Enquêtes sur les marchés publics

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier no PR-2020-057

Vesta Health Systems Inc.

c.

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Ordonnance et motifs rendus
le mercredi 6 janvier 2021

 



EU ÉGARD À une plainte déposée par Vesta Health Systems Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET À LA SUITE D’une requête déposée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux demandant que le Tribunal mette fin à son enquête aux termes des paragraphes 10(2) et 10(3) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, DORS/93-602.

ENTRE

VESTA HEALTH SYSTEMS INC.

Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

ORDONNANCE

ATTENDU QUE Vesta Health Systems Inc. (Vesta) a déposé la présente plainte le 2 novembre 2020;

ET ATTENDU QUE le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé le 7 novembre 2020 d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur et du paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics (Règlement);

ET ATTENDU QUE le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) a déposé une requête le 3 décembre 2020 demandant que le Tribunal mette fin à son enquête aux termes des paragraphes 10(2) et 10(3) du Règlement en raison qu’une exception au titre de la sécurité nationale avait été invoquée;

ET ATTENDU QUE le 11 décembre 2020 Vesta s’est opposée à la requête demandant que le Tribunal mette fin à son enquête;

ET ATTENDU QUE le 16 décembre 2020 TPSGC a répondu à l’opposition de Vesta à sa demande que le Tribunal mette fin à son enquête;

ET ATTENDU QU’aux termes du paragraphe 10(2) le Tribunal doit ordonner le rejet d’une plainte à l’égard de laquelle une exception au titre de la sécurité nationale a été dûment invoquée;

PAR CONSÉQUENT, le Tribunal met fin par la présente à son enquête sur cette plainte. Le Tribunal accorde à Vesta une indemnité de 500 $ pour les frais liés à la plainte.

Randolph W. Heggart

Randolph W. Heggart
Membre président

 


 


EXPOSÉ DES MOTIFS

VUE D’ENSEMBLE

[1] La présente plainte déposée par Vesta Health Systems Inc. (Vesta) a trait à un appel de propositions (AP) en recherche et développement de solutions innovatrices pour contribuer aux mesures prises par le Canada pour faire face à la pandémie de COVID-19. L’AP a été publié par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) (invitation no EN578-20ISCD/01).

[2] Après que le Tribunal eut décidé d’enquêter sur la plainte de Vesta, TPSGC a déposé une requête demandant que le Tribunal mette fin à son enquête. TPSGC soutient avoir invoqué une exception au titre de la sécurité nationale (ESN) pour tous les appels d’offres concernant les besoins du gouvernement liés à la COVID-19, auxquels l’appel d’offres en question a trait, et que cette ESN prive le Tribunal de sa compétence d’enquêter sur la plainte. Vesta s’est opposée à la requête, soutenant que l’ESN avait été indûment invoquée.

[3] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal décide de mettre fin à son enquête sur la plainte.

CONTEXTE DE LA PROCÉDURE

[4] TPSGC a publié l’AP le 9 avril 2020.

[5] TPSGC a avisé Vesta que sa soumission n’avait pas été retenue le 14 août 2020. Après avoir communiqué par écrit avec le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement (BOA), Vesta a présenté une opposition à TPSGC le 28 août 2020.

[6] Il s’en est suivi un échange de correspondance entre TPSGC, Vesta et le BOA. Le 19 octobre 2020, TPSGC a avisé Vesta que son équipe technique avait réévalué sa soumission mais que le résultat demeurait le même.

[7] Vesta a déposé sa plainte auprès du Tribunal le 2 novembre 2020. Le Tribunal a accepté d’enquêter sur la plainte le 7 novembre 2020.

[8] Le 3 décembre 2020, TPSGC a déposé une requête demandant que le Tribunal mette fin à son enquête aux termes des paragraphes 10(2) et 10(3) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [1] .

[9] Le 11 décembre 2020, Vesta a déposé sa réponse eu égard à la requête de TPSGC, s’opposant à la demande de TPSGC de mettre fin à l’enquête. TPSGC a répondu le 16 décembre 2020.

POSITION DES PARTIES

[10] TPSGC a demandé que le Tribunal mette fin à son enquête, au motif qu’une ESN a été invoquée privant le Tribunal de sa compétence d’enquêter sur la plainte. TPSGC se fonde sur les paragraphes 10(2) et 10(3) du Règlement, qui stipulent ce qui suit :

(2) Le Tribunal ordonne le rejet d’une plainte à l’égard de laquelle une exception au titre de la sécurité nationale prévue dans [les accords commerciaux applicables] selon le cas, a été dûment invoquée par l’institution fédérale concernée.

(3) L’exception est dûment invoquée lorsque le sous-ministre adjoint responsable de l’octroi du contrat spécifique en cause ou une personne ayant un poste équivalent a signé une lettre approuvant le fait d’invoquer l’exception au titre de la sécurité nationale et que la date apposée sur la lettre est antérieure à la date à laquelle le contrat spécifique a été accordé.

[11] À l’appui de sa requête, TPSGC a déposé une lettre datée du 14 mars 2020, qui approuve l’invocation de l’exception au titre de la sécurité nationale pour les appels d’offres ayant trait à des biens ou services requis afin de faire face à la pandémie de COVID-19 [2] . Cette lettre concerne les appels d’offres menés par TPSGC, et s’applique jusqu’à ce que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) déclare que la pandémie de COVID-19 n’est plus une « urgence de santé publique de portée internationale » [3] . La lettre est signée par trois hauts fonctionnaires de TPSGC : Arianne Reza, sous‑ministre adjointe de la Direction générale des approvisionnements, André Fillion, sous‑ministre adjoint de la Direction générale de l’approvisionnement maritime et de défense, et Stéphan Déry, sous-ministre adjoint chargé des services immobiliers [4] .

[12] TPSGC soutient que l’ESN a été « dûment invoquée » conformément au Règlement parce que la sous-ministre adjointe de la Direction générale des approvisionnements est responsable de l’adjudication du contrat spécifique en question dans la présente plainte, et parce que la lettre a été signée avant qu’un contrat ne soit adjugé. TPSGC admet que l’AP ne faisait aucune mention de l’ESN; toutefois, TPSGC soutient que cela est sans rapport avec la question de savoir si le Tribunal doit mettre fin à son enquête aux termes des paragraphes 10(2) et 10(3) du Règlement, qui ne requièrent pas que l’ESN soit annoncée à l’avance.

[13] Vesta demande que TPSGC soit empêché d’utiliser l’ESN, faisant valoir que celui-ci s’est indûment engagé dans des procédures de règlement des différends fallacieuses, que l’invocation de l’ESN n’a pas été fait en temps utile et que l’utilisation de l’ESN est contraire à une bonne politique publique et à la transparence. Selon Vesta, TPSGC doit informer les soumissionnaires dans les documents de l’appel d’offres de l’invocation d’une ESN, ce qu’il n’a pas fait. Vesta soutient qu’elle n’a pas été avisée de l’invocation de l’ESN, que ce soit dans ses discussions avec des agents de TPSGC ou dans l’AP, qui indiquait que l’Accord de libre-échange canadien [5] s’appliquait à l’appel d’offres [6] . De plus, Vesta soutient que l’Organisation mondiale du commerce et le Tribunal ont tous deux statués antérieurement que l’invocation d’une ESN doit être justifiée par des raisons de sécurité nationale valables.

ANALYSE

[14] Le Tribunal décide de mettre fin à son enquête aux termes des paragraphes 10(2) et 10(3) du Règlement, ainsi qu’en raison de l’ESN énoncée à l’article 801b) de l’ALEC [7] .

[15] Le Tribunal conclut que TPSGC a déposé une lettre qui invoque dûment l’ESN conformément aux exigences du paragraphe 10(3) du Règlement. La date de la lettre est antérieure à l’adjudication de tout contrat découlant de l’appel d’offres en question, et elle est signée par la personne responsable appropriée (c’est-à-dire la sous-ministre adjointe de la Direction générale des approvisionnements de TPSGC). Bien que la lettre soit conditionnelle à la persistance de la pandémie de COVID-19 selon les indications de l’OMS, il est évident que la pandémie sévit toujours. L’appel d’offres en question vise à faire face à la pandémie de COVID-19, comme la lettre le requiert.

[16] Enfin, le Tribunal désire aussi souligner que sa décision de mettre fin à la présente enquête ne prive pas nécessairement Vesta de tout recours, celle-ci ayant les cours [8] et/ou le BOA comme alternative au Tribunal. En effet, le dossier indique que Vesta est déjà entrée en communication avec le BOA.

FRAIS

[17] Étant donné que TPSGC n’a pas avisé Vista de l’ESN en temps utile, le Tribunal accorde à Vesta une indemnité de 500 $ pour les frais liés à la plainte à être versée par TPSGC. Le Tribunal considère que Vesta ne pouvait pas savoir avant le dépôt de sa plainte qu’une ESN avait été invoquée, étant donné que TPSGC n’a mentionné l’ESN qu’une fois la plainte acceptée pour enquête.

CONCLUSION

[18] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal par la présente met fin à son enquête sur la plainte.

Randolph W. Heggart

Randolph W. Heggart
Membre présidant

 



[1] DORS/93-602 [Règlement].

[2] Pièce PR-2020-057-20 aux p. 55-60.

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] En ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2020/09/CFTA-Consolidated-Text-Final-French_September-24-2020.pdf> (entré en vigueur le 1er juillet 2017) [ALEC].

[6] Pièce PR-2020-057-20 aux p. 8-9.

[7] L’article 801b) de l’ALEC stipule ce qui suit : « Le présent accord ne peut être interprété comme : [...] b) empêchant le gouvernement du Canada de prendre les dispositions qu’il juge nécessaires pour protéger les intérêts du Canada en matière de sécurité nationale ou pour respecter ses obligations internationales en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. »

[8] Voir par exemple la doctrine concernant la violation de contrats et le devoir d’équité envers les soumissionnaires selon le paradigme du « Contrat A » et du « Contrat B », adopté par la Cour suprême du Canada dans La Reine (Ont.) c. Ron Engineering, [1981] 1 RCS 111, 1981 CanLII 17 (CSC). Voir aussi Tercon Contractors Ltd. c. Colombie-Britannique (Transports et Voirie), [2010] 1 RCS 69, 2010 CSC 4.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.