Enquêtes sur les marchés publics

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EU ÉGARD À une plainte déposée par Marine Recycling Corporation aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.);

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

MARINE RECYCLING CORPORATION

Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte déposée par Marine Recycling Corporation (MRC) n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux une indemnité raisonnable pour les frais engagés pour répondre à la plainte, indemnité qui doit être versée par MRC. Conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (Ligne directrice), le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité et du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.


 

Membre du Tribunal :

Cheryl Beckett, membre présidant

Conseillers juridiques du Tribunal :

Kirsten Goodwin, conseillère juridique
Zackery Shaver, conseiller juridique

Partie plaignante :

Marine Recycling Corporation

Conseillers juridiques de la partie plaignante :

Vincent DeRose
Stephanie Desjardins

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques de l’institution fédérale :

Peter J. Osborne
Brendan Morrison
Margaret Robbins
Jennifer Power

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[1] La plainte porte sur un marché public (appel d’offres no F7044-200238/A) passé par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère des Pêches et des Océans [1] . L’appel d’offres portait sur le démantèlement de l’ancien navire NGCC W.E. Ricker (Ricker) [2] .

[2] La partie plaignante, Marine Recycling Corporation (MRC), allègue que TPSGC a enfreint l’Accord de libre-échange canadien (ALEC) en n’attribuant pas le contrat à MRC selon les critères d’évaluation figurant dans la demande de proposition (DP) [3] . Elle est d’avis que lorsqu’il a évalué certains critères techniques obligatoires cotés énoncés dans la DP, TPSGC s’est fondé sur de nouveaux critères d’évaluation non divulgués, n’a pas appliqué les critères d’évaluation énoncés, a ignoré des renseignements essentiels qui figuraient dans la soumission de MRC et n’a pas expliqué pourquoi MRC avait perdu des points [4] .

[3] À titre de mesure corrective, MRC demande que le contrat spécifique soit résilié et qu’il soit attribué à MRC [5] . Subsidiairement, MRC demande de recevoir une indemnité en reconnaissance des profits qu’elle a perdus [6] . MRC demande aussi le remboursement des frais qu’elle a engagés pour le dépôt de sa plainte et pour la préparation de sa soumission [7] .

PROCÉDURE DE PASSATION DU MARCHÉ

[4] TPSGC a publié la DP (datée du 21 avril 2020 [8] ) le 22 avril 2020 [9] , dont la date de clôture était le 5 juin 2020 [10] . TPSGC a apporté six modifications à la DP [11] . La date de clôture a été repoussée au 25 juin 2020, conformément à la modification no 005 [12] .

[5] La DP prévoyait un processus d’évaluation des soumissions en trois phases [13] . Les phases I et II étaient préliminaires [14] . La phase III consistait à évaluer les soumissions en fonction des exigences énoncées dans l’appel d’offres, y compris les critères d’évaluation techniques et financiers [15] .

[6] Le 4 août 2020, TPSGC a informé MRC que le contrat avait été adjugé à Canadian Maritime Engineering Ltd. (CME) [16] . Le 11 août 2020, MRC a signalé à TPSGC son opposition à l’adjudication du contrat et à l’évaluation de sa soumission [17] . Le 28 août 2020, en réponse à l’opposition, TPSGC a avisé qu’il mettrait fin au contrat et lancerait une nouvelle DP comportant de nouvelles modalités [18] .

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[7] La plainte actuelle de MRC fait suite à des plaintes antérieures de MRC et de CME concernant le même appel d’offres [19] .

Procédures relatives à la plainte initiale de MRC

[8] MRC a déposé sa plainte initiale auprès du Tribunal le 9 septembre 2020 [20] . La plainte initiale soulevait des questions concernant le manquement de TPSGC à ses obligations en vertu de l’ALEC dans le cadre de son évaluation de certains critères cotés et de l’annulation du processus d’appel d’offres. Le Tribunal a accepté d’enquêter sur la plainte le 14 septembre 2020 [21] . CME a déposé deux plaintes connexes [22] . Le 22 septembre 2020, le Tribunal a accepté d’enquêter sur la première plainte de CME [23] . Le 26 octobre 2020, le Tribunal a accepté d’enquêter sur la deuxième plainte de CME. [24] Les trois plaintes ont été jointes le 3 novembre 2020 [25] .

[9] Le 22 janvier 2021, le Tribunal a déterminé que les plaintes de MRC et de CME étaient valides en partie et a recommandé que TPSGC réévalue toutes les soumissions étudiées à la phase III à la lumière des critères techniques obligatoires M.2.4.3, M.2.4.4, M.2.6, M.2.9 et M.2.10 [26] . Le Tribunal a publié un erratum le 7 avril 2021 afin de préciser ses instructions à l’égard de la réévaluation recommandée. Les passages pertinents de la décision du Tribunal sont reproduits à l’annexe I.

Plainte actuelle de MRC

[10] Après la réévaluation des soumissions, TPSGC a informé MRC et CME, le 22 juillet 2021, que TPSGC avait l’intention d’adjuger un contrat à CME. Bien que MRC ait satisfait à tous les critères obligatoires, TPSGC a informé MRC que, selon les résultats de la réévaluation et la méthode d’évaluation suivie, CME avait obtenu la note la plus élevée. Le 22 juillet 2021, MRC a demandé un compte rendu à TPSGC. Le 23 juillet 2021, TPSGC a informé MRC qu’il rédigerait un compte rendu et a fourni à MRC le guide de notation de la réévaluation technique qui avait été utilisé par les évaluateurs, le résumé du consensus, les notes accordées par chacun des évaluateurs et le consensus définitif à l’égard de la décision et des motifs. MRC a déposé sa plainte actuelle le 10 août 2021 [27] et a demandé que soit reporté l’adjudication du contrat [28] .

[11] Le 12 août 2021, le Tribunal a accepté d’enquêter sur la plainte [29] . Le 13 août 2021, le Tribunal a rendu une ordonnance de report de l’adjudication du contrat [30] . Dans une lettre datée du 24 août 2021, TPSGC a demandé au Tribunal d’annuler l’ordonnance de report de l’adjudication [31] . La lettre de TPSGC attestait que la passation du marché était urgente et qu’un retard dans l’adjudication du contrat serait contraire à l’intérêt public [32] . Le Tribunal a annulé l’ordonnance le 26 août 2021 [33] .

[12] Le 2 septembre 2021, TPSGC a demandé une prorogation de 10 jours ouvrables pour déposer son Rapport de l’institution fédérale (RIF) [34] . Le 3 septembre 2021, MRC s’est opposée à la prorogation, invoquant l’urgence de sa plainte et la disponibilité réduite de mesures correctives dans l’éventualité où l’affaire serait davantage retardée [35] . Dans une lettre datée du 7 septembre 2021, TPSGC a soutenu que la prorogation demandée n’aurait aucune incidence sur les mesures correctives appropriées ou disponibles [36] .

[13] Le 8 septembre 2021, le Tribunal a accueilli la demande de prorogation de TPSGC [37] . Le Tribunal a indiqué qu’une prorogation n’entraverait pas la capacité du Tribunal à recommander une mesure corrective appropriée et faciliterait la capacité de chaque partie à présenter ses meilleurs éléments de preuve concernant les questions de fond en litige [38] . Conformément à l’alinéa 12c) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics (Règlement) [39] , la prorogation de la date limite pour déposer le RIF a porté à 135 jours le délai accordé au Tribunal pour publier ses conclusions et ses recommandations.

[14] TPSGC a présenté son RIF le 28 septembre 2021 [40] . MRC a déposé ses commentaires sur le RIF le 8 octobre 2021 [41] .

ANALYSE

[15] Pour déterminer la validité d’une plainte, le Tribunal doit déterminer si TPSGC a agi conformément aux procédures et aux exigences prescrites dans le contrat spécifique [42] . Lorsqu’il évalue des plaintes, le Tribunal fait preuve de déférence à l’égard de l’expertise des évaluateurs et n’intervient que lorsqu’une évaluation ou une adjudication est déraisonnable [43] . Le rôle du Tribunal est de décider si l’évaluation est étayée par une explication raisonnable, et « non de se mettre à la place des évaluateurs et de réévaluer la proposition non retenue [44] ».

[16] Le Tribunal a conclu que la « détermination d[’un acheteur public] sera jugée raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal [45] ». Le Tribunal a également conclu qu’une évaluation ou une adjudication est déraisonnable lorsque les évaluateurs ne se sont pas appliqués à bien évaluer une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence de l’appel d’offres, ont ignoré des renseignements essentiels fournis dans une soumission, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués (sous réserve de la précision apportée au paragraphe 18 ci-dessous), ou n’ont pas autrement procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure [46] .

[17] Le Tribunal doit également déterminer si la procédure de passation du marché a été suivie conformément aux exigences énoncées dans les accords commerciaux applicables [47] . La DP indique que l’ALEC est l’accord commercial applicable [48] . MRC indique que les dispositions suivantes de l’ALEC sont pertinentes à sa plainte : le paragraphe 502(11); l’alinéa 507(3)b); l’alinéa 509(7)a); et le paragraphe 516(1) [49] . Les passages des dispositions de l’ALEC qui sont pertinents à la plainte sont reproduits à l’annexe II [50] .

[18] Le Tribunal a déterminé que l’ALEC exige que les acheteurs publics évaluent les soumissions conformément aux critères essentiels énoncés dans la documentation relative à l’appel d’offres [51] . Lorsqu’une évaluation est fondée sur des critères non divulgués, elle est conforme aux accords commerciaux tant que la méthode d’évaluation est logiquement conforme à la méthodologie énoncée dans les documents relatifs à l’appel d’offres et qu’elle pourrait raisonnablement être prévue dans la méthodologie ou dérivée de celle-ci [52] .

[19] Par conséquent, le Tribunal doit décider si TPSGC a procédé à la réévaluation de la soumission de MRC conformément aux critères de la DP en cause et d’une manière conforme à l’ALEC. Le Tribunal fait remarquer que tout soumissionnaire aurait pu obtenir plus ou moins de points pour les critères en cause dans le cadre de la réévaluation par rapport aux points attribués dans l’évaluation initiale. Pour rendre sa décision, le Tribunal effectue la réévaluation selon ses particularités propres, et non en la comparant à l’évaluation initiale [53] .

[20] MRC a quatre motifs généraux de plainte, à savoir que les évaluateurs : (i) ont introduit des critères d’évaluation non divulgués, à savoir les critères cotés M.2.4, M.2.6 et M.2.10, et se sont fondés sur ceux-ci, contrairement à l’alinéa 509(7)a) de l’ALEC [54] ; (ii) n’ont pas appliqué les critères d’évaluation divulgués et ont ignoré des renseignements essentiels contenus dans la soumission de MRC en ce qui a trait aux critères cotés M.2.4, M.2.6 et M.2.10, contrairement à l’ALEC [55] ; (iii) n’ont pas fourni à MRC une explication des motifs pour lesquels elle a perdu des points dans la réévaluation du critère technique M.2.9, contrairement au paragraphe 516(1) de l’ALEC [56] ; et (iv) ont omis d’adjuger le contrat à MRC, comme ils auraient dû le faire si sa décision avait été fondée uniquement sur les critères d’évaluation précisés dans la DP, après la réévaluation effectuée conformément aux recommandations du Tribunal, contrairement à l’ALEC [57] .

[21] Les allégations particulières de MRC concernant la réévaluation des critères d’évaluation techniques M.2.4, M.2.6, M.2.9 et M.2.10 sont abordées séparément ci-dessous.

Critère M.2.4 : Installations

[22] MRC et TPSGC reconnaissent que la réévaluation du critère M.2.4 se limitait aux critères M.2.4.3 et M.2.4.4 [58] . MRC ne se plaint pas de la réévaluation du critère M.2.4.3. Par conséquent, le Tribunal concentrera son enquête sur le critère M.2.4 et la réévaluation du critère M.2.4.4.

[23] MRC soutient qu’en évaluant le critère M.2.4.4, les évaluateurs ont introduit des critères non divulgués [59] , se sont appuyés sur ceux-ci, et ont ignoré des renseignements essentiels fournis dans la soumission de MRC [60] . MRC allègue également que la notation du critère M.2.4 par les évaluateurs est manifestement déraisonnable [61] . Chaque allégation est abordée séparément ci‑dessous.

Les évaluateurs se sont-ils appuyés sur des critères non divulgués pour évaluer le critère M.2.4.4?

[24] MRC soutient que le critère M.2.4.4 n’exige pas que les soumissionnaires fassent référence au poids prévu du navire au moment du levage ou au processus de validation du poids du navire pour atteindre la capacité maximale de 1 100 tf de la cale sèche qui avait été proposée dans la soumission de MRC [62] . MRC soutient que des renseignements exacts sur l’état du navire avant le levage ne sont disponibles qu’immédiatement avant le levage du navire, ce qui fait qu’il est déraisonnable de s’attendre à ce que les soumissionnaires tiennent compte de ces renseignements dans leurs soumissions [63] . Citant une lettre de l’industrie [64] , MRC soutient qu’entre le moment de la soumission et celui du retrait de certaines matières avant le remorquage, et entre ce moment et celui du levage réel du navire, l’état du navire change plusieurs fois. C’est pourquoi l’état du navire au moment du levage à la cale sèche ne pouvait pas être déterminé au moment de la présentation de la soumission de MRC [65] . Selon MRC, cela signifie que les soumissionnaires ne pouvaient pas raisonnablement prévoir s’ils devaient fournir ces renseignements [66] .

[25] TPSGC critique le fait que MRC n’a pas fourni ces renseignements [67] , et considère que la documentation fournie par MRC est insuffisante pour satisfaire à l’exigence de certification parce qu’elle ne fournit pas ces renseignements [68] . TPSGC soutient que l’intention du critère M.2.4.4, et « ce que l’équipe d’évaluation cherchait à faire, est d’effectuer une évaluation préliminaire de la cale sèche proposée pour s’assurer que la cale aura la capacité nécessaire pour permettre d’accoster le navire [69] » [traduction]. TPSGC soutient en outre que, si le Tribunal conclut que la réévaluation était fondée sur des critères qui n’ont pas été divulgués explicitement, le Tribunal devrait alors conclure que les critères auraient pu raisonnablement être déduits de la DP et il ne devrait pas intervenir dans l’évaluation [70] .

[26] Bien que MRC ait raison de dire que le critère M.2.4.4 n’identifie pas expressément ces facteurs, selon l’exigence les soumissionnaires doivent « [d]émontr[er] que le cale sèche est certifié et capable d’accueillir l’ancien NGCC W.E. Ricker dans les conditions prévues pendant la période prévue de démantèlement du navire [71] ».

[27] Les notes des évaluateurs indiquent qu’il y avait des questions sans réponse concernant un écart possible entre la capacité de la cale sèche proposée par MRC et les spécifications du Ricker [72] . L’examen par le Tribunal de la DP et de la soumission de MRC a révélé que MRC avait accès aux renseignements qui ont donné lieu à ces questions et qu’elle y a fait référence [73] , et que l’écart possible était clair (comme décrit, par exemple, dans le RIF) [74] . De plus, la déclaration de MRC selon laquelle il n’était pas possible pour les soumissionnaires de fournir « avec exactitude » [traduction] certains renseignements [75] semble présumer que les évaluateurs demandaient un niveau de précision qui n’est pas reflété dans les notes des évaluateurs. Rien dans leurs notes ne suggère que les évaluateurs demandaient des renseignements quantitatifs fondés sur des calculs précis. Leurs préoccupations portaient plutôt sur l’absence d’explication concernant la façon dont l’écart évident dans la soumission de la MRC serait comblé [76] .

[28] Il s’avère que, bien qu’une DP doive cerner tous les principaux critères d’évaluation, elle n’a pas à identifier tous les aspects de chaque critère qui peuvent être pris en compte dans une évaluation, tant que les aspects non identifiés sont raisonnablement liés au critère [77] . Des facteurs comme le poids prévu (pas nécessairement exact) du navire au levage et un processus capable de vérifier ce poids sont raisonnablement liés pour les évaluateurs qui déterminent si une cale sèche peut accueillir un navire donné. Le Tribunal est d’accord avec TPSGC que ces facteurs peuvent constituer une partie implicite de la démonstration que la capacité d’une cale sèche est suffisante pour accueillir un navire donné, particulièrement lorsque la capacité d’une cale sèche semble être en cause, et que, par conséquent, ils ne constituent pas des critères non divulgués.

[29] De plus, le guide de notation de la réévaluation technique exige que le soumissionnaire « démontr[e], à la satisfaction du Canada, que son ou ses sous-traitants respectent chacun des critères obligatoires en fournissant suffisamment de renseignements pour décrire de façon complète et détaillée la manière dont chaque exigence est satisfaite [78] ». MRC avait accès aux renseignements qui ont donné lieu à une irrégularité possible, mais elle n’a pas fourni aux évaluateurs une description détaillée et complète de la question. Le critère M.2.4.4 indiquait clairement que les évaluateurs chercheraient à confirmer que les installations proposées avaient une capacité suffisante. Par conséquent, même si le poids prévu du navire et le processus de vérification du poids n’étaient pas des critères divulgués, la méthode d’évaluation était logiquement conforme à la DP et pouvait raisonnablement être prévue par MRC à partir de la méthodologie énoncée dans la DP.

[30] MRC conteste également la déclaration de TPSGC selon laquelle le critère M.2.4.4 vise à effectuer une évaluation préliminaire de la cale sèche proposée pour s’assurer qu’elle a la capacité nécessaire [79] . MRC soutient que l’« intention » n’est pas pertinente à moins qu’elle ne soit énoncée dans la DP ou qu’elle puisse raisonnablement être déduite de dispositions explicites de la DP [80] . MRC soutient que le fait de se fier à l’« intention » et à une « exigence » d’évaluation préliminaire constitue l’introduction de critères d’évaluation non divulgués [81] .

[31] Le Tribunal conclut que la déclaration de TPSGC n’a pas introduit un critère non divulgué. Comme il est mentionné ci-dessus, la DP n’a pas à identifier tous les aspects de chaque critère qui peuvent être pris en compte dans une évaluation, tant que les aspects non identifiés sont raisonnablement liés au critère. Une lecture simple de la déclaration de TPSGC montre que TPSGC a expliqué le raisonnement sous-tendant le critère M.2.4.4. De plus, le critère M.2.4.4 prévoit implicitement que les évaluateurs chercheraient à évaluer de façon préliminaire la capacité de la cale sèche proposée. L’évaluation technique de la DP vise à évaluer de façon préliminaire la capacité des soumissionnaires de remplir le contrat, dans l’éventualité où celui-ci leur serait adjugé. Même si la déclaration de TPSGC était considérée comme introduisant un critère non divulgué, cette méthode était conforme à la DP et aurait raisonnablement pu être anticipée par le MRC en se fondant sur la nature de l’incohérence contenue dans sa soumission.

[32] MRC soutient également que les évaluateurs ont tenu compte de critères non divulgués sous la forme de risques de préjudice environnemental, de dommages au navire, de perte du navire et de dommages aux installations [82] . MRC fait valoir que ni le système de notation des soumissions de la DP (critère M.1.1) ni le guide de notation de la réévaluation technique n’indiquent qu’il y aurait une évaluation de l’importance de réponses manquantes ou inadéquates en fonction du risque de préjudice environnemental, du risque de dommages au navire ou de perte du navire, ou du risque de dommages aux installations (et une telle évaluation n’a pas été effectuée lors de l’évaluation initiale) [83] . MRC fait valoir que cela est contraire à l’ALEC, qui exige que les évaluateurs suivent le processus d’évaluation établi dans la DP (c’est-à-dire les critères d’évaluation et le système de notation) [84] .

[33] MRC conteste également la conclusion des évaluateurs selon laquelle les lacunes alléguées de la soumission sont « importantes » [traduction] [85] . MRC soutient que la section 2.9 de la DP établit que l’autorité contractante peut demander la certification des cales sèches et des plans de carénage après l’évaluation technique [86] . Selon MRC, cela signifie que les évaluateurs auraient pu obtenir des renseignements à jour qui permettent de corriger les lacunes alléguées de la soumission en ce qui a trait au critère M.2.4.4 immédiatement avant l’adjudication du contrat, de sorte que ces lacunes ne peuvent pas être « importantes » [traduction] [87] .

[34] TPSGC soutient que les niveaux de cotation de la DP « détermin[ent] particulièrement le caractère suffisant des renseignements fournis et l’importance de tout renseignement manquant dans le cadre d’une adjudication réussie [88] » [traduction]. Par conséquent, les évaluateurs ont interprété le sens du mot « importance » [traduction] en fonction de l’importance des renseignements manquants pour ce qui est de satisfaire aux exigences des soumissions et de l’issue générale du démantèlement sécuritaire du navire [89] . TPSGC fait valoir que les risques pour l’environnement et les préoccupations relatives à la sécurité humaine sont d’une importance capitale dans les travaux de démantèlement de navires [90] . Il y a le risque de ne pas réaliser les travaux de façon sécuritaire, le risque d’exposition à des matières dangereuses, des risques importants pour l’environnement, et le risque de dommages au navire ou de perte du navire [91] . TPSGC fait valoir que les évaluateurs ont dû tenir compte des soumissions dans ce contexte [92] et qu’il est raisonnable de tenir compte de ces risques dans l’évaluation [93] .

[35] TPSGC fait en outre valoir que si le Tribunal concluait qu’il y avait des critères non divulgués, la question serait de savoir si les critères auraient pu raisonnablement être prédits ou prévus par MRC à partir des documents relatifs à l’appel d’offres [94] . Dans l’affirmative, le Tribunal ne devrait pas intervenir dans la réévaluation. TPSGC souligne que partout dans la DP et les critères réévalués, il y a des renvois fréquents à la sécurité, aux plans de sécurité et à l’atténuation des risques, et il est clair que les soumissionnaires devaient fournir des renseignements substantiels pour décrire en détail de quelle façon les critères seraient respectés pour répondre à ces préoccupations [95] .

[36] Dans sa réponse au RIF, MRC soutient que les évaluateurs n’ont pas appliqué les critères non divulgués relatifs au « critère du préjudice » [traduction] dans la première évaluation [96] . MRC conteste également l’interprétation que fait TPSGC du mot « importance » [traduction], selon laquelle ce mot signifie le « risque de préjudice à l’environnement, le risque de dommages au navire ou de perte du navire, et le risque de dommage aux installations [97] » [traduction]. Selon MRC, le mot « important » [traduction] dans le système de notation technique de la DP n’était pas une définition que devaient interpréter les évaluateurs [98] .

[37] MRC soutient que le « critère du préjudice » [traduction] non divulgué n’est pas pertinent pour déterminer si une réponse à une soumission est importante (définie à juste titre comme étant un nombre sensiblement ou considérablement élevé) [99] . MRC soutient en outre qu’il est déraisonnable pour TPSGC de laisser entendre que les soumissionnaires auraient dû prévoir que les préoccupations relatives à la sécurité environnementale et humaine seraient implicitement évaluées dans toutes les catégories d’évaluation, car ces risques sont évalués de façon indépendante en vertu d’autres dispositions de la DP [100] .

[38] Le Tribunal conclut que les évaluateurs n’ont pas introduit de critères non divulgués sous la forme de « critères de préjudice » [traduction]. L’intégralité de la DP est fondée sur la protection adéquate de l’environnement [101] , et de la santé et de la sécurité humaines [102] . Il ne fait aucun doute que les préoccupations relatives à l’environnement et à la sécurité humaine sont d’une importance capitale dans les travaux de démantèlement de navires. Les critères obligatoires d’un appel d’offres sont conçus pour atteindre des objectifs sous-jacents, qui peuvent être précisés ou non [103] . En évaluant le critère M.2.4.4, les évaluateurs évaluaient les réponses aux critères liés aux travaux futurs qui, s’ils sont mal réalisés, pourraient nuire à l’environnement ou aux humains. Par conséquent, il était raisonnable pour les évaluateurs d’évaluer le caractère suffisant des renseignements et l’importance des renseignements manquants dans ce contexte. Dans l’affaire MRC et CME, le Tribunal a recommandé que TPSGC explique pourquoi les renseignements contenus dans une soumission ne satisfont pas aux exigences en matière de certification des installations [104] . Les références de TPSGC à divers risques sont dûment considérés comme une explication des motifs des décisions et des notes des évaluateurs, et non comme l’imposition de critères non divulgués.

[39] En ce qui concerne la suggestion de MRC selon laquelle les évaluateurs n’auraient pas dû considérer les lacunes de la soumission comme étant « importantes » [traduction] parce que MRC aurait pu corriger les lacunes après l’évaluation technique, l’argument n’est pas fondé. Le fait que l’acheteur public puisse exiger que le soumissionnaire retenu prenne de telles mesures « correctives » n’est pas lié au fait que les évaluateurs déterminent si une lacune relevée dans une évaluation technique est importante.

Les évaluateurs ont-ils ignoré des renseignements essentiels dans la soumission de MRC en ce qui a trait au critère M.2.4?

[40] MRC soutient que les évaluateurs ont ignoré la méthode de démantèlement étape par étape énoncée dans sa soumission [105] . MRC semble soutenir que, comme la méthode décrit certaines activités préalables au levage, il était déraisonnable pour les évaluateurs de déduire des points parce que MRC n’indiquait pas le poids de levage du navire [106] . Autrement dit, selon MRC, si les évaluateurs avaient tenu compte de la méthode, ils n’auraient pas exigé que MRC indique le poids de levage, ou ils n’auraient pas dû l’exiger, conformément au critère M.2.4.4.

[41] Le Tribunal conclut que les évaluateurs n’ont pas ignoré des renseignements essentiels dans la soumission de MRC. MRC n’a pas établi comment la méthode de démantèlement permettrait aux évaluateurs de s’assurer que la cale sèche puisse accueillir le navire. La méthode ne tient pas compte de certaines questions clés nécessaires pour satisfaire au critère M.2.4.4. Par conséquent, les renseignements n’étaient pas essentiels à l’évaluation du critère M.2.4.4 par les évaluateurs.

[42] De plus, la réponse de MRC au critère M.2.4.4 ne renvoie pas à la méthode ni n’incorpore par renvoi son emplacement ailleurs dans la soumission. La DP demande aux soumissionnaires d’incorporer par renvoi différentes sections de leurs soumissions en indiquant les numéros de paragraphe et de page précis pertinents au critère [107] . Le Tribunal a maintes fois soutenu qu’il incombe au soumissionnaire de démontrer sans ambiguïté comment sa soumission satisfait aux exigences de l’appel d’offres [108] . Il n’incombe pas aux évaluateurs de chercher dans les soumissions pour trouver des renseignements qui répondent à un critère.

[43] En ce qui concerne l’opinion de TPSGC selon laquelle les documents de certification de MRC étaient insuffisants, MRC n’est pas d’accord [109] . MRC souligne que les notes de la réévaluation des évaluateurs n’indiquent pas que les documents de MRC ne correspondent pas à un type particulier de certification [110] . MRC mentionne ensuite une lettre provenant de l’industrie et affirme que la lettre confirme que les documents de MRC correspondent au type de certification en cause [111] . MRC s’appuie également sur une norme de l’industrie (qui n’est pas mentionnée dans sa soumission [112] ) et sur sa méthode de démantèlement [113] pour établir le caractère suffisant de ses documents de certification.

[44] MRC soutient que la norme de l’industrie pour la certification des cales sèches est qu’elle est valide pour un an, à moins que la certification n’en indique autrement [114] . Le Tribunal n’est pas convaincu par une norme de l’industrie qui n’a pas été soumise aux évaluateurs dans le cadre de la soumission de MRC. Le critère M.2.4.4 est clair, et MRC n’a pas établi que sa soumission précisait la période de validité des documents de certification de sa cale sèche. MRC suggère également que sa méthode de démantèlement étape par étape garantira que l’inspection nécessaire sera effectuée [115] . Encore une fois, le critère M.2.4.4 est clair, et MRC n’a pas établi qu’elle indiquait les calendriers d’inspection dans sa soumission.

[45] Le Tribunal conclut qu’il était raisonnable pour les évaluateurs de déterminer que les documents de certification de MRC étaient insuffisants et d’accorder des points en conséquence. Le critère M.2.4.4 exige expressément que les soumissionnaires « [p]récis[ent] la période de validité de la certification de la cale sèche et indiqu[ent] les calendriers d’inspections subséquentes ». Rien dont est saisi le Tribunal n’établit que MRC a fourni ces renseignements dans sa soumission, et MRC ne soutient pas qu’elle l’ait fait.

La note accordée par les évaluateurs pour les critères M.2.4 et M.2.4.4 était-elle déraisonnable?

[46] MRC soutient qu’il était déraisonnable pour les évaluateurs de déduire des points additionnels dans la réévaluation en raison des renseignements contenus dans sa soumission pendant l’évaluation initiale [116] . Comme il est indiqué ci-dessus, pour rendre sa décision, le Tribunal tient compte de la réévaluation en fonction de son propre fondement, et non en la comparant à l’évaluation initiale [117] . Le Tribunal conclut que tout argument comparant l’évaluation initiale et la réévaluation est sans fondement.

[47] MRC soutient en outre qu’elle avait fourni une « réponse presque parfaite aux critères M.2.4.1 à M.2.4.3 » [traduction] dans la réévaluation, mais les évaluateurs ont conclu que des lacunes alléguées dans la réponse au critère M.2.4.4 rendaient la réponse globale de MRC au critère M.2.4 incomplète et inadéquate [118] . MRC considère que la note de TPSGC est manifestement déraisonnable [119] .

[48] Le Tribunal conclut que les évaluateurs ont accordé une note raisonnable pour le critère M.2.4.4, en particulier, et le critère M.2.4, en général. Le Tribunal n’a pas conclu à l’introduction de critères non divulgués. Par conséquent, la conclusion des évaluateurs quant à cette question n’est pas fondée sur des critères non divulgués et ne mine pas leur décision. Le Tribunal a également conclu que les évaluateurs n’ont pas ignoré des renseignements essentiels dans la soumission de MRC. Par conséquent, la décision des évaluateurs est fondée sur les renseignements qu’elle a examinés. Enfin, MRC n’a pas satisfait à deux exigences obligatoires du critère M.2.4.4.

[49] Le système de notation des soumissions techniques pour les critères cotés décrit les points attribués pour différents niveaux de cotation. Le Tribunal conclut que le défaut de MRC de satisfaire à deux exigences obligatoires du critère M.2.4.4, la réponse incomplète et inadéquate concernant la capacité de la cale sèche à accueillir le navire et l’importance de ces faiblesses, telles que déterminées par les évaluateurs, s’harmonisent avec le niveau de cotation du système de notation qui est indiqué dans leurs notes.

[50] Rien dont est saisi le Tribunal n’établit que les évaluateurs ne se sont pas appliqués à évaluer le critère M.2.4, ont interprété incorrectement la portée du critère M.2.4 ou ont autrement évalué le critère M.2.4 de façon inéquitable sur le plan de la procédure. L’expertise des évaluateurs n’est pas contestée, et MRC n’a pas non plus établi que son explication n’est pas défendable. Par conséquent, le Tribunal n’a aucun motif de ne pas s’en remettre à leur expertise dans l’évaluation du critère M.2.4 et conclut qu’ils ont raisonnablement décidé de la note globale de MRC pour le critère M.2.4.

Critère M.2.6 : Plan de projet

[51] MRC allègue qu’en réévaluant le critère M.2.4.4, les évaluateurs ont introduit des critères non divulgués et se sont appuyés sur ceux-ci, et qu’ils ont ignoré des renseignements essentiels fournis dans la soumission de MRC. Chaque allégation est abordée séparément ci-dessous.

Les évaluateurs se sont-ils appuyés sur des critères non divulgués pour évaluer le critère M.2.6?

[52] MRC soutient que les évaluateurs ont introduit des critères non divulgués en évaluant si la soumission de MRC satisfaisait véritablement à chaque catégorie du critère M.2.6, plutôt que d’évaluer si la soumission démontrait comment MRC satisferait à chaque catégorie (comme l’exige la DP) [120] . MRC souligne les critiques dans les notes des évaluateurs, qui identifient des lacunes spécifiques alléguées concernant le calendrier et l’itinéraire, le rapport d’état du navire, les limites de remorquage et le dégagement sous la quille, comme il est indiqué au point 2) du critère M.2.6.

[53] Selon le critère M.2.6, le soumissionnaire doit fournir un plan de projet qui décrit « son approche et sa méthodologie » relatives aux travaux. [121] Le critère M.2.6(2) prévoit en partie ce qui suit [122] :

(2) fournir une ébauche du plan de remorquage pour chaque étape de remorquage du navire de la base de la Garde côtière canadienne, Patricia Bay, 9860 chemin Saanich Ouest, Sidney (C.-B), V8L 4B2, vers le site approuvé de démantèlement. Cette ébauche doit démontrer comment le soumissionnaire abordera chacun des éléments suivants en tenant compte de l’information contenue dans le rapport d’inspection préalable au remorquage de l’ancien NGCC W.E. Ricker :

[...]

b. le calendrier et l’itinéraire prévus, y compris un port sécuritaire;

[...]

d. le rapport sur l’état du navire;

[...]

f. les limites du remorquage;

[...]

h. le zéro hydrographique pour prouver que l’itinéraire choisi permet le dégagement sous la quille nécessaire selon le tirant d’eau prévu du navire;

[...]

j. les mesures et interventions d’urgence;

k. le plan d’intervention en cas de pollution par hydrocarbures ou de déversement;

[...]

m. la surveillance des inondations lorsque le navire est remorqué et le plan d’intervention;

[...]

[54] MRC soutient que la DP n’exigeait pas que les soumissionnaires fournissent un itinéraire de remorquage exact avec la latitude et la longitude, qu’ils identifient les divers ports sécuritaires disponibles le long de l’itinéraire ou qu’ils utilisent un outil de navigation nautique spécifique. La DP n’exigeait pas que l’itinéraire soit indiqué sur une carte et ne prescrivait pas les types de cartes qui pouvaient être incluses dans une soumission [123] . MRC soutient que la critique des évaluateurs à l’égard de la soumission en ce qui a trait à l’absence ou à l’insuffisance de tels détails signifie que les évaluateurs se sont appuyés sur des critères non divulgués [124] . Selon MRC, le niveau de détail demandé par les évaluateurs pour évaluer l’état du navire n’était pas précisé dans la DP [125] . MRC allègue également que la DP n’exigeait pas que les soumissions comprennent des « limites définies » [traduction] et souligne que des évaluateurs ont conclu que la réponse de MRC était incomplète parce qu’elle ne comportait pas de telles limites, démontrant qu’ils s’étaient donc appuyés sur des renseignements non divulgués [126] .

[55] MRC conteste également la critique des évaluateurs selon laquelle la soumission ne mentionne pas le zéro hydrographique montrant que l’itinéraire choisi aurait un dégagement suffisant sous la quille [127] . MRC s’oppose à ce que les évaluateurs recherchent des éléments de preuve réels du dégagement sous la quille au lieu du « comment » MRC satisferait à l’exigence relative au dégagement sous la quille [128] . De même, MRC s’oppose à la décision des évaluateurs selon laquelle l’intervention en cas d’urgence était incomplète parce qu’ils n’ont pas pu trouver de procédures de sécurité, de plan d’intervention en cas d’inondation ou de mention à de l’équipement d’urgence à bord [129] . Selon MRC, la DP n’exigeait pas tous ces détails et il s’agit donc de critères non divulgués [130] . Encore une fois, MRC soutient que les lacunes relevées dans la réévaluation, qui n’ont pas été soulevées dans l’évaluation initiale, montrent que les évaluateurs se sont appuyés sur des critères non divulgués [131] .

[56] TPSGC soutient qu’aucun critère non divulgué n’a été appliqué [132] , et l’annexe « M » – Plan d’évaluation technique (annexe « M » de la DP) informait les soumissionnaires qu’ils devaient fournir des renseignements substantiels pour décrire, avec suffisamment de détails, la façon dont les exigences obligatoires étaient respectées ou satisfaites [133] . TPSGC soutient que les descriptions des méthodes étape par étape de MRC étaient lacunaires et insuffisantes pour expliquer le plan de surveillance des inondations et d’intervention en cas d’inondation, le plan d’intervention en cas de pollution par hydrocarbures et le plan d’intervention d’urgence en cas de déversement. TPSGC soutient qu’une réponse descriptive générale concernant l’itinéraire de remorquage proposé était incomplète [134] . TPSGC soutient également que MRC n’a pas renvoyé au zéro hydrographique pour fournir des éléments de preuve indiquant que l’itinéraire choisi avait le dégagement requis sous la quille [135] . TPSGC a fourni plusieurs autres exemples de ce qu’il considérait comme des réponses fournissant des détails minimes pour éléments c, d, k et m du point 2 du critère M.2.6 [136] .

[57] TPSGC fait en outre valoir que, si le Tribunal conclut que l’évaluation était fondée sur des critères qui n’ont pas été divulgués explicitement, le Tribunal devrait alors conclure que les critères auraient pu raisonnablement être déduits de la DP, et le Tribunal ne devrait pas intervenir dans l’évaluation [137] .

[58] Le Tribunal est d’accord avec MRC que le point 2 du critère M.2.6 n’indique pas explicitement quels renseignements les soumissionnaires doivent fournir dans l’ébauche de leur plan de remorquage. Par exemple, l’élément d du point 2 du critère M.2.6 n’indique pas que les soumissionnaires doivent fournir un rapport sur l’état du navire. Il exige plutôt que les soumissionnaires démontrent comment ils satisferont à l’exigence relative au rapport sur l’état du navire. Par conséquent, le Tribunal conclut que les évaluateurs se sont appuyés sur des critères non divulgués dans la mesure où MRC n’a pas fourni les renseignements spécifiques décrits ci-dessus.

[59] Toutefois, le Tribunal conclut que la méthode des évaluateurs était logiquement compatible avec la méthodologie énoncée dans la DP et qu’elle pouvait raisonnablement être anticipée à partie de cette méthodologie. À titre de commentaire préliminaire, le Tribunal souligne que la suggestion de MRC selon laquelle les soumissionnaires n’auraient qu’à expliquer comment ils satisferaient chacun des éléments (des critères M.2.6(2)(a) à (n) sans réellement satisfaire chaque élément [138] n’est pas viable. L’annexe « M » de la DP exige que les soumissionnaires expliquent comment ils répondraient aux critères en démontrant leur capacité et en décrivant leur méthode de « façon complète, concise et claire pour effectuer les travaux [139] » [traduction]. L’interprétation de MRC signifierait que les soumissionnaires auraient dû obtenir tous les points même s’ils n’avaient nommé qu’un sous-traitant approprié pour « satisfaire véritablement » [traduction] chaque élément. Une telle interprétation va à l’encontre d’une DP visant à obtenir des renseignements détaillés sur la capacité des soumissionnaires à effectuer des travaux hautement spécialisés.

[60] Les critères M.2.6(2)(a) à (n) établissent une liste détaillée des sujets de préoccupation pour les évaluateurs lorsqu’ils examinent la capacité des soumissionnaires à exécuter un contrat comportant des risques pour l’environnement, et la santé et la sécurité humaines. La DP, en général, et l’annexe « M », en particulier, indiquent clairement qu’on s’attendait à ce que les soumissionnaires fournissent des renseignements complets et détaillés pour permettre aux évaluateurs d’évaluer leur méthode, leur capacité et leur expérience. Par conséquent, la méthode adoptée par les évaluateurs pour examiner les renseignements, « répondre véritablement » [traduction] à chaque élément, est logiquement compatible avec la méthodologie énoncée dans la DP et pourrait être anticipée par les soumissionnaires. En ce qui concerne ce dernier point, le Tribunal souligne que les notes des évaluateurs révèlent que pour certains des éléments des critères M.2.6(2)(a) à (n), MRC a « véritablement répondu » [traduction] à l’exigence. Par exemple, dans un cas, MRC a fourni le type de renseignements documentaires mentionnés dans une exigence [140] . Ces renseignements plus complets et détaillés pour certains des éléments du critère M.2.6(2) indiquent que les soumissionnaires étaient en mesure de prévoir le type de renseignements pris en compte par les évaluateurs.

[61] MRC s’est également opposé à ce que les évaluateurs tiennent compte de divers risques de préjudice pour évaluer l’importance des lacunes alléguées [141] . Par exemple, MRC a cité l’avis des évaluateurs selon laquelle la lacune alléguée relative à l’itinéraire et au calendrier de remorquage était « importante » [traduction] en raison du risque de préjudice environnemental, du risque de dommages au navire ou du risque de perte du navire [142] .

[62] Le Tribunal conclut que les évaluateurs ont dûment tenu compte du risque de préjudice pour évaluer l’importance des lacunes dans la soumission de MRC. Comme il a été discuté ci-dessus, la DP est fondée sur la protection adéquate de l’environnement [143] , et de la santé et de la sécurité humaines [144] . Les critères obligatoires sont conçus pour atteindre des objectifs sous-jacents, qui peuvent être précisés ou non [145] . Pour évaluer le critère M.2.6.2, il était raisonnable pour les évaluateurs d’évaluer l’importance de toute lacune dans ce contexte. Le fait que TPSGC fait mention des risques de préjudice est dûment considéré comme une explication des motifs des décisions et des notes des évaluateurs, et non comme une évaluation indépendante et subjective des risques.

Les évaluateurs ont-ils ignoré des renseignements essentiels dans la soumission de MRC en ce qui a trait au critère M.2.6?

[63] MRC soutient que les évaluateurs ont ignoré des renseignements essentiels soumis concernant le critère M.2.6, à savoir la description de MRC de la façon dont elle répondrait aux critères M.2.6(2)(b) et (d).

[64] Le Tribunal conclut que les évaluateurs n’ont pas ignoré des renseignements essentiels concernant le critère M.2.6. Un examen des notes des évaluateurs démontre que les descriptions de MRC ont été prises en compte, mais jugées lacunaires. Les évaluateurs n’ont pas ignoré les renseignements sur le plan de MRC. Les évaluateurs ont plutôt contesté le niveau de détail du plan. De même, les évaluateurs n’ont pas ignoré des renseignements de MRC sur le rapport d’état du navire. En fait, les notes des évaluateurs indiquent qu’ils ont examiné les renseignements pertinents, mais qu’ils les ont jugés lacunaires. D’autres renseignements prétendument pertinents ne satisfaisaient pas, en fait, à l’exigence relative au rapport sur l’état du navire.

Les évaluateurs ont-ils modifié le système de notation visant le critère M.2.6.2?

[65] MRC fait valoir que les évaluateurs ont modifié le système de notation en introduisant une évaluation des divers risques de préjudice (par exemple, pour l’environnement), ce qui a modifié la méthode de pondération et d’évaluation énoncée dans la DP [146] . Plus précisément, MRC allègue que ces modifications ont entraîné une modification de la note qu’elle avait obtenue dans l’évaluation initiale, qui est passée à une note inférieure après la réévaluation [147] .

[66] Le Tribunal conclut que les évaluateurs n’ont pas modifié le système de notation en tenant compte des risques de préjudice. Comme il a été discuté ci-dessus, la DP est fondée sur la protection adéquate de l’environnement [148] , et de la santé et de la sécurité humaines [149] . Les critères obligatoires sont conçus pour atteindre des objectifs sous-jacents, qui peuvent être précisés ou non [150] . En évaluant et en notant le critère M.2.6.2, il était raisonnable pour les évaluateurs d’évaluer l’importance de toute lacune dans ce contexte. Le fait que TPSGC mentionne les risques de préjudice est dûment considéré comme une explication des motifs des décisions et des notes des évaluateurs.

Critère M.2.9 : Santé et sécurité

[67] Le critère M.2.9 exige que les soumissionnaires démontrent leur engagement à protéger la sécurité des travailleurs en fournissant des renseignements sur leur autorisation provinciale, leur système de gestion de la santé et de la sécurité au travail sur le site proposé et les procédures relatives à certains éléments comme l’amiante, les eaux usées et les moisissures.

[68] MRC soutient que les évaluateurs n’ont relevé aucune lacune particulière dans sa réponse au critère M.2.9 [151] . Selon MRC, soit qu’elle aurait dû recevoir un certain nombre de points soit que les évaluateurs n’ont pas documenté clairement l’insuffisance des renseignements [152] . MRC soutient que TPSGC fournit une justification après coup de la notation en renvoyant à des faiblesses alléguées dans la soumission qui n’ont pas été relevées par les évaluateurs [153] . MRC soutient que les notes accordées par un évaluateur individuel, dans la mesure où elles peuvent soulever des questions potentielles, ne représentent pas l’opinion générale, à moins qu’elles ne fassent partie des notes finales attribuées par consensus [154] . Selon MRC, le fait que les faiblesses alléguées soulevées dans les notes de l’évaluateur n’ont pas été relevées dans les notes attribuées par consensus devrait être interprété comme signifiant qu’aucune faiblesse n’a été relevée [155] . MRC soutient que les résultats définitifs obtenus par consensus n’expliquent pas pourquoi MRC a perdu des points, contrairement au paragraphe 516(1) de l’ALEC [156] .

[69] TPSGC soutient que MRC n’a pas obtenu la note souhaitée parce que sa soumission ne fournissait pas certains renseignements [157] . Le RIF fournit une explication détaillée des raisons pour lesquelles la soumission de MRC n’a pas été considérée comme fournissant ces renseignements [158] . L’explication reproduit l’affidavit de l’évaluateur principal sur ce point; dans son affidavit, il souligne également que la soumission de MRC n’a pas atteint le niveau « excellent » (en renvoyant directement au guide de notation) [159] .

[70] Le Tribunal conclut que MRC a reçu une explication des raisons pour lesquelles elle n’a pas obtenu les points qu’elle cherchait à obtenir. MRC a raison de dire que le consensus final sur la réévaluation ne comprend pas l’explication fournie par l’évaluateur principal dans son affidavit [160] . Toutefois, le résumé du consensus sur la réévaluation, qui sous-tend sans doute le consensus final sur la réévaluation, comprend des notes des évaluateurs appuyant l’explication de l’évaluateur principal [161] .

[71] Le Tribunal a précédemment adopté une interprétation large à l’égard des renseignements qui peuvent faire partie de l’explication d’un acheteur public à un soumissionnaire non retenu. Par exemple, dans l’affaire Almon, les évaluateurs n’avaient pas décrit, dans leur dossier d’évaluation contemporain, tous les facteurs pris en compte dans la notation de la soumission [162] . Le Tribunal était d’avis qu’une telle lacune dans le processus d’évaluation ne pouvait être « corrigée » par des renseignements supplémentaires fournis après coup (par exemple, dans le RIF) [163] . Toutefois, le Tribunal a conclu que les renseignements fournis ultérieurement au plaignant dans le compte rendu n’étaient pas de nouveaux renseignements, mais plutôt une description détaillée des dossiers d’évaluation contemporains des évaluateurs [164] . En fin de compte, le Tribunal a conclu qu’une lecture des commentaires des évaluateurs sur la feuille de notation par consensus, ainsi que des renseignements fournis ultérieurement, fournissait une explication cohérente et adéquate des déductions de points [165] . Le Tribunal a également précédemment jugé que les évaluations individuelles sous-tendent logiquement l’évaluation consensuelle, et que les motifs de la notation indiquée dans une évaluation consensuelle peuvent être reflétés dans les évaluations individuelles (et déduits de celles-ci) [166] .

Critère M.2.10 : Plan de protection de l’environnement préliminaire

[72] MRC soutient qu’en évaluant le critère M.2.10, les évaluateurs ont introduit des critères non divulgués et se sont appuyés sur ceux-ci, et qu’ils ont ignoré des renseignements essentiels contenus dans la soumission de MRC. MRC allègue également que la notation du critère M.2.4 par les évaluateurs est manifestement déraisonnable. Chaque allégation est abordée séparément ci-dessous.

Les évaluateurs se sont-ils appuyés sur des critères non divulgués pour évaluer le critère M.2.10?

[73] MRC soutient que les évaluateurs n’ont pas évalué la question de savoir si son plan de protection de l’environnement (PPE) préliminaire démontrait son engagement à éviter toute répercussion environnementale nuisible grâce à la mise en œuvre de pratiques exemplaires fondées sur la prévention de la pollution et la promotion de saines pratiques environnementales [167] . MRC fait valoir qu’elle a fourni un plan préliminaire démontrant son engagement, mais les évaluateurs ont introduit de nouveaux critères sous la forme de détails excessifs qui ne sont pas requis par la DP [168] . MRC soulève un argument particulier selon lequel la DP n’exigeait pas une procédure d’intervention en cas d’inondation pendant le remorquage du navire [169] . MRC fait en outre valoir que ces critères n’ont pas été appliqués pendant l’évaluation initiale et que, par conséquent, les soumissionnaires n’auraient pas pu raisonnablement les prévoir [170] .

[74] Le RIF énumère certaines des faiblesses relevées par les évaluateurs, mais pas toutes [171] . La liste se limite aux faiblesses relatives aux deux exigences du critère M.2.10 [172] . TPSGC soutient que les réponses de MRC n’incluaient pas de renseignements détaillés ou qu’elles étaient autrement incomplètes [173] . TPSGC fait remarquer que la section 7.16 de la DP prévoit que le soumissionnaire retenu doit avoir des procédures détaillées pour répertorier, enlever, entreposer, transporter et éliminer tous les polluants possibles et les matières dangereuses, et assurer un suivi de ceux-ci, ainsi que des plans et des procédures pour les déversements d’hydrocarbures et d’autres interventions d’urgence de nature environnementale [174] .

[75] Selon le critère M.2.10, le soumissionnaire doit présenter un PPE préliminaire. Il prévoit ce qui suit [175] :

Le soumissionnaire doit présenter un plan de protection de l’environnement (PPE) préliminaire qui démontre son engagement à éviter toute répercussion environnementale nuisible grâce à la mise en œuvre de pratiques exemplaires fondées sur la prévention de la pollution et la promotion de saines pratiques environnementales.

Le PPE préliminaire doit inclure les éléments suivants :

[...]

e. a description de la méthode de nettoyage du navire, qui doit inclure le transport des déchets du chantier au site d’élimination et la méthode d’emballage et d’enliassage.

f. le plan d’urgence environnementale, qui décrit la méthode proposée pour confiner les contaminants et pour gérer les fuites d’hydrocarbures dans l’eau et dans le sol, les fuites de substances appauvrissant la couche d’ozone, ainsi que les incendies ou les explosions pouvant survenir à bord du navire. Les outils et le matériel à utiliser et disponibles à bord du navire ou sur le site de travail pendant toute la durée du contrat doivent être identifiés;

g. des détails sur les méthodes de nettoyage et d’élimination des matières dangereuses, les zones contaminées par des hydrocarbures et divers éléments, notamment les réservoirs, la tuyauterie, les chaudières, les moteurs, les arbres, les engrenages, les tubes d’étambot, l’appareil à gouverner, le système hydraulique, les cales, les sonars, les compartiments, les eaux grises et noires, les matières dangereuses, l’amiante, les biphényles polychlorés (BPC), les peintures et autres matières dangereuses. Inclure aussi les contrôles d’ingénierie et les équipements de protection individuelle visant à réduire l’exposition des travailleurs aux matières dangereuses;

h. la surveillance des inondations du navire et plan d’intervention.

[...]

[76] Le Tribunal conclut que les évaluateurs n’ont pas introduit de critères non divulgués sous la forme de détails excessifs qui ne sont pas requis par la DP. Bien que MRC ait raison de dire que la DP ne précise pas tous les détails consignés dans les notes des évaluateurs et le consensus final, et abordés dans le RIF, la DP n’avait pas à identifier tous les aspects de chaque critère, tant que les aspects non identifiés sont raisonnablement liés au critère [176] . Les critères M.2.10(a) à (h) fournissent une description détaillée de ce qui était exigé des soumissionnaires pour démontrer leur engagement à éviter toute répercussion environnementale nuisible. Par exemple, l’élément f du critère M.2.10 prévoit que le PPE préliminaire doit indiquer certains processus de contrôle liés aux contaminants, ainsi que les outils et le matériel disponibles, et il est clair que le PPE devrait inclure des renseignements comme un plan d’intervention en cas d’inondation (critère M.2.10(h)) [177] . Lus dans le contexte de la section 7.16 de la DP, qui exige que le soumissionnaire retenu ait des procédures détaillées pour les interventions en cas d’urgence environnementale [178] , les détails examinés par les évaluateurs étaient raisonnablement liés aux éléments du critère M.2.10.

[77] MRC soutient également que les évaluateurs ont introduit un « critère de préjudice » [traduction] non divulgué dans l’évaluation du critère M.2.10(h). Selon MRC, l’application de ce « critère » [traduction] est évidente dans la déclaration des évaluateurs selon laquelle « [l]a réponse manquante ou inadéquate est importante en raison du risque de préjudice à l’environnement, du risque de dommages au navire et du risque de perte du navire » [traduction] [179] .

[78] Le Tribunal conclut que les évaluateurs n’ont pas introduit de critères non divulgués sous la forme d’un « critère de préjudice » [traduction]. L’intégralité de la DP est fondée sur la protection adéquate de l’environnement, et de la santé et de la sécurité humaines. En évaluant le critère M.2.10, les évaluateurs évaluaient les réponses aux critères liés aux travaux futurs qui, s’ils étaient mal réalisés, pourraient nuire à l’environnement ou aux humains. Par conséquent, il était raisonnable pour les évaluateurs d’évaluer le caractère suffisant des renseignements et l’importance des renseignements manquants dans ce contexte. Les références de TPSGC à divers risques sont dûment considérées comme une explication des motifs des décisions et des notes des évaluateurs, et non comme l’imposition de critères non divulgués.

Les évaluateurs ont-ils ignoré des renseignements essentiels dans la soumission de MRC en ce qui a trait au critère M.2.10?

[79] MRC soutient que les évaluateurs ont ignoré des renseignements essentiels pertinents au nettoyage du navire prévu aux critères M.2.10(e) et (f), et à l’intervention en cas d’inondation prévue au critère M.2.10(h).

[80] En ce qui concerne le nettoyage du navire, MRC soutient que les évaluateurs ont ignoré des renseignements décrivant la façon dont certains services seraient exécutés, la confirmation que les employés et les sous-traitants devraient suivre les procédures de nettoyage des déversements de MRC, la confirmation que certaines activités de nettoyage préliminaires seraient réalisées et la confirmation des plans d’urgence environnementale.

[81] En ce qui concerne le plan d’intervention en cas d’inondation, MRC soutient que les évaluateurs ont ignoré sa confirmation que MRC respecte toutes les exigences de Transports Canada. MRC soutient que la liste de contrôle pour les opérations de remorquage des navires privés d’énergie de Transports Canada (la liste de contrôle de TC), qui exige « [u]ne préparation pour pomper les infiltrations d’eau en mer » [traduction], est l’intervention en cas d’inondation requise pour un navire remorqué. MRC affirme qu’en confirmant la conformité à la liste de contrôle vérification de TC (et à un bulletin de sécurité connexe), MRC a confirmé son engagement à l’égard d’une intervention en cas d’inondation. MRC soutient également qu’elle a satisfait à l’élément h du critère M.2.10 parce qu’elle a présenté le plan de surveillance des inondations et le Manuel de remorquage de MRC avec sa soumission.

[82] Le Tribunal conclut que les évaluateurs n’ont pas ignoré des renseignements essentiels concernant le critère M.2.10. En ce qui concerne les éléments e et g du critère M.2.10, la réponse de MRC dans sa soumission mentionne son système de gestion de l’environnement (SGE) [180] , mais n’indique pas les pages ou les paragraphes spécifiques dans sa soumission que les évaluateurs devaient prendre en compte, comme l’exige la section 3.2 de la DP [181] . Cela signifie que MRC n’a pas dûment présenté aux évaluateurs ce qu’elle considère comme des renseignements essentiels. Malgré l’absence des incorporations par renvoi requises, les notes des évaluateurs indiquent qu’ils ont examiné le SGE, mais n’ont pas trouvé de renseignements propres au Ricker sur le nettoyage du navire [182] . L’examen du SGE de MRC par le Tribunal a révélé qu’il ne décrit pas comment le Ricker serait nettoyé. Seules les activités antérieures de nettoyage d’un autre navire de MRC ont été décrites, et MRC n’a pas établi la pertinence du nettoyage de l’autre navire pour le Ricker. Il n’appartenait pas aux évaluateurs de présumer que le nettoyage du Ricker serait identique ou même similaire aux procédures de nettoyage de l’autre navire. Il incombait à MRC d’expliquer la pertinence des renseignements dans le SGE pour le Ricker [183] . La réponse de MRC au critère M.2.10 renvoyait également à une autre source de services de nettoyage [184] , mais la description des services était générale et n’incluait pas de procédures spécifiques.

[83] En ce qui concerne les conclusions des évaluateurs concernant le critère M.2.10(h), les évaluateurs ne mentionnent pas la liste de contrôle de TC ou des documents connexes. Toutefois, la réponse de MRC dans sa soumission concernant le critère M.2.10 ne renvoie pas au Manuel de remorquage. Même s’il y avait un tel renvoi, le manuel ne comprend pas de plan d’intervention en cas d’inondation, et les plans d’urgence qui s’y trouvent ne concernent pas spécifiquement des inondations. La réponse de MRC au critère M.2.9 aborde l’intervention en cas d’inondation, mais seulement en ce qui a trait à la sécurité des travailleurs, et quoi qu’il en soit, le critère M.2.10 ne renvoie pas au critère M.2.9. De plus, la réponse de MRC dans sa soumission concernant le critère M.2.10 ne renvoie pas expressément à la liste de contrôle de TC, au bulletin de sécurité ou aux directives pour la sécurité du remorquage en mer de l’Organisation maritime internationale. En outre, à l’exception de la mention à une « préparation » [traduction] pour le pompage d’infiltration d’eau en mer, ces trois documents ne semblent pas aborder expressément les inondations ou un plan d’intervention en cas d’inondation. Il faut noter que MRC affirme que la DP n’exigeait pas une procédure d’intervention en cas d’inondation lors du remorquage, mais que le seul aspect lié aux inondations de TC et des documents connexes concerne le pompage de l’eau dans un navire en mer. Dans l’ensemble, il semble que l’allégation de MRC n’est pas étayée par sa réponse au critère M.2.10.

La notation du critère M.2.10 par les évaluateurs était-elle raisonnable?

[84] Le Tribunal a conclu qu’en évaluant le critère M.2.10, les évaluateurs ne se sont pas appuyés sur des critères non divulgués et n’ont pas non plus ignoré des renseignements essentiels. Les notes des évaluateurs indiquent qu’il y avait certaines faiblesses dans la réponse de MRC au critère M.2.10, mais aucune n’était d’importance majeure. Rien dont est saisi le Tribunal n’établit que les évaluateurs ne se sont pas appliqués à évaluer le critère M.2.10, n’ont pas correctement interprété la portée du critère M.2.10 ou n’ont pas autrement évalué le critère M.2.10 de façon inéquitable sur le plan de la procédure. L’expertise des évaluateurs n’est pas en question, et MRC n’a pas non plus établi que leur explication n’est pas défendable; par conséquent, le Tribunal n’a aucun motif de ne pas respecter leur expertise dans l’évaluation du critère M.2.10 et conclut que les évaluateurs ont raisonnablement décidé de la note globale de MRC pour le critère M.2.10.

CONCLUSION

[85] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal conclut que la plainte de MRC concernant l’évaluation par TPSGC des critères techniques obligatoires M.2.4, M.2.6, M.2.9 et M.2.10 n’est pas valide. L’évaluation et l’adjudication étaient raisonnables, et TPSGC a effectué l’évaluation conformément aux documents relatifs à l’appel d’offres, comme l’exigent les accords commerciaux applicables.

FRAIS

[86] Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC une indemnité raisonnable pour les frais engagés pour répondre à la plainte, indemnité qui doit être versée par MRC.

[87] Conformément à la Ligne directrice sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (Ligne directrice), le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 1. Bien que les exigences de l’appel d’offres étaient complexes et que les nombreuses allégations visaient multiples critères techniques obligatoires cotés, les questions à l’étude étaient simples. Il n’a pas été nécessaire de tenir une audience. Bien que la procédure ait été prolongée à 135 jours, elle n’a pas été plus complexe. L’indemnité fixée par le Tribunal est donc de 1 150 $.

[88] Une partie qui n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, ou qui veut présenter les motifs pour lesquels elle croit que la Ligne directrice ne doit pas être appliquée, peut déposer des observations auprès du Tribunal en conformité avec l’article 4.2 de la Ligne directrice. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.

DÉCISION

[89] Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.


 

ANNEXE I

directives du TRIBUNAL à l’intention de TPSGC EN VUE DE LA réévaluation de certains critères

Dans l’affaire MRC et CME, le Tribunal a recommandé que les soumissions soient réévaluées à l’égard de plusieurs critères techniques obligatoires cotés de la DP relatifs à l’appel d’offres no F7044-200238/A, soit les critères M.2.4, M.2.6, M.2.9 et M.2.10. Les extraits pertinents sont énoncés plus bas :

M.2.4.1: Installations temporaires

[73] MRC et CME ont toutes deux soulevé des préoccupations concernant l’évaluation de l’exigence cotée M.2.4.1, qui comprend les critères relatifs aux installations qu’utiliseraient les soumissionnaires pour réaliser les travaux requis. Le Tribunal examinera d’abord les observations touchant les certifications exigées présentées par MRC, et examinera ensuite les observations portant sur l’accès aux installations.

- Certifications exigées

[74] MRC soutient que des critères d’évaluation non divulgués ont été appliqués dans l’évaluation de sa soumission, plus particulièrement que TPSGC exigeait « une certification concernant la cale sèche délivrée par un ingénieur » [traduction] et des renseignements « sur l’état de la cale sèche » [traduction]. MRC fait valoir que ces exigences n’étaient pas précisées dans la DP. Les exigences pertinentes applicables à la cale sèche proposée figurant au critère M.2.4.4 sont formulées comme suit :

Si le soumissionnaire propose d’utiliser une cale sèche [...] il doit:

Fournir la preuve, sous la forme d’une déclaration signée, qu’il a un accès ininterrompu à la cale sèche pour toute la durée du projet, conformément à son calendrier prévu.

a. Démontrer que la cale sèche est certifiée et capable d’accueillir l’ancien NGCC W.E. Ricker dans les conditions prévues pendant la période prévue de démantèlement du navire;

b. Préciser la période de validité de la certification de la cale sèche et indiquer les calendriers d’inspections subséquentes.

[Note omise]

[75] MRC soutient que, aux termes de la section 2.9 de la DP, elle n’était pas tenue de fournir la certification concernant la cale sèche avec la soumission, car la certification était censée être obtenue auprès du soumissionnaire retenu, après le processus d’évaluation et avant l’adjudication du contrat. Le soumissionnaire retenu devait aussi fournir des renseignements au sujet de « l’état des installations de carénage ». La section 2.9 de la DP est formulée comme suit :

Avant l’attribution du contrat, le soumissionnaire retenu pourra être appelé à démontrer à la satisfaction du Canada que la capacité certifiée de son installation de carénage, incluant tout moyen utilisé pour retirer le navire de l’eau, est appropriée au chargement prévu conformément aux plans connexes de carénage et autres documents. Le soumissionnaire retenu sera avisé par écrit et disposera d’une période raisonnable pour fournir des dessins détaillés de distribution de la charge et de la stabilité des blocs, ainsi que les calculs nécessaires pour démontrer le caractère adéquat des installations de carénage proposées.

Avant l’attribution du contrat et dans les 5 jours calendrier suivant la réception d’un avis écrit de l'autorité contractante, le soumissionnaire retenu doit fournir une certification courante et valide de la capacité et de l’état des installations de carénage devant être utilisées pour les travaux. Cette certification doit être fournie par un expert-conseil reconnu ou une société de classification reconnue et avoir été émise au cours des deux dernières années.

[Note omise]

[76] En plus de ses observations selon lesquelles des critères non divulgués ont été appliqués dans l’évaluation, MRC ajoute que les évaluateurs n’ont pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans sa soumission qui répondaient aux préoccupations des évaluateurs à l’égard de la certification de la cale sèche et de son état. MRC affirme avoir fourni la preuve de la certification requise dans sa soumission, ainsi que des renseignements sur la stabilité et les capacités des installations.

[77] Puisque les certifications exigées étaient clairement énoncées au critère M.2.4.1 (comme elles sont décrites plus en détail au critère M.2.4.4), le Tribunal conclut que les soumissionnaires étaient tenus de satisfaire à ce critère au moment de la présentation de la soumission [note omise]. Toutes les certifications exigées décrites à la section 2.9 de la DP ne visaient que le soumissionnaire retenu. Dans la mesure où une ambiguïté résidait dans la question de savoir s’il était acceptable de satisfaire aux exigences en matière de décrites au critère M.2.4.1 après la clôture de l’appel d’offres conformément à la section 2.9, il s’agissait d’une ambiguïté manifeste, au sujet de laquelle les soumissionnaires auraient pu demander des éclaircissements avant la présentation de leur soumission, ou alors présenter une opposition ou déposer une plainte en temps opportun [note omise].

[78] Cela dit, après avoir examiné les éléments de preuve versés au dossier, le Tribunal conclut que des renseignements importants fournis dans la soumission de MRC pourraient ne pas avoir été pris en compte, ou que les évaluateurs pourraient avoir appliqué des critères non précisés dans la DP ou avoir évalué la soumission de MRC d’une manière incompatible avec les critères publiés [note omise]. TPSGC n’ayant pas expliqué pourquoi les renseignements contenus dans la soumission de MRC ne répondaient pas aux exigences en matière de certification des installations, le Tribunal est d’avis qu’il serait approprié que TPSGC réévalue le contenu des soumissions se rapportant aux exigences en matière de certification du critère M.2.4.1. Dans sa réévaluation, TPSGC devrait adopter une position uniforme à l’égard des certifications exigées qui soit conforme aux modalités de la DP. Si les documents remis par les soumissionnaires ne satisfont pas à ces exigences, TPSGC devrait indiquer clairement en quoi les exigences en matière de certification n’ont pas été satisfaites, en faisant des renvois aux critères applicables dans la DP.

[79] CME conteste aussi sa note obtenue pour le critère M.2.4.1 portant sur les certifications exigées et la capacité de ses installations proposées. Ayant déterminé, en réponse à la plainte de MRC, qu’il serait approprié que TPSGC réévalue les réponses au critère M.2.4.1 portant sur les exigences en matière de certification applicables, le Tribunal conclut qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les allégations de CME sur ce point, par souci d’économie des ressources judiciaires. La soumission de CME sera aussi réévaluée aux fins de vérification de la conformité aux exigences en matière de certification du critère M.2.4.1.

- Accès aux installations

[80] CME affirme aussi craindre que les évaluateurs aient appliqué des critères non divulgués à l’égard de la preuve qu’elle a fournie montrant son accès ininterrompu aux installations proposées. Selon le critère M.2.4.3, le soumissionnaire doit « [f]ournir la preuve, sous la forme d’une déclaration signée, qu’il a un accès ininterrompu à l’installation ou à la zone le long du quai pour toute la durée du projet, conformément à son calendrier prévu ». Le critère M.2.4.4 comprend une exigence similaire concernant la cale sèche [note omise]. CME soutient que sa soumission contenait la déclaration signée requise attestant qu’elle aurait un accès ininterrompu à son installation proposée pour toute la durée du projet selon le calendrier prévu, soit une lettre de Harbour Homes Marina Incorporated [note omise].

[81] MRC soutient que le critère M.2.4.7 s’appliquait à la lettre décrite par CME, et exigeait que le soumissionnaire fournisse la preuve que le « sous-traitant [...] a accepté de mettre l’installation à la disposition du soumissionnaire pendant la période des travaux prévue, conformément au calendrier préliminaire du soumissionnaire » [note omise]. La période des travaux était définie aux sections 2.8 et 7.3.1 de la DP et devait débuter à la date d’attribution du contrat et ne pas dépasser 240 jours maximum, soit se terminer au 1er avril 2020 [note omise]. MRC affirme qu’il y aurait eu une incidence sur la note de CME si CME n’avait pas démontré qu’elle aurait un accès ininterrompu pendant la période des travaux, jusqu’à concurrence de la durée maximale prévue.

[82] De l’avis du Tribunal, la période des travaux de 240 jours débutant à la date d’attribution du contrat constitue la période maximale pendant laquelle un soumissionnaire peut accomplir les travaux demandés. La référence au calendrier préliminaire du soumissionnaire au critère M.2.4.7 donne aussi une indication sur la période pendant laquelle le soumissionnaire doit avoir un accès ininterrompu à l’installation. Par conséquent, dans la mesure où la période d’accès correspond au calendrier préliminaire du soumissionnaire, dont la durée pourrait être plus courte que celle de la période des travaux, il demeure possible que la preuve présentée par CME ait été suffisante pour démontrer un accès ininterrompu conformément « au calendrier préliminaire du soumissionnaire ».

[83] Le Tribunal conclut donc qu’il serait approprié que TPSGC réévalue l’exigence cotée M.2.4.1 en examinant la preuve fournie dans les soumissions concernant l’accès ininterrompu à l’installation pertinente pendant la période exigée, en portant attention à la période des travaux et au calendrier préliminaire du soumissionnaire. Même si les renseignements relatifs au calendrier préliminaire de CME présentés en preuve soulèvent certains doutes, le Tribunal souligne que les évaluateurs peuvent seulement se fonder sur les renseignements contenus dans la soumission tels qu’ils ont été présentés pour déterminer le calendrier préliminaire du soumissionnaire.

M.2.6: Plan de projet

[84] MRC et CME formulent toutes deux des allégations concernant l’évaluation de l’exigence cotée M.2.6, laquelle requiert que le soumissionnaire fournisse un plan de projet qui décrit son « approche et sa méthodologie relatives aux travaux requis à l’annexe A – Énoncé des travaux ». La description de l’exigence contient une énumération d’un certain nombre d’éléments devant être inclus, par exemple une ébauche du plan de remorquage pour chaque étape de remorquage [note omise].

[85] MRC soulève trois points qui pourraient avoir influé sur sa note au critère M.2.6. Le premier point concerne le fait que les évaluateurs ont conclu qu’un « système spécialisé temporairement installé doté d’une fonction de notification à distance » [traduction] n’était pas un élément de son plan de surveillance des inondations [note omise]. MRC soutient que ni la DP ni la liste de contrôle pour les opérations de remorquage des navires privés d’énergie de Transports Canada (liste de contrôle de TC) n’exigeaient de système de notification à distance, et que la déduction de points sur cette base par les évaluateurs reviendrait à avoir appliqué des critères d’évaluation non divulgués.

[86] Après avoir examiné les modalités de la DP et la liste de contrôle de TC, lesquelles ne contenaient aucune mention expresse d’un système utilisant la notification à distance, le Tribunal conclut qu’il serait approprié que les soumissions fassent l’objet d’une réévaluation visant à déterminer si cette caractéristique précise (la notification à distance) est un critère pouvant raisonnablement être qualifié d’implicite ou de prévisible à partir des exigences formulées au critère M.2.6. S’il s’avère que la caractéristique n’est pas implicite ni prévisible, les évaluateurs devront revoir leurs notes pour s’assurer que des points n’ont pas été déduits au motif que le système proposé n’était pas doté d’une fonction de notification à distance.

[87] MRC soutient également que sa soumission était conforme à la liste de contrôle de TC, laquelle contient les énoncés suivants : « Les marques du tirant d’eau du navire remorqué doivent être clairement visibles » [traduction] et « Ligne d’indication du tirant d’eau peinte et bien visible » [traduction, note omise]. Le Tribunal conclut que rien n’indique au dossier que ces exigences ne s’appliqueraient pas à une réponse au critère M.2.6. Ainsi, les réponses des soumissionnaires au critère M.2.6 devraient être réévaluées de façon à ce qu’il soit tenu compte des exigences de remorquage de Transports Canada en ce qui concerne les marques de tirant d’eau du navire remorqué et la ligne d’indication. Dans la mesure où ces exigences s’appliquent, aucun point ne devrait être retranché pour des renseignements fournis en vue de satisfaire aux exigences de la liste de contrôle de Transports Canada précédemment décrite.

[88] L’autre point soulevé par MRC se rapportant à l’évaluation de la réponse au critère M.2.6 concerne la mesure dans laquelle des points ont été déduits en raison de la difficulté des évaluateurs à trouver les renseignements contenus dans la soumission. MRC soutient que lorsque les évaluateurs trouvent les détails pertinents dans la soumission, les renseignements en question doivent faire l’objet d’une évaluation équitable. Comme il a été mentionné, le système de notation des critères cotés confère aux évaluateurs une grande latitude, et le plus grand nombre de points ne peut être accordé que lorsqu’une réponse donnée constitue une « Excellente » explication et ne contient aucune faiblesse. Les instructions figurant au critère « M.1 Préparation de la soumission technique » décrivent aussi les exigences à respecter relativement aux renvois internes dans la soumission [note omise]. Qui plus est, le Tribunal a invariablement affirmé qu’il incombe aux soumissionnaires de démontrer que leur soumission satisfait aux critères obligatoires d’un appel d’offres au moment où celui-ci prend fin. À cet égard, il incombe aux soumissionnaires de préparer leur soumission consciencieusement conformément aux instructions de l’appel d’offres, en prenant soin de s’assurer que les renseignements fournis démontrent clairement leur conformité aux exigences. Autrement dit, les soumissionnaires doivent soigneusement faire le lien, pour les évaluateurs, entre des détails et des spécifications qui peuvent figurer à divers endroits de leur soumission [note omise].

[89] De l’avis du Tribunal, le fait qu’un soumissionnaire ne précise pas clairement que des renseignements sont fournis en réponse aux critères peut fort bien influer sur l’évaluation des points à attribuer par les évaluateurs. Par exemple, lorsque les renseignements se rapportant aux critères évalués sont difficiles à trouver, les évaluateurs peuvent avoir du mal à déterminer avec certitude si certains renseignements sont censés être considérés comme des éléments de réponse du soumissionnaire. Les renseignements que les soumissionnaires auraient fournis en réponse aux critères, sans toutefois les avoir reliés à ces derniers, pourraient également échapper aux évaluateurs. À la lumière des éléments de preuve versés au dossier, le Tribunal ne saurait affirmer à quel point la difficulté de trouver les renseignements dans la soumission a influé sur l’attribution des notes par les évaluateurs, le cas échéant. Pour la réévaluation du critère M.2.6, les évaluateurs devraient évaluer les points en fonction de la clarté et du caractère suffisant de la réponse aux critères pertinents. Si les évaluateurs ont du mal à trouver les renseignements pertinents dans la soumission, à un point tel que la difficulté influe sur leur évaluation de la clarté ou du caractère suffisant de la soumission, ce fait devrait être clairement documenté.

[90] Relativement à « l’ébauche de plan de remorquage » requise au critère M.2.6, les soumissionnaires devaient fournir des renseignements sur « le calendrier et l’itinéraire prévus, y compris un port sécuritaire ». De plus, selon le critère M.2.6, chaque soumissionnaire devait « détailler la méthodologie, étape par étape, pour l’élimination du navire [...] » [note omise]. CME soutient que sa réponse satisfaisait au critère M.2.6 et que son plan d’itinéraire était suffisamment détaillé [note omise]. CME fait également valoir que des points lui ont été retranchés sans motif valable à l’égard de son plan étape par étape. Pour sa part, MRC affirme que les allégations de CME ne font état d’aucun critère d’évaluation objectif non divulgué et que les évaluateurs ont pleinement pris en compte la proposition de CME. Il incombait à CME de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de sa soumission pour faire en sorte qu’elle soit bien comprise par les évaluateurs.

[91] TPSGC n’ayant pas présenté d’observations en réponse aux commentaires des évaluateurs au sujet du critère M.2.6, le Tribunal ne peut vérifier ce qui a justifié la note de CME. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il serait approprié que TPSGC réévalue les réponses au critère M.2.6, à savoir les renseignements contenus dans la soumission ayant trait à la planification de l’itinéraire et au plan étape par étape, en s’assurant d’effectuer l’évaluation conformément aux critères applicables.

M.2.9: Santé et sécurité

[92] Selon le critère M.2.9, “[l]e soumissionnaire doit démontrer qu’il s’engage à assurer la sécurité de ses employés.” À cet égard, le soumissionnaire était tenu de fournir les éléments suivants :

1. fournissant la preuve qu’il est en règle auprès de l’autorité provinciale de sécurité au travail;

2. décrivant le système de gestion de la santé et de la sécurité au travail en place sur son site approuvé;

3. démontrant qu’il assure la protection des travailleurs sur le site approuvé par des procédures en vigueur pour les éléments suivants :

a. le dégazage au cours des opérations de brûlage et de soudage;

b. le travail à chaud, les opérations de brûlage d’acier et d’aluminium recouverts de couches de peinture contenant des éléments comme du plomb, du chrome, du cadmium et du cuivre;

c. le désamiantage;

d. la manutention de câbles et d’équipement électriques contenant des biphényles polychlorés (BPC);

e. l’élimination des moisissures;

f. les eaux usées;

g. l’eau huileuse et l’huile usée;

h. l’accès aux espaces clos.

[Note omise]

[93] MRC soutient que sa soumission répondait à cette exigence et qu’elle aurait dû obtenir le nombre maximal de points. MRC ne croit pas que sa soumission contenait trop peu de « détails ou de précisions » [traduction] sur les procédures d’exploitation normalisées dont il était question dans la description de son système de gestion de la santé et de la sécurité, comme l’ont affirmé les évaluateurs dans leurs commentaires. MRC estime avoir fourni suffisamment de renseignements dans le « Manuel sur la santé et la sécurité » [traduction] joint à sa soumission, et que conclure le contraire reviendrait à un refus de tenir compte de renseignements cruciaux contenus dans sa soumission. MRC fait aussi valoir que toute déduction de points attribuable au fait qu’elle a mentionné que son système de santé et de sécurité était aligné sur une certaine norme ISO était injustifiée. De plus, MRC conteste les conclusions des évaluateurs selon lesquelles sa soumission manquait de clarté au sujet de la surveillance des travaux effectués par le sous-traitant, car ce point a été traité « à maintes reprises » [traduction] tout au long de la soumission [note omise]. Enfin, revenant sur le commentaire des évaluateurs selon lequel « [c]ertains éléments étaient difficiles à trouver dans l’ensemble de la proposition, mais étaient traités de façon suffisamment détaillée » [traduction], MRC soutient qu’aucun point n’aurait dû être déduit au motif que des renseignements auraient été « difficiles à trouver » [traduction].

[94] N’ayant obtenu aucun renseignement supplémentaire de TPSGC justifiant son évaluation, le Tribunal conclut qu’il ne peut déterminer si les évaluateurs ont omis de tenir compte de renseignements pertinents de la soumission. Néanmoins, comme il a été mentionné, à supposer que les évaluateurs aient tenu compte de tous les renseignements pertinents et attribué les points en fonction du caractère suffisant des renseignements, le Tribunal souligne que le système de notation laisse une certaine latitude dans l’appréciation du degré d’approfondissement des renseignements fournis en réponse aux critères. Une éventuelle « difficulté à trouver les renseignements contenus dans la soumission » [traduction] éprouvée par les évaluateurs, comme l’a indiqué précédemment le Tribunal, pourrait être entrée en ligne de compte dans l’évaluation des points pouvant être attribués [note omise]. Toutefois, les éléments de preuve n’indiquent pas clairement de quelle manière la difficulté à trouver les renseignements dans la soumission a influé sur les notes attribuées par les évaluateurs, le cas échéant. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut qu’il est approprié que TPSGC réévalue les soumissions pour s’assurer qu’aucun renseignement crucial n’a été omis dans l’évaluation des réponses aux exigences énoncées dans le critère M.2.9, et que le caractère suffisant de la réponse a été évalué de la même façon pour chaque soumission et conformément aux exigences de la DP. Si les évaluateurs concluent que les renseignements contenus dans la soumission sont insuffisants, cette affirmation doit être clairement documentée.

[95] Le Tribunal conclut que les préoccupations de CME concernant l’évaluation de sa réponse au critère M.2.9 se rapprochaient de certaines questions soulevées par MRC [note omise]. Ayant affirmé qu’il serait approprié de réévaluer les réponses au critère M.2.9 par souci d’économie des ressources judiciaires, le Tribunal conclut qu’il n’est pas nécessaire d’examiner les allégations de CME au sujet de cette exigence. Toutefois, le Tribunal ne souscrit pas à l’observation de CME selon laquelle la déduction de points au motif que le contenu des soumissions se limitait aux seuls renseignements qui étaient disponibles au moment de la clôture de l’appel d’offres constituerait un défaut de procéder à l’évaluation conformément à l’ALEC. À cet égard, le Tribunal a affirmé ce qui suit :

[D]e manière générale, une entité acheteuse a le pouvoir de définir ses propres besoins en matière d’approvisionnement, à condition, bien entendu, qu’elle le fasse raisonnablement et conformément aux règles des accords commerciaux applicables [...] L’entité acheteuse n’est pas obligée de compromettre ses besoins opérationnels légitimes pour tenir compte des circonstances particulières d’un fournisseur potentiel ou pour répondre aux besoins des fournisseurs. Il s’ensuit que, dans la mesure où un soumissionnaire propose une solution qui n’est pas conforme aux exigences telles qu’énoncées dans la DP, les exigences pertinentes ne doivent pas être interprétées de manière à préserver le statut du soumissionnaire dans le processus d’invitation à soumissionner. Il incombe au soumissionnaire, avant de présenter sa soumission, de demander des précisions à l’entité acheteuse pour s’assurer qu’il n’a pas présumé de manière erronée la manière dont l’exigence doit s’appliquer. Les accords commerciaux ne protègent pas un soumissionnaire si son interprétation de l’exigence s’avère inexacte.

[Notes omises, nos italiques]

[96] Ainsi, les soumissionnaires ne sont pas exemptés de l’obligation de satisfaire aux critères au motif qu’ils ne disposaient pas des renseignements pertinents au moment de la soumission. Dans le cadre de la réévaluation, les évaluateurs ne sont pas tenus d’évaluer les critères en fonction des renseignements dont disposait le soumissionnaire, à moins qu’une telle démarche soit conforme aux critères.

M.2.10: Plan de protection de l’environnement préliminaire

[97] L’exigence cotée M.2.10 énonce les critères relatifs au plan de protection de l’environnement préliminaire du soumissionnaire qui doit démontrer « son engagement à éviter toute répercussion environnementale nuisible grâce à la mise en œuvre de pratiques exemplaires fondées sur la prévention de la pollution et la promotion de saines pratiques environnementales ». Le plan doit comprendre les éléments suivants :

a. la description ou l’identification du ou des sites pour l’élimination des matières dangereuses;

b. la description ou l’identification de tout autre site d’élimination approuvé (p. ex. les sites d’enfouissement municipaux);

c. la description ou l’identification des installations de recyclage et des matériaux à recycler dans le cadre de ce projet;

d. une copie du certificat d’enregistrement pour l’élimination des poussières d’amiante;

e. la description de la méthode de nettoyage du navire, qui doit inclure le transport des déchets du chantier au site d’élimination et la méthode d’emballage et d’enliassage;

f. le plan d’urgence environnementale, qui décrit la méthode proposée pour confiner les contaminants et pour gérer les fuites d’hydrocarbures dans l’eau et dans le sol, les fuites de substances appauvrissant la couche d’ozone, ainsi que les incendies ou les explosions pouvant survenir à bord du navire. Les outils et le matériel à utiliser et disponibles à bord du navire ou sur le site de travail pendant toute la durée du contrat doivent être identifiés;

g. des détails sur les méthodes de nettoyage et d’élimination des matières dangereuses, les zones contaminées par des hydrocarbures et divers éléments;

h. la surveillance des inondations du navire et plan d’intervention.

Le plan préliminaire de protection de l’environnement doit aussi décrire les procédures en place pour assurer que les installations sont exploitées et entretenues en conformité avec toutes les lois et tous les règlements applicables.

Le PPE préliminaire doit aussi décrire les procédures en place afin d’assurer que tous les sous‑traitants (incluant ceux chargés de la manutention, du transport, du traitement, du stockage et de l’élimination) possèdent des permis, homologations ou certificats valides comme il convient pour chaque matière dangereuse énumérée dans l’évaluation environnementale.

[Note omise]

[98] MRC conteste les commentaires des évaluateurs selon lesquels sa réponse à la section F n’était « pas complète et présentait des lacunes » [traduction, note omise]. MRC soutient que la note était fondée uniquement sur l’évaluation subjective des évaluateurs. De plus, les évaluateurs n’auraient prétendument pas tenu compte de renseignements cruciaux dans la soumission de MRC en concluant qu’elle contenait « peu de détails sur les sites d’élimination choisis » [traduction, note omise]. MRC affirme que les détails au sujet des sites d’élimination étaient exposés en entier à « l’onglet 8 du critère M.2.5 Liste des sous-traitants » [traduction, note omise]. MRC réfute en outre l’évaluation des évaluateurs selon laquelle son plan de surveillance des inondations était lacunaire, car son plan et son Manuel de remorquage respectaient toutes les exigences de Transports Canada. MRC conteste également l’allégation des évaluateurs selon laquelle certains points étaient adéquatement traités dans la soumission, mais qu’il y avait par ailleurs des renseignements « manquants et d’autres points trop peu détaillés. Dans de nombreux cas, les renseignements étaient dispersés dans diverses sections et l’explication n’y faisait pas référence ou ne contenait aucun renvoi à eux » [traduction, note omise].

[99] Comme il l’a indiqué plus haut, le Tribunal ne conclut pas que la subjectivité dans l’évaluation de la soumission de MRC faite par les évaluateurs constitue en soi une erreur dans le processus d’évaluation. Le système de notation confère aux évaluateurs une certaine latitude dans la manière d’attribuer les points en fonction du caractère suffisant des renseignements présentés en réponse aux critères. En l’espèce, il semble que les évaluateurs cherchaient de toute évidence à obtenir plus de détails sur le plan d’urgence environnementale, les sites d’élimination et le plan de surveillance des inondations, qui étaient assurément des questions d’une grande importance pour TPSGC dans le cadre de ce marché public. Toutefois, en l’absence d’explication de TPSGC sur la nature des lacunes relevées dans la réponse de MRC au critère M.2.10, le Tribunal ne peut présumer que l’évaluation des évaluateurs était fondée. Les réponses au critère M.2.10 devraient donc être réévaluées en fonction des critères pertinents, de manière à assurer la prise en compte de tous les renseignements fournis dans la soumission en réponse aux critères.

[100] Le Tribunal conclut que les préoccupations de CME quant à l’évaluation de sa réponse au critère M.2.10 s’apparentaient à certaines des questions soulevées par MRC, car elles concernaient les évaluations du caractère suffisant de la réponse [note omise]. Ayant conclu qu’il serait approprié de réévaluer les réponses au critère M.2.10, par souci d’économie des ressources judiciaires, le Tribunal conclut qu’il n’est pas nécessaire d’examiner en détail les allégations de CME ayant trait à cette exigence. Cela dit, comme il l’a indiqué plus haut, le Tribunal ne souscrit pas à l’observation de CME selon laquelle la déduction de points au motif que le contenu de la soumission se limitait aux seuls renseignements qui étaient disponibles au moment de la clôture de l’appel d’offres constituerait un défaut de procéder à l’évaluation conformément à l’ALEC. Par conséquent, dans le cadre de la réévaluation, les évaluateurs ne sont pas tenus d’évaluer les critères en fonction des renseignements dont disposait le soumissionnaire, à moins qu’une telle démarche soit conforme aux critères pertinents.

MESURE CORRECTIVE

[101] Comme la plainte est fondée en partie, le Tribunal doit déterminer la mesure corrective appropriée, conformément aux paragraphes 30.15(2) à 30.15(4) de la Loi sur le TCCE. Pour sa part, TPSGC soutient qu’aucune mesure corrective ne doit être accordée puisqu’il a annulé la demande de soumissions et qu’il procèdera à un nouvel appel d’offres aux modalités révisées.

[102] Pour recommander une mesure corrective, le Tribunal doit tenir compte de tous les facteurs concernant l’appel d’offres en question, notamment :

1) la gravité des irrégularités constatées;

2) l’ampleur du préjudice causé à la partie plaignante ou à tout autre intéressé;

3) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du processus d’adjudication;

4) la bonne foi des parties;

5) le degré d’exécution du contrat.

[103] Le Tribunal conclut que les irrégularités étaient graves. TPSGC a choisi d’annuler l’appel d’offres sans procéder à un examen approfondi des erreurs d’évaluation qui, selon les allégations des soumissionnaires, auraient été commises au cours du processus visant à déterminer le soumissionnaire classé au premier rang en fonction des critères publiés. L’analyse faite par le Tribunal des allégations visant l’évaluation des critères M.2.4.1, M.2.6, M.2.9 et M.2.10 soulève un doute, et il y a lieu de se demander si des critères non divulgués seraient entrés en ligne de compte ou si des renseignements dans les soumissions auraient été indûment ignorés dans l’évaluation. Les erreurs d’évaluation de cette nature sont graves, et peu d’éléments de preuve permettent de conclure que TPSGC les a traitées avec toute la diligence requise dans les circonstances.

[104] Le caractère subjectif du processus d’évaluation que redoutait TPSGC en raison de l’ambiguïté dans la DP n’était pas un motif suffisant pour annuler la DP. La gravité de cette irrégularité est accentuée par le fait que les parties plaignantes n’ont pas contesté les modalités prévues dans la DP et que le lancement d’un nouvel appel d’offres les aurait exposées toutes deux à un important préjudice. Comme la nouvelle DP concernerait le même besoin (soit l’élimination de l’ancien navire NGCC W.E. Ricker), la divulgation du prix de la soumission de CME risquerait de compromettre la capacité de MRC et de CME de livrer concurrence équitablement, et il serait peu probable que ce risque puisse être atténué. Le Tribunal est d’avis que l’annulation de l’appel d’offres, dans les circonstances actuelles, a compromis l’intégrité et l’efficacité du processus d’adjudication.

[105] Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut qu’il serait approprié de recommander que les soumissions soient réévaluées sur le plan de la conformité aux critères techniques obligatoires M.2.4.1, M.2.6, M.2.9 et M.2.10, selon la manière décrite dans les présents motifs. Pour éviter que la réévaluation porte préjudice aux autres soumissionnaires, le Tribunal est d’avis qu’il faudrait, aux fins d’équité, évaluer à nouveau toutes les soumissions étudiées à la phase III du processus d’évaluation des soumissions par étapes. Une telle démarche serait appropriée puisque la conformité des soumissions techniques aux exigences de l’appel d’offres n’a pas été évaluée avant la phase III, après que les soumissionnaires ont eu l’occasion de remédier aux problèmes de non-conformité liés aux exigences obligatoires d’admissibilité indiquées dans le REC à la phase II [note omise]. Le Tribunal est d’avis qu’une telle manière de procéder serait conforme aux dispositions prévues au paragraphe 30.15(2) et dans l’ALEC [note omise].

[106] Dans la mesure du possible, étant donné la nature hautement technique de la DP, le Tribunal recommanderait également que la réévaluation soit confiée aux mêmes évaluateurs qui ont fait l’évaluation initiale. De plus, la nouvelle évaluation devra s’effectuer dans les meilleurs délais et, au plus tard, six mois suivant la date de la présente décision.

[...]

[110] Aux termes des paragraphes 30.14(2) et 30.14(3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, à titre de mesure corrective, que TPSGC évalue à nouveau toutes les soumissions étudiées à la phase III du processus d’évaluation des soumissions par étapes, à la lumière des critères techniques obligatoires M2.4.1, M2.6, M2.9 et M2.10 seulement, en application des directives du Tribunal énoncées dans les motifs de la présente décision. La nouvelle évaluation devra s’effectuer dans les meilleurs délais et, au plus tard, six mois suivant la date de la présente décision.

[...]

POST-SCRIPTUM

[113] Le 5 mars 2021, après avoir rendu ses motifs en date du 22 février 2021, le Tribunal a reçu une lettre de TPSGC. Dans sa lettre, TPSGC indiquait ce qui suit :

[...] en ce qui concerne M.2.4.1, nous remarquons que la décision indique au paragraphes 73 à 83 que M.2.4.1 devrait être évalué à nouveau. Cette exigence a trait aux installations temporaires, ce qui ne faisait pas l’objet des plaintes. Nous croyons qu’une erreur typographique survenue dans les notes d’évaluation a fait en sorte que le Tribunal, ayant l’intention de faire référence à l’évaluation de M.2.4.1, de M.2.4.2, de M.2.4.3 et de M.2.4.4, a fait référence à M.2.4.1 seulement. Tous ces critères devaient être considérés dans leur ensemble selon les modalités de la DP. Étant donné cette situation, TPSGC soutient respectueusement que tous les critères doivent être évalués à nouveau à la lumière de la décision.

[Traduction, note omise]

[114] Le 11 mars 2021, le Tribunal a demandé à MRC et CME de fournir leurs commentaires au sujet de la lettre de TPSGC. MRC et CME ont confirmé, les 16 et 18 mars 2021, respectivement, qu’elles étaient en accord avec la demande de TPSGC de corriger les motifs rendus par le Tribunal.

[115] Pour faire suite aux commentaires récents de TPSGC au sujet du critère technique obligatoire M.2.4.1, le Tribunal publie le présent post-scriptum afin d’éclaircir sa décision et ces motifs. Les énoncés qui y figurent ne modifient aucunement la décision et les motifs rendus préalablement.

[116] MRC et CME ont toutes formulé des allégations concernant le critère technique obligatoire M.2.4.1. Dans le cadre de son analyse relative à ces allégations, le Tribunal s’est appuyé sur les observations des parties et sur les éléments de preuve versés au dossier, qui confirmaient que l’évaluation de M.2.4.1 avait englobé d’autres critères. En d’autres mots, le Tribunal a conclu que la cote attribuée par les évaluateurs pour le critère M.2.4.1, comme le démontrent les notes d’évaluation, était fondée sur les exigences formulées à l’égard de M.2.4.1 à M.2.4.4, selon le cas. De ce fait, CME a indiqué que cette cote comprenait « les critères techniques M.2.4.1 à M.2.4.4, dont certains étaient applicables selon le plan du soumissionnaire quant à l’accomplissement du travail » [note omise]. De l’information semblable qui se trouvait aussi dans le RIF comprenait un extrait de la grille de notation M.3 de la DP. Cette information concernant le « point » coté M.2.4.1 de la RIF est reproduite plus bas [note omise].

Point

Section

Note le cas échéant

Obligatoire? (Oui/Non)

Notes sur l’inclusion obligatoire dans la soumission et la notation.

M.2.4.1

Installations temporaires

Installations évaluées selon une cote combinée de 0 à 5

Seulement si applicable

Les renseignements sont requis seulement si une installation temporaire est nécessaire dans la cadre du plan de projet du soumissionnaire.

 

[117] Bien que TPSGC ait fait référence à « M.2.4 au complet » dans la DP, la grille de notation M.3 de la DP indiquait clairement qu’une cote combinée de « 0 à 5 » serait accordée en fonction de l’évaluation de M.2.4.1, M.2.4.2, M.2.4.3 et M.2.4.4 [note omise].

[118] Le Tribunal indique dans sa décision que toutes les soumissions doivent être évaluées à nouveau relativement à M.2.4.1, entre autres, en application des directives du Tribunal énoncées dans les motifs.

[119] Dans ces motifs, le Tribunal se reporte à M.2.4.4, qui concerne la cale sèche proposée, pour examiner les allégations de MRC au sujet l’évaluation du critère technique obligatoire M.2.4.1 [note omise]. Le Tribunal a déterminé qu’il s’avérait juste « que TPSGC réévalue le contenu des soumissions se rapportant aux exigences en matière de certification du critère M.2.4.1 » et lui a fourni de plus amples directives sur la façon dont il devrait procéder à la nouvelle évaluation des exigences en matière de certification [note omise]. Quand il attribue une cote, TPSGC doit nécessairement évaluer les soumissions en fonction de toutes exigences en matière de certification requises selon M.2.4.1 à M.2.4.4. Seuls M.2.4.1 et M.2.4.4 font référence à des exigences en matière de certification.

[120] De façon similaire, en examinant les allégations avancées par CME au sujet de l’évaluation de M.2.4.1 et les éléments de preuve contenus dans sa soumission concernant l’accès ininterrompu aux installations qu’elle propose, le Tribunal a fait référence à M.2.4.3 et M.2.4.4. [note omise]. Le Tribunal a jugé qu’il était pertinent pour TPSGC d’évaluer à nouveau M.2.4.1 « en examinant la preuve fournie dans les soumissions concernant l’accès ininterrompu à l’installation pertinente pendant la période exigée, en portant attention à la période des travaux et au calendrier préliminaire du soumissionnaire » [note omise]. Pour attribuer la cote à l’égard de M.2.4.1, TPSGC devrait nécessairement évaluer les exigences figurant dans M.2.4.3 et M.2.4.4, afin de déterminer s’il y a des éléments de preuve contenus dans les soumissions concernant l’accès ininterrompu aux installations proposées.

[121] Tout changement à la note combinée des soumissionnaires en ce qui a trait à l’évaluation du « point » M.2.4.1 se limitera à la réévaluation par TPSGC des exigences pertinentes figurant dans M.2.4.3 et M.2.4.4. telles qu’elles sont décrites dans les motifs et précisées par l’entremise du présent post-scriptum. Les observations et éléments de preuve au dossier de la présente procédure n’indiquent pas qu’il serait justifié d’évaluer à nouveau les critères formulés aux rubriques « M.2.4.1. Installations temporaires » et « M.2.4.2 Site approuvé de démantèlement de navire » de la DP.


 

ANNEXE II

dispositions pertinentes de l’accord de libre-échange caNADIEN

Article 502: Principes généraux

1. Chaque Partie accorde un accès ouvert, transparent et non discriminatoire aux marchés couverts de ses entités contractantes.

Article 509: Spécifications techniques et documentation relative à l’appel d’offres

Documentation relative à l’appel d’offres

7. Une entité contractante met à la disposition des fournisseurs la documentation relative à l’appel d’offres qui contient tous les renseignements nécessaires pour qu’ils puissent préparer et présenter des soumissions valables. La documentation relative à l’appel d’offres contient tous les détails pertinents concernant :

i) les spécifications techniques,

ii) les prescriptions liées au service offert ou à la garantie,

iii) les coûts de transition,

iv) la certification de conformité, les plans, les dessins ou les instructions applicables,

v) les prescriptions concernant la présentation des soumissions.

Article 515: Traitement des soumissions et adjudication des marchés

Évaluation et adjudication des marchés

5. À moins qu’elle ne détermine qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’adjuger un marché, l’entité contractante adjuge le marché au fournisseur dont elle a déterminé qu’il est capable de satisfaire aux modalités du marché et qui, uniquement sur la base des critères d’évaluation spécifiés dans les avis d’appel d’offres et la documentation relative à l’appel d’offres, a présenté :

Article 516: Transparence des renseignements relatifs aux marchés

Renseignements communiqués aux fournisseurs

1. Une entité contractante informe dans les moindres délais les fournisseurs participants des décisions qu’elle a prises concernant l’adjudication du marché et, si un fournisseur le lui demande, elle le fait par écrit. Sous réserve de l’article 517, une entité contractante expose, sur demande, à un fournisseur non retenu les raisons pour lesquelles elle n’a pas retenu sa soumission.



[2] Ibid.

[19] Marine Recycling Corporation et Canadian Maritime Engineering Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (22 janvier 2021), PR-2020-038, PR‑2020‑044 et PR-2020-056 (TCCE) [MRC et CME].

[26] Ibid. aux par. 105, 110, 120.

[27] Pièce PR-2021-034-02.

[44] Heiltsuk Horizon Maritime Services Ltd. c. Atlantic Towing Ltd., 2021 CAF 26 au par. 70. Voir aussi Canada (Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 au par. 83.

[45] AJL Consulting au par. 8; citant Entreprise commune de BMT Fleet Technology Limited et NOTRA Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (5 novembre 2008), PR-2008-023 (TCCE) au par. 25.

[69] Pièce PR-2021-034-15 au par. 52.

[71] Pièce PR-2021-034-01 à la p. 136.

[78] Pièce PR-2021-034-01 à la p. 496.

[88] Pièce PR-2021-034-15 au par. 40.

[97] Ibid. au par. 15.

[139] Ibid. à la p. 133.

[166] Nations Translation Group Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (23 juin 2020), PR‑2020-07-06 (TCCE) aux par. 33–35; citant CGI Information Systems and Management Consultants Inc. c. Société canadienne des postes et Innovapost Inc. (27 août 2014), PR-2014-006 (TCCE) au par. 62.

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