Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier no PR-2021-036

Amerigo Tours and Travel Inc.

Décision prise
le jeudi 19 août 2021

Décision et motifs rendus
le vendredi 27 août 2021

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

Amerigo Tours and Travel Inc.

CONTRE

LE SERVICE CORRECTIONEL DU CANADA

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre présidant

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1] En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] , déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[2] La plainte porte sur un marché public (appel d’offres no 50200-21-3787836A) passé par le Service correctionnel du Canada (SCC). La demande de propositions (DP) a pour but d’obtenir des services d’hébergement et de repas à Saskatoon (Saskatchewan).

[3] La partie plaignante, Amerigo Tours and Travel Inc. (Amerigo), a présenté deux propositions, l’une concernant le Sandman Hotel Saskatoon (Sandman) et l’autre le Hampton Inn & Suites by Hilton Saskatoon (Hampton).

[4] Dans sa plainte, Amerigo allègue que le SCC a rejeté à tort ses deux soumissions après avoir déterminé qu’elles ne satisfaisaient pas aux exigences obligatoires de la DP. Notamment, Amerigo soutient que les critères obligatoires O1 et O2 n’étaient pas assez précis.

[5] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

CONTEXTE

[6] Le 2 juillet 2021, le SCC a publié la DP (appel d’offres no 50200-21-3787836A) sur le site Web Achatsetventes.gc.ca en vue d’obtenir des services d’hébergement et de repas à l’intention de participants à quatre sessions de formation tenues dans le cadre d’un programme de formation correctionnelle, devant avoir lieu à Saskatoon au cours de l’exercice financier 2021–2022 [3] .

[7] Le 19 juillet 2021, Amerigo a présenté sa première proposition, laquelle visait le Sandman [4] .

[8] Le 20 juillet 2021, Amerigo a présenté sa deuxième proposition, laquelle visait le Hampton [5] . L’appel d’offres a pris fin le même jour.

[9] Le 3 août 2021, le SCC a avisé Amerigo que ses deux soumissions avaient été rejetées puisqu’elles ne comportaient pas une confirmation de réservation temporaire, comme il était prévu au critère obligatoire O1. Le SCC a aussi avisé Amerigo que le soumissionnaire retenu était l’hôtel Ramada [6] .

[10] Le même jour, Amerigo a demandé au SCC de lui expliquer pourquoi sa soumission visant le Sandman avait été rejetée puisque des « chambres avaient été réservées provisoirement à l’hôtel Sandman » [traduction]. Le 4 août 2021, le SCC a répondu qu’elle avait demandé une confirmation, tel un code de réservation, que les chambres étaient disponibles [7] .

[11] Le 4 août 2021, Amerigo a demandé au SCC d’examiner sa proposition à nouveau, soutenant que la DP ne prévoyait pas qu’un code devait être fourni pour confirmer la réservation. Amerigo soutenait aussi qu’on aurait dû lui offrir la possibilité de fournir un tel code [8] . Le même jour, le SCC a informé Amerigo que sa soumission faisait l’objet d’un réexamen et lui a demandé de lui fournir une brochure présentant les installations de buanderie libre-service sur place au Sandman, en conformité avec le critère obligatoire O2 [9] . Plus tard le même jour, Amerigo a fourni les numéros de confirmation des chambres du Sandman, ainsi qu’une lettre datée du 4 août 2021, rédigée au nom du Sandman Hotel Group, promettant « d’installer une buanderie au Sandman de Saskatoon aussitôt que votre entreprise (Amerigo) aura obtenu le contrat avec le Service correctionnel ou que sa soumission aura été retenue par celui-ci » [10] [traduction].

[12] Le 5 août 2021, le SCC a informé Amerigo que le critère obligatoire O2 concernant les installations d’une buanderie sur place n’était pas satisfait puisque « les critères techniques sont examinés en fonction des installations déjà en place au moment de la soumission » [11] [traduction].

[13] Le 12 août 2021, Amerigo a déposé sa plainte auprès du Tribunal [12] .

[14] Le 13 août 2021, le Tribunal a demandé des renseignements supplémentaires aux termes du paragraphe 30.12(2) de la Loi sur le TCCE [13] .

[15] Le 17 août 2021, Amerigo a déposé le document demandé et la plainte a été considérée complète et en conformité avec le paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE [14] .

ANALYSE

[16] Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, après avoir reçu une plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit déterminer si les quatre conditions suivantes sont satisfaites avant d’entamer une enquête :

  • (i) la plainte a été déposée dans les délais prescrits à l’article 6 du Règlement;

  • (ii) le plaignant est un fournisseur potentiel;

  • (iii) la plainte porte sur un contrat spécifique;

  • (iv) les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables.

[17] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables.

Aucune indication raisonnable de violation

[18] Aux termes de l’alinéa 7(1)c) du Règlement, le Tribunal doit déterminer si les renseignements fournis par la partie plaignante, ainsi que tout autre renseignement examiné par le Tribunal, démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables. Le Tribunal a déjà défini le seuil d’« indication raisonnable » en ces termes :

Dans une plainte concernant les marchés publics, la partie qui allègue qu’un marché public n’a pas été passé en conformité avec les accords commerciaux applicables doit présenter certains éléments probants à l’appui de son allégation. Cela ne signifie pas qu’une partie plaignante dans un litige concernant un marché public aux termes d’un des accords doive démontrer tous les faits nécessaires comme une partie plaignante doit généralement le faire dans une action au civil. [...] Cependant, la partie plaignante doit présenter suffisamment de faits ou arguments qui indiquent, d’une façon raisonnable, qu’il y a eu violation d’un des accords commerciaux [15] .

[19] Amerigo allègue que le SCC a rejeté à tort ses propositions puisque les critères obligatoires O1 et O2 de la DP auxquels le SCC fait référence n’étaient pas assez précis.

[20] Les dispositions pertinentes de la DP sont les suivantes [16] :

PARTIE 4 - PROCÉDURES D’ÉVALUATION ET MÉTHODE DE SÉLECTION

1. Procédures d’évaluation

[...]

1.1 Évaluation technique

1.1.1 Critères techniques obligatoires

Les propositions seront évaluées en vue de déterminer si elles répondent à toutes les exigences obligatoires énoncées à l’Annexe D – Critères d’évaluation. Les propositions qui ne répondent pas à tous les critères obligatoires seront déclarées non recevables, et seront rejetées.

[...]

2. Méthode de sélection

Une soumission doit respecter les exigences de la demande de soumissions et satisfaire à tous les critères d’évaluation techniques obligatoires pour être déclarée recevable. La soumission recevable avec le prix évalué le plus bas sera recommandée pour attribution d’un contrat.

[...]

Annexe D - Critères d’évaluation

[...]

No

Critères techniques obligatoires

O1

Fournir jusqu’à 40 chambres pour deux périodes différentes;

  • Jusqu’à 16 recrues pour la période du 9 août 2021 au 10 novembre 2021;

  • Jusqu’à 16 recrues pour la période du 12 septembre au 17 décembre 2021;

  • Jusqu’à 20 recrues pour la période du 10 janvier 2022 au 7 avril 2022; et

  • Jusqu’à 20 recrues pour la période du 25 janvier 2022 au 21 avril 2022;

Pour répondre à cette exigence, le soumissionnaire devra fournir une confirmation de réservation temporaire

O2

Laverie self-service sur place

Pour répondre à cette exigence, le soumissionnaire devra fournir une brochure ou une description détaillée

[21] Selon l’Accord de libre-échange canadien [17] , qui s’applique en l’espèce, la documentation relative à l’appel d’offres doit contenir tous les détails pertinents concernant les critères d’évaluation qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions, ainsi que les prescriptions auxquelles le fournisseur doit satisfaire et les modalités et conditions applicables aux soumissions, y compris, le cas échéant, les prescriptions concernant la présentation des soumissions [18] . Selon l’ALEC, l’entité acheteuse doit adjuger le contrat en conformité avec les prescriptions essentielles énoncées dans les avis d’appel d’offres et dans la documentation relative à l’appel d’offres, et en fondant sa décision exclusivement sur celles-ci [19] .

[22] Le Tribunal déterminera si les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que le SCC n’a pas respecté ces obligations quand il a rejeté les soumissions présentées par Amerigo.

Soumission 1 : le Sandman

[23] Dans sa lettre de rejet à l’intention d’Amerigo (concernant le Sandman), le SCC indique ce qui suit :

Comme il était indiqué dans l’appel d’offres, la soumission devait satisfaire chacune des exigences obligatoires, sans exception. Malheureusement, l’équipe d’évaluation a jugé que votre soumission ne respectait pas toutes les exigences obligatoires de l’appel d’offres, dont les suivantes :

  • Fournir jusqu’à 40 chambres pour deux périodes différentes;

  • Jusqu’à 16 recrues pour la période du 9 août au 10 novembre 2021;

  • Jusqu’à 16 recrues pour la période du 12 septembre au 17 décembre 2021;

  • Jusqu’à 20 recrues pour la période du 10 janvier au 7 avril 2022; et

  • Jusqu’à 20 recrues pour la période du 25 janvier au 21 avril 2022;

Pour répondre à cette exigence, le soumissionnaire devra fournir une confirmation de réservation temporaire

Étant donné que votre soumission a été jugée non conforme, elle a été rejetée [20] .

[Traduction, nos italiques]

[24] Ayant examiné la soumission d’Amerigo concernant le Sandman, le Tribunal conclut que les renseignements ne démontrent pas, dans une mesure raisonnable, que l’évaluation de la soumission par le SCC n’a pas été effectuée conformément à l’article 509 de l’ALEC. Dans la description du critère technique obligatoire O1 de la DP, il était clairement indiqué que « [p]our répondre à cette exigence, le soumissionnaire devra fournir une confirmation de réservation temporaire [21] ». Il est pratique courante dans le domaine hôtelier de fournir un numéro de confirmation de réservation. À cet égard, le Tribunal conclut que le critère O1 était précis, contrairement à ce qui est allégué par Amerigo. La soumission d’Amerigo indiquait simplement que « toutes les chambres ont été réservées temporairement » [traduction]. De l’avis du Tribunal, une affirmation de la sorte ne constitue pas une « confirmation de réservation temporaire ». Puisqu’aucune confirmation ne figurait dans la soumission, le Tribunal conclut qu’il n’était pas déraisonnable pour le SCC de déclarer la soumission non conforme.

[25] En ce qui concerne le Sandman, Amerigo a effectivement fourni au SCC des numéros de confirmation temporaire pour les chambres réservées, mais seulement après la clôture de la période de soumission [22] . Si le SCC avait accepté ces renseignements, qui ne figuraient pas dans la soumission d’Amerigo, il aurait alors permis la modification de la soumission, ce qui est interdit [23] .

[26] Comme il est mentionné plus haut, le SCC soutient dans sa lettre de rejet que la soumission présentée par Amerigo ne satisfaisait pas à toutes les exigences obligatoires, y compris le critère O1, suggérant que la soumission n’était peut-être pas conforme à d’autres exigences obligatoires. À la suite d’un examen par le Tribunal, il semble que la soumission concernant le Sandman ne respectait également pas le critère O2 (buanderie libre-service sur place). Dans le cadre de sa soumission, Amerigo n’a fourni aucune brochure ni aucune description précise de la buanderie libre-service sur place, contrairement au critère exprès O2 [24] . Bien que cette absence de précisions aurait suffi pour justifier la non-conformité de la soumission, les renseignements fournis par Amerigo après la clôture de la période de soumission démontrent que le Sandman n’avait pas, dans les faits, une buanderie libre‑service sur place [25] .

[27] Le Tribunal conclut que rien n’indique, dans une mesure raisonnable, que l’évaluation par le SCC de la soumission d’Amerigo concernant le Sandman n’a pas été effectuée conformément à l’ALEC. Il incombait à Amerigo de démontrer qu’elle satisfaisait à toutes les exigences obligatoires. Le Tribunal a affirmé à maintes reprises qu’il incombe aux soumissionnaires de démontrer clairement la conformité de leurs soumissions aux critères obligatoires publiés dans les documents d’appel d’offres [26] . Puisqu’Amerigo ne l’a pas fait, aux termes de la partie 4 de la DP, qui indique clairement qu’« [u]ne soumission doit respecter les exigences de la demande de soumissions et satisfaire à tous les critères d’évaluation techniques obligatoires pour être déclarée recevable [27] », le SCC était en droit de juger la soumission d’Amerigo non conforme.

Soumission 2 : le Hampton

[28] La deuxième soumission (concernant le Hampton) a aussi été déclarée non conforme aux exigences techniques obligatoires, y compris le critère O1. La plainte n’indique pas qu’Amerigo ait signifié son opposition à cette soumission ou qu’elle ait demandé un compte-rendu de la part du SCC.

[29] Cela dit, et après avoir étudié attentivement la soumission présentée par Amerigo concernant le Hampton, le Tribunal conclut que les renseignements ne démontrent pas, dans une mesure raisonnable, que le SCC n’a pas évalué la deuxième soumission en conformité avec les dispositions de l’ALEC.

[30] À la lumière des motifs susmentionnés, le Tribunal conclut que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation des accords commerciaux applicables. Le Tribunal n’enquêtera donc pas sur la plainte.

DÉCISION

[31] Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2] DORS/93-602 [Règlement].

[3] En ligne : <https://achatsetventes.gc.ca/donnees-sur-l-approvisionnement/avis-d-attribution/PW-21-00961706-001>.

[4] Pièce PR-2021-036-01 aux p. 37-51.

[5] Ibid. aux p. 52-66.

[6] Ibid. aux p. 77-81.

[7] Pièce PR-2021-036-01 aux p. 82-83.

[8] Ibid. à la p. 84.

[9] Ibid. à la p. 85.

[10] Ibid. aux p. 86-87.

[11] Ibid. à la p. 88.

[12] Ibid.

[13] Pièce PR-2021-036-02.

[14] Pièce PR-2021-036-01A; pièce PR-2021-036-03.

[15] Paul Pollack Personnel Ltd. s/n The Pollack Group Canada (24 septembre 2013), PR-2013-016 (TCCE) au par. 27, citant K-Lor Contractors Services Ltd. (23 novembre 2000), PR-2000-023 (TCCE) à la p. 6.

[16] Pièce PR-2021-036-01 aux p. 17, 34-36.

[17] Accord de libre-échange canadien, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2021/08/CFTA-Consolidated-Text-Final-French_August-10-2021.pdf> (entré en vigueur le 1er juillet 2017) [ALEC].

[18] Alinéas 509(7)a) et b) de l’ALEC.

[19] Article 515 de l’ALEC.

[20] Pièce PR-2021-036-01 à la p. 79.

[21] Ibid. à la p. 35. Le texte cité était surligné en jaune dans la DP.

[22] Pièce PR-2021-036-01 à la p. 86.

[23] Voir Sunny Jaura s/n Jaura Enterprises c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (9 juin 2016), PR-2015-058 (TCCE) [Sunny Jaura] au par. 37.

[24] Pièce PR-2021-036-01 aux p. 35 et 40.

[25] Ibid. à la p. 87.

[26] Sunny Jaura au par. 34; Samson & Associates c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (13 avril 2015), PR-2014-050 (TCCE) au par. 36; Le Groupe de traduction Masha Krupp ltée (25 août 2011), PR-2011-024 (TCCE) au par. 16; Info-Electronics H P Systems Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (2 août 2006), PR-2006-012 (TCCE).

[27] Pièce PR-2021-036-01 à la p. 17.

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