Enquêtes sur les marchés publics

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier no PR-2020-089

NUA Office Inc.

Décision prise
le mercredi 17 février 2021

Décision et motifs rendus
le mercredi 3 mars 2021

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

NUA OFFICE INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre présidant

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1] En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] , déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

APERÇU

[2] La présente plainte concerne un marché public passé par le ministère de la Santé (Santé Canada) pour la fourniture de chaises de bureau (invitation no 1000227978) par l’entremise d’un appel d’offres dans le cadre de l’arrangement en matière d’approvisionnement (AMA) E60PQ‑120001/xxx/PQ du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux [3] .

[3] NUA Office inc. (NUA) a contesté la décision de Santé Canada de ne pas lui attribuer le contrat dans le cadre de la procédure du marché public susmentionné. NUA fait valoir que sa soumission a été rejetée à tort en raison d’évaluations incorrectes reposant sur les motifs suivants : tout d’abord, elle n’aurait pas présenté la soumission conforme la moins-disante et, ensuite, sa soumission n’aurait pas respecté tous les critères obligatoires, notamment le critère technique obligatoire (CTO) 1 qui exigeaient des dimensions précises pour les fauteuils à acquérir (notamment que le dossier soit d’une hauteur comprise entre 17,7 et 26 pouces [4] ). Ces allégations sont fondées sur les comptes rendus de Santé Canada qui, selon NUA, montre que Santé Canada a changé à plusieurs reprises le fondement de sa décision de ne pas lui attribuer le marché.

CONTEXTE

[4] Voici la chronologie des événements qui se sont déroulés le 10 février 2021 :

· NUA a reçu un courriel de Santé Canada indiquant que, bien que sa proposition satisfaisait aux exigences obligatoires de l’appel d’offres, elle n’était pas la soumission conforme la moins-disante et que, par conséquent, NUA ne se verrait pas attribuer le contrat [5] .

· NUA a répondu à Santé Canada que sa soumission était de fait moins chère que le montant indiqué par Santé Canada pour la soumission retenue [6] .

· Santé Canada a répondu à NUA en reconnaissant que sa soumission était en effet la moins-disante, mais en précisant que sa soumission ne respectait pas l’un des critères obligatoires (CTO 1) et ne pouvait donc pas être prise en considération [7] .

· En réponse à la conclusion de Santé Canada, selon laquelle la soumission ne satisfaisait pas au CTO 1, NUA lui a réécrit en soulignant que les résultats d’essais certifiés présentés dans ses documents d’appel d’offres démontrent sa conformité au critère [8] .

[5] Le 12 février 2021, Santé Canada a informé NUA par courriel qu’il avait examiné sa soumission et avait jugé qu’elle ne répondait pas à un autre critère obligatoire, le CTO 2, qui exigeait la présentation d’un rapport d’essai confirmant la conformité de la stabilité du produit proposé [9] . Plus précisément, Santé Canada demandait à NUA d’indiquer où, dans les rapports de laboratoire présenté avec sa soumission, se trouvait la confirmation que les rapports de laboratoire portaient précisément sur le modèle de fauteuil proposé par NUA (soit le modèle HON Ignition 2.0 HIWMM). Santé Canada a également indiqué que le fauteuil HON Ignition 2.0 HIWMM n’était pas un produit approuvé dans le cadre de l’AMA, et ne pouvait donc pas être pris en considération.

[6] NUA a répondu que les motifs incohérents invoqués pour le rejet de sa soumission (tout d’abord, parce qu’elle n’était pas la moins-disante, puis parce qu’elle ne satisfaisait pas au CTO 1 et, enfin, qu’elle ne respectait pas le CTO 2) révélaient un processus d’évaluation vicié et a déclaré son intention de déposer une plainte auprès du Tribunal, ce qu’elle a fait le jour même [10] .

ANALYSE

[7] Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, le Tribunal peut enquêter sur une plainte si toutes les conditions suivantes sont remplies :

  • a. la plainte a été déposée dans les délais prescrits à l’article 6;

  • b. la partie plaignante est un fournisseur potentiel;

  • c. la plainte porte sur un contrat spécifique;

  • d. les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables.

[8] Selon la chronologie des événements entourant la plainte de NUA décrite ci-dessus, la plainte a été déposée dans les délais prescrits, conformément à l’article 6 du Règlement. Toutefois, pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, une violation des accords commerciaux applicables, y compris l’Accord de libre-échange canadien [11] (ALEC).

Aucune indication raisonnable d’une violation des accords commerciaux applicables

[9] Aux termes du paragraphe 7(1) du Règlement, le Tribunal doit déterminer si les renseignements fournis par la partie plaignante, ou tout autre renseignement examiné par le Tribunal, démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables énumérés dans ce paragraphe. Le Tribunal a déjà défini le seuil d’« indication raisonnable » en ces termes :

Dans une plainte concernant les marchés publics, la partie qui allègue qu’un marché public n’a pas été passé en conformité avec les accords commerciaux applicables doit présenter certains éléments probants à l’appui de son allégation. Cela ne signifie pas qu’une partie plaignante dans un litige concernant un marché public aux termes d’un des accords doive démontrer tous les faits nécessaires comme une partie plaignante doit généralement le faire dans une action au civil. [...] Cependant, la partie plaignante doit présenter suffisamment de faits ou arguments qui indiquent, d’une façon raisonnable, qu’il y a eu violation d’un des accords commerciaux [12] .

[10] Dans son formulaire de plainte, à la section où la partie plaignante est invitée à fournir un exposé détaillé des faits et des arguments à l’appui de la plainte, NUA a simplement écrit « voir les courriels joints » [traduction], en référence à la correspondance par courriel entre celle-ci et Santé Canada mentionnée ci-dessus. Bien que ce dossier de correspondance semble indiquer une communication parfois incohérente (et sans doute désorganisée) par Santé Canada des résultats de l’appel d’offres, le Tribunal conclut, pour les motifs exposés ci-dessous, qu’il ne révèle pas d’indication raisonnable d’une violation des accords commerciaux applicables.

[11] Les motifs de plainte de NUA doivent être déduits des courriels échangés avec Santé Canada, correspondance qu’elle a présentée dans sa plainte. Ces motifs semblent être les suivants : premièrement, Santé Canada a déterminé à tort que la soumission de NUA ne répondait pas aux critères obligatoires énoncés dans l’appel d’offres, en particulier le CTO 1 et le CTO 2, notamment en refusant d’examiner si le modèle précis de fauteuil présenté dans la soumission de NUA pouvait être pris en considération; deuxièmement, Santé Canada n’a pas fourni à NUA une explication suffisante des raisons pour lesquelles sa soumission n’a pas été retenue pour l’attribution du marché.

[12] Comme il a été mentionné précédemment, cette procédure de marché public est visée par l’ALEC. Bien que NUA n’ait pas invoqué des dispositions précises de l’ALEC dans sa plainte, les dispositions les plus pertinentes de l’ALEC semblent être les articles 509.3, 515.5 et 516.1.

[13] L’article 509.3 est libellé ainsi :

Une entité contractante ne prescrit pas de spécifications techniques qui exigent ou mentionnent une marque ou un nom commercial, un brevet, un droit d’auteur, un dessin ou modèle, un type, une origine déterminée, un producteur ou un fournisseur déterminé. Si les spécifications techniques sont utilisées de cette façon, l’entité contractante indique qu’elle prendra en considération les soumissions portant sur des produits ou des services équivalents dont il peut être démontré qu’ils satisfont aux prescriptions du marché, en utilisant des termes tels que « ou l’équivalent » dans la documentation relative à l’appel d’offres.

[14] L’article 515.5 est libellé ainsi :

À moins qu’elle ne détermine qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’adjuger un marché, l’entité contractante adjuge le marché au fournisseur dont elle a déterminé qu’il est capable de satisfaire aux modalités du marché et qui, uniquement sur la base des critères d’évaluation spécifiés dans les avis d’appel d’offres et la documentation relative à l’appel d’offres, a présenté :

a) soit la soumission la plus avantageuse;

b) soit, si le prix est le seul critère, le prix le plus bas.

[15] L’article 516.1 est libellé ainsi :

Une entité contractante informe dans les moindres délais les fournisseurs participants des décisions qu’elle a prises concernant l’adjudication du marché et, si un fournisseur le lui demande, elle le fait par écrit. Sous réserve de l’article 517, une entité contractante expose, sur demande, à un fournisseur non retenu les raisons pour lesquelles elle n’a pas retenu sa soumission.

Conformité aux critères obligatoires

[16] À divers moments, Santé Canada a indiqué à NUA que sa soumission ne satisfaisait pas au CTO 1 et au CTO 2. Le Tribunal se penchera à son tour sur la question de la conformité de la soumission de NUA au regard de ces deux critères.

Conformité au CTO 1

[17] Le CTO 1 prévoit ce qui suit :

Le soumissionnaire doit fournir un dessin au trait et / ou un 3D avec les dimensions du produit «A1» tel que décrit à l’annexe «A» de la présente demande de soumissions.

Pour démontrer CTO 1, le soumissionnaire doit soumettre un dessin et / ou 3-D du produit «A1» qui montre au minimum :

- Longueur

- Largeur

- Hauteur [13]

[18] L’annexe A de l’appel d’offres contient un tableau présentant les exigences relatives aux différents composants des fauteuils à acquérir, chaque composant étant identifié par une lettre de l’alphabet. Il illustre également un diagramme visuel d’un fauteuil, dont les composants individuels sont marqués des lettres correspondant à ces composants tels qu’ils sont énumérés dans le tableau. En ce qui concerne les composants pour lesquels le tableau indique une taille requise ou un éventail de tailles, le diagramme fournit une indication visuelle de la manière dont le composant doit être mesuré, soit une ligne droite horizontale ou verticale dont les extrémités forment les points entre lesquels la mesure doit être effectuée. Le tableau contient deux lignes indiquant les exigences relatives au dossier, toutes deux désignées par la lettre « B », la première ligne intitulée « Hauteur du dossier » indiquant une exigence de hauteur « standard » du dossier comprise entre 450 mm (17,7 pouces) et 660 mm (26,0 pouces). Le diagramme, dans lequel le dossier du fauteuil est clairement identifié par la lettre « B », comprend une ligne verticale indiquant que le dossier doit être mesuré du bas du siège du fauteuil au haut du composant formant le dossier, ce qui exclut tout appui‑tête [14] .

[19] La soumission de NUA comprend plusieurs pages de spécifications techniques pour cinq modèles différents du fauteuil HON HIWMM Ignition. La première page de ces spécifications contient un diagramme d’un fauteuil marqué de lignes classées par ordre alphabétique démontrant comment chaque composant doit être mesuré, semblable au diagramme de l’annexe A de l’appel d’offres [15] . La deuxième page des spécifications comprend un tableau énumérant les « principales dimensions » [traduction] des composants de cinq modèles différents du fauteuil HON HIWMM Ignition, dont les lignes sont identifiées en ordre alphabétique pour chaque composant, là encore de façon semblable au tableau de l’annexe A de l’appel d’offres [16] . Dans les spécifications de NUA, la ligne du tableau indiquant les dimensions pour la « Hauteur du dossier » est marquée de la lettre « J », et correspond à une flèche verticale dans le diagramme, également marquée de la lettre « J », qui illustre que la mesure du composant formant le dossier se prend du bas au haut du fauteuil illustré. La ligne « J » du tableau indique que la hauteur du dossier de chaque modèle de fauteuil est de « 29,0 pouces » (vingt-neuf pouces). Le diagramme de mesure dans les spécifications indique également que cette mesure semble être prise à partir du haut du siège, et non du bas comme il est illustré dans le diagramme de l’appel d’offres, ce qui indique que la hauteur du dossier des différents modèles de HON Ignition HIWMM pourrait être supérieure à 29 pouces lorsqu’elle est mesurée selon les instructions de l’appel d’offres.

[20] Dans son courriel du 10 février 2021 (15 h 24), NUA s’est opposée à la conclusion de Santé Canada selon laquelle elle ne satisfaisait pas au CTO 1, au motif que les essais en laboratoire inclus dans sa soumission indiquent une hauteur de dossier de 640 mm, soit environ 25,2 pouces, ce qui se trouve dans la fourchette acceptable définie à l’annexe A de l’appel d’offres [17] . Toutefois, comme le Tribunal le fera valoir dans son analyse du CTO 2, il demeure incertain si les résultats des essais fournis par NUA dans sa soumission concernent le fauteuil HON Ignition HIWMM, le rapport étant muet à cet égard. Lorsque Santé Canada a demandé à NUA de préciser si les rapports d’essais étaient en fait pour le fauteuil HON Ignition HIWMM, l’entreprise a choisi de ne pas répondre et de poursuivre avec sa plainte auprès du Tribunal [18] .

[21] Compte tenu de cette analyse et surtout à la suite de l’examen de la fiche technique du fabricant fournie avec la soumission de NUA, que le Tribunal a jugé raisonnable de considérer comme étant une source d’information fiable et précise sur le produit proposé par NUA, le Tribunal conclut que NUA n’a pas réussi à établir de manière convaincante que son produit satisfaisait au CTO 1.

Conformité au CTO 2

[22] Le CTO 2 prévoit ce qui suit :

Le soumissionnaire doit offrir des produits qui ont réussi tous les tests décrits à l’annexe A de l’arrangement en matière d’approvisionnement de fauteuils de bureau E60PQ-120001 et à l’annexe A de la présente demande de soumissions, le cas échéant.

Pour démontrer CTO2, le soumissionnaire doit soumettre une copie du rapport d’essai qui confirme la conformité pour la stabilité du produit «A1». Au minimum, le rapport de test doit montrer ce qui suit :

- Nom et adresse du laboratoire

- Date de rapport

- Description de l’élément de test

- Résultats des tests (conformes)

[23] Le 12 février 2021, Santé Canada a informé NUA qu’une équipe de représentants de Santé Canada avait examiné sa soumission et l’avait jugée non conforme au CTO 2 [19] . Ce courriel demandait à NUA d’indiquer où, dans les rapports de laboratoire présentés avec sa soumission, se trouvait la confirmation que les rapports de laboratoire portaient sur le modèle de fauteuil HON Ignition 2.0 HIWMM. Santé Canada a également fait remarquer que le modèle de fauteuil HON Ignition 2.0 HIWMM, le modèle figurant dans la soumission de NUA sous « Annexe B - Prix [20] » [traduction], n’était pas approuvé dans le cadre de l’AMA et ne pouvait donc pas être pris en considération. C’est en réponse à ce courriel que NUA a mis fin à la discussion et a informé Santé Canada de son intention de déposer la présente plainte au Tribunal [21] .

[24] NUA affirme ce qui suit dans sa plainte, sans plus de précisions : « nous sommes en conformité avec le CTO 2 » [traduction]. Le Tribunal ne parvient pas à trouver dans la plainte de NUA des éléments qui semblent confirmer que les trois rapports d’essai inclus dans sa soumission se rapportent au modèle de fauteuil en question [22] . Sa plainte ne comprend pas non plus la documentation relative à l’AMA ni ne fournit d’autres éléments de preuve permettant de déterminer si sa soumission satisfaisait aux exigences du CTO 2, ou si l’appel d’offres imposait des spécifications techniques inappropriées, ce qui pourrait indiquer une violation de l’article 509 de l’ALEC. En l’absence d’éléments de preuve à cet effet, le Tribunal ne voit pas comment il est possible d’affirmer, d’une part, que Santé Canada a incorrectement évalué la soumission de NUA quant à l’exigence de démontrer la hauteur du dossier requise selon le CTO 1 ou, d’autre part, que l’entreprise a réussi les essais à l’égard du CTO 2.

[25] Dans son dernier courriel à Santé Canada [23] , NUA déclare qu’elle a fourni de manière satisfaisante les mêmes fauteuils à d’autres ministères sans avoir fait cette démonstration explicite. Cela ne signifie pas qu’il était déraisonnable pour Santé Canada de demander des documents confirmant la conformité de la soumission de NUA aux critères obligatoires. Un tel constat est d’autant plus exact compte tenu des instructions explicites de « fournir un dessin au trait et / ou un 3D avec les dimensions du produit » pour démontrer la conformité au CTO 1 et de « soumettre une copie du rapport d’essai qui confirme la conformité pour la stabilité », y compris une « [d]escription de l’élément de test », pour démontrer la conformité au CTO 2. Comme le Tribunal l’a déjà affirmé, c’est au soumissionnaire qu’il incombe de s’assurer que sa proposition est conforme à tous les éléments essentiels d’un appel d’offres [24] , conformité dont il a le fardeau de démontrer [25] .

[26] Selon le Tribunal, la frustration de NUA à l’égard de l’incohérence des renseignements fournis par Santé Canada concernant les motifs pour lesquels sa soumission n’a pas été retenue est compréhensible. Le Tribunal examine ci-dessous la question de savoir si les lacunes dans la communication de ces motifs par Santé Canada révèlent une indication raisonnable d’une violation des accords commerciaux applicables. Selon la plainte de NUA toutefois, il est difficile de voir ce dont le Tribunal pourrait tenir compte pour décider que le rejet par Santé Canada de sa soumission, au motif qu’elle était non conforme aux critères obligatoires, pourrait raisonnablement indiquer une violation de l’ALEC ou d’autres accords commerciaux.

Caractère suffisant du processus de compte rendu

[27] Santé Canada a fourni plusieurs raisons pour lesquelles la soumission de NUA n’a pas été retenue : premièrement, qu’elle était conforme aux conditions du marché public mais n’était pas la moins‑disante; ensuite, qu’elle était la moins-disante mais n’était pas conforme au CTO 1; et enfin, qu’elle n’était pas conforme au CTO 2. Bien que la plainte de NUA ne le fasse pas explicitement, il est permis de soutenir que cela reflète une violation de l’obligation du gouvernement de fournir une explication des raisons pour lesquelles la soumission de NUA n’a pas été retenue.

[28] Cependant, le Tribunal est d’avis que la discussion continue qu’a entretenue Santé Canada à l’égard de l’évaluation peut être considérée plus précisément comme donnant à NUA l’occasion de s’assurer que l’évaluation de sa soumission était approfondie et complète. Cette interprétation est attestée par le fait que Santé Canada a reconnu que la soumission de NUA était la moins-disante lorsque l’entreprise lui a présenté des informations confirmant ce fait. Santé Canada a ensuite demandé des informations complémentaires qui pourraient confirmer la conformité de la soumission de NUA aux CTO 1 et CTO 2. Comme indiqué ci-dessus, le Tribunal ne considère pas cette demande comme étant déraisonnable.

[29] NUA aurait pu à tout moment demander un compte rendu officiel, comme le prévoit la clause 1.5 de l’appel d’offres [26] . Elle aurait pu également déposer une opposition auprès de Santé Canada si elle considérait que le compte rendu révélait des irrégularités dans la conduite ou le résultat de l’évaluation. En agissant ainsi, NUA aurait préservé sa capacité à poursuivre son recours devant le Tribunal, dont les délais n’auraient pas commencé à courir avant qu’elle ne reçoive une réponse de Santé Canada refusant la réparation demandée. Si elle avait alors déposé une plainte, le Tribunal aurait bénéficié de l’explication complète de Santé Canada et de la réponse de NUA à celle‑ci.

[30] À l’inverse, NUA a mis fin à ses discussions avec Santé Canada et a déposé sa plainte auprès du Tribunal. Le Tribunal doit donc prendre une décision en fonction des informations contenues dans la plainte de NUA. Ces informations ne semblent pas indiquer que Santé Canada ait à tout moment refusé de fournir à NUA un compte rendu ou négligé de répondre utilement aux questions de NUA à l’égard du résultat de l’appel d’offres. Compte tenu des circonstances, le Tribunal ne trouve aucune indication raisonnable selon laquelle Santé Canada a manqué à son obligation de fournir à NUA les raisons pour lesquelles sa soumission n’a pas été retenue.

Conclusion

[31] Selon le Tribunal, les informations contenues dans la plainte de NUA suggèrent que la manière dont Santé Canada a communiqué les résultats du marché à NUA était imparfaite, mais aussi que Santé Canada est intervenu avec sérieux auprès de NUA pour répondre à ses préoccupations, et ce, jusqu’à ce que NUA mette fin à la discussion. Pour les motifs énoncés ci-dessus, le Tribunal conclut que la manière, certes imparfaite, dont a agi Santé Canada ne l’est pas dans une mesure telle qui indique raisonnablement une violation des accords commerciaux applicables. Cela étant dit, le Tribunal estime que cette plainte soulève plusieurs points qui méritent d’être commentés.

[32] Tout d’abord, il est important qu’une partie plaignante soit aussi claire et précise que possible lorsqu’elle démontre comment sa soumission répond aux exigences d’un appel d’offres, à la fois dans sa documentation et dans toute plainte ultérieure adressée au Tribunal.

[33] De plus, il incombe aux soumissionnaires non retenus d’envisager les recours possibles auprès de l’entité contractante, comme la demande d’un compte rendu officiel et la formulation d’une opposition formelle à celle-ci. Cela dit, le Tribunal prend bien soin ici de souligner que cela ne constitue en aucun cas une condition préalable au dépôt d’une plainte. En l’instance, un compte rendu officiel et une opposition concernant l’évaluation de la soumission de NUA auraient pu fournir des éléments de preuve supplémentaires permettant au Tribunal de décider s’il y a lieu de mener une enquête.

[34] Ensuite, le Tribunal insiste pour souligner l’obligation des entités contractante, lorsqu’elles sont ainsi sollicitées, de fournir aux soumissionnaires non retenus une explication précise des raisons pour lesquelles leur soumission n’a pas été retenue, conformément à l’article 516.1 de l’ALEC et aux dispositions comparables d’autres accords commerciaux. En l’instance, au moins une erreur s’est produite à cet égard, à savoir la communication initiale de Santé Canada selon laquelle la soumission de NUA avait été rejetée au motif qu’elle ne présentait pas le prix évalué le plus bas. Santé Canada a par la suite corrigé cette erreur et a indiqué qu’il avait rejeté la soumission de NUA pour d’autres motifs que le Tribunal juge raisonnables, à la lumière des éléments de preuve et pour les motifs exposés ci-dessus. Ainsi, le Tribunal ne considère pas que cette erreur, à elle seule, indique raisonnablement une violation d’une obligation découlant de l’ALEC. Cependant, le Tribunal se penchera attentivement sur l’exactitude et la clarté de ces communications pour évaluer l’allégation d’une telle violation.

[35] Enfin, bien que la partie plaignante en l’espèce semble avoir été au fait des procédures du Tribunal, ce dernier fait remarquer que la lettre de Santé Canada informant à regret NUA qu’elle n’était pas le soumissionnaire retenu n’indiquait pas de recours potentiel au Tribunal. Tout en reconnaissant que Santé Canada a aiguillé NUA vers le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement [27] (BOA) et que la documentation relative à l’appel d’offres décrit effectivement la possibilité de recourir au BOA et au Tribunal [28] , le Tribunal saisit cette occasion pour réitérer sa position selon laquelle les entités contractantes devraient immédiatement et volontairement fournir ces informations lorsqu’elles communiquent les résultats d’un processus d’appel d’offres aux soumissionnaires non retenus [29] .

DÉCISION

[36] Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2] DORS/93-602 [Règlement].

[3] Plusieurs fournisseurs semblent avoir déjà obtenu des AMA pour la fourniture de chaises de bureau, chacun d’entre eux étant identifié par trois chiffres après le numéro d’identification initial. Les renseignements sur le site Achatsetventes.gc.ca identifient l’AMA de NUA Office Inc. sous le numéro E60PQ-120001/044/PQ.

[4] Pièce PR-2020-089-01B à la p. 18.

[5] Ibid. à la p. 29.

[6] Ibid. à la p. 28.

[7] Ibid. à la p. 28.

[8] Pièce PR-2020-089-01 à la p. 41.

[9] Ibid. aux p. 37-38.

[10] Ibid. à la p. 37.

[11] Selon l’avis de projet de marché de cet appel d’offres, qui se trouve sur le site Achatsetventes.gc.ca, plusieurs accords commerciaux du Canada s’appliquent à ce marché public, y compris l’Accord de libre-échange canadien, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2017/06/CFTA-Consolidated-Text-Final-Print-Text-French-.pdf> (entré en vigueur le 1er juillet 2017).

[12] Paul Pollack Personnel Ltd. s/n The Pollack Group Canada (24 septembre 2013), PR-2013-016 (TCCE) au par. 27, citant K-Lor Contractors Services Ltd. (23 novembre 2000), PR-2000-023 (TCCE) à la p. 6.

[13] Pièce PR-2020-089-01B à la p. 10.

[14] Ibid. à la p. 18.

[15] Pièce PR-2020-089-01 à la p. 20.

[16] Ibid. à la p. 21.

[17] Ibid. aux p. 26, 41.

[18] Ibid. aux p. 37-38.

[19] Ibid. aux p. 37-38.

[20] Pièce PR-2020-089-01B à la p. 20.

[21] Pièce PR-2020-089-01 aux p. 37-38.

[22] Ibid. aux p. 23-36.

[23] Ibid. à la p. 37.

[24] Ottawa Metro towing/Metro Tow Trucks (2 mai 2019), PR-2019-008 (TCCE) au par. 14, citant Tektronix Canada Inc. (20 novembre 2015), PR-2015-041 (TCCE) au par. 16.

[25] Unisource Technology Inc. (13 décembre 2013), PR-2013-027 (TCCE) au par. 16.

[26] Pièce PR-2020-089-01B à la p. 5.

[27] Ibid. à la p. 29.

[28] Ibid. à la p. 8.

[29] Voir, par exemple, Expert Systèmes (148650 Canada Inc.) (20 août 2020), PR-2020-027 (TCCE) aux par. 20‑24; Seigniory Chemical Products Limited, faisant affaire sous le nom SCP SCIENCE (6 décembre 2019), PR-2019-048 (TCCE) au par. 35; Kaméléons & cie Solutions Design Inc. (26 novembre 2019), PR-2019-047 (TCCE) au par. 22; R.H. MacFarlands (1996) Ltd. (23 décembre 2013), PR-2013-029 (TCCE) aux par. 30-31; ADR Education (18 juillet 2013), PR-2013-009 (TCCE) au par. 34.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.