Enquêtes sur les marchés publics

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier PR-2021-052

Nacris Inc.

Décision prise
le mardi 23 novembre 2021

Décision rendue
le vendredi 26 novembre 2021

Motifs rendus
le vendredi 10 décembre 2021

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

NACRIS INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Peter Burn

Peter Burn
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1] En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] , déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

[2] La plainte a trait à une demande de proposition (DP) (appel d’offres no W0134-22R005/B) publiée le 13 octobre 2021 par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Défense nationale, en vue de la fourniture de véhicules de location, sans chauffeur, à la Marine Corps Air Station (base aérienne du corps des marines) à Miramar, en Californie, aux États‑Unis.

[3] La question à trancher au regard de la plainte est celle de savoir si la soumission retenue remplissait les exigences énoncées dans la DP. La partie plaignante, Nacris Inc. (Nacris), a demandé à recevoir une indemnité d’un montant à préciser par le Tribunal en fonction des profits auxquels elle aurait raisonnablement pu s’attendre, alléguant que le soumissionnaire retenu, Enterprise Rent-A-Car Canada Limited (Enterprise), n’avait pas la capacité de respecter les modalités du contrat subséquent. En particulier, il est mentionné dans la plainte que la couverture d’assurance responsabilité civile et d’assurance contre les dommages matériels dont sont assortis les véhicules de location proposés par Enterprise dans sa soumission est inférieure à la couverture minimale exigée dans la DP, que les véhicules ne sont pas livrés à l’endroit demandé et qu’ils ne peuvent être mis à la disposition des militaires des Forces armées canadiennes âgés de moins de 21 ans.

[4] La partie plaignante a présenté une soumission et, le 3 novembre 2021, a été informée par TPSGC qu’elle n’obtiendrait pas le contrat parce que sa soumission n’était pas celle ayant obtenu le plus de points suivant la méthode d’évaluation énoncée dans les documents de l’appel d’offres [3] . Sa soumission s’était moins bien classée que d’autres, puisqu’un autre proposant (Enterprise) conforme avait proposé le prix évalué le plus bas [4] .

[5] Le même jour, la partie plaignante a communiqué avec TPSGC à deux reprises, par courriel, s’opposant à ce résultat et alléguant que la soumission d’Enterprise ne pouvait être retenue, car elle ne répondait pas à toutes les exigences énoncées dans la DP.

[6] Le 9 novembre 2021, TPSGC a répondu qu’il avait examiné le processus d’évaluation mené dans le cadre de l’appel d’offres et que les résultats demeuraient inchangés [5] , refusant effectivement d’accorder la réparation demandée relativement à l’opposition de la partie plaignante. Le 19 novembre 2021, la partie plaignante a déposé sa plainte, dont le dossier était complet, auprès du Tribunal, remplissant ainsi les conditions énoncées au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE. La plainte a été déposée en temps opportun, c’est‑à‑dire à l’intérieur du délai prévu à l’article 6 du Règlement.

[7] Avant qu’une enquête puisse être amorcée, le Tribunal doit déterminer si la plainte déposée dans le délai prévu à l’article 6 du Règlement remplit également les exigences suivantes énoncées à l’article 7 du Règlement :

i) le plaignant est un fournisseur potentiel [6] ;

ii) la plainte porte sur un contrat spécifique [7] ;

iii) les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables [8] .

[8] Le Tribunal n’a aucune raison de remettre en doute le fait que Nacris est un fournisseur potentiel, et il conclut ainsi que l’alinéa 7(1)a) du Règlement est respecté.

[9] Les renseignements au dossier jettent toutefois un doute sur la question de savoir si l’appel d’offres en cause concerne un contrat spécifique, étant donné que les documents de l’appel d’offres [9] , ainsi que l’avis d’adjudication du contrat publié sur le site Achatsetventes.gc.ca [10] , précisent que l’appel d’offres n’est visé par aucun accord commercial. Le Tribunal a des raisons de croire que ces renseignements sont erronés, étant donné que les services de location de véhicules automobiles faisant l’objet de l’appel d’offres sont à tout le moins visés par l’Accord de libre-échange canadien (ALEC) [11] . Par conséquent, le Tribunal est disposé à conclure que l’appel d’offres en cause concerne un contrat spécifique et que la condition énoncée à l’alinéa 7(1)b) du Règlement est respectée.

[10] Peu importe que le Tribunal ait raison en tirant cette conclusion, l’issue de la plainte est la même étant donné la conclusion suivante du Tribunal concernant la condition énoncée à l’alinéa 7(1)c) du Règlement : la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public a été menée sans respecter une obligation énoncée dans un accord commercial. Le Tribunal parvient à cette conclusion pour deux raisons.

[11] En premier lieu, le Tribunal a décrit par le passé le critère qu’une partie plaignante doit respecter pour démontrer, de manière raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément à un accord commercial applicable :

Dans une plainte concernant les marchés publics, la partie qui allègue qu’un marché public n’a pas été passé en conformité avec les accords commerciaux applicables doit présenter certains éléments probants à l’appui de son allégation. Cela ne signifie pas qu’une partie plaignante dans un litige concernant un marché public aux termes d’un des accords doive démontrer tous les faits nécessaires comme une partie plaignante doit généralement le faire dans une action au civil. [...] Cependant, la partie plaignante doit présenter suffisamment de faits ou arguments qui indiquent, d’une façon raisonnable, qu’il y a eu violation d’un des accords commerciaux [12] .

[Note omise]

[12] Le Tribunal a établi par le passé que l’entité contractante a le pouvoir discrétionnaire de se fier aux attestations fournies par les soumissionnaires [13] . En l’espèce, TPSGC s’est fondé sur l’attestation fournie par Enterprise à la date de clôture de l’appel d’offres, et il était convaincu que toutes les exigences obligatoires de l’appel d’offres avaient été remplies, y compris celle concernant la couverture d’assurance, le lieu de livraison des véhicules de location et l’autorisation de conduire un véhicule de location accordée aux conducteurs âgés de moins de 21 ans. Pour ce faire, il faut nécessairement présumer que le contenu de l’attestation est véridique. Ainsi, la présomption est réfutable. En l’espèce, toutefois, comme il est expliqué plus en détail ci‑après, aucun élément de preuve ne donne à penser que la soumission n’était pas conforme ou que TPSGC savait que la soumission n’était pas conforme, et rien dans la procédure du marché public n’était injuste en soi.

[13] En deuxième lieu, la plainte repose sur une allégation non étayée par des éléments de preuve. De fait, dans sa plainte, Nacris ne présente aucun élément factuel pour appuyer son allégation, affirmant seulement que la partie plaignante « a enquêté sur les détails de la location » [traduction] et qu’elle « a déterminé » [traduction] que la soumission d’Enterprise ne répondait pas à toutes les exigences obligatoires énoncées dans la DP [14] . Bien que le critère énoncé à l’alinéa 7(1)c) du Règlement ne soit pas particulièrement exigeant, la partie qui conteste la procédure d’un marché public doit fournir certains éléments de preuve à l’appui de sa prétention [15] . De simples allégations ne suffisent pas pour établir une indication raisonnable de violation des accords commerciaux [16] . Le Tribunal a besoin d’éléments probants démontrant les prétendues caractéristiques inadéquates d’une soumission. De simples affirmations formulées par une partie plaignante ne suffisent pas.

[14] Ainsi, Nacris n’a soulevé aucune question ayant trait à la tenue de la procédure du marché public. Dans l’éventualité où Enterprise omettrait, dans l’avenir, de fournir ce à quoi elle s’est engagée, il s’agirait alors d’une question de gestion ou d’exécution du contrat. Or, il est bien établi que la compétence du Tribunal n’englobe pas les questions liées à la gestion ou à l’exécution des contrats [17] .

[15] Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables.

DÉCISION

[16] Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Peter Burn

Peter Burn
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2] DORS/93-602 [Règlement].

[3] Pièce PR-2021-052-01 à la p. 45.

[4] Ibid.

[5] Ibid. à la p. 47.

[6] Alinéa 7(1)a) du Règlement.

[7] Alinéa 7(1)b) du Règlement.

[8] Alinéa 7(1)c) du Règlement.

[9] Pièce PR-2021-052-01A à la p. 2.

[10] Voir la description sur Achatsetventes.gc.ca, en ligne : <https://achatsetventes.gc.ca/donnees-sur-l-approvisionnement/avis-d-attribution/PW-LP-003-80541-001>.

[11] Voir l’ALEC, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2017/06/CFTA-Consolidated-Text-Final-Print-Text-French.pdf> (entré en vigueur le 1er juillet 2017). Les services en cause ne sont pas exclus de l’ALEC.

[12] Paul Pollack Personnel Ltd. s/n The Pollack Group Canada (24 septembre 2013), PR-2013-016 (TCCE) au par. 27, citant K-Lor Contractors Services Ltd. (23 novembre 2000), PR-2000-023 (TCCE) [K-Lor] à la p. 6.

[13] Voir, par exemple, Access Corporate Technologies Inc. (14 novembre 2013), PR-2013-012 (TCCE) au par. 39; Central Automotive Inspections Records & Standards Services (CAIRSS) Corp. (31 octobre 2012), PR-2012-025 (TCCE) aux par. 24-25. Voir aussi Sanofi Pasteur Limited (12 mai 2011), PR-2011-006 (TCCE) aux par. 22-23; Airsolid Inc. (18 février 2010), PR-2009-089 (TCCE) au par. 11; J.A. Larue Inc. (7 août 2020), PR‑2020‑004 (TCCE) au par. 46; Atlantic Catch Data Ltd. (29 mars 2018), PR-2017-040 (TCCE) au par. 44.

[14] Pièce PR-2021-052-01 à la p. 8.

[15] K-Lor.

[16] Smiths Detection Montreal Inc. (14 août 2020), PR-2020-016 (TCCE) au par. 25; Talmack Industries Inc. (20 novembre 2018), PR-2018-040 (TCCE) au par. 13. Voir aussi Manitex Liftking ULC (19 mars 2013), PR‑2012‑049 (TCCE) au par. 22; Veseys Seeds Limited, faisant affaires sous le nom de Club Car Atlantic (10 février 2010), PR‑2009‑079 (TCCE) au par. 9; Flag Connection Inc. (25 janvier 2013), PR-2012-040 (TCCE); Tyco Electronics Canada ULC (4 avril 2014), PR-2013-048 (TCCE) au par. 12.

[17] Newland Canada Corporation (13 août 2020), PR-2020-011 (TCCE) au par. 11, citant Sunny Jaura s/n Jaura Enterprises c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (22 février 2013), PR‑2012‑043 (TCCE) au par. 10. Voir aussi Custom Power Generation c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (23 février 2021), PR-2020-087 (TCCE) au par. 8; WW-ISS Solutions Canada c. Ministère des affaires étrangères, du Commerce et du Développement (16 décembre 2019), PR-2019-050 (TCCE) au par. 15; Vidéotron Ltée c. Services partagés Canada (5 octobre 2018), PR-2018-006 (TCCE) au par. 16.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.