Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier no PR-2020-051

Ten Barrel Inc. s/n Nomad Air

c.

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Décision rendue
le lundi 4 janvier 2021

Motifs rendus
le mardi 19 janvier 2021

 



EU ÉGARD À une plainte déposée par Ten Barrel Inc. s/n Nomad Air aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

TEN BARREL INC. S/N NOMAD AIR

Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (Loi sur le TCCE), le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux une indemnité raisonnable pour les frais engagés pour répondre à la plainte, indemnité qui doit être versée par Ten Barrel Inc. s/n Nomad Air. Conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (Ligne directrice), le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Membre du Tribunal :

Susan D. Beaubien, membre présidant

Personnel de soutien :

Kalyn Eadie, conseillère juridique

Partie plaignante :

Ten Barrel Inc. s/n Nomad Air

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques de la partie intervenante :

Julie Dufour

Cynthia Louden

Grégoire Major

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1] Le 12 août 2020, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) a publié une demande de proposition (DP) (invitation no W3048-21-KJ25) au nom de ministère de la Défense nationale (MDN) [1] dans le but d’obtenir du soutien aérien aux opérations de parachutisme.

[2] La DP a été publiée dans le cadre d’un arrangement en matière d’approvisionnement (AA) déjà en place, dossier no W6399-18KA26/B, servant à préqualifier les fournisseurs potentiels en mesure de fournir des services de soutien aérien aux opérations de parachutisme en réponse aux demandes de proposition qui seraient publiées par la suite, comme la DP en cause [2] .

[3] La nature de la procédure de passation du marché était décrite comme suit :

Le but de cette exigence est de pré-qualifier les fournisseurs pour la sécurisation du soutien aérien aux opérations de parachutisme des Forces armées canadiennes (FAC) et à leur entraînement lorsqu’il est impossible d’utiliser des ressources aériennes militaires. L’avion sera principalement utilisé par le ministère de la Défense nationale (MDN), le Commandement des forces d’opérations spéciales du Canada (COMFOSCAN) et le Centre d’instruction supérieure en guerre terrestre de l’Armée canadienne (CISGTAC) de la Base des Forces canadiennes (BFC) Trenton (Ontario). L’aéronef sera utilisé pour l’entraînement en parachute à divers endroits au Canada et aux États-Unis. L’aéronef servira également à appuyer l’équipe de parachutistes des Forces canadiennes (CFPT), les SkyHawks, à divers endroits au Canada et aux États-Unis tout au long de l’année [3] .

[4] La DP précisait le type d’aéronef requis pouvant satisfaire aux besoins particuliers d’ordre technique du MDN [4] . Au cours de la procédure de passation du marché, TPSGC a répondu aux questions posées par des fournisseurs potentiels. [5]

[5] Quatre firmes ont présenté des soumissions en réponse à la DP dont la date de clôture était le 19 août 2020 [6] . Les quatre soumissionnaires avaient été préqualifiés par TPSGC et le MDN à titre de fournisseurs potentiels en vertu de l’AA [7] .

[6] L’un des soumissionnaires, Ten Barrel Inc. s/n Nomad Air (Ten Barrel) [8] , a déposé une plainte auprès du Tribunal relativement au dénouement de la procédure de passation du marché [9] .

[7] À la suite de la procédure de passation du marché, Ten Barrel a été informée que sa soumission avait été rejetée et que le contrat serait adjugé à un autre soumissionnaire, soit Reticle Ventures Canada Inc. (Reticle) [10] .

[8] Ten Barrel a demandé un compte rendu postérieur à la procédure de passation du marché [11] . Des discussions écrites et orales entre Ten Barrel et TPSGC ont eu lieu à compter du 26 août 2020, et au moins jusqu’au 10 septembre 2020 [12] .

[9] Le 22 septembre 2020, Reticle a communiqué avec Ten Barrel pour lui demander si elle pouvait fournir l’équipage dont aurait besoin Reticle pour fournir les services précisés dans la DP, à savoir des services de soutien aérien aux opérations de parachutisme [13] , ce qui a amené Ten Barrel à effectuer des recherches en ligne sur l’état des permis de Reticle et la conformité de celle‑ci à la réglementation sur l’exploitation d’un aéronef [14] .

[10] À la suite de ces recherches, Ten Barrel a tiré la conclusion que Reticle n’avait pas obtenu de Transports Canada, de la Federal Aviation Administration (FAA) des États‑Unis ou de toute autre autorité gouvernementale l’autorisation nécessaire pour exploiter un aéronef et en effectuer la maintenance, ou pour fournir un équipage ayant les permis et les compétences nécessaires pour assurer l’exploitation légale d’un aéronef au Canada. Par conséquent, Ten Barrel soutient que Reticle était intrinsèquement incapable de fournir légalement les services précisés dans la DP [15] .

[11] Le 6 octobre 2020, Ten Barrel a déposé auprès du Tribunal une plainte dans laquelle elle allègue que le MDN a adjugé le contrat découlant de la DP à un soumissionnaire non qualifié [16] .

[12] Ten Barrel affirme que, contrairement à Reticle, elle se conformait à la réglementation et avait tous les permis nécessaires pour fournir les services précisés dans la DP [17] .

[13] Dans sa plainte, Ten Barrel demande les réparations suivantes :

(a) L’annulation du contrat adjugé à Reticle;

(b) L’adjudication du contrat découlant de la DP à Ten Barrel;

(c) Une indemnité pour perte d’occasion et pour perte de profits à compter de la date de l’adjudication du contrat à Reticle jusqu’à la date de l’adjudication du contrat à Ten Barrel;

(d) Le remboursement des frais liés à la plainte de Ten Barrel;

(e) Le remboursement des frais de litige;

(f) L’examen par le Tribunal des titulaires de contrat en vertu de l’AA pour s’assurer qu’ils respectent les conditions et les contraintes imposées par l’AA [18] .

[14] Le 13 octobre 2020, le Tribunal a accepté d’enquêter sur la plainte de Ten Barrel [19] . L’avis prescrit a été publié dans la Gazette du Canada le 24 octobre 2020 [20] .

[15] Le 26 octobre 2020, Ten Barrel a demandé le règlement accéléré de sa plainte. Elle a demandé au Tribunal d’abréger le délai de 90 jours prescrit par le paragraphe 12a) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [21] en invoquant le délai de 45 jours prévu au paragraphe 12b) [22] .

[16] Après avoir tenu compte de tous les facteurs pertinents à l’égard de l’abrègement du délai prescrit par l’article 12 du Règlement [23] , le Tribunal a refusé d’invoquer le délai raccourci de 45 jours. Selon ses conditions, le contrat adjugé à Reticle devait être entièrement exécuté peu de temps avant la date limite de règlement qui résulterait de l’application du délai prévu au paragraphe 12b). L’abrègement d’un délai nécessite l’imposition de contraintes de temps aux autres parties à la procédure, qui pourraient subir un préjudice. Dans les circonstances de l’espèce, le Tribunal a conclu qu’il n’y avait pas de motifs suffisants pour justifier l’abrègement du délai de 90 jours, d’autant plus que le contrat devait être entièrement exécuté par Reticle avant l’expiration de l’un ou l’autre des délais prévus aux paragraphes 12a) et 12b) [24] .

[17] Le 3 novembre 2020, Reticle a demandé à être ajoutée comme intervenante, indiquant qu’elle souhaitait participer à la procédure [25] .

[18] La décision d’autoriser une intervention est discrétionnaire. Après avoir tenu dûment compte des facteurs pertinents [26] et en l’absence de toute opposition quant à la jonction de Reticle à titre d’intervenante [27] , le Tribunal a conclu, le 6 novembre 2020, que Reticle devait être ajoutée comme partie intervenante [28] .

[19] TPSGC a déposé un rapport de l’institution fédérale (RIF) le 16 novembre 2020 [29] .

[20] Ni Ten Barrel ni Reticle n’a présenté d’observations en réponse au RIF [30] . Hormis sa demande initiale visant à obtenir le statut d’intervenante, Reticle n’a par ailleurs déposé aucune observation auprès du Tribunal.

POSITIONS DES PARTIES

Ten Barrel

[21] Le point central de la plainte de Ten Barrel est que TPSGC a adjugé le contrat à un soumissionnaire non qualifié et non conforme.

[22] Plus précisément, Ten Barrel affirme que Reticle n’est pas titulaire d’un certificat d’exploitation aérienne (CEA) et ne se conformait donc pas au Règlement de l’aviation canadien [31] parce que Reticle avait l’intention d’exploiter un service aérien commercial au Canada, au sens de la Loi sur l’aéronautique, sans avoir obtenu l’autorisation légale que confère le CEA. Elle affirme également que Reticle n’est pas titulaire d’un certificat d’exploitation privée délivré par Transports Canada, d’une autorisation temporaire d’exploitation (ATE) du MDN ou d’un permis d’exploitation privée de la FAA.

[23] Ten Barrel affirme également que le Règlement de l’aviation canadien oblige les exploitants commerciaux d’aéronefs civils à effectuer la maintenance d’aéronefs dans un organisme de maintenance agréé (OMA) de Transports Canada. À la suite de ses recherches en ligne dans diverses bases de données, Ten Barrel soutient que Reticle n’est pas titulaire d’un certificat décerné par un OMA.

[24] Ten Barrel prétend que Reticle a l’intention de fournir un aéronef appartenant à une entreprise américaine qui est une tierce partie au contrat émis par le MDN, et qui est exploité par celle‑ci. Par conséquent, Ten Barrel affirme que Reticle agit uniquement comme intermédiaire et n’apporte aucune valeur ajoutée aux fins du contrat. De plus, Ten Barrel prétend que les lois canadiennes en matière d’immigration seraient enfreintes si un équipage américain était utilisé, sans permis de travail, pour fournir les services décrits dans la DP.

[25] Ten Barrel soutient en outre que les normes de réglementation et de sécurité américaines, notamment les exigences relatives à la maintenance d’aéronefs, sont moins rigoureuses que les normes canadiennes. On dit que cela donne un avantage financier indu aux exploitants américains, en ce qui concerne le coût d’exploitation horaire d’un aéronef.

[26] Ten Barrel affirme que, contrairement à Reticle, elle est titulaire d’un CEA valide délivré par Transports Canada, elle possède elle‑même l’aéronef nécessaire pour fournir les services et exerce un contrôle opérationnel sur celui‑ci, elle dispose d’un équipage ayant suivi une formation particulière pour les opérations de parachutisme précises prévues au contrat et elle est en outre titulaire d’un certificat décerné par un OMA et d’une ATE du MDN.

TPSGC

[27] TPSGC soutient que la plainte de Ten Barrel est hors délai. Il affirme que Ten Barrel s’était renseignée sur les qualifications des soumissionnaires [32] le 14 août 2020, et savait que le contrat avait été adjugé à Reticle depuis au moins le 25 août 2020. Néanmoins, la plainte de Ten Barrel n’a été déposée que le 6 octobre 2020, bien en dehors du délai de 10 jours prévu par l’article 6 du Règlement.

[28] De plus, TPSGC a jugé que Reticle était qualifiée en vertu de l’AA le 26 avril 2019. L’attribution du statut de fournisseur à Reticle a été publiée au moyen du Service électronique d’appels d’offres du gouvernement le 26 avril 2019 [33] . Par conséquent, si Ten Barrel souhaitait contester le processus de qualification de Reticle à titre de fournisseur potentiel ou les qualifications de Reticle à titre de fournisseur potentiel, elle aurait dû s’opposer ou passer autrement à l’action dans les 10 jours ouvrables suivant la publication de l’approbation de Reticle, c’est‑à‑dire au plus tard le 10 mai 2019.

[29] Subsidiairement, TPSGC soutient que l’évaluation de la soumission de Reticle dans le cadre de l’AA a été effectuée de façon raisonnable. L’AA ne prévoyait qu’une seule exigence technique obligatoire, à savoir que l’entrepreneur devait indiquer quel modèle d’aéronef il prévoyait fournir parmi trois types d’aéronefs distincts nommés. Reticle a proposé des modèles d’aéronefs jugés acceptables par le MDN. Elle a par ailleurs fourni d’autres documents prescrits par l’AA.

[30] Étant donné que le Tribunal ne doit intervenir que si l’évaluation de la soumission est déraisonnable, TPSGC affirme que cette condition n’est pas remplie, compte tenu des circonstances de l’espèce. Reticle s’est vu adjuger le contrat parce qu’elle a présenté une soumission recevable ayant le prix évalué le plus bas.

[31] De plus, TPSGC souligne que l’AA permet expressément aux fournisseurs potentiels de faire appel à des sous‑traitants, conformément aux conditions générales devant être incorporées dans le contrat subséquent.

[32] TPSGC affirme que les exigences du droit de l’aviation décrites dans la plainte de Ten Barrel sont imposées à l’entrepreneur retenu, et font donc partie de l’administration du contrat. Par conséquent, la plainte de Ten Barrel selon laquelle Reticle n’est pas (et ne peut être) titulaire d’un CEA, d’une ATE ou d’un certificat décerné par un OMA et n’exerce pas une surveillance opérationnelle directe sur l’aéronef et l’équipage porte uniquement sur des questions de conformité en aval ayant trait à l’exécution du contrat, et non à l’adjudication du contrat. Ainsi, TPSGC soutient que ces questions ne font pas partie du processus de passation des marchés publics et d’évaluation des soumissions, et ne relèvent donc pas de la compétence du Tribunal.

[33] Quoi qu’il en soit, TPSGC soutient que les vols exploités à des fins militaires (comme ce serait le cas pour les services décrits dans la DP) relèvent uniquement du MDN, qui peut délivrer une ATE même si l’exploitant n’est pas titulaire d’un CEA délivré par Transports Canada. De la même façon, les questions ayant trait à la maintenance d’aéronefs relèvent aussi de la surveillance du MDN. Le sous‑traitant de Reticle est titulaire d’une ATE délivrée par le MDN.

[34] En réponse à la plainte de Ten Barrel selon laquelle les exploitants d’aéronefs américains bénéficient d’un avantage indu sur le plan des coûts, TPSGC soutient que les conditions de l’AA ne limitaient pas les soumissions aux fournisseurs canadiens. Les soumissionnaires pouvaient faire appel à des sous‑traitants, dans la mesure où ceux‑ci sont dans un pays de l’OTAN, un pays de l’Union européenne ou un pays avec lequel le Canada a conclu une entente en matière de sécurité industrielle en vertu d’un protocole d’entente bilatérale ou multinationale.

[35] TPSGC soutient que les autres aspects de la plainte de Ten Barrel portant sur des allégations de non‑respect des lois canadiennes en matière d’immigration et d’aviation ne relèvent pas de la compétence du Tribunal ou se rapportent par ailleurs à l’administration du contrat.

ANALYSE

[36] Nul ne conteste que la DP se rapporte à un « contrat spécifique » au sens de l’article 30.1 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (Loi sur le TCCE).

[37] Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit qu’une plainte doit être déposée dans les 10 jours ouvrables suivant la date où le plaignant a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte.

[38] Ten Barrel a bien demandé des renseignements généraux à TPSGC au cours des mois d’août et de septembre 2020 concernant la qualification des soumissionnaires dans le contexte global de la procédure de passation du marché. TPSGC a répondu à ces demandes [34] .

[39] De plus, la preuve démontre que Ten Barrel savait, depuis le 25 août 2020, que le contrat devait être adjugé à Reticle [35] . Cependant, le Tribunal conclut que jusqu’au moment où Reticle a communiqué avec Ten Barrel, le 22 septembre 2020, pour lui demander un équipage, Ten Barrel ne connaissait pas les motifs précis pour lesquels elle pouvait contester l’adjudication du contrat à Reticle au motif que celle‑ci était un soumissionnaire non conforme.

[40] À la suite de la conversation qu’elle a eue avec Reticle le 22 septembre 2020, Ten Barrel a commencé à effectuer des recherches sur les permis de Reticle et sa qualité réglementaire pour fournir les services décrits dans la DP. Le Tribunal conclut que, lorsque Ten Barrel a déterminé que Reticle elle‑même n’était pas titulaire d’un CEA, d’une ATE ou d’un certificat décerné par un OMA, ces renseignements nouvellement acquis ont amené Ten Barrel à porter plainte au Tribunal.

[41] La plainte de Ten Barrel a une portée beaucoup moins générale que les questions qu’elle a posées au sujet du processus de DP au cours des mois d’août et de septembre 2020 [36] . En effet, il s’agit d’une plainte distincte qui porte uniquement sur la question de savoir si Reticle était un soumissionnaire conforme, compte tenu de la qualité réglementaire apparente de Reticle auprès de Transports Canada, telle qu’elle a été révélée par les recherches qu’a effectuées Ten Barrel dans diverses bases de données en ligne. Étant donné que la plainte a été déposée dans les dix jours ouvrables suivant la date où Ten Barrel a effectué ses recherches sur la qualité réglementaire de Reticle, le Tribunal conclut que la plainte de Ten Barrel a été déposée dans les délais prescrits.

[42] Après avoir examiné le RIF et tous les autres éléments de preuve au dossier, le Tribunal convient avec TPSGC que la réponse à la plainte de Ten Barrel se trouve dans les dispositions de la DP permettant le recours à des sous‑traitants [37] . Quand Reticle a présenté une soumission en réponse à la DP, elle l’a fait en tant que soumissionnaire préqualifié en vertu de l’AA [38] .

[43] Même si la plainte de Ten Barrel pouvait être considérée comme constituant une contestation de la décision initiale d’attribuer à Reticle la qualité de soumissionnaire préqualifié (et le Tribunal ne tire aucune conclusion en ce sens), la conclusion du Tribunal quant au bien‑fondé de la plainte serait la même. Reticle a avisé le MDN de son intention de faire appel à un sous‑traitant américain et a fourni au MDN les renseignements exigés concernant l’identité et les qualifications du sous‑traitant, renseignements qui ont tous été acceptés par le MDN au cours du processus d’évaluation relatif à l’AA [39] .

[44] Bien que l’on puisse soutenir que le recours à des sous‑traitants peut être désavantageux (comme l’a fait Ten Barrel), il n’appartient pas au Tribunal de trancher les questions de cette nature. La décision de permettre le recours à des sous‑traitants est une décision stratégique en matière d’approvisionnement du MDN. En règle générale, le Tribunal fait preuve de retenue à l’égard de ces décisions. En l’espèce, rien ne permet au Tribunal d’annuler ou de modifier autrement la décision d’accepter une soumission recevable dans laquelle les services doivent être fournis par un sous‑traitant. Si Ten Barrel estime que les exigences opérationnelles ou de sécurité relatives à la prestation de services de soutien aérien aux opérations de parachutisme pourraient être compromises par le recours à des sous‑traitants, elle est libre de présenter ses arguments directement au MDN, qui pourrait en tenir compte lors de la préparation des futurs appels d’offres pour ce type de services.

[45] La DP contient plusieurs dispositions qui imposent des exigences opérationnelles relatives à la prestation des services. Comme l’a souligné Ten Barrel, ces exigences comprennent l’obligation d’obtenir au moins une ATE et de se conformer par ailleurs aux lois et règlements canadiens en matière d’aviation. Le Tribunal souligne également que la DP contient des dispositions obligeant l’entrepreneur à fournir une preuve d’assurance, entre autres exigences [40] . On peut supposer que l’entrepreneur qui n’est pas en mesure de démontrer qu’il a obtenu une autorisation légale d’exploiter un aéronef pourrait bien avoir de la difficulté à obtenir l’assurance exigée, comme le prescrit la DP. Toutefois, le Tribunal convient avec TPSGC que ces questions se rapportent à l’administration du contrat.

[46] Le Tribunal examine les plaintes découlant d’un processus de passation de marché public pour s’assurer que le processus, notamment l’évaluation des soumissions reçues, a été mené d’une manière équitable, ouverte et transparente en conformité avec les conditions de l’appel d’offres fournies aux soumissionnaires éventuels. Cet examen prend fin dès qu’une soumission est retenue. À ce moment‑là, les modalités de la DP sont intégrées dans le contrat qui est adjugé au soumissionnaire retenu. Si l’entrepreneur n’est pas en mesure de respecter ses obligations en vertu du contrat, l’entité contractante peut décider de mettre fin au contrat. Toutefois, l’évaluation de la capacité éventuelle de l’entrepreneur de respecter les conditions du contrat et de son respect effectif de ces conditions sont des questions ayant trait à l’administration du contrat qui ne relèvent pas du mandat du Tribunal [41] .

[47] En l’espèce, le Tribunal est convaincu, compte tenu des éléments de preuve dont il dispose [42] , que le processus de marché public a été mené en conformité avec les conditions publiées de la DP.

[48] TPSGC soutient que Ten Barrel a soulevé des questions de droit canadien, portant notamment sur la conformité aux lois et règlements en matière d’aviation et d’immigration, qui ne relèvent pas de la compétence du Tribunal. Les allégations de Ten Barrel selon lesquelles Reticle ne sera pas en mesure d’obtenir les approbations réglementaires et d’immigration nécessaires pour fournir légalement un aéronef opérationnel doté d’un équipage qualifié se rapportent à l’administration du contrat. Il s’agit en outre d’allégations qui sont hypothétiques.

[49] Par conséquent, le Tribunal refuse de se pencher sur les questions juridiques et réglementaires de fond soulevées par Ten Barrel. Il ne faut toutefois pas en déduire que le Tribunal convient avec TPSGC que le Tribunal est nécessairement empêché, de façon générale, d’examiner les questions de droit substantiel qui portent directement sur les exigences prescrites par la DP ou qui peuvent être soulevées dans le contexte de l’évaluation des soumissions. Ces questions ne sont pas soulevées dans le cadre de la présente procédure.

[50] Pour tous les motifs qui précèdent, la plainte est rejetée.

DÉCISION

[51] Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

[52] Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC une indemnité raisonnable pour les frais engagés pour répondre à la plainte, indemnité qui doit être versée par Ten Barrel Inc. Conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (Ligne directrice), le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.

Susan D. Beaubien

Susan D. Beaubien
Membre présidant

 



[1] Pièce PR-2020-051-21 à la p. 66.

[2] Pièce PR-2020-051-21 à la p. 24.

[3] Pièce PR-2020-051-08 à la p. 95.

[4] Pièce PR-2020-051-21 aux p. 76-77.

[5] Pièce PR-2020-051-21 aux p. 85-87.

[6] Pièce PR-2020-051-21 aux p. 66, 88.

[7] Pièce PR-2020-051-21 aux p. 7, 9.

[8] Pièce PR-2020-051-01A (protégée) aux p. 3-12.

[9] Pièce PR-2020-051-01.

[10] Pièce PR-2020-051-01A à la p. 22.

[11] Pièce PR-2020-051-01A (protégée) à la p. 23.

[12] Pièce PR-2020-051-01A (protégée) aux p. 23-27.

[13] Pièce PR-2020-051-01 à la p. 18.

[14] Pièce PR-2020-051-01 aux p. 15-17, 121, 136.

[15] Pièce PR-2020-051-01 aux p. 15-17.

[16] Pièce PR-2020-051-01 à la p. 7.

[17] Pièce PR-2020-051-01 aux p. 18, 123, 125-132, 138, 140.

[18] Pièce PR-2020-051-01 à la p. 18.

[19] Pièce PR-2020-051-03; pièce PR-2020-051-04.

[20] Pièce PR-2020-051-03 à la p. 3.

[21] DORS/93-602 [Règlement].

[22] Pièce PR-2020-051-11.

[23] Voir PricewaterhouseCoopers LLP c. Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (16 octobre 2020), PR‑2020‑035 (TCCE) aux par. 13-15.

[24] Pièce PR-2020-051-19.

[25] Pièce PR-2020-051-13; pièce PR-2020-051-15.

[26] Voir NISIT International Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (20 juillet 2020), PR‑2019‑067 (TCCE) aux par. 12-26.

[27] Pièce PR-2020-051-17, pièce PR-2020-051-18.

[28] Pièce PR-2020-051-20.

[29] Pièce PR-2020-051-21.

[30] Pièce PR-2020-051-23; pièce PR-2020-051-27.

[31] DORS/96-433.

[32] Au sujet des certificats, des permis et des exigences visant l’équipage, prescrites aux paragraphes 3.4 et 3.6 de l’annexe “A” – Énoncé des travaux de la DP.

[33] Pièce PR-2020-051-21 aux p. 122-123.

[34] Pièce PR-2020-051-21A (protégée) aux p. 27-32.

[35] Pièce PR-2020-051-01A (protégée) à la p. 22.

[36] Pièce PR-2020-051-21A (protégée) aux p. 27-32.

[37] Pièce PR-2020-051-21 aux p. 73, 112.

[38] Pièce PR-2020-051-21A (protégée) aux p. 63-76.

[39] Ibid.

[40] Pièce PR-2020-051-21 aux p. 82-83.

[41] Sepha Catering Ltd. (13 novembre 2014), PR-2014-038 (TCCE).

[42] Pièce PR-2020-051-21A (protégée) aux p. 24-25, 34-37.

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