Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier PR-2021-057

Alliance Energy Ltd.

Décision prise
le mardi 14 décembre 2021

Décision rendue
le jeudi 16 décembre 2021

Motifs rendus
le mercredi 5 janvier 2022

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

ALLIANCE ENERGY LTD.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Peter Burn

Peter Burn
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1] En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] , déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

[2] La présente plainte, déposée par Alliance Energy Ltd. (Alliance), porte sur la mise à niveau du système d’alarme incendie au pénitencier du Service correctionnel du Canada situé à Prince Albert, en Saskatchewan (appel d’offres PW-PWU-183-12154). Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) a publié la demande de proposition (DP) le 13 septembre 2021.

[3] La date de clôture des soumissions, qui était à l’origine le 17 novembre 2021, a été repoussée par la suite au 23 novembre 2021, à 14 h HNR, en vertu de la modification 10.

[4] Alliance a présenté sa soumission avant la date de clôture des soumissions.

[5] Le 23 novembre 2021, après la clôture des soumissions, Alliance a reçu une copie de ses résultats, selon lesquels elle avait présenté la soumission la moins-disante.

[6] Le 24 novembre 2021, Alliance a été informée que sa soumission était irrecevable puisque le montant de son cautionnement de soumission n’était pas conforme à l’exigence énoncée dans les documents d’appel d’offres selon laquelle ce montant devait représenter au moins 10 p. 100 de la soumission du fournisseur, et ce, jusqu’à un montant maximal de 2 millions de dollars. Alliance s’est opposée à cette conclusion et a indiqué que l’erreur n’avait pas été intentionnelle et qu’Alliance et son courtier, Aon, n’étaient pas au courant que TPSGC avait modifié ces exigences.

[7] Le 25 novembre 2021, Alliance, Aon et TPSGC ont discuté de la question lors d’une réunion virtuelle, au cours de laquelle Alliance et Aon ont demandé à TPSGC de considérer la situation comme une « simple erreur ou irrégularité mineure » [traduction] et ont demandé la permission de soumettre un cautionnement de soumission corrigé. TPSGC n’a pas fait droit à cette demande.

[8] Le 7 décembre 2021, Alliance a déposé sa plainte auprès du Tribunal, alléguant que la décision de TPSGC selon laquelle sa soumission était non conforme allait à l’encontre des alinéas 507(3)b) et 515(5)b) et du paragraphe 515(3) de l’Accord de libre-échange canadien [3] .

CADRE LÉGISLATIF

[9] Les dispositions pertinentes de l’ALEC sont les suivantes :

Article 507 : Conditions de participation

1. Une entité contractante limite les conditions de participation à un marché à celles qui sont indispensables pour s’assurer qu’un fournisseur a les capacités juridiques et financières et les compétences commerciales et techniques pour se charger du marché en question.

[...]

3. Pour déterminer si un fournisseur satisfait aux conditions de participation, une entité contractante :

a) d’une part, évalue la capacité financière et les compétences commerciales et techniques d’un fournisseur sur la base des activités commerciales de ce fournisseur tant sur le territoire de la Partie de l’entité contractante qu’en dehors de celui-ci;

b) d’autre part, effectue son évaluation sur la base des conditions qu’elle a spécifiées à l’avance dans ses avis d’appel d’offres ou sa documentation relative à l’appel d’offres.

[...]

Article 515 : Traitement des soumissions et adjudication des marchés

Traitement des soumissions

1. Une entité contractante reçoit, ouvre et traite toutes les soumissions selon des procédures qui garantissent l’équité et l’impartialité du processus de passation des marchés, ainsi que la confidentialité des soumissions.

[...]

3. Si une entité contractante offre à un fournisseur la possibilité de corriger des erreurs de forme involontaires entre l’ouverture des soumissions et l’adjudication du marché, elle offre la même possibilité à tous les fournisseurs participants.

[...]

Évaluation et adjudication des marchés

[...]

5. À moins qu’elle ne détermine qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’adjuger un marché, l’entité contractante adjuge le marché au fournisseur dont elle a déterminé qu’il est capable de satisfaire aux modalités du marché et qui, uniquement sur la base des critères d’évaluation spécifiés dans les avis d’appel d’offres et la documentation relative à l’appel d’offres, a présenté :

a) soit la soumission la plus avantageuse;

b) soit, si le prix est le seul critère, le prix le plus bas.

ANALYSE

[10] Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, le Tribunal peut ouvrir une enquête si les quatre conditions suivantes sont remplies :

1) la plainte a été déposée dans les délais prescrits à l’article 6;

2) le plaignant est un fournisseur potentiel;

3) la plainte porte sur un contrat spécifique;

4) les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables.

[11] Quant aux trois premières conditions, il est clair que la plainte déposée par Alliance satisfait à toutes les exigences [4] .

[12] Toutefois, pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la plainte déposée par Alliance est irrecevable pour ce qui est de la quatrième exigence, puisqu’elle ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation de l’accord commercial applicable.

Indication raisonnable d’une violation

[13] Il s’agit donc de déterminer si les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que TPSGC n’a pas évalué la soumission d’Alliance conformément aux conditions essentielles spécifiées dans la documentation relative à l’appel d’offres. Autrement dit, le Tribunal doit déterminer si les renseignements fournis par Alliance démontrent, dans une mesure raisonnable, que TPSGC a eu tort de déclarer sa soumission irrecevable eu égard aux exigences énoncées dans la documentation relative à l’appel d’offres.

[14] Dans sa lettre datée du 24 novembre 2021, TPSGC indiquait que la soumission d’Alliance ne répondait pas aux exigences obligatoires de l’appel d’offres, plus précisément à la clause IG08 [5] .

[15] La clause IG08 figure dans le document R2710T intitulé Instructions générales - Services de construction - Exigences relatives à la garantie de soumission, qui fait partie du Guide des clauses et conditions uniformisées d’achat (Guide des CCUA). La clause IG08(1) est pertinente en l’espèce :

IG08 (2018-06-21) Exigences relatives à la garantie de soumission

1. Le soumissionnaire doit inclure dans sa soumission une garantie de soumission sous la forme d’un cautionnement de soumission ou d’un dépôt de garantie. Ladite garantie doit représenter au moins 10 p. 100 du montant de la soumission. Les taxes applicables ne doivent pas entrer en ligne de compte dans le calcul du montant de la garantie de soumission qui peut être exigée. Le montant maximum de la garantie de soumission requise est de 2 000 000 $, quel que soit le montant de la soumission [6] .

[16] Le libellé du cautionnement de soumission d’Alliance est le suivant :

AU MOINS 10 P. 100 DES PREMIERS 500 000,00 $, PLUS UN MONTANT ÉGAL À AU MOINS 5 P. 100 + 50 000 $ DE LA PARTIE DU MONTANT DE LA SOUMISSION QUI DÉPASSE 500 000,00 $, JUSQU’À CONCURRENCE DE 2 000 000,00 $ [7] .

[Traduction]

[17] Ce libellé reflète les exigences antérieures relatives aux cautionnements de soumission énoncées dans le Guide des CCUA, qui ont expiré le 12 décembre 2008 et qui sont les suivantes :

IG08 (2008-05-12) Exigences relatives à la garantie de soumission

1) Le soumissionnaire doit inclure dans sa soumission une garantie de soumission sous la forme d’un cautionnement de soumission ou d’un dépôt de garantie.
      
      

a) Dans le cas d’une soumission de 500 000 $ ou moins, ladite garantie doit représenter au moins 10 p. 100 du montant de la soumission;

b) Dans le cas d’une soumission supérieure à 500 000 $, ladite garantie doit représenter au moins 50 000 $, majorée d’une somme au moins égale à 5 p. 100 de la partie du montant de la soumission qui excède 500 000 $.

Le montant maximum de la garantie de soumission requise est de 2 000 000 $, quel que soit le montant de la soumission [8] .

[18] Le Tribunal a reçu nombre de plaintes relatives aux cautionnements de soumission au cours des dernières années et il a toujours soutenu, à l’opposé de ce que prétend Alliance, que les cautionnements de soumission constituent une partie intégrale de la soumission d’un fournisseur potentiel et qu’ils doivent être présentés en bonne et due forme, en conformité avec les documents de l’appel d’offres.

[19] Dans 9198-6919 Québec Inc., le Tribunal a conclu que le défaut de présenter un cautionnement de soumission portant la signature du représentant autorisé d’une entreprise, même s’il a été endossé par la compagnie d’assurance compétente, constitue une grave lacune affectant la soumission du fournisseur potentiel :

En ce qui concerne les arguments de Verreault selon lesquels CDC est tenue dans les circonstances de lui permettre de corriger son erreur involontaire ou la « simple irrégularité mineure » que contenait sa soumission, et ce, en acceptant le formulaire de cautionnement dûment signé par son représentant autorisé qu’elle lui a transmis le 23 juillet 2012, le Tribunal estime, pour les motifs énumérés ci-dessus, que l’omission de Verreault de déposer une soumission accompagnée d’un formulaire de cautionnement dûment signé par son représentant autorisé ne constitue pas une irrégularité mineure, mais bien un défaut de respecter une condition essentielle de l’appel d’offres [9] .

[20] Les fournisseurs doivent respecter les exigences obligatoires. Les erreurs de forme commises dans un cautionnement de soumission [10] ou dans la façon dont il est présenté [11] sont malencontreuses. Alliance fait remarquer, avec raison, que selon l’exigence IG11 du Guide des CCUA et l’article IP10 des documents de l’appel d’offres, TPSGC peut ignorer les irrégularités mineures d’une soumission ou demander que des corrections y soient apportées. Toutefois, l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire dépend uniquement du bon jugement de TPSGC; celui-ci doit être convaincu que l’écart entre la soumission et les exigences précises énoncées dans les documents de l’appel d’offres peut être corrigé ou ignoré sans causer un préjudice aux autres soumissionnaires. Il est clair que TPSGC n’a pas jugé qu’il était indiqué d’utiliser un tel pouvoir discrétionnaire en l’espèce.

[21] Le Tribunal conclut que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure de passation du marché public n’a pas été suivie conformément aux dispositions pertinentes de l’ALEC.

[22] Étant donné ce qui précède, le Tribunal n’enquêtera pas sur la plainte et il tient la question pour réglée.

DÉCISION

[23] Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Peter Burn

Peter Burn
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2] DORS/93-602 [Règlement].

[3] Accord de libre-échange canadien, en ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2017/06/CFTA-Consolidated-Text-Final-Print-Text-French-.pdf> (entré en vigueur le 1er juillet 2017) [ALEC].

[4] 1) La plainte d’Alliance a été reçue huit jours après qu’Alliance eut reçu un refus de réparation de la part de TPSGC; 2) Alliance a présenté une soumission autrement conforme dans le cadre de la procédure du marché public en cause; 3) les trois soumissions présentées dans le cadre de la procédure du marché public se situaient bien au-delà du seuil d’application de l’ALEC relatif aux contrats de construction.

[5] Pièce PR-2021-057-01 aux p. 2231–2232.

[6] Instructions générales - Services de construction - Exigences relatives à la sécurité (R2710T), Guide des CCUA, date d’entrée en vigueur 2021-04-01.

[7] Pièce PR-2021-057-01 à la p. 2227.

[8] Instructions générales - Services de construction - Exigences relatives à la sécurité (R2710T), Guide des CCUA, date d’entrée en vigueur 2008-05-12.

[9] 9198-6919 Québec Inc., faisant affaire sous le nom de Verreault Inc. c. Construction de défense Canada (1er août 2012), PR-2012-011 (TCCE) [9198-6919 Québec Inc.] au par. 31.

[10] Secure Energy (Onsite Services) Inc. c. Construction de défense (1951) Limitée (21 juillet 2017), PR-2017-020 (TCCE) aux par. 32–38.

[11] Tritan Electric and Controls Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (16 septembre 2009), PR-2009-043 (TCCE) aux par. 810.

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