Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier no PR-2020-059

Accruent | VFA Canada Corporation

Décision prise
le jeudi 19 novembre 2020

Décision et motifs rendus
le mardi 15 décembre 2020

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

ACCRUENT | VFA CANADA CORPORATION

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1]  En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] , déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE L’AVIS DE PROJET DE MARCHÉ ET DE LA PLAINTE

[2]  Le 31 juillet 2020, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) a publié un avis de projet de marché (invitation no K4A22-200728/A) pour l’achat d’un logiciel intégré servant à la planification et la gestion des immobilisations (LIPGI) au nom du ministère de l’Environnement.

[3]  La date de clôture des soumissions était le 26 août 2020 à 14 h HAE. Cette date a été repoussée au 4 septembre 2020 à la suite d’une modification apportée à l’appel d’offres.

[4]  Le 4 septembre ou plus tôt, Accruent | VFA Canada Corporation (Accruent) a présenté une soumission dans le cadre de l’appel d’offres dont il est question.

[5]  Le 2 octobre 2020, TPSGC a informé Accruent qu’elle n’était pas le soumissionnaire retenu et que le contrat, au montant de 451 928,81 $, avait été accordé à Nadine International le 1er octobre 2020.

[6]  Le 5 octobre 2020, Accruent a demandé un compte-rendu par rapport à sa soumission.

[7]  Le 6 octobre 2020, TPSGC a affirmé que toute rétroaction fournie ne serait pas très utile étant donné qu’Accruent avait satisfait à tous les critères obligatoires et que le contrat avait été adjugé en fonction du prix.

[8]  Le 6 novembre 2020, Accruent a déposé sa plainte auprès du Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement (BOA).

[9]  Le même jour, le BOA a communiqué avec Accruent pour discuter de la plainte. Le BOA a transmis à Accruent un résumé de la discussion et les grandes lignes des précisions importantes concernant la plainte. Le BOA a aussi affirmé que la plainte ne relevait probablement pas de sa compétence et a suggéré à Accruent de communiquer avec le Tribunal, le Bureau de la concurrence ou le Groupe de gestion des conflits d’ordre commercial de TPSGC, si Accruent désirait discuter de certaines questions soulevées lors de leur discussion.

[10]  Le 17 novembre 2020, Accruent a déposé sa plainte auprès du Tribunal. Accruent allègue avoir constaté les irrégularités suivantes dans la procédure du marché public :

  • (a) Les critères obligatoires ne suffisaient pas pour juger si le logiciel choisi satisfaisait aux exigences énoncées dans les clauses du contrat subséquent.

  • (b) Les évaluateurs techniques affectés à la procédure du marché public n’avaient ni les compétences ni l’expérience requises pour évaluer correctement la soumission retenue.

ANALYSE

[11]  Le 19 novembre 2020, aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte pour les motifs qui suivent.

[12]  Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, le Tribunal peut enquêter si les quatre conditions suivantes sont réunies :

  • · la plainte a été déposée dans les délais prescrits à l’article 6 [3] ;

  • · le plaignant est un fournisseur ou un fournisseur potentiel [4] ;

  • · la plainte porte sur un contrat spécifique [5] ;

  • · les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables [6] .

[13]  La plainte d’Accruent semble satisfaire aux deuxième et troisième conditions. Toutefois, l’exigence quant au délai prescrit par le Règlement n’a pas été satisfaite en l’espèce puisqu’Accruent n’a ni présenté son opposition à TPSGC ni déposé sa plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte, conditions dont il aurait pris connaissance en lisant les documents d’appel d’offres. De plus, en ce qui concerne la quatrième condition, la plainte d’Accruent ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public de TPSGC n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables.

La plainte est tardive

[14]  Le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel qui souhaite déposer une plainte auprès du Tribunal « [...] doit le faire dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte ».

[15]  Le paragraphe 6(2) du Règlement prévoit que le fournisseur potentiel qui a présenté à l’institution fédérale concernée une opposition et à qui l’institution refuse réparation peut déposer une plainte auprès du Tribunal « [...] dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition ».

[16]  Autrement dit, une partie plaignante dispose de 10 jours ouvrables suivant la date où elle a découvert les faits à l’origine de sa plainte, ou suivant la date où elle aurait dû vraisemblablement les découvrir, soit pour présenter une opposition auprès de l’institution fédérale, soit pour déposer une plainte auprès du Tribunal.

[17]  Accruent aurait pris connaissance des critères obligatoires de l’appel d’offres à un moment donné au cours de la période de soumission, mais au plus tard à la date de clôture des soumissions, soit le 4 septembre 2020. Par conséquent, le délai de 10 jours ouvrables pour présenter son opposition à l’appel d’offres aurait été le 21 septembre 2020 au plus tard.

[18]  Accruent n’a fait connaître ses inquiétudes relatives aux critères obligatoires que le 6 novembre 2020. Comme le Tribunal a observé dans Hewlett-Packard, les soumissionnaires doivent déposer leur plainte dans les délais prescrits plutôt que d’adopter une approche attentiste [7] . Puisqu’Accruent n’a ni présenté son opposition ni déposé sa plainte dans les délais prescrits par le Règlement, le Tribunal ne peut faire droit à sa plainte.

Aucune indication raisonnable d’une violation

[19]  Même si la plainte n’avait pas été jugée tardive, comme susmentionné, les deux motifs de plainte d’Accruent n’offrent pas assez d’éléments de preuve montrant qu’il y a une indication raisonnable d’une violation des accords commerciaux applicables. Aux termes de l’alinéa 7(1)c) du Règlement, le Tribunal ne peut enquêter sur une plainte que si celle-ci démontre, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables.

[20]  Dans son premier motif de plainte, Accruent suggère que les critères obligatoires de l’appel d’offres ne traduisent pas adéquatement les exigences de TPSGC énoncées dans le contexte du LIPGI. Accruent a comparé les 6 critères obligatoires énoncés dans l’appel d’offres dont il est question avec les 47 exigences obligatoires figurant dans le préavis d’adjudication de contrat, publié environ 18 mois avant cet appel d’offres [8] . Toutefois, le Tribunal est incapable de cerner, à lui seul, un lien quelconque entre le premier document et le deuxième, et Accruent n’a pas montré qu’un tel lien était pertinent. De plus, l’institution fédérale est libre de modifier les exigences d’un appel d’offres à l’autre. Nous revenons maintenant aux questions de délais soulevées à la section précédente. Si Accruent avait voulu s’opposer aux exigences de l’appel d’offres dont il est question, elle devait le faire dans le respect des délais susmentionnés [9] .

[21]  Le deuxième motif de plainte d’Accruent se rapporte aux compétences techniques des évaluateurs et n’est soutenu que par des allégations non étoffées par des éléments de preuve [10] ; ce motif aussi est donc non fondé.

[22]  Le Tribunal ne donne aucun poids aux allégations fondées sur une seule prétendue « connaissance du marché », qu’Accruent a fait valoir en l’espèce [11] . Une plainte doit être plus complète pour permettre au Tribunal d’agir. Puisque ce n’était pas le cas en l’espèce, le Tribunal conclut qu’il ne peut s’appuyer sur aucun fondement sensible qui lui permettrait d’ouvrir une enquête afin de régler la question [12] .

[23]  Le Tribunal réitère qu’à moins de recevoir des éléments de preuve concrets et convaincants montrant le contraire, il « [...] présume de la bonne foi et de l’honnêteté aussi bien des soumissionnaires que des fonctionnaires chargés d’évaluer leur soumission » [13] .

[24]  Par conséquent, le Tribunal conclut que la présente plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public de TPSGC n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables.

DÉCISION

[25]  Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Serge Fréchette

Serge Fréchette
Membre présidant

 



[1]   L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2]   DORS/93-602 [Règlement].

[3] .  Paragraphe 6(1) du Règlement.

[4] .  Alinéa 7(1)a) du Règlement.

[5] .  Alinéa 7(1)b) du Règlement.

[6] .  Alinéa 7(1)c) du Règlement.

[7]   Hewlett-Packard (Canada) Co. c. Services partagés Canada (20 avril 2017), PR-2016-043 (TCCE) [Hewlett‑Packard].

[8]   Logiciel pour gestion des immeubles (KW405-190650/A), Achatsetventes.gc.ca, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada.

[9]   MD Charlton Co. Ltd. c. Gendarmerie royale du Canada (13 juin 2016), PR-2016-007 (TCCE) au par. 18; R.P.M. Tech. Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 mars 2015), PR‑2014‑040 (TCCE); Inforex Inc. (24 mai 2007), PR-2007-019 (TCCE); FLIR Systems Ltd. (25 juillet 2002), PR-2001-077 (TCCE); Aviva Solutions Inc. (29 avril 2002), PR-2001-049 (TCCE).

[10]   Pièce PR-2020-059-01 à la p. 21.

[11]   Pièce PR-2020-059-01 à la p. 10.

[12]   SoftSim Technologies Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (4 novembre 2020), PR-2020-032 (TCCE) au par. 14; Veseys Seeds Limited, faisant affaires sous le nom de Club Car Atlantic c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (10 février 2010), PR-2009-079 (TCCE) au par. 9; Flag Connection Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 janvier 2013), PR-2012-040 (TCCE) au par. 35.

[13]   MasterBedroom Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (28 juin 2017), PR‑2017‑017 (TCCE) au par. 12; GESFORM International (26 mai 2014), PR-2014-012 (TCCE) au par. 16.

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