Enquêtes sur les marchés publics

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Contenu de la décision

Dossier no PR-2020-096

Visiontec (2008) Ltd.

c.

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Décision rendue
le vendredi 30 juillet 2021

Motifs rendus
le mercredi 18 août 2021

 



EU ÉGARD À une plainte déposée par Visiontec (2008) Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

VISIONTEC (2008) LTD.

Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est en partie fondée.

Chaque partie assumera ses propres frais.

Randolph W. Heggart

Randolph W. Heggart
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

Membre du Tribunal :

Randolph W. Heggart, membre présidant

Conseillers juridiques du Tribunal :

Helen Byon, conseillère juridique principale
Isaac Turner, conseiller juridique

Partie plaignante :

Visiontec (2008) Ltd.

Conseiller juridique de la partie plaignante :

Riyaz Dattu

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques de l’institution fédérale :

Jay Gupta
Gabrielle Thompson
Athena Efraim

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

APERÇU

[1] La présente plainte a été déposée par Visiontec (2008) Ltd. (Visiontec), aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , relativement à une demande de propositions (appel d’offres no 21120-203664/A) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du Service correctionnel du Canada (SCC) en vue de l’acquisition de deux systèmes de scanneurs corporels à rayons X (la DP). Les scanneurs à rayons X sont destinés à être utilisés pour scanner les détenus afin de détecter des articles de contrebande tels que des stupéfiants et des armes.

[2] Le Tribunal a accepté d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE et conformément aux conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] , et a procédé à une enquête afin de déterminer le bien-fondé de la plainte en application des articles 30.13 à 30.15 de la Loi sur le TCCE.

[3] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la plainte est en partie fondée.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[4] Dans sa plainte, Visiontec fait certaines allégations concernant le comportement de TPSGC et du SCC envers Visiontec relativement à un conflit d’intérêts apparent ou à un avantage indu dans le cadre du processus de passation du marché qui fait l’objet de la DP. Plus précisément, Visiontec allègue ce qui suit :

a) le processus de passation du marché n’était pas équitable, ouvert et transparent;

b) TPSGC a adopté un point de vue contradictoire à l’égard de la question de savoir si Visiontec pouvait présenter une soumission;

c) TPSGC a refusé la demande de Visiontec en vue de tenir une rencontre et de fournir davantage de renseignements concernant l’allégation de TPSGC selon laquelle Visiontec était en conflit d’intérêts apparent;

d) l’allégation de TPSGC n’est pas étayée en droit; le conflit d’intérêts apparent découle du fait que TPSGC et le SCC n’ont pas pris les mesures nécessaires pour enrayer ou mitiger le conflit d’intérêts.

[5] À titre de mesure corrective, Visiontec demande qu’un nouvel appel d’offres soit publié ou, subsidiairement, qu’elle soit indemnisée pour les dommages et les pertes qu’elle a subis.

historique DE LA PROCÉDURE

[6] Le 9 décembre 2020, TPSGC a envoyé un courriel à Visiontec pour l’aviser qu’étant donné que « DE », son consultant, avait également travaillé à l’élaboration de la DP comme consultant, le gouvernement du Canada ne serait pas en mesure d’accepter sa soumission après la publication de la DP en raison d’un « conflit d’intérêts potentiel [3] » [traduction].

[7] Le 17 décembre 2020, Visiontec a répondu en faisant valoir qu’il n’existait aucun conflit d’intérêts ou conflit d’intérêts potentiel. Elle a demandé à TPSGC d’énoncer « par écrit » [traduction] le fondement de sa position, et a également proposé d’organiser une téléconférence pour discuter de la question [4] . Le 21 janvier 2021, TPSGC a indiqué à Visiontec qu’il serait « prématuré » [traduction] de tenir une rencontre puisque la DP n’avait pas encore été publiée. Dans sa lettre, TPSGC a informé Visiontec qu’il existait à son égard « un conflit d’intérêts ou un avantage indu » [traduction], et qu’il avait l’intention de se fonder sur l’article 18 (2012‑03‑02 Conflit d’intérêts / Avantage indu) des Instructions uniformisées – biens ou services – besoins concurrentiels de 2003 (2020‑05‑28) (Instructions uniformisées) du Guide des clauses et conditions uniformisées d’achat de TPSGC. Conformément au paragraphe 3 de l’article 18, Visiontec aurait l’occasion de faire valoir son point de vue avant que TPSGC rende une décision définitive [5] .

[8] Le 29 janvier 2021, Visiontec a envoyé une autre lettre à TPSGC pour exprimer son désaccord avec sa position. Peu de temps après, soit le 5 février 2021, Visiontec a envoyé à TPSGC une lettre contenant plus de deux douzaines de questions quant à l’affirmation de TPSGC selon laquelle elle se trouvait en situation de conflit d’intérêts [6] .

[9] Le 24 février 2021, TPSGC a publié la DP, dont la date de clôture était le 6 avril 2021. La date de clôture a été repoussée au 26 mai 2021 après que plusieurs modifications eurent été apportées à la DP [7] .

[10] Le 26 février 2021, à la suite de la publication de la DP, Visiontec a envoyé une lettre à TPSGC pour lui demander de répondre à sa lettre du 5 février. TPSGC a répondu à la lettre de Visiontec le 1er mars 2021 pour l’informer qu’elle avait déjà répondu à ses questions en décembre 2020 et que « l’organisme responsable de ces questions est le Tribunal. Le Tribunal est chargé de protéger l’intégrité des processus de passation des marchés publics du gouvernement du Canada » [traduction]. TPSGC a affirmé qu’il ne serait pas en mesure d’accepter la soumission de Visiontec [8] .

[11] Le 5 mars 2021, Visiontec a écrit à TPSGC pour énoncer les motifs de ses objections en faisant notamment valoir que les conclusions de TPSGC n’ont pas de fondement factuel ou juridique [9] . Le 10 mars 2021, TPSGC a écrit à Visiontec pour réitérer qu’il « maintenait qu’il y aurait apparence de conflit d’intérêts si Visiontec était autorisée à présenter une soumission [10] » [traduction].

Procédure de plainte

[12] Le 17 mars 2021, Visiontec a déposé sa plainte auprès du Tribunal. Le Tribunal a accepté d’enquêter sur la plainte le 24 mars 2021.

[13] Dans sa plainte, Visiontec a demandé que le Tribunal rende une ordonnance exigeant que TPSGC reporte la date de clôture de la DP et l’adjudication du contrat spécifique jusqu’à ce que le Tribunal se soit prononcé sur le bien-fondé de la plainte. Le 25 mars 2021, le Tribunal a rendu une ordonnance, conformément au paragraphe 30.13(3) de la Loi sur le TCCE, visant le report de l’adjudication de tout contrat lié à l’appel d’offres no 21120-203664/A [11] . En ce qui concerne la demande de Visiontec pour que le Tribunal ordonne le report de la date de clôture de la DP, ce dernier a conclu que le paragraphe 30.13(3) de la Loi sur le TCCE ne lui conférait pas compétence pour rendre une telle ordonnance.

[14] Le 1er avril 2021, le Tribunal a reçu une lettre de Visiontec lui demandant d’ordonner à TPSGC de clarifier certaines questions relatives au processus de passation du marché en cours, y compris la question de savoir si TPSGC avait l’intention de reporter l’adjudication du contrat et la date de clôture de la DP, ainsi que d’autres questions liées à la manière dont TPSGC traiterait la soumission de Visiontec dans le cadre du processus de passation du marché [12] . Le même jour, le Tribunal a avisé Visiontec qu’il n’ordonnerait pas à TPSGC de clarifier les questions énoncées dans sa lettre. Le Tribunal était d’avis qu’une telle ordonnance était inutile, puisque TPSGC était tenu de déposer un rapport de l’institution fédérale (RIF) conformément au paragraphe 103(1) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [13] , et que Visiontec aurait l’occasion de commenter ce document.

[15] TPSGC a déposé le RIF le 21 avril 2021 et Visiontec a déposé ses commentaires à ce sujet le 30 avril 2021.

[16] Le 7 mai 2021, TPSGC a répondu aux commentaires de Visiontec relatifs au RIF. Bien que TPSGC ait déposé ces observations sans demander l’autorisation, le Tribunal a accepté le dépôt et a autorisé Visiontec à y répliquer, ce qu’elle a fait le 14 mai 2021.

[17] Après avoir pris connaissance du fait que TPSGC avait publié, le 20 juillet 2021, un nouvel appel d’offres (appel d’offres no 21120-203664/B) (appel d’offres B) pour remplacer la DP faisant l’objet de la présente plainte [14] , le Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs commentaires quant à sa pertinence à l’égard de la présente enquête. Les deux parties ont déposé leurs observations relatives au nouvel appel d’offres le 22 juillet 2021. Elles ont déposé leurs répliques le 26 juillet 2021.

[18] Compte tenu du fait que le dossier contenait suffisamment de renseignements pour établir le bien-fondé de la plainte, le Tribunal a décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une audience et a tranché la plainte sur la foi du dossier écrit.

Questions préliminaires

Annulation de la DP et publication d’un nouvel appel d’offres

[19] Peu de temps avant qu’il rende sa décision, le Tribunal a appris que TPSGC avait annulé la DP faisant l’objet de la plainte et qu’il l’avait remplacée par l’appel d’offres B qui, selon achatsetventes.gc.ca, a été publié le 11 juin 2021 [15] . Aucune des parties n’a mentionné ce fait nouveau au Tribunal. Le 20 juillet 2021, le Tribunal a demandé aux parties de présenter des observations au sujet de l’appel d’offres B.

[20] Visiontec a soutenu qu’elle avait obtenu la mesure corrective souhaitée et que la publication de l’appel d’offres B avait résolu toute préoccupation relative à un conflit d’intérêts ou à un avantage indu [16] . En se fondant sur les observations de TPSGC présentées dans le RIF, Visiontec a conclu qu’aucune question de conflit d’intérêts la visant ne serait soulevée dans les processus de passation de marchés à venir. Les observations pertinentes de TPSGC ont été retranscrites comme suit dans les observations de Visiontec :

Les préoccupations du gouvernement du Canada à l’égard des circonstances actuelles et de leurs effets potentiels sur l’intégrité du processus de passation du marché n’ont rien à voir avec l’intégrité de la partie plaignante ni son expérience ou ses capacités à titre de fournisseur. Elles reflètent la préoccupation du gouvernement du Canada selon laquelle l’intégrité du processus de passation du marché serait compromise en raison des circonstances particulières de l’espèce, peu importe la façon dont elles se sont produites. Par conséquent, toute décision rendue par le gouvernement du Canada relativement à un conflit d’intérêts ou un avantage indu à l’égard des circonstances en cause dans la présente plainte n’aura aucune incidence sur les processus de passation de marchés à venir et ne vise pas à critiquer la partie plaignante. En fait, il est décevant pour le gouvernement du Canada que la participation d’un fournisseur potentiel au processus de passation du marché en cause ait pu être compromise en raison de circonstances n’ayant pas été causées intentionnellement par les personnes concernées [17] .

[Nos italiques, traduction]

[21] Par conséquent, compte tenu des observations de TPSGC, Visiontec a présumé que, en publiant l’appel d’offres B, celui‑ci avait pris des mesures pour faciliter sa participation dans le nouveau processus d’appel d’offres. En outre, Visiontec a souligné que TPSGC n’avait pas rejeté sa soumission présentée le 19 juillet 2021 en réponse à l’appel d’offres B et qu’elle ne l’avait pas non plus avertie que sa soumission serait traitée différemment de celles présentées par d’autres soumissionnaires.

[22] Visiontec a toutefois soutenu que si TPSGC avait publié l’appel d’offres B sans s’assurer qu’elle puisse participer au processus d’appel d’offres, c’est qu’il a délibérément voulu créer une situation inéquitable.

[23] Pour sa part, TPSGC a fait valoir que le remplacement de la DP par l’appel d’offres B n’avait aucun rapport avec les questions de fond soulevées dans la présente plainte ou sa défense contre les allégations formulées par Visiontec.

[24] Voici l’explication de TPSGC en ce qui concerne la publication de l’appel d’offres B :

À la suite de la publication initiale de l’appel d’offres A sur le site Web achatsetventes.gc.ca en février 2021, TPSGC a reçu un certain nombre de questions de la part de soumissionnaires potentiels au sujet des exigences techniques et des critères d’évaluation. Le 8 juin 2021, TPSGC a publié la modification 010 à l’appel d’offre A (jointe à l’annexe A). Dans la réponse 34 à la modification 010, TPSGC a indiqué que « [l]e Canada modifiera ses exigences et demandera que les tests soient réalisés avec un mannequin (dispositif d’essai) plutôt qu’un modèle humain. Compte tenu de cette importante modification à la [DP] du Canada, l’appel d’offres no 21120-203664/A sera complètement retirée et remplacée par l’appel d’offres no 21120-203664/B ». Le remplacement de l’appel d’offres A par l’appel d’offres B a également permis de répondre à d’autres questions techniques précises ayant été soulevées (voir les réponses 37, 38 et 40 à la modification 010). Par conséquent, TPSGC a signalé ce qui suit à la fin de la modification 010 : « Compte tenu de cette importante modification à la DP du Canada, l’appel d’offres no 21120-203664/A sera complètement retirée et remplacée par l’appel d’offres no 21120-203664/B. Toutes les questions, les réponses et les modifications qui portaient sur l’appel d’offres no 21120-203664/A seront ainsi supprimées dans leur totalité. Les soumissionnaires qui désirent participer au processus devront se reporter à l’appel d’offres no 21120-203664/B. »

Le changement concernant le recours à un mannequin plutôt qu’à un modèle humain (dispositif d’essai) a été apporté pour remédier à des préoccupations soulevées par un soumissionnaire selon lesquelles le recours à un être humain pour évaluer les scanneurs pourrait enfreindre les normes établies par l’American National Standards Institute et le règlement de l’Ontario sur la protection contre les rayons X, R.R.O. 1990, Règl. 861.

[Traduction]

[25] TPSGC soutient que la publication de l’appel d’offres B n’a aucune incidence sur sa position relative au « conflit d’intérêts ou avantage indu apparent » [traduction] mettant en cause Visiontec. Les critères d’évaluation et les exigences techniques ont été élaborés par le groupe de travail duquel DE (le consultant de Visiontec) faisait « partie intégrante » [traduction]; l’appel d’offres B n’a pas modifié les critères d’évaluation ni les exigences techniques sur le fond [18] . TPSGC a également fait valoir que l’appel d’offres B ne constituait pas un processus de passation de marché distinct.

[26] Contrairement à ce que soutient TPSGC, l’annulation de la DP initiale et la publication d’un nouvel appel d’offres n’ont pas entraîné le remplacement du contrat spécifique visé par la plainte (tel qu’il est défini à l’article 30.1 de la Loi sur le TCCE). Les allégations présentées dans la plainte concernaient le comportement de TPSGC relatif à la DP initiale. En outre, la compétence du Tribunal de mener son enquête aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE est limitée à l’objet de la plainte [19] .

[27] La décision de TPSGC de publier un nouvel appel d’offres (plutôt que de modifier la DP) pour répondre aux changements apportés à certaines exigences techniques a naturellement généré de la confusion en ce qui concerne la mesure corrective sollicitée par Visiontec en l’espèce. Cependant, cette décision n’a pas élargi la portée de la compétence du Tribunal d’examiner les questions générées par la publication de l’appel d’offres B, y compris les questions de savoir si TPSGC a bien avisé Visiontec de son intention de rejeter sa soumission relative à l’appel d’offres B, et si on a indûment empêché Visiontec de participer à ce processus.

[28] Par conséquent, les questions relatives au nouvel appel d’offres ne relèvent pas de la portée de la présente enquête. À cet égard, comme le Tribunal l’a énoncé par le passé, la partie plaignante doit décrire de façon complète et intégrale ses motifs de plainte au moment du dépôt de celle-ci. De plus, le Tribunal n’a aucune discrétion lui permettant de déterminer s’il est nécessaire, dans le contexte d’une enquête en cours, d’apprécier des observations comme un nouveau motif de plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le TCCE. Il est essentiel que cette exigence soit respectée de façon à permettre au Tribunal de définir l’objet de son enquête, car l’examen d’un nouveau motif de plainte constituerait une modification de fond à la plainte, en violation de l’article 7 du Règlement, selon lequel le Tribunal doit déterminer si certaines conditions sont remplies avant d’accepter d’enquêter sur un motif de plainte en particulier. De plus, l’institution fédérale a le droit de connaître les allégations contre lesquelles elle doit se défendre lors du dépôt d’une plainte [20] .

[29] Par conséquent, la décision du Tribunal a été rendue dans le respect des motifs de plainte acceptés aux fins d’enquête.

Production de documents

[30] Dans ses commentaires au sujet du RIF, Visiontec soutient que TPSGC a omis de produire certains documents, y compris un rapport découlant de son évaluation interne des préoccupations relatives au conflit d’intérêts qui ont été soulevées en raison du travail effectué par DE sur la DP et de sa relation avec Visiontec. Ce rapport a été réalisé après que DE ait envoyé au SCC son courriel du 13 octobre 2020. Visiontec soutient également que TPSGC n’a pas présenté d’énoncé complet des conclusions, des actions et des recommandations qui répond pleinement aux allégations contenues dans la plainte, comme l’exige l’alinéa 103(1)b) des Règles. Visiontec a demandé au Tribunal d’ordonner à TPSGC de produire une copie du rapport d’enquête mentionné précédemment ainsi que d’autres documents que le Tribunal jugeait indiqués, y compris la confirmation envoyée par TPSGC et le SCC selon laquelle l’ensemble des documents qui sont pertinents pour la présente enquête avaient été produits.

[31] TPSGC a répondu à la demande de documents supplémentaires de Visiontec et a présenté une copie de son échange de lettres avec Visiontec des 12 et 13 avril 2021. Il a également expliqué que l’évaluation interne qu’il avait réalisée n’avait pas mené à un « rapport » [traduction]. TPSGC faisait plutôt référence à des avis juridiques donnés par son avocat, qui étaient assujettis au secret professionnel et qui ne seraient donc pas produits dans la présente instance [21] .

[32] Dans sa réplique au sujet de l’évaluation interne de TPSGC, Visiontec a demandé que celui‑ci présente au Tribunal les « conclusions de fait » [traduction] de l’évaluation interne, lesquelles ne sont pas assujetties au secret professionnel selon elle.

[33] Le 19 mai 2021, après avoir examiné les observations des parties et la preuve au dossier, le Tribunal a communiqué aux parties sa décision de ne pas accueillir la demande de Visiontec relativement à l’ordonnance de production. Le Tribunal a conclu que TPSGC s’était suffisamment plié aux exigences prévues au paragraphe 103(1) des Règles. Le dossier renfermait des éléments de preuve pertinents quant à l’embauche de DE par le SCC ainsi que des échanges tenus entre TPSGC et Visiontec datant d’avant et d’après la publication de la DP. De plus, le Tribunal n’était pas convaincu que des renseignements supplémentaires relatifs à l’évaluation interne menée par TPSGC étaient nécessaires puisque ceux‑ci étaient assujettis au secret professionnel [22] et que les conclusions de l’évaluation correspondaient à la position de TPSGC telle qu’elle avait été communiquée à Visiontec ainsi que dans la présente instance.

Nouvelles allégations

[34] Dans ses commentaires relatifs au RIF, Visiontec présente des observations au sujet de lacunes figurant dans les critères d’évaluation de la DP. Par exemple, elle fait valoir que TPSGC n’a pas suffisamment examiné certaines questions relatives au nombre d’unités qui seraient achetées, et que le Tribunal devrait chercher à clarifier cette question avec TPSGC. Visiontec renvoie également le Tribunal au deuxième affidavit de DE, dans lequel celui‑ci faisait référence à « d’importantes lacunes dans le processus d’évaluation, qui rendraient impossible la réalisation d’une évaluation juste et objective [23] » [traduction].

[35] TPSGC fait valoir qu’il s’agit d’un nouveau motif de plainte, lequel ne peut donc pas être examiné dans le cadre de la présente enquête.

[36] Dans sa réplique, Visiontec affirme qu’elle ne demande pas au Tribunal de statuer sur la question des critères d’évaluation. Les lacunes potentielles dans le processus d’évaluation constituent plutôt des considérations importantes dont le Tribunal devrait tenir compte dans sa décision d’accorder ou non à Visiontec la mesure corrective demandée, c’est‑à‑dire annuler et publier de nouveau la DP.

[37] Les motifs de plainte acceptés aux fins d’enquête se limitent aux questions découlant des préoccupations de TPSGC en matière de conflit d’intérêts et d’avantage indu. En effet, aucune allégation ne porte sur le caractère équitable du processus d’évaluation énoncé dans la DP. De plus, le Tribunal est d’avis que les questions relatives aux critères d’évaluation n’ont aucune incidence sur la capacité de Visiontec de présenter une proposition, et qu’elles n’ont aucun rapport avec les questions de conflit d’intérêts ou d’avantage indu ayant été soulevées dans la plainte. Pour ces motifs, le Tribunal n’a pas tenu compte, dans son enquête, des questions liées aux lacunes potentielles dans les critères d’évaluation de la DP.

ANALYSE

[38] Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, dans son enquête, limiter son étude à l’objet de la plainte. En outre, à la fin de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique. De plus, l’article 11 du Règlement prévoit que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux accords commerciaux applicables.

[39] Comme il est mentionné précédemment, Visiontec a formulé plusieurs allégations contre TPSGC et le SCC. Le Tribunal est d’avis que ces allégations peuvent être résumées de la manière suivante. La question centrale dans la présente plainte est celle de savoir si TPSGC a établi à tort que Visiontec se trouvait en situation de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts ou qu’elle a bénéficié ou semblé bénéficier d’un avantage indu en s’appuyant sur le fait que, à l’époque où DE était consultant pour Visiontec, il travaillait également sur la DP pour le compte du SCC. À cet égard, le Tribunal doit examiner si TPSGC ou le SCC ont omis d’éviter, d’éliminer ou d’atténuer le conflit d’intérêts ou l’avantage indu réel ou apparent, et si le traitement qu’ils ont réservé à Visiontec au cours de la procédure de passation du marché était équitable, ouvert et transparent. Cette dernière question requiert que le Tribunal examine si on a indûment interdit à Visiontec de présenter une soumission, si elle a été dûment avisée conformément à l’article 18 des Instructions uniformisées et si elle a eu l’occasion de présenter des observations.

[40] Selon Visiontec, TPSGC n’aurait pas respecté bon nombre de dispositions d’accords commerciaux (en particulier l’ALEC, l’AECG et l’APTGP) [24] . En résumé, ces dispositions ont trait à l’obligation de TPSGC de garantir un accès ouvert, transparent et non discriminatoire aux marchés publics, d’éviter d’adopter un comportement qui créerait un conflit d’intérêts ou empêcherait un fournisseur de présenter une soumission, d’inclure toute l’information pertinente dans les documents d’appel d’offres et d’agir conformément à ces documents, ainsi que de fournir un avis et, sur demande, des motifs à l’appui de sa décision de rejeter la demande de participation d’un fournisseur à un marché public.

[41] Pour sa part, TPSGC fait valoir que, selon les renseignements dont elle disposait, dans le cas de Visiontec, il existait à tout le moins une apparence de conflit d’intérêts ou d’avantage indu [25] . Par conséquent, il a agi conformément aux dispositions relatives aux conflits d’intérêts figurant dans la DP ainsi qu’aux obligations que lui imposent les accords commerciaux. Le SCC ne connaissait pas la relation professionnelle entre DE et Visiontec au moment où il a sollicité et retenu ses services, et il a agi avec diligence afin de prévenir un conflit d’intérêts en incluant, dans le contrat de travail de DE, l’obligation de divulguer tout conflit d’intérêts. TPSGC fait valoir qu’il ne peut simplement se fier aux déclarations du soumissionnaire pour s’assurer que sa participation ne portera pas atteinte à l’intégrité du processus de passation du marché.

Conflit d’intérêts et avantage indu

Instructions uniformisées

[42] La DP incorpore par renvoi les Instructions uniformisées, qui comprennent l’article 18 (2012-03-02) – Conflit d’intérêt—avantage indu, qui prévoit de qui suit : [26]

18 (2012-03-02) Conflit d’intérêt—avantage indu

1. Afin de protéger l’intégrité du processus d’approvisionnement, les soumissionnaires sont avisés que le Canada peut rejeter une soumission dans les circonstances suivantes :

a. le soumissionnaire, un de ses sous-traitants, un de leurs employés respectifs, actuels ou anciens, a participé d’une manière ou d’une autre à la préparation de la demande de soumissions; ou est en situation de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts.

b. le Canada juge que le soumissionnaire, un de ses sous-traitants, un de leurs employés respectifs, actuels ou anciens, a eu accès à des renseignements relatifs à la demande de soumissions qui n’étaient pas à la disposition des autres soumissionnaires et que cela donne ou semble donner au soumissionnaire un avantage indu.

2. Le Canada ne considère pas, qu’en soi, l’expérience acquise par un soumissionnaire qui fournit ou a fourni les biens et services décrits dans la demande de soumissions (ou des biens et services semblables) représente un avantage indu en faveur du soumissionnaire ou crée un conflit d’intérêts. Ce soumissionnaire demeure cependant assujetti aux critères énoncés plus hauts.

3. Dans le cas où le Canada a l’intention de rejeter une soumission conformément au présent article, l’autorité contractante préviendra le soumissionnaire et lui donnera la possibilité de faire valoir son point de vue, avant de prendre une décision définitive. Les soumissionnaires ayant un doute par rapport à une situation particulière devraient contacter l’autorité contractante avant la date de clôture de la demande de soumissions. En soumissionnant, le soumissionnaire déclare qu’il n’est pas en conflit d’intérêts et qu’il ne bénéficie d’aucun avantage indu. Le soumissionnaire reconnaît que le Canada est seul habilité à établir s’il existe un conflit d’intérêts, un avantage indu ou une apparence de conflit d’intérêts ou d’avantage indu [27] .

[Nos italiques]

[43] D’emblée, il convient d’examiner les expressions utilisées à l’article 18, c’est‑à‑dire le conflit d’intérêts, l’apparence de conflit d’intérêts, l’avantage indu et l’apparence d’avantage indu. À cet égard, Visiontec soutient que la position de TPSGC en ce qui a trait à la question en cause n’est pas cohérente. Bien que le Tribunal conclue que TPSGC n’était pas conséquent dans ses lettres, celui‑ci a bien renvoyé Visiontec aux questions de conflit d’intérêts ou d’avantage indu avant le dépôt de la plainte [28] . Dans le RIF, TPSGC a affirmé que, compte tenu des faits, il existe « à tout le moins une apparence de conflit d’intérêts ou d’avantage indu [29] » [traduction].

[44] Selon le Tribunal, les expressions « conflit d’intérêts » et « avantage indu » doivent être interprétées dans le contexte où elles sont utilisées à l’article 18 des Instructions uniformisées.

[45] Il est question du conflit d’intérêts à l’alinéa 1a) de l’article 18. La première partie de l’alinéa renvoie à tout sous‑traitant du soumissionnaire ayant participé d’une manière ou d’une autre à la préparation de la demande de soumission. La deuxième partie renvoie à une « situation de conflit d’intérêts ou d’apparence de conflit d’intérêts ». Selon ce contexte, un conflit d’intérêts, tel qu’il est envisagé à l’article 18, inclut les situations où le soumissionnaire a adjugé un contrat à une personne ayant participé à la préparation des documents d’appel d’offres. L’expression « ou est en situation de conflit d’intérêts » figurant à l’article 18 suppose que le gouvernement du Canada peut rejeter les soumissions en présence d’autres situations de conflit d’intérêts. Ces situations possibles ne sont pas définies à l’article 18. Cependant, il convient de retenir que plus d’une situation peut mener à un conflit d’intérêts permettant au gouvernement du Canada d’exercer son pouvoir discrétionnaire de rejeter une soumission en vertu de l’article 18 [30] .

[46] La question de l’avantage indu est examinée à l’alinéa 1b) de l’article 18. La première partie de l’alinéa renvoie aux sous‑traitants du soumissionnaire. Dans la deuxième partie, le libellé renvoie aux deux conditions devant être remplies pour établir l’existence d’un avantage indu. Premièrement, le sous‑traitant du soumissionnaire doit avoir eu accès à des renseignements liés à la demande de soumissions qui n’étaient pas à la disposition des autres soumissionnaires. Deuxièmement, le gouvernement du Canada doit juger que cette situation donne ou semble donner au soumissionnaire un avantage indu.

[47] Maintenant que les expressions conflit d’intérêts et avantage indu sont définies, la question en litige est celle de savoir si les circonstances de l’espèce justifient que TPSGC exerce son pouvoir discrétionnaire de rejeter la soumission de Visiontec en raison d’une apparence de conflit d’intérêts ou d’avantage indu en tenant raisonnablement compte des faits de l’espèce (par opposition à un conflit d’intérêts ou un avantage indu réel).

[48] Dans le RIF, TPSGC a soutenu que DE avait directement participé à la préparation de la demande de soumission en cause alors même qu’il offrait des services à Visiontec à titre de consultant. Le fait que Visiontec ait pu avoir un intérêt envers les versions préliminaires de la DP, auxquelles son consultant DE avait pleinement accès, a créé une apparence de conflit d’intérêts ou d’avantage indu par rapport aux soumissionnaires potentiels dont les employés ou sous‑traitants ne travaillaient pas à la rédaction des documents d’appel d’offres.

[49] Comme le fait valoir TPSGC, celui‑ci est tenu par les accords commerciaux de mener une procédure de passation des marchés publics équitable et exempte de conflit d’intérêts ou d’avantage indu. En outre, cette obligation doit être respectée à l’égard de tous les soumissionnaires. À ce sujet, TPSGC invoque les dispositions pertinentes des accords commerciaux, y compris, par exemple, les articles 500, 502, 512.3 et 515 de l’ALEC [31] . Si TPSGC ne fait rien pour régler la question du conflit d’intérêts ou de l’avantage indu, réel ou apparent, conformément à ses obligations aux termes des accords commerciaux, il pourrait s’exposer à des plaintes raisonnables de la part d’autres soumissionnaires.

[50] Après avoir examiné les faits pertinents, tels qu’ils sont décrits ci-après, le Tribunal est d’avis que TPSGC a agi conformément à ses obligations aux termes des accords commerciaux en concluant qu’il existait, dans le cas de Visiontec, une apparence de conflit d’intérêts ou d’avantage indu, au sens où ces expressions sont utilisées à l’article 18 des Instructions uniformisées.

[51] Cette conclusion est conforme à celle tirée par le Tribunal dans la décision Bluedrop. Dans cette affaire, le soumissionnaire retenu employait une personne qui avait supervisé le service du ministère de la Défense nationale (MDN) chargé de préparer une version antérieure de l’appel d’offres [32] . Le Tribunal a conclu que l’appel d’offres faisant l’objet de la plainte était très semblable au précédent [33] . TPSGC a fait valoir que l’ancien employé du MDN « s’est tenu à distance de la préparation des documents et n’a pas été associé à la rédaction des documents de l’invitation ». Le Tribunal a finalement conclu, eu égard aux circonstances entourant la proposition du soumissionnaire retenu, « qu’il y avait bel et bien conflit d’intérêts et il y avait aussi avantage indu selon toute vraisemblance ». Compte tenu du fait que TPSGC n’avait pas rejeté la proposition du soumissionnaire retenu, le Tribunal a conclu qu’il avait contrevenu aux exigences de l’appel d’offres (c.‑à‑d. les dispositions de la DP relatives aux conflits d’intérêts et aux avantages indus) ainsi qu’à celles des accords commerciaux applicables [34] . Comme l’a souligné TPSGC, le fait que l’employé ait travaillé pour le MDN et le soumissionnaire à différents moments n’éliminait pas le conflit d’intérêts et l’avantage indu.

[52] Le Tribunal a également tenu compte de la décision J. Molson & Associates rendue précédemment. Bien que le conflit d’intérêts dans cette affaire concernait un membre de l’équipe d’évaluation qui travaillait comme entrepreneur pour le soumissionnaire retenu, celle‑ci est néanmoins pertinente dans la mesure où on a conclu à l’existence d’un conflit d’intérêts malgré le fait que 1) le sous‑traitant était assujetti à une obligation contractuelle lui interdisant de participer à l’élaboration de la proposition du soumissionnaire; 2) le soumissionnaire a fait valoir que son consultant ne lui avait donné aucun renseignement au sujet de l’appel d’offres [35] .

[53] Visiontec fait aussi valoir que la disposition de la DP relative aux conflits d’intérêts permettait à TPSGC de rejeter sa soumission à condition qu’il lui permette de présenter des observations. Visiontec soutient qu’elle s’est vu refuser cette occasion. À l’appui de son argument, elle cite la décision Dollco Printing, dans laquelle le Tribunal a conclu que la partie plaignante dans cette affaire ne pouvait être exclue de la procédure de passation du marché public en raison d’un possible conflit d’intérêts, puisque les documents d’appel d’offres ne prévoyaient pas expressément un tel résultat [36] .

[54] Le Tribunal ne retient pas ces arguments au motif que, dans l’arrêt Serco Facilities Management Inc., la Cour d’appel fédérale a établi le principe selon lequel une soumission peut être rejetée en raison de préoccupations relatives à un conflit d’intérêts, même si cela n’est pas expressément indiqué dans la DP. À cet égard, la Cour d’appel a affirmé que « [l]’absence de conflit d’intérêts ou le droit de rejeter une soumission pour ce motif ne constituent pas une condition du marché public, ni un critère appliqué dans l’évaluation, ni une méthode de pondération ou d’évaluation qui, comme le prévoit le paragraphe 506(6) de l’ACI, doivent être indiqués clairement dans les documents d’appel d’offres [37] ».

[55] De plus, bien que le Tribunal soit d’avis que refuser à un soumissionnaire le droit de présenter des observations d’une manière prévue par les modalités de la DP constituerait un manquement, il ne convient pas qu’un tel refus obligerait TPSGC à accepter une soumission présentée par un soumissionnaire se trouvant en situation, réelle ou apparente, de conflit d’intérêts ou d’avantage indu. En ce qui a trait au pouvoir discrétionnaire de TPSGC de rejeter une soumission en vertu du paragraphe 18(1) des Instructions uniformisées, le Tribunal a conclu, dans la décision Bluedrop, que même si le gouvernement du Canada « peut » rejeter une soumission en cas d’apparence de conflit d’intérêts, il a l’obligation positive de se demander s’il existe un conflit d’intérêts ou un avantage indu, et il doit rejeter les soumissions qui présentent un conflit d’intérêts [38] . Par conséquent, la question de savoir si Visiontec a pu présenter des observations complètes n’empêche pas TPSGC de rejeter sa soumission si les circonstances sont assimilables à un conflit d’intérêts ou un avantage indu.

[56] Cela étant dit, comme nous le verrons plus loin, le Tribunal convient que Visiontec s’est vu refuser l’occasion de déposer des observations.

Le contrat de Visiontec avec DE

[57] Visiontec a connu DE alors que celui‑ci travaillait auprès du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels du gouvernement de l’Ontario (MSSCC). Il agissait à titre d’autorité technique relativement au projet de scanneurs corporels du MSSCC jusqu’à ce qu’il prenne sa retraite en 2018 [39] . En avril 2016, le MSSCC a adjugé un contrat à Visiontec relativement à la fourniture de scanneurs à rayon X [40] .

[58] DE a signé un contrat avec Visiontec en mai 2020 [41] . Visiontec a retenu les services de DE pour travailler à un projet d’apprentissage en ligne portant sur un modèle précis de scanneur à rayons X (le modèle SOTER 240), que Visiontec avait fourni au gouvernement de l’Ontario [42] . Ce projet arrivait à terme en octobre 2020 ou autour de cette date [43] .

Embauche de DE par le SCC

[59] Dans l’examen des circonstances de l’embauche de DE, la question clé qui se pose est celle de savoir si le SCC était au courant, lorsqu’il a recruté et embauché DE, que celui‑ci travaillait pour Visiontec depuis mai 2020, comme il est mentionné précédemment.

[60] La preuve au dossier montre que, peu de temps après que le contrat relatif à la fourniture de scanneurs à rayons X au MSSCC ait été adjugé à Visiontec (en juillet 2016), le SCC a commencé à s’enquérir de ces appareils auprès de l’entreprise [44] . Finalement, en janvier 2020, le SCC a sollicité l’aide d’un consultant pour l’aider à répondre aux exigences relatives aux scanneurs corporels. Au cours des discussions entre le SCC et Visiontec, DE a été désigné à titre de candidat potentiel. Dans son affidavit, Mme Colleen Rodi de Visiontec a affirmé que « DE pouvait être proposé comme candidat puisqu’il avait pris sa retraite du MSSCC depuis plus d’un an [45] » [traduction]. Le SCC a demandé à Visiontec qu’elle lui fournisse les coordonnées de DE, lesquelles avaient été obtenues auprès d’une personne-ressource au sein du MSSCC [46] .

[61] Le 22 avril 2020, peu de temps après avoir obtenu les coordonnées de DE, M. Sylvio Bisson du SCC a communiqué avec lui. À ce moment-là, le SCC a discuté avec DE de la possibilité qu’il travaille avec le SCC à l’élaboration des exigences techniques relatives à la DP, y compris l’énoncé des travaux et les critères d’évaluation [47] . M. Bisson a entre autres demandé à DE qu’il lui fournisse son curriculum vitæ [48] . Le courriel du 23 avril 2020 que DE a envoyé au SCC confirme qu’un curriculum vitæ a été envoyé. Compte tenu de la description du contenu du curriculum vitæ dans le courriel de DE, le Tribunal est d’avis que celui‑ci ne faisait aucunement référence à un emploi à venir auprès de Visiontec [49] .

[62] Le 3 septembre 2020, DE a conclu un contrat de travail avec le SCC pour la période du 8 septembre 2020 au 30 avril 2021. Le contrat d’emploi décrivait les tâches à effectuer de la façon suivante : « Contribuer à la procédure de passation du marché public relative aux systèmes de scanneurs corporels [50] » [traduction]. Au moment où DE a commencé son contrat avec le SCC, il travaillait déjà pour Visiontec (depuis mai 2020).

[63] Contrairement à ce que fait valoir Visiontec en l’espèce, TPSGC soutient que le SCC a seulement appris que DE travaillait pour Visiontec après que celui‑ci ait commencé à travailler sur la DP. Plus précisément, TPSGC fait valoir que DE a informé le SCC qu’il travaillait pour Visiontec en octobre 2020 (d’abord au téléphone le 12 octobre 2020, puis par courriel le lendemain).

[64] Le Tribunal signale que la preuve au dossier montre que Visiontec n’a jamais informé le SCC qu’elle comptait également retenir les services de DE [51] .

[65] Le Tribunal conclut que la preuve par affidavit relative à la question de savoir si DE pourrait avoir avisé le SCC avant de signer son contrat avec lui est contradictoire. M. Bisson et M. Stéphane Jolicoeur du SCC ont tous deux affirmé que DE n’avait pas mentionné qu’il travaillait pour Visiontec durant leurs discussions relatives à l’offre d’emploi avec le SCC [52] . Cependant, DE a énoncé ce qui suit dans son affidavit : « Avant même d’accepter le poste de consultant auprès du SCC, j’ai informé ce dernier que j’avais travaillé pour Visiontec à titre de consultant relativement aux modules d’apprentissage en ligne [53] » [traduction]. DE a également soutenu que le courriel qu’il a envoyé au SCC le 13 octobre 2020 visait à garantir une transparence totale et que, bien qu’on lui ait assuré qu’il n’avait pas à se soucier de son projet antérieur avec Visiontec, il voulait s’assurer que le SCC dispose de tous les renseignements requis pour prendre une décision avant qu’il ne participe activement à la DP, et qu’il puisse envisager des mesures d’atténuation [54] .

[66] Dans son affidavit subséquent, DE n’affirme pas qu’il a directement informé le SCC de son contrat avec Visiontec au moment de son embauche. L’extrait pertinent de cet affidavit est retranscrit ci‑dessous :

Selon la déclaration qui figure au paragraphe 17 [du RIF], je ne me serais pas conformé au Code de valeurs et d’éthique du secteur public et à la Directive sur les conflits d’intérêts du Conseil du Trésor puisque je n’ai pas divulgué, le 8 septembre 2020, jour de mon entrée en fonction, toute situation de « conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel ». Là encore, cette déclaration est fausse. Le SCC a obtenu mon nom auprès de Mme Colleen Rodi de Visiontec, et il savait très bien que j’avais participé, avec le gouvernement de l’Ontario, au marché public qui a mené à la sélection de Visiontec [...] J’étais employé en tant que « conseiller en recherche sur les systèmes électriques » et n’occupais aucun rôle en matière d’approvisionnement [...] J’ai déposé mon rapport dans le délai de 60 jours (en envoyant mon courriel du 13 octobre 2020 à mes supérieurs du SCC). À ce moment‑là, je travaillais depuis suffisamment longtemps pour comprendre ce qu’on me demandait de faire, de sorte que je pouvais divulguer suffisamment de renseignements [...] [55]

[Traduction]

[67] Compte tenu de la preuve au dossier, le Tribunal n’est pas convaincu que le SCC était au courant que DE travaillait sous contrat avec Visiontec lorsqu’il a retenu ses services. En plus des éléments de preuve mentionnés précédemment, le Tribunal a aussi tenu compte du courriel envoyé par DE aux responsables du SCC le 13 octobre 2020. Selon le Tribunal, la discussion relative au travail effectué par DE pour Visiontec est formulée d’une manière qui suppose que les destinataires, c’est‑à‑dire M. Bisson et M. Jolicoeur, n’étaient pas au fait de cette information auparavant [56] . En outre, le Tribunal conclut que les actions subséquentes de M. Jolicoeur et de M. Bisson montrent que cette information était portée à leur attention pour la première fois. Par exemple, M. Jolicoeur a affirmé ce qui suit dans sa réponse à DE : « Merci d’avoir porté cette question à notre attention. Nous allons devoir procéder à une évaluation interne et en faire part à TPSGC » [traduction]. M. Jolicoeur a également indiqué qu’il devrait vérifier auprès des ressources humaines si un formulaire de sécurité révisé ainsi qu’une nouvelle évaluation de sécurité seraient nécessaires. M. Bisson a ensuite sollicité un avis quant à l’existence d’un conflit d’intérêts potentiel [57] .

[68] Comme l’a souligné TPSGC, DE participait à l’élaboration de la DP depuis environ un mois lorsqu’il a déclaré qu’il travaillait pour Visiontec.

[69] Après avoir informé le SCC, DE a continué à intervenir dans l’élaboration de la DP. Il a reçu de nombreux courriels et a été invité à des discussions au sujet de la procédure de passation du marché, y compris l’énoncé des besoins, les critères d’évaluation, le document et les critères de validation d’exigences, ainsi que le document de travail sur la planification du site. TPSGC a déposé en preuve des courriels témoignant de ce travail échangés entre le 21 octobre 2020 et le 12 novembre 2020 [58] . Le 25 novembre et le 4 décembre 2020, DE a envoyé au SCC des courriels concernant ses préoccupations relatives à Visiontec et à son travail avec le SCC [59] . DE a remis sa démission le 7 décembre 2020 [60] .

La nature du travail de DE auprès du SCC

[70] La preuve au dossier indique que DE a été embauché pour travailler sur la DP et qu’il a réalisé ce travail pendant un certain temps avant que celle‑ci soit publiée. Ce fait ressort clairement du courriel envoyé à DE par M. Bisson le 22 avril 2020 (avant son embauche), qui décrivait les tâches à effectuer, notamment aider à finaliser l’énoncé des travaux et les critères d’évaluation pour la DP, définir la portée des travaux de préparation du site et répondre aux questions juridiques et médicales liées au projet [61] . Le « document sur la portée des travaux – approvisionnement en scanneurs corporels à rayons X et mise en œuvre du projet » [traduction] préparé par DE et envoyé au SCC le 23 avril 2020 indiquait aussi que la nature des travaux serait d’élaborer la DP [62] .

[71] Le contrat de travail conclu avec le SCC précisait les tâches à effectuer de la manière suivante : « Contribuer à la procédure de passation du marché relative aux systèmes de scanneurs corporels à rayons X [63] » [traduction]. Selon le SCC, compte tenu de la nature de son travail, DE avait accès à des renseignements liés aux documents d’appel d’offres auxquels les soumissionnaires n’avaient pas accès. En guise de preuve du travail de DE, TPSGC a présenté des exemples de lettres entre DE et des responsables du SCC ayant précisément trait à la DP, qui ont été envoyées entre le 11 septembre et le 9 octobre 2020. La preuve au dossier montre que DE a joué un rôle clé en donnant des commentaires sur l’ébauche de l’énoncé des travaux et des exigences techniques, ainsi que sur les critères d’évaluation technique. Il a aussi été consulté quant à l’évaluation des facteurs relatifs à la vie privée, au document de travail sur la planification du site ainsi qu’au « document de validation d’exigences [64] » [traduction].

La position de Visiontec relative au conflit d’intérêts présumé

[72] Visiontec fait valoir que la position de TPSGC n’est pas fondée. Elle a soulevé de nombreuses considérations [65] :

  1. Visiontec ne s’est pas mise elle‑même dans une position d’obligations conflictuelles.

  2. Les travaux effectués par DE pour le compte de Visiontec et du SCC n’étaient pas liés. Les tâches de DE comportaient l’élaboration de modules d’apprentissage en ligne portant sur l’utilisation de l’équipement Soter RS 240 pour le compte du gouvernement de l’Ontario [66] , tandis que, dans le cas du SCC, DE formulait des commentaires au sujet de l’approvisionnement du SCC en scanneurs à rayons X.

  3. DE était soumis à des obligations en matière de confidentialité lorsqu’il travaillait pour le SCC et rien ne prouve qu’il ait fourni à Visiontec des renseignements confidentiels liés à la DP.

  4. DE n’avait aucune obligation fiduciaire envers le SCC ou Visiontec; il n’était pas un employé de Visiontec ni un entrepreneur dépendant [67] .

  5. Rien ne prouve que la participation de DE à la DP ait donné lieu à l’inclusion d’exigences techniques ou de critères d’évaluation qui ont avantagé Visiontec.

  6. DE ne serait pas avantagé si Visiontec était retenue dans la procédure de passation du marché.

  7. Le SCC aurait pu éviter le conflit d’intérêts.

[73] Le Tribunal est d’avis que les facteurs décrits précédemment n’invalident pas le fait que TPSGC ait invoqué l’article 18 des Instructions uniformisées lorsqu’il a pris connaissance du risque. Tout compte fait, le Tribunal conclut que la preuve au dossier est suffisante pour montrer que le consultant de Visiontec a participé à l’élaboration de la demande de soumissions et, par conséquent, qu’il existe à tout le moins une apparence de conflit d’intérêts. De même, le consultant de Visiontec a eu accès à des renseignements concernant la DP auxquels les autres soumissionnaires n’avaient pas accès. Le Tribunal conclut que l’opinion de TPSGC selon laquelle il y avait une apparence de conflit d’intérêts ou d’avantage indu est raisonnable.

[74] L’existence du conflit d’intérêts ou de l’avantage indu n’est pas requise. L’apparence de conflit d’intérêts ou d’avantage indu est suffisante étant donné qu’il est impossible de savoir avec certitude si, pendant la période où DE travaillait simultanément pour le SCC et Visiontec, il a divulgué, volontairement ou non, des renseignements concernant la DP avant qu’elle soit publiée. En outre, le Tribunal est d’avis que le risque lié à l’avantage indu ne se limite pas à l’information relative aux exigences ayant été publiée dans la DP, mais qu’il comprend aussi celle qui découle de discussions générales au sujet des exigences, et ce, même si cette information ne faisait pas nécessairement partie de la version définitive et publiée de la DP. Éliminer ce risque est d’une importance capitale pour préserver l’intégrité du processus de passation du marché.

[75] Par conséquent, Visiontec n’a pas convaincu le Tribunal qu’il y a lieu de distinguer la présente affaire de la jurisprudence antérieure concernant l’interprétation des dispositions relatives aux conflits d’intérêts et aux avantages indus contenues dans les Instructions uniformisées. Comme mentionné précédemment, le SCC a retenu les services d’un consultant – qu’elle croyait à la retraite – afin de poursuivre l’élaboration de la DP. À son insu, ce consultant était au même moment lié par un contrat avec Visiontec.

[76] En fait, le Tribunal signale qu’il est possible que les acheteurs publics doivent consulter des experts de l’industrie concernant les exigences relatives à des équipements faisant appel à des technologies sophistiquées. Compte tenu de la particularité de la technologie, ces experts se font rares. Le Tribunal convient avec Visiontec qu’il est impératif que ces experts soient à la disposition du gouvernement au moment où ils sont appelés à aider à répondre aux exigences relatives à ces équipements. Les services de ces experts peuvent aussi être retenus par l’industrie.

[77] Cependant, en l’espèce, après avoir communiqué au SCC le nom d’un candidat pour un poste de consultant chargé d’élaborer un appel d’offres pour acquérir des scanneurs à rayons X, Visiontec a choisi d’embaucher la même personne qu’elle avait recommandée au SCC pour travailler à un projet ayant trait à des scanneurs à rayon X (quoique ce n’était pas dans un contexte de marché public). Bien que le Tribunal reconnaisse que les actions de Visiontec n’étaient peut‑être pas intentionnelles, l’entreprise s’est néanmoins placée dans une position qui compromettait sa capacité de participer à la procédure de passation du marché. Compte tenu de ces faits, le Tribunal n’est pas d’avis que TPSGC doive faire en sorte que Visiontec puisse participer au processus d’appel d’offres, car cela l’exposerait à des recours de la part d’autres soumissionnaires pour manquement à son obligation de garantir une procédure de passation du marché équitable et impartiale. L’importance de préserver l’intégrité du processus est sous‑jacente à la manière dont les accords commerciaux ont été interprétés, c’est‑à‑dire que même « l’apparence » de conflit d’intérêts peut être proscrite.

[78] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que ce motif de plainte n’est pas valide.

Atténuer le conflit d’intérêts ou l’avantage indu

[79] Visiontec fait valoir que TPSGC et le SCC ont manqué aux obligations que leur imposent les accords commerciaux, à savoir d’éviter, de façon proactive, de faire naître des circonstances pouvant entraîner la création d’un conflit d’intérêts [68] . À cet égard, Visiontec a cité les paragraphes 19.4(4) et 19.9(5) de l’AECG. Conformément au paragraphe 19.4(4) de l’AECG, les entités contractantes procèdent à la passation de marchés d’une manière transparente et impartiale, y compris en évitant les conflits d’intérêts. Aux termes du paragraphe 19.9(5), une entité contractante ne sollicite ni n’accepte, d’une manière qui aurait pour effet d’empêcher la concurrence, un avis relatif à son appel d’offres de la part d’une personne qui pourrait avoir un intérêt commercial dans le marché.

[80] Visiontec soutient qu’il appartenait au SCC d’éviter la création d’un conflit d’intérêts lorsqu’il a embauché DE. En outre, Visiontec fait valoir que le SCC aurait dû arrêter de travailler avec DE après que ce dernier ait fait sa divulgation en octobre 2020 ou mettre en œuvre les recommandations proposées par celui‑ci. Il s’agissait, par exemple, de ne pas donner à DE un poste d’évaluateur, de demander à un autre ingénieur d’examiner la DP de sorte à garantir l’absence de partialité, ou de procéder à une vérification indépendante [69] .

[81] Comme mentionné précédemment, le Tribunal conclut que, dans l’ensemble, la preuve indique que le SCC n’était pas au fait de la relation contractuelle en cours entre DE et Visiontec [70] . Le Tribunal signale aussi que le contrat de travail prévoyait l’obligation pour DE de « reconnaître, prévenir, signaler et résoudre tout conflit d’intérêts réel, apparent ou potentiel entre ses responsabilités officielles et ses affaires privées [71] » [traduction]. En outre, la preuve n’est pas suffisante pour établir que les mesures suggérées par DE auraient permis de remédier adéquatement aux préoccupations relatives au fait qu’un soumissionnaire ait obtenu de manière exclusive des renseignements au sujet de la DP, comme mentionné précédemment [72] .

[82] DE travaillait déjà à la DP depuis plus d’un mois et disposait d’information à ce sujet à laquelle les autres soumissionnaires n’avaient pas accès. Par conséquent, le fait de suspendre son travail relatif à la DP après qu’il ait fait sa divulgation en octobre 2020 n’aurait pas permis, selon le Tribunal, d’atténuer suffisamment les risques en ce qui concerne le processus de passation du marché.

[83] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que ce motif de plainte n’est pas fondé.

Le traitement réservé à Visiontec par TPSGC

[84] Au début de la présente instance, Visiontec a soutenu que TPSGC l’avait pratiquement empêchée de présenter une soumission sans lui donner l’occasion de déposer des observations. Visiontec a également fait valoir que TPSGC n’avait pas adéquatement expliqué sa position relative au conflit d’intérêts. Elle a soutenu que cette conduite de TPSGC contrevenait à son obligation de tenir un processus de passation du marché équitable, ouvert et transparent.

L’explication de TPSGC

[85] À la lumière du compte rendu des échanges entre TPSGC et Visiontec, y compris les lettres envoyées par TPSGC, le Tribunal conclut que TPSGC a énoncé clairement le fondement de ses préoccupations relatives à la présentation d’une soumission par Visiontec. TPSGC a expliqué à de nombreuses reprises que sa position découlait du fait qu’il avait su que DE travaillait comme consultant pour Visiontec au même moment où il travaillait sur la DP pour le SCC [73] . Comme mentionné précédemment, ce fait à lui seul pouvait servir de fondement à TPSGC pour conclure qu’il existait à l’égard de Visiontec une apparence de conflit d’intérêts et d’avantage indu.

[86] Le fait que TPSGC n’ait pas répondu, en substance, aux nombreuses questions soulevées par Visiontec dans le but d’obtenir davantage de renseignements quant à sa position n’équivaut pas à un manquement aux accords commerciaux. Les questions énoncées dans la lettre de Visiontec du 5 février 2020 avaient trait à des sujets qui n’avaient pas directement de lien avec le fondement de la position de TPSGC qui, comme indiqué précédemment, lui avait été communiquée. Par exemple, les questions portaient sur les sujets suivants : À quel moment TPSGC a-t-il établi qu’il existait potentiellement un conflit d’intérêts? Que savait TPSGC au sujet des expériences antérieures de DE? Pendant combien de temps DE a‑t‑il travaillé comme consultant? Pourquoi la rencontre sollicitée par DE a‑t‑elle été reportée? Quelles mesures d’atténuation ont été prises par TPSGC? De quelle manière TPSGC a-t-il retenu les services d’un grand nombre d’autres consultants? DE allait-il participé à l’évaluation des soumissions [74] ?

[87] TPSGC explique qu’il n’a pas répondu à ces questions parce qu’il aurait été obligé de divulguer les renseignements personnels de DE, ou parce qu’elles n’avaient aucun rapport à la question de savoir si Visiontec était en conflit d’intérêts ou bénéficiait d’un avantage indu. Le Tribunal souscrit à l’explication de TPSGC.

[88] En outre, le Tribunal a affirmé dans un autre contexte que l’obligation, aux termes des accords commerciaux, de faire preuve de transparence quant au rejet d’une soumission (voir par exemple le paragraphe 516[1] de l’ALEC), vise à permettre au soumissionnaire non retenu de déterminer la nature de ses droits eu égard aux obligations prévues dans les accords commerciaux [75] . Le Tribunal est d’avis que ce principe s’applique au degré de divulgation qui s’applique à TPSGC en l’espèce. Visiontec connaissait le fondement de la position de TPSGC concernant sa participation au processus de passation du marché, à savoir que DE était consultant pour Visiontec alors même qu’il travaillait à l’élaboration de la DP. Le Tribunal conclut que la compréhension qu’avait Visiontec du fondement de la position de TPSGC est reflétée dans l’affidavit de Mme Rodi, dans lequel celle‑ci réitère que « le fondement factuel des allégations repose sur les “faits” suivants, que TPSGC énonce ainsi : i. Un consultant travaillait pour le SCC et TPSGC à l’élaboration des exigences et des critères d’évaluation relatifs à la DP. ii. Pendant ce temps, le consultant travaillait aussi pour Visiontec [...] » [traduction]. Elle conteste ensuite les conclusions de fait de TPSGC [76] .

La capacité de Visiontec à présenter une soumission

[89] Après avoir examiné les lettres envoyées par TPSGC à Visiontec jusqu’à la date du dépôt de la plainte, le Tribunal est d’avis que TPSGC n’a pas affirmé qu’il empêcherait Visiontec de présenter une soumission. TPSGC lui a plutôt indiqué la manière dont sa soumission serait traitée. Par exemple, dans son courriel du 1er mars 2021, TPSGC a informé Visiontec que « le gouvernement du Canada est dans l’obligation de refuser toute soumission [77] » [traduction]. Néanmoins, TPSGC a fourni d’autres précisions à cet égard au cours de la présente instance. Dans le RIF, TPSGC a signalé qu’il avait également envoyé, le 12 avril 2021, un courriel à Visiontec lui indiquant qu’il voulait « s’assurer que Visiontec comprenne qu’elle peut présenter une soumission si elle le souhaite » et que, « si elle décidait de présenter une soumission, TPSGC lui demandera de déposer des observations conformément à l’article 18 des Instructions uniformisées et pourrait en fin de compte rejeter sa soumission [78] » [traduction].

[90] Dans ses commentaires sur le RIF, Visiontec a reconnu qu’elle était autorisée à présenter une soumission. En outre, Visiontec a aussi indiqué qu’elle avait suffisamment de temps pour présenter une soumission étant donné que TPSGC avait reporté la date de clôture des soumissions.

[91] Par conséquent, le Tribunal conclut que la question de savoir si on a empêché Visiontec de présenter une soumission est purement théorique.

L’occasion de présenter des observations

[92] Après avoir informé Visiontec de son intention de rejeter sa soumission, TPSGC était tenu, aux termes de l’article 18 des Instructions uniformisées, de lui donner l’occasion de présenter des observations avant de rendre sa décision finale. TPSGC soutient qu’il s’est montré ouvert « en tout temps » [traduction] à ce que Visiontec présente des renseignements ou des observations supplémentaires visant à établir qu’elle n’était pas en situation, réelle ou apparente, de conflit d’intérêts ou d’avantage indu. Le Tribunal n’est pas d’accord. La preuve au dossier montre que, avant que Visiontec dépose sa plainte auprès du Tribunal, TPSGC lui a refusé l’occasion de présenter des motifs. Le Tribunal conclut que ce comportement était contraire à la norme requise pour assurer l’équité et la transparence du processus de passation des marchés publics.

[93] Le 9 décembre 2020, avant la publication de la DP, TPSGC a informé Visiontec que le « gouvernement du Canada ne sera pas en mesure d’accepter une soumission présentée par Visiontec suivant la publication de la DP en raison d’un conflit d’intérêts potentiel [79] » [traduction]. Peu de temps après, Visiontec a sollicité une rencontre pour discuter de la position de TPSGC. Cette proposition a d’abord été acceptée, jusqu’à ce que TPSGC informe Visiontec, le 21 janvier 2021, qu’une telle rencontre serait prématurée puisque la DP n’avait pas encore été publiée. Cependant, dans son courriel, TPSGC a précisé que si Visiontec présentait une soumission en réponse à la DP, il invoquerait l’article 18 des Instructions uniformisées, en vertu desquelles Visiontec pourrait présenter des observations à TPSGC avant qu’une décision finale soit rendue [80] .

[94] À la suite de la publication de la DP, Visiontec a écrit à TPSGC pour l’informer qu’elle n’avait pas encore eu l’occasion de le rencontrer [81] . Le 1er mars 2021, TPSGC lui a répondu qu’il avait donné sa réponse et que « l’autorité relativement à ces questions est le TCCE » [traduction]. En renvoyant Visiontec au Tribunal, TPSGC a clairement refusé de lui donner l’occasion de présenter des observations. Le Tribunal conclut que ce comportement n’était pas conforme à la procédure établie dans les Instructions uniformisées, qui exigeaient que TPSGC accorde à Visiontec l’occasion de présenter des observations.

[95] Cependant, comme mentionné précédemment, au cours de la présente instance, TPSGC a envoyé une lettre à Visiontec le 12 avril 2021 dans laquelle il précisait que cette dernière pouvait présenter une soumission et qu’elle aurait ensuite l’occasion de déposer des observations. Le Tribunal est d’avis que cette lettre est semblable en substance aux lettres précédentes de TPSGC, mais que ce dernier précise que sa position vis‑à‑vis de Visiontec était « préliminaire » [traduction] et que, si Visiontec décidait de présenter une soumission, il lui « demanderait » [traduction] de déposer des observations [82] . TPSGC semble avoir essayé de corriger sa position initiale selon laquelle Visiontec devait s’adresser au Tribunal pour demander une mesure corrective.

[96] Le Tribunal n’est pas convaincu que la plus récente lettre envoyée par TPSGC à Visiontec a suffi pour dissiper le fait qu’il n’avait pas suivi la bonne procédure. Bien que TPSGC ne sache pas toujours raisonnablement si elle rejettera une soumission en raison d’un conflit d’intérêts ou d’un avantage indu avant la date de clôture de l’appel d’offres, en l’espèce, le Tribunal est d’avis que TPSGC avait déjà formé son intention de rejeter la soumission et qu’il en avait fait part à Visiontec [83] . TPSGC affirme qu’il a envoyé les courriels à Visiontec par « mesure de courtoisie » [traduction] pour lui éviter de gaspiller du temps et des ressources à la préparation d’une soumission, et que c’est seulement après que Visiontec aurait présenté sa soumission qu’il lui aurait donné un préavis au sens du paragraphe 18(3) [84] . Le Tribunal ne voit pas de distinction entre les courriels de TPSGC envoyés précédemment à Visiontec et un préavis au sens du paragraphe 18(3), qui ferait naître l’obligation d’accorder la possibilité de déposer des observations.

[97] Compte tenu du fait que Visiontec a reçu un préavis au sens du paragraphe 18(3), elle était en droit de se voir accorder la possibilité de présenter des observations au sujet de la DP. En outre, rien ne justifiait que cette occasion soit reportée après le dépôt de la soumission. Le Tribunal est d’avis que reporter ainsi le dépôt des observations pourrait amener Visiontec à consacrer inutilement des ressources à sa soumission dans le cas où TPSGC la rejetait en fin de compte [85] . Plus important encore, le Tribunal remet en cause la pertinence d’une telle occasion compte tenu du fait que Visiontec a présenté de nombreuses observations dans le cadre de la présente enquête pour répondre au point de vue de TPSGC relatif à sa participation au processus d’appel d’offres.

[98] Par conséquent, le Tribunal conclut que ce motif de plainte est fondé.

CONCLUSION

[99] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que la plainte est en partie fondée.

MESURE CORRECTIVE

[100] Ayant conclu que la plainte est en partie fondée, le Tribunal doit maintenant se pencher sur la question de la mesure corrective. Pour décider de la mesure corrective appropriée, le Tribunal doit tenir compte de tous les facteurs ayant trait au marché public, conformément au paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE. Il doit notamment tenir compte de la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure des marchés publics, de l’ampleur du préjudice causé à la partie plaignante, de l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication et de la bonne foi des parties.

[101] En refusant d’accorder à Visiontec la possibilité de présenter des observations, TPSGC n’a pas appliqué adéquatement le paragraphe 18(3) des Instructions uniformisées, ce qui constitue une lacune dans le processus de passation du marché. Cependant, rien dans la preuve dont dispose le Tribunal n’indique que TPSGC a agi de mauvaise foi ou que Visiontec a subi un préjudice grave. À cet égard, le Tribunal signale que Visiontec n’a pas contesté la lettre de TPSGC du 12 avril 2021, qui indiquait qu’elle serait appelée à déposer des observations conformément à l’article 18 des Instructions uniformisées si elle décidait de présenter une soumission [86] . De plus, pour les motifs qui précèdent et après avoir examiné l’ensemble des observations et éléments de preuve au dossier, le Tribunal conclut que la position de TPSGC selon laquelle il existait à l’égard de Visiontec une apparence de conflit d’intérêts ou d’avantage indu était conforme aux obligations que lui impose les accords commerciaux.

[102] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que rien ne lui permet de recommander qu’une mesure corrective soit prise au titre du paragraphe 30.15(2) de la Loi sur le TCCE.

frais

[103] Les deux parties ont sollicité une indemnité de remboursement de frais engagés dans le cadre de la présente instance. Étant donné que les deux parties ont gain de cause en l’espèce, le Tribunal n’accordera aucune indemnité à l’une ou l’autre des parties.

DÉCISION

[104] Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est en partie fondée.

[105] Chaque partie assumera ses propres frais.

Randolph W. Heggart

Randolph W. Heggart
Membre présidant

 


ANNEXE I [87]

ALEC, article 502(1)

Chaque Partie accorde un accès ouvert, transparent et non discriminatoire aux marchés couverts de ses entités contractantes.

ALEC, article 503(5)b)

Sauf disposition contraire du présent chapitre, y compris de l’article 513, la liste qui suit énumère, à titre indicatif, les pratiques considérées comme incompatibles avec les articles 502.1, 502.2 ou 502.3 :

[...]

b) établir le calendrier du processus d’appel d’offres de façon à empêcher les fournisseurs de présenter des soumissions;

AECG, article 19.4(4)

Une entité contractante procède à la passation de marchés couverts d’une manière transparente et impartiale qui, à la fois :

[...]

b. évite les conflits d’intérêts;

AECG, article 19.7(1)

Une entité contractante limite les conditions de participation à un marché à celles qui sont indispensables pour s’assurer qu’un fournisseur a les capacités juridiques et financières et les compétences commerciales et techniques pour se charger du marché en question.

APTGP, article 15.8(1)

Une entité contractante limite les conditions de participation à un marché couvert à celles qui assurent qu’un fournisseur a les capacités juridiques et financières et les compétences commerciales et techniques pour satisfaire aux exigences du marché.

APTGP, article 15.8(4)

Documents à l’appui, une Partie, y compris ses entités contractantes, peut exclure un fournisseur pour des motifs tels que :

a) faillite ou insolvabilité;

b) fausses déclarations;

c) faiblesses significatives ou persistantes dans l’exécution d’une prescription ou obligation de fond dans le cadre d’un marché ou de marchés antérieurs;

d) non-paiement d’impôts.

APTGP, article 15.9(4)

L’entité contractante :

[...]

c) autorise tous les fournisseurs qualifiés à présenter une soumission, à moins qu’elle n’ait indiqué dans l’avis de marché envisagé qu’il existe une limitation concernant le nombre de fournisseurs qui seront autorisés à soumissionner ainsi que les critères ou les justifications employés pour sélectionner le nombre limité de fournisseurs.

AECG, article 19.7(3)b)

Pour déterminer si un fournisseur satisfait aux conditions de participation, une entité contractante :

[...]

(b) d’autre part, effectue son évaluation sur la base des conditions qu’elle a spécifiées à l’avance dans les avis ou la documentation relative à l’appel d’offres.

AECG, article 19.8(15)

Dans les cas où une entité contractante rejette la demande de participation à un marché ou la demande d’inscription sur une liste à utilisation multiple présentée par un fournisseur, ne reconnaît plus un fournisseur comme étant qualifié, ou exclut un fournisseur d’une liste à utilisation multiple, elle en informe dans les moindres délais le fournisseur et, à sa demande, lui fournit dans les moindres délais une explication écrite des motifs de sa décision.

AECG, article 19.9(5)

Une entité contractante ne sollicite ni n’accepte, d’une manière qui aurait pour effet d’empêcher la concurrence, un avis pouvant être utilisé pour l’établissement ou l’adoption d’une spécification technique relative à un marché déterminé, de la part d’une personne qui pourrait avoir un intérêt commercial dans le marché.

AECG, article 19.9(7)b)

Une entité contractante met à la disposition des fournisseurs la documentation relative à l’appel d’offres, qui contient tous les renseignements nécessaires pour qu’ils puissent préparer et présenter des soumissions valables. À moins que l’avis de marché envisagé ne contienne déjà ces renseignements, la documentation inclut une description complète des éléments suivants :

[...]

b. les conditions de participation des fournisseurs, y compris une liste des renseignements et documents que les fournisseurs sont tenus de présenter en rapport avec les conditions de participation;

APTGP, article 15.13(3)

remettra dans les moindres délais la documentation relative à l’appel d’offres à tout fournisseur intéressé qui en fait la demande.


ANNEXE II

ALEC

article 500

Le présent chapitre vise à établir un cadre transparent et efficient afin d’assurer à tous les fournisseurs canadiens un accès ouvert et équitable aux possibilités de passation de marchés publics.

article 502(1)

Chaque Partie accorde un accès ouvert, transparent et non discriminatoire aux marchés couverts de ses entités contractantes.

[Nos italiques]

article 512(3)

Dans le cadre des négociations, une entité contractante n’accorde pas d’avantage indu à un fournisseur, et n’établit pas de discrimination à l’égard d’un fournisseur.

[Nos italiques]

article 515(1)

Une entité contractante reçoit, ouvre et traite toutes les soumissions selon des procédures qui garantissent l’équité et l’impartialité du processus de passation des marchés, ainsi que la confidentialité des soumissions.

[Nos italiques]



[1] L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2] DORS/93-602 [Règlement].

[3] Pièce PR-2020-096-01B à la p. 45.

[4] Ibid. à la p. 47.

[5] Ibid. à la p. 50.

[6] Ibid. aux p. 51-55.

[7] Pièce PR-2020-096-08A aux p. 1, 76, 77, 89; pièce PR-2020-096-11A aux p. 38-39.

[8] Pièce PR-2020-096-01B aux p. 58-60.

[9] Ibid. aux p. 62-64.

[10] Ibid. à la p. 66.

[11] Pièce PR-2020-096-07.

[12] Pièce PR-2020-096-09 aux p. 1, 2.

[13] DORS/91-499 [Règles].

[14] Pièce PR-2020-096-18.

[15] Ibid.

[16] Pièce PR-2020-096-21 à la p. 3.

[17] Ibid. à la p. 4; pièce PR-2020-096-11A aux p. 29, 30.

[18] Pièce PR-2020-096-20.

[19] Cette démarche est conforme aux décisions antérieures. Le Tribunal souligne que l’ordonnance de report de l’adjudication du contrat, relative à l’appel d’offres no 21120-203664/A, rendue le 25 mars 2021, ne s’applique pas au processus de passation du marché relatif à l’appel d’offres no 21120-203664/B. Voir Accipiter Technologies Inc. (26 avril 2019), PR-2018-049 (TCCE) aux par. 53-54.

[20] Lanthier Bakery Ltd. (6 mai 2015), PR-2014-047 (TCCE) au par. 36; Bluenose Transit Inc. (6 mars 2020), PR-2019-044 (TCCE) au par. 25.

[21] Pièce PR-2020-096-14 à la p. 1.

[22] Voir les propos de la Cour suprême du Canada sur la portée du secret professionnel de l’avocat dans R c. McClure, [2001] 1 RCS 445, 2001 CSC 14 (CanLII) aux par. 35 à 37.

[23] Pièce PR-2020-096-13 à la p. 40.

[24] Accord de libre-échange canadien, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2020/03/CFTA-Consolidated-Text-Final-French_March-19-2020.pdf> (entré en vigueur le 1er juillet 2017) [ALEC]; Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, en ligne : Affaires mondiales Canada <http://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/ceta-aecg/text-texte/toc-tdm.aspx?lang=fra> (entré provisoirement en vigueur le 21 septembre 2017) [AECG]; Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (APTGP), en ligne : Affaires mondiales Canada <https://www.international.gc.ca/trade-commerce/trade-agreements-accords-commerciaux/agr-acc/cptpp-ptpgp/text-texte/cptpp-ptpgp.aspx?lang=fre> (entré en vigueur le 8 mars 2018) [APTGP]. La liste complète des modalités des accords commerciaux figure à l’annexe 1 des présents motifs. L’avis de projet de marché publié sur le site Web achatsetventes.gc.ca faisait état d’autres accords commerciaux applicables. Pièce PR-2020-096-01 à la p. 72.

[25] Pièce PR-2020-096-11A aux par. 4(a), 69, 76.

[26] Pièce PR-2020-096-01 à la p. 82; pièce PR-2020-096-08A aux p. 6, 94-95.

[27] Pièce PR-2020-096-11A à la p. 33.

[28] Dans son courriel initial à l’intention de Visiontec, en date du 9 décembre 2020, TPSGC ne fait référence qu’à un « conflit d’intérêts possible ». Toutefois, dans son courriel du 21 janvier 2020, TPSGC fait référence à un conflit d’intérêts ou un avantage indu. Bien que dans son courriel du 10 mars 2020, TPSGC est moins précis, il fait en effet référence à la fois à un conflit d’intérêts apparent et à un avantage indu « perçu ». Pièce PR-2020-096-01B aux p. 45, 50, 66.

[29] Pièce PR-2020-096-11A au par. 76.

[30] Le Tribunal fait remarquer qu’une autre situation qui, selon Visiontec, pourrait créer un conflit d’intérêts, est celle dont il est question dans le British Columbia Law Commission Report in its Report on Conflicts of Interest: Directors and Societies, selon laquelle « une personne est aussi en conflit d’intérêts quand celle-ci a l’obligation de promouvoir les intérêts de A, ainsi que l’obligation distincte de promouvoir les intérêts de B, et que les intérêts de A et de B sont en conflit » [traduction].

[31] Voir l’annexe II des présents motifs ou figurent les dispositions de l’ALEC. TPSGC a aussi fait remarquer que le préambule de l’Accord sur les marchés publics de l’OMC et son article IV.4, ainsi que l’article 19.4 de l’AECG, comportent des obligations similaires afin d’assurer un accès libre et équitable aux marchés publics fédéraux et d’éviter les conflits d’intérêts ou les avantages indus. Pièce PR-2020-096-11A au par. 66.

[32] La plainte portait sur des questions relatives à l’appel d’offres suivant.

[33] Le Tribunal a conclu que l’appel d’offres qui faisait l’objet de la plainte était essentiellement le même appel d’offres que celui qui avait expiré.

[34] Bluedrop Performance Learning Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 septembre 2008), PR-2008-017 (TCCE) [Bluedrop] au par. 16.

[35] J. Molson & Associates c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (24 août 2004), PR-2004-014 (TCCE) [J. Molson].

[36] Dollco Printing (Dollco Corporation) (5 août 2003), PR-2003-016 (TCCE).

[37] Construction de défense (1951) limitée c. Serco Facilities Management inc., 2008 CAF 208 (CanLII) au par. 6. La Cour d’appel fédérale a rejeté la décision du Tribunal dans Serco Facilities Management Inc. c. Construction de défense Canada (18 décembre 2007), PR-2007-053 et PR-2007-054 (TCCE), selon laquelle la plainte était fondée; le Tribunal avait conclu que la possibilité qu’un conflit d’intérêts entraîne le rejet d’une soumission devait être expressément mentionnée dans les documents d’appel d’offres. Voir aussi Bluedrop et J. Molson.

[38] Bluedrop au par. 15.

[39] Pièce PR-2020-096-01B à la p. 30.

[40] Ibid. à la p. 29.

[41] Mme Rodi a indiqué que Visiontec avait communiqué avec DE concernant l’apprentissage en ligne le 19 mai 2020. Voir pièce PR-2020-096-01B à la p. 37; DE a indiqué que ce contrat portait la date du 13 mai 2020. Voir pièce PR-2020-096-01 à la p. 60.

[42] Selon le contrat entre DE et Visiontec, DE était tenu de travailler, en moyenne, moins de sept heures par semaine. Voir pièce PR-2020-096-01 aux p. 57, 59; pièce PR-2020-096-01B à la p. 37.

[43] Pièce PR-2020-096-01B à la p. 37 (par. 95).

[44] Ibid. aux p. 31-34.

[45] Ibid. à la p. 35 (par. 80).

[46] Ibid. à la p. 35 (par. 81); pièce PR-2020-096-01A à la p. 187.

[47] Pièce PR-2020-096-11A à la p. 42 (par. 10).

[48] Ibid. à la p. 50.

[49] Pièce PR-2020-096-11B (protégée) à la p. 52.

[50] Ibid. aux p. 57-60; pièce PR-2020-096-11A aux p. 57-60.

[51] Pièce PR-2020-096-11A à la p. 42 (par. 8, 9).

[52] Ibid. aux p. 42, 46.

[53] Pièce PR-2020-096-01 à la p. 63. Le Tribunal remarque que DE a aussi mentionné dans son affidavit qu’on lui avait demandé à un certain moment de remplir un formulaire en vue de présenter les détails relatifs à son rôle dans le projet de Visiontec, mais qu’on lui avait dit plus tard que ce n’était pas nécessaire étant donné la nature très différente du travail. Ne sachant pas à quel moment cet échange avait eu lieu, le Tribunal a été incapable de déterminer si l’échange démontrait que TPSGC avait été au courant du contrat pour les services d’un expert-conseil signé avec Visiontec.

[54] Pièce PR-2020-096-01 à la p. 64.

[55] Pièce PR-2020-096-13 aux p. 33, 34.

[56] Pièce PR-2020-096-11B (protégée) à la p. 109.

[57] Pièce PR-2020-096-11A à la p. 108.

[58] Ibid. aux p. 112-121; pièce PR-2020-096-11B (protégée) aux p. 112-121.

[59] Pièce PR-2020-096-11B (protégée) aux p. 123-126.

[60] Pièce PR-2020-096-01 aux p. 66-67; pièce PR-2020-096-01B à la p. 34.

[61] Pièce PR-2020-096-11A à la p. 50.

[62] Ibid. aux p. 54-55.

[63] Ibid. à la p. 57.

[64] Ibid. aux p. 9, 10, 23, 42, 112-121; pièce PR-2020-096-11B (protégée) aux p. 42, 112-121.

[65] Visiontec a aussi fait remarquer qu’il n’y avait aucun conflit d’intérêts du fait que TPSGC avait retenu les services de DE en sachant que celui-ci participait à un projet en cours avec Visiontec. Comme le Tribunal soutient plus haut, les éléments de preuve n’appuient pas cette allégation.

[66] Pièce PR-2020-096-01B à la p. 37.

[67] À cet égard, le Tribunal remarque que DE a donné plusieurs points à l’appui de l’étroitesse de ses liens avec Visiontec. Par exemple, DE a indiqué qu’en sa qualité d’expert-conseil indépendant, il n’avait clairement pas le droit ni l’autorité en vertu du contrat d’accepter ou de créer d’obligations ou de responsabilités au nom de Visiontec. Le travail se faisait « au fur et à mesure des besoins », sur une période de cinq mois (6,5 heures par jour), et ne comportait aucune promesse d’effectuer du travail supplémentaire, même si Visiontec remportait le contrat. Pièce PR-2020-096-01 à la p. 61.

[68] Voir les articles énumérés à l’annexe I.

[69] Pièce PR-2020-096-01 aux p. 65-66.

[70] Le Tribunal fait remarquer que dans son courriel à l’intention de DE en date du 22 avril 2020, TPSGC a demandé à DE de lui transmettre une copie de son curriculum vitae. Toutefois, aucune des parties n’a fourni de copie de ce curriculum vitæ au Tribunal. Pièce PR-2020-096-11A à la p. 50.

[71] Pièce PR-2020-096-11A à la p. 59.

[72] Pièce PR-2020-096-01 aux p. 65-66.

[73] Pièce PR-2020-096-01B aux p. 50, 60, 66.

[74] Ibid. aux p. 52-55.

[75] CGI Information Systems and Management Consultants Inc. c. Société canadienne des postes et Innovaposte Inc. (27 août 2014), PR-2014-006 (TCCE) [CGI] au par. 48.

[76] Pièce PR-2020-096-01B à la p. 39.

[77] Ibid. à la p. 60.

[78] Pièce PR-2020-096-11A à la p. 35.

[79] Pièce PR-2020-096-01B à la p. 45.

[80] Ibid. à la p. 50.

[81] Visiontec indique aussi dans ce courriel que TPSGC n’a pas répondu aux questions qu’elle avait soulevées dans sa lettre précédente datée du 5 février 2021.

[82] Pièce PR-2020-096-11A à la p. 35.

[83] Le 9 décembre 2020, TPSGC indiquait dans son courriel que « [...] le gouvernement du Canada ne sera pas en mesure d’accepter une proposition de la part de Visiontec [...] une fois la DP publiée [...] » [traduction]. Le 21 janvier 2021, TPSGC indiquait dans son courriel que « dans l’éventualité que TPSGC décide de publier une DP [...], nous prévoyons avoir recours à la [clause 18] » [traduction]. Le 1er mars 2021, TPSGC indiquait dans son courriel que « [...] le Canada ne sera pas en mesure d’accepter une proposition de la part de Visiontec » [traduction]. Le 10 mars 2021, TPSGC indiquait dans son courriel que « vous vous êtes opposé aux conclusions de [TPSGC] selon lesquelles Visiontec serait en conflit d’intérêts si elle présentait une soumission [...] [TPSGC] soutient qu’il y aurait un conflit d’intérêts apparent si Visiontec était autorisée à présenter une soumission » [traduction]. Voir pièce PR-2020-096-01B aux p. 45, 50, 60, 66.

[84] Pièce PR-2020-096-11A aux p. 23, 30.

[85] Toutefois, le Tribunal reconnaît que, dans d’autres circonstances, même si le soumissionnaire a eu la possibilité de présenter ses observations avant la clôture de l’appel d’offres, TPSGC ne peut rendre sa décision définitive sur la question du conflit d’intérêts ou de l’avantage indu qu’après la clôture d’un appel d’offres.

[86] Pièce PR-2020-096-13 à la p. 26.

[87] Énumération des articles dans l’ordre où ils apparaissent dans la plainte.

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