquête, le Tribunal détermine le bien-fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour un contrat spécifique.

[16]  L’article 11 du Règlement précise que le Tribunal doit décider si la procédure du marché public a été suivie conformément aux exigences des accords commerciaux applicables, notamment en l’espèce l’Accord de libre-échange canadien [8] et l’Accord de libre-échange nord-américain [9] .

[17]  KPrime fonde sa plainte sur deux motifs. Premièrement, KPrime soutient que sa soumission aurait dû être déclarée conforme à plusieurs critères obligatoires. Deuxièmement, elle fait valoir que Nuctech était inadmissible à l’adjudication d’un contrat, au motif qu’elle ne respectait pas les dispositions relatives à l’intégrité.

Premier motif : évaluation par TPSGC de la soumission de KPrime

Exigences pour le groupe 1 en matière de détection automatique des menaces

[18]  En ce qui a trait aux exigences pour le groupe 1, TPSGC a conclu que la soumission de KPrime ne satisfaisait pas aux critères obligatoires 3.8.1.3 et 3.8.1.4, qui se rapportent aux fonctions de détection automatique des menaces. TPSGC a déterminé que la soumission de KPrime ne contenait pas suffisamment d’information pour démontrer que ces critères étaient respectés, lesquels exigeaient ce qui suit :

3.8.1  La machine à rayons X doit automatiquement aviser :

3.8.1.3 De la présence possible d’une arme à partir d’une forme type (incluant, entre autres, des fusils et des couteaux) en dessinant une case autour de la zone suspecte à la façon d’une aide visuelle;

3.8.1.4 De la présence possible de liquides, de gels et de produits en aérosol en dessinant une case autour de la zone suspecte à la façon d’une aide visuelle.

[19]  KPrime soutient que l’information fournie dans sa soumission était suffisante pour démontrer qu’elle était conforme aux exigences.

[20]  Les accords commerciaux disposent que, pour être prise en considération pour l’adjudication d’un contrat, une soumission doit être conforme aux exigences obligatoires énoncées dans la documentation relative à l’appel d’offres, et l’institution fédérale doit procéder à l’adjudication conformément aux critères et aux exigences obligatoires énoncés dans la documentation relative à l’appel d’offres [10] .

[21]  Lorsqu’il examine si les soumissions ont été évaluées et si les contrats ont été attribués en conformité avec ces dispositions, le Tribunal applique la norme de la décision raisonnable, en accordant crédit à l’expertise des évaluateurs et en ne formulant des recommandations que lorsqu’une décision est déraisonnable. Le Tribunal ne substitue donc pas son jugement à celui des évaluateurs, sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à bien évaluer une proposition, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une proposition, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou bien n’ont pas procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure. La détermination de l’institution fédérale sera jugée raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal [11] .

[22]  En appliquant ces principes aux faits de l’espèce, le Tribunal doit décider si TPSGC a agi de façon raisonnable lorsqu’il a déterminé que la soumission de KPrime ne démontrait pas que les critères obligatoires 3.8.1.3 et 3.8.1.4 étaient respectés.

[23]  Aussi, le Tribunal a toujours soutenu qu’il incombe au soumissionnaire de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de sa soumission afin de s’assurer qu’elle n’est pas ambiguë, qu’elle est bien comprise par TPSGC et qu’elle est conforme aux exigences de l’appel d’offres [12] . Selon le Tribunal, compte tenu de l’information fournie dans la soumission de KPrime, l’évaluation de TPSGC est fondée sur une explication défendable.

[24]  En réponse à ces critères [13] , dans sa soumission, KPrime s’est appuyée sur la documentation portant sur la machine à rayons X proposée, dont les parties pertinentes sont les suivantes :

Détection automatique : La clé AUTO permet d’activer ou de désactiver la détection automatique de drogues ou d’explosifs ou l’alarme indiquant une pénétration insuffisante. Elle devrait être activée dans la configuration système. Pesez sur le bouton AUTO, et le voyant s’allume lorsque le système de détection automatique fonctionne. Si un objet suspect est trouvé, une case clignote de différentes couleurs autour de l’objet pour attirer l’attention [14] .

Indication de matières interdites : Lorsque la détection automatique est activée, cette icône indique la présence de matières interdites et dessine une case en rouge (explosifs) ou en bleu (haute pénétration) autour de l’image [15] .

Indication d’un objet suspect : Si la fonction de détection automatique est activée, le témoin devient rouge lorsqu’un objet suspect est détecté [16] .

[Traduction]

[25]  La documentation sur le produit comprend également une brochure, laquelle mentionne les caractéristiques suivantes de la machine à rayons X proposée : « Détection automatique des drogues et des explosifs et alarme » [traduction] et « Algorithme de détection automatique pour les drogues, les explosifs et les matériaux à haute densité [17]  » [traduction].

[26]  En réponse à la demande de précisions de TPSGC, KPrime a expliqué que sa machine à rayons X sépare les menaces selon leur numéro atomique :

Les matières organiques au numéro atomique inférieur à 10 sont représentées dans des tons d’orange. Les matières typiques sont notamment le plastique, le papier, l’eau, le bois, la nourriture, les vêtements et les explosifs. Les matières mixtes au numéro atomique se situant entre 10 et 18 sont représentées dans des tons de vert. Les matières typiques sont notamment l’aluminium, le sodium et le sel chloré. Les matières inorganiques au numéro atomique supérieur à 18 sont représentées dans des tons de bleu. Les matières typiques sont notamment le fer, le nickel, le cuivre et l’argent. Les matières ayant une zone à faible pénétration sont représentées en noir. [...] À l’aide de la détection automatique, si un objet suspect est trouvé, une case clignote de différentes couleurs autour de l’objet pour attirer l’attention de l’opérateur [18] .

[Traduction]

[27]  TPSGC soutient qu’en l’absence d’autres renseignements dans la soumission modifiée concernant expressément les armes, les liquides, les gels ou les produits en aérosol, les évaluateurs ont conclu à juste titre que les mentions d’« objets suspects » ou de « matières interdites » dans la soumission de KPrime ne suffisaient pas à démontrer qu’elle satisfaisait aux exigences établies dans les critères obligatoires 3.8.1.3 et 3.8.1.4.

[28]  Le Tribunal souligne que, selon KPrime, sa soumission comprenait deux vidéos démontrant la fonction de détection automatique des menaces sur un fusil et un produit en aérosol à titre d’exemples, mais TPSGC affirme n’avoir reçu aucune vidéo avec la soumission de KPrime. Le Tribunal n’est pas en mesure de s’appuyer sur la prétention de KPrime à cet égard, puisque le dossier de la présente enquête ne contient aucune vidéo ni aucune mention desdites vidéos.

[29]  Selon le Tribunal, somme toute, TPSGC a fourni une explication défendable de son évaluation. La soumission de KPrime indiquait que les fonctions de détection automatique des menaces de la machine à rayons X détecteraient les « objets suspects » et les « matières interdites », y compris les explosifs, en dessinant une case autour de l’objet. Cependant, la soumission ne comporte aucune information qui permettait de façon raisonnable à l’évaluateur de comprendre que les armes, les liquides, les gels et les produits en aérosol plus particulièrement sont des « objets suspects » ou des « matières interdites » détectées par cette fonction, comme l’exigent les critères obligatoires 3.8.1.3 et 3.8.1.4. Le Tribunal estime donc qu’il était raisonnable pour TPSGC de conclure que la soumission de KPrime n’avait pas suffisamment démontré que sa machine à rayons X proposée satisfaisait aux exigences établies dans les critères obligatoires 3.8.1.3 et 3.8.1.4. En fait, une conclusion contraire aurait introduit un élément de conjecture dans le cadre du processus d’évaluation de TPSGC, ce qui aurait été à l’encontre des obligations de TPSGC découlant des accords commerciaux.

[30]  Dans ses observations, KPrime explique que l’algorithme analytique de la machine à rayons X peut être réglé de manière à détecter automatiquement des objets précis, y compris des armes à feu, des couteaux, des gels, des produits en aérosol et des liquides, et fournit des images de radiographies détectant des armes. Le Tribunal souligne que cette information ne figurait pas dans la soumission de KPrime et qu’elle ne peut maintenant servir à combler le manque de renseignements dans ses réponses [19] .

[31]  Dans ses commentaires sur le RIF, KPrime fait également valoir que la détection automatique n’est pas efficace dans un appareil de radioscopie à vue unique, soit le type d’appareil visé par la DOC, et qu’elle ne peut pas remplacer une fouille manuelle faite par un opérateur. Par souci d’exhaustivité, le Tribunal souligne qu’il est bien établi qu’une institution fédérale est en droit de définir ses propres besoins en matière d’approvisionnement, dans la mesure où elle le fait de façon raisonnable et conformément aux accords commerciaux applicables [20] . En l’espèce, rien ne prouve que l’exigence d’une détection automatique des menaces constitue un manquement aux obligations de TPSGC découlant des accords commerciaux, ce que KPrime ne nie pas.

[32]  Pour les raisons qui précèdent, le Tribunal conclut que ce motif de plainte n’est pas fondé.

Exigence pour le groupe 1 en matière de processus de la chaîne d’approvisionnement

[33]  TPSGC a également conclu que la soumission de KPrime ne satisfaisait pas au critère obligatoire 5.0 – c), qui prévoit que les soumissionnaires devaient fournir une « [d]escription de la marche à suivre du soumissionnaire pour expédier des pièces de rechange à l’échelle mondiale ».

[34]  La réponse de KPrime à cette exigence était énoncée dans sa lettre de présentation [21] . TPSGC a conclu que la réponse de KPrime mentionnait les services, les services de soutien, les techniciens et les distributeurs dans divers pays, mais qu’elle ne décrivait pas le processus de KPrime pour expédier des pièces de rechange à l’échelle mondiale. 

[35]  KPrime fait valoir que sa réponse démontrait sa capacité à répondre rapidement aux demandes de pièces et à entreposer des pièces à l’échelle locale dans plusieurs endroits dans le monde. KPrime soutient également qu’il n’était pas nécessaire de décrire comment les pièces seraient expédiées et par quels services de messagerie.

[36]  Compte tenu de la réponse de KPrime, le Tribunal conclut que TPSGC s’est montré raisonnable dans son évaluation. L’information requise par le critère obligatoire n’a tout simplement pas été fournie. Le Tribunal souligne également que, malgré la prétention de KPrime voulant que l’exigence soit sans importance, comme nous l’avons déjà mentionné, les soumissionnaires devaient tout de même démontrer clairement et sans équivoque que leur soumission respectait tous les critères obligatoires. Le Tribunal conclut donc que ce motif de plainte n’est pas fondé. 

Exigence pour le groupe 2

[37]  Outre sa proposition en réponse au groupe 1, KPrime a également proposé un portique de détection de métaux en réponse au groupe 2. TPSGC a conclu que la soumission de KPrime ne satisfaisait pas au critère obligatoire 2.4.3.

[38]  Dans le RIF, TPSGC reconnaît que, après examen, la soumission de KPrime satisfaisait bel et bien à cette exigence et qu’elle était donc conforme aux modalités de l’appel d’offres pour le groupe 2. Cependant, TPSGC fait valoir que le contrat n’aurait tout de même pas été adjugé à KPrime, puisque deux autres soumissionnaires avaient fait des offres moins-disantes. Pour ce motif, TPSGC affirme que l’adjudication du contrat pour le groupe 2 de la DOC n’a pas à être examinée. Dans ses commentaires sur le RIF, KPrime a accepté ce constat. 

[39]  Compte tenu des observations des parties, le Tribunal conclut que ce motif de plainte est fondé.

Deuxième motif : adjudication du contrat à Nuctech

[40]  Dans sa plainte, KPrime soutient que Nuctech était inadmissible à l’adjudication d’un contrat aux termes de la DOC, au motif que Nuctech ne respectait pas les dispositions relatives à l’intégrité. Dans ses commentaires sur le RIF, KPrime précise qu’elle n’accuse pas Nuctech de mauvaise conduite, mais que TPSGC a l’obligation d’examiner en profondeur les entreprises qui participent à un appel d’offres. 

[41]  TPSGC et Nuctech font valoir qu’aucune preuve ne porte à croire que Nuctech ne respectait pas les exigences en matière d’intégrité.

[42]  Les dispositions relatives à l’intégrité invoquées dans ce motif de plainte figurent à la clause 5.1.1 de la DOC : 

5.1.1 Dispositions relatives à l’intégrité – déclaration de condamnation à une infraction

Conformément aux dispositions relatives à l’intégrité des instructions uniformisées, tous les offrants doivent présenter avec leur offre, s’il y a lieu, le formulaire de déclaration d’intégrité disponible sur le site Web Intégrité – Formulaire de déclaration [...] afin que son offre ne soit pas rejetée du processus d’approvisionnement.

[43]  Les parties pertinentes des instructions uniformisées, qui sont intégrées par renvoi dans la DOC, prévoient ce qui suit :

01 (2016-04-04) Dispositions relatives à l’intégrité – offre

1.  La Politique d’inadmissibilité et de suspension (la « Politique ») en vigueur à la date d’émission de la demande d’offres à commandes (DOC) ainsi que toutes les directives connexes en vigueur à cette date sont incorporées par renvoi à la DOC et en font partie intégrante. L’offrant doit respecter la Politique et les directives, lesquelles se trouvent à l’adresse suivante : Politique d’inadmissibilité et de suspension.

2.  En vertu de la Politique, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) suspendra ou pourrait suspendre un fournisseur ou déterminer son inadmissibilité à se voir émettre une offre à commandes et conclure un contrat avec le Canada si lui, ses affiliés ou ses premiers sous-traitants sont accusés et reconnus coupables de certaines infractions, et autres circonstances. La liste des fournisseurs inadmissibles et suspendus figure dans la base de données sur l’intégrité de TPSGC. La Politique décrit la façon de présenter une demande de renseignements concernant l’inadmissibilité ou la suspension de fournisseurs.

4.  Conformément au paragraphe 5, en présentant une offre en réponse à la présente demande d’offres à commandes, l’offrant atteste :

e.  qu’aucune des infractions criminelles commises au Canada ni aucune autre circonstance décrite dans la Politique et susceptible d’entraîner une détermination d’inadmissibilité ou de suspension ne s’appliquent à lui, à ses affiliés ou aux premiers sous-traitants qu’il propose.

5.  Lorsqu’un offrant est incapable de fournir les attestations exigées au paragraphe 4, il doit soumettre avec son offre un formulaire de déclaration de l’intégrité dûment rempli.

[44]  La Politique énonce les circonstances qui rendent automatiquement ou qui pourraient rendre un fournisseur inadmissible à l’adjudication de contrats fédéraux. Ces circonstances sont notamment les accusations [22] ou les condamnations contre le fournisseur ou les condamnations contre une affiliée du fournisseur, pour une infraction prévue aux articles 3 ou 5 de la Loi sur la corruption d’agents publics étrangers (corruption d’agents publics étrangers ) [23] ou aux articles 45, 46, 47, 49 ou 52 de la Loi sur la concurrence (arrangement entre concurrents, directives étrangères, truquage des offres, arrangement avec des institutions fédérales, indications fausses ou trompeuses) [24] , ou pour toute autre infraction semblable commise à l’étranger [25] . De plus, en vertu de la Politique, les fournisseurs sont automatiquement déclarés inadmissibles s’ils présentent à TPSGC une certification fausse ou trompeuse [26] .

[45]  Nuctech a déposé sa soumission, sans toutefois déposer de formulaire de déclaration d’intégrité. Aux termes des dispositions ci-dessus, ce faisant, Nuctech a certifié à TPSGC que ni elle ni ses affiliées n’avaient été accusées ou reconnues coupables d’une infraction ou de toute autre circonstance décrite dans la Politique qui aurait entraîné ou qui pourrait entraîner une conclusion d’inadmissibilité ou une suspension.

[46]  Avant d’adjuger le contrat, TPSGC a également fourni les renseignements de Nuctech, y compris son numéro d’entreprise-approvisionnement et les noms des administrateurs figurant dans sa soumission, au Service interne de vérification de l’intégrité de TPSGC, qui a mené une recherche qui a confirmé que Nuctech ne faisait pas partie de la liste des fournisseurs inadmissibles ou suspendus. 

[47]  Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal estime que TPSGC a agi de manière raisonnable en concluant, au moment de son évaluation, que Nuctech était admissible à l’adjudication du contrat. À cet égard, le Tribunal fait remarquer qu’une institution fédérale est en droit de s’appuyer sur les affirmations faites par les soumissionnaires, pourvu que la soumission satisfasse aux exigences de l’appel d’offres.

[48]  Le Tribunal se penchera maintenant sur la preuve déposée par KPrime dans le cadre de la présente enquête. KPrime s’appuie principalement sur un article publié dans le Taipei Times, daté du 28 février 2020, concernant la condamnation pour corruption d’un ancien fonctionnaire à Taïwan. Selon l’article, une cour de district de Taïwan a conclu que Nuctech avait versé au fonctionnaire 3,06 millions de nouveaux dollars taïwanais pour approuver l’acquisition d’appareils à rayons X d’une valeur d’environ 2,31 millions de dollars américains [27] .

[49]  Tout d’abord, le Tribunal souligne que l’article de presse n’indique pas que Nuctech ou une affiliée a été accusée ou reconnue coupable d’une des infractions prévues dans la Politique. L’article, bien que certaines de ses parties soient salaces, ne donne donc aucune indication que Nuctech serait inadmissible à l’adjudication d’un contrat conformément aux dispositions relatives à l’intégrité applicables [28] .

[50]  En somme, le Tribunal ne dispose d’aucun élément de preuve pour établir que Nuctech ne satisfaisait pas ou ne satisfait pas aux exigences prévues dans les dispositions relatives à l’intégrité. Par conséquent, le Tribunal n’a aucune raison de tirer une telle conclusion. 

[51]  Par conséquent, le Tribunal ne se penchera pas sur l’adjudication de l’offre à commandes à Nuctech.

CONCLUSION

[52]  Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que la plainte est en partie fondée.

[53]  Compte tenu de la concession de TPSGC, le Tribunal conclut que le motif de plainte concernant l’évaluation faite par TPSGC de la soumission de KPrime relativement au critère obligatoire 2.4.3 est fondé. Le Tribunal conclut que les autres motifs de plainte ne le sont pas.

[54]  Bien que la plainte de KPrime soit en partie fondée, le Tribunal conclut qu’une mesure corrective ne serait pas appropriée compte tenu des faits. Comme mentionné ci-dessus, même si la soumission de KPrime satisfaisait aux critères obligatoires pour le groupe 2, TPSGC affirme que KPrime n’aurait tout de même pas été retenue aux termes de la présente DOC, puisque deux soumissionnaires admissibles avaient déposé des offres moins-disantes, ce que KPrime reconnaît. Par conséquent, le Tribunal n’accordera pas de mesure corrective en l’espèce.

FRAIS

[55]  Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, les frais relatifs à une enquête – même provisionnels – sont laissés à l’appréciation du Tribunal. Tout compte fait, le Tribunal conclut que TPSGC a droit au remboursement de ses frais raisonnables.

[56]  Pour déterminer le montant de l’indemnité en l’espèce, le Tribunal s’est fondé sur sa Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (la Ligne directrice), qui prévoit trois critères pour évaluer le degré de complexité d’une cause : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.

[57]  En l’espèce, l’appel d’offres n’était pas particulièrement complexe, les questions soulevées dans la plainte étaient circonscrites et simples, et la procédure liée à la plainte n’a pas été trop compliquée. Par conséquent, le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la présente plainte correspond au degré 1 (1 150 $). Compte tenu de la conclusion du Tribunal, le Tribunal détermine provisoirement que le montant de l’indemnité est la moitié du montant de l’indemnité correspondant au degré 1, c’est-à-dire 575 $.

DÉCISION

[58]  Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi, le Tribunal détermine que la plainte est en partie fondée.

[59]  Aux termes de l’article 30.16 de la Loi, le Tribunal accorde à TPSGC une indemnité raisonnable pour les frais encourus pour avoir répondu à la plainte et participer à la procédure, indemnité qui doit être versée par KPrime. La détermination provisoire du Tribunal quant au degré de complexité de la présente plainte est que celle-ci correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 575 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord avec la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut présenter des observations au Tribunal, comme le prévoit l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Randolph W. Heggart

Randolph W. Heggart
Membre présidant

 



[1]   L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi].

[2]   D.O.R.S./93-602 [Règlement].

[3]   Les parties ne contestent pas que les modifications ne sont pas pertinentes en ce qui concerne les motifs de plainte de KPrime.

[4]   Pièce PR-2020-019-01B aux p. 2-6.

[5]   Nuctech a déposé sa requête en intervention le 3 septembre 2020. Ni KPrime ni TPSGC ne se sont opposés à cette requête.

[6]   L’expression « machine à rayons X à convoyeur pour colis » figurait dans la DOC originale. Le terme « colis » a été supprimé par la modification 005 (voir R50 et section B).

[7]   Le courriel de rejet de TPSGC du 15 juillet 2020 fait référence à cette exigence comme étant le paragraphe « 5.1.1.3 » dans la version anglaise. Voir pièce PR-2020-019-01 aux p. 325-326.

[8]   En ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2020/04/CFTA-Consolidated-Text-Final-French_April-24-2020.pdf> (entré en vigueur le 1er juillet 2017) [ALEC].

[9]   17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2, en ligne : Affaires mondiales Canada <https://www.international.gc.ca/‌trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/nafta-alena/fta-ale/index.aspx?lang=fra> (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALENA].

[10]   Voir par exemple les alinéas 1015(4)a) et d) de l’ALENA et les paragraphes 515(4) et (5) de l’ALEC.

[11]   Toromont Material Handling, une division de Toromont Industries Ltd. (11 mars 2020), PR-2019-063 (TCCE) au par. 19; Heiltsuk Horizon Maritime Service Ltd. et Horizon Maritime Services Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (18 octobre 2019), PR-2019-020 (TCCE) au par. 47; Entreprise commune de BMT Fleet Technology Limited et NOTRA Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (5 novembre 2008), PR-2008-023 (TCCE) au par. 25; Northern Lights Aerobatic Team, Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE) au par. 52, citant Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247 au par. 55.

[12]   NORLEANS Technologies Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (17 janvier 2020) PR‑2019-031 (TCCE) au par. 40, citant Tri-Tech Forensics Inc. (26 mars 2018), PR-2017-064 (TCCE) au par. 20; Raymond Chabot Grant Thornton Consulting Inc. et PricewaterhouseCoopers LLP (25 octobre 2013), PR-2013-005 et PR-2013-008 (TCCE) aux par. 37, 38; BRC Business Enterprises Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (27 septembre 2010), PR-2010-012 (TCCE) au par. 51; Integrated Procurement Technologies, Inc. (14 avril 2008), PR-2008-007 (TCCE) au par. 13.

[13]   Pièce PR-2020-019-01 à la p. 52.

[14]   Pièce PR-2020-019-01 à la p. 470.

[15]   Pièce PR-2020-019-01 à la p. 477.

[16]   Pièce PR-2020-019-01 à la p. 477.

[17]   Pièce PR-2020-019-01 à la p. 453.

[18]   Pièce PR-2020-019-01B aux p. 3-4

[19]   Voir SoftSim Technologies Inc. c. Conseil national de recherches Canada (3 octobre 2018) PR-2018-015 (TCCE) au par. 36, citant Maxxam Analytics Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (20 septembre 2007), PR-2007-017 (TCCE) au par. 37; NOTRA Environmental Services Inc. (16 décembre 1997), PR-97-027 (TCCE); Bell Mobilité c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (14 juillet 2004), PR-2004-004 (TCCE); Francis H.V.A.C. Services Ltd. c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux) 2017 CAF 165 (CanLII) au par. 22.

[20]   KUZMA Industrial Group c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (4 octobre 2019) PR-2019-023 (TCCE) au par. 33.

[21]   Pièce PR-2020-019-01 aux p. 102-103 et 309.

[22]   Paragraphe 7d) de la Politique.

[23]   Paragraphe 6b)(v) de la Politique.

[24]   Paragraphe 6b)(ii) de la Politique.

[25]   Paragraphes 7a) et b) de la Politique.

[26]   Paragraphe 6e) de la Politique.

[27]   KPrime a aussi déposé des articles supplémentaires qui n’ont pas directement trait à la question en cause. Ils semblent concerner les mesures anti-dumping de la Chine sur les appareils de radiographie, Nuctech étant un producteur national, et les liens de Nuctech avec le gouvernement chinois. Voir pièce PR-2020-019-19 à la p. 4.

[28]   Nuctech a déposé la déclaration d’un témoin, M. Wang Zheng (Ben), qui affirme que l’employé de Nuctech nommé dans l’article n’est pas un affilié de Nuctech, tel que défini dans la Politique (voir pièce PR-2020-019-17 à la p. 18). Il n’y a aucun élément de preuve au dossier en l’espèce qui conteste ce fait.

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