Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier PR-2021-063

Beonbrand Inc.

Décision prise
le jeudi 6 janvier 2022

Décision et motifs rendus
le mercredi 26 janvier 2022

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

PAR

BEONBRAND INC.

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1] En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] , déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[2] La présente plainte porte sur un appel d’offres publié par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) au nom du ministère de la Santé (Santé Canada) en vue de la fourniture de vidéos sur la prévention du vapotage chez les jeunes et la lutte au tabagisme chez les adultes (appel d’offres H1020-214653).

[3] Dans sa plainte déposée auprès du Tribunal, la partie plaignante, Beonbrand Inc. (Beonbrand), allègue que sa soumission n’a pas été évaluée de manière équitable [3] et que le soumissionnaire retenu a bénéficié d’un avantage indu étant donné sa qualité de fournisseur titulaire [4] .

CONTEXTE

[4] Le 17 novembre 2021, TPSGC a publié l’appel d’offres.

[5] Beonbrand a présenté sa soumission au plus tard à la date de clôture de l’appel d’offres.

[6] Le 15 décembre 2021, TPSGC a fait parvenir une lettre de refus à Beonbrand dans laquelle il l’informait que sa soumission ne respectait pas toutes les exigences. Un contrat d’une valeur de 186 450 $ a été attribué à Banfield-Seguin Ltd (Banfield-Seguin) [5] .

[7] Le 15 décembre 2021, Beonbrand a fait parvenir un courriel à TPSGC dans lequel elle demandait de recevoir des commentaires sur la façon dont les notes avaient été attribuées lors de l’évaluation de sa soumission. Le même jour, TPSGC a fourni des renseignements sur la notation de chaque exigence technique dans la soumission de Beonbrand.

[8] Le 20 décembre 2021, Beonbrand a fait parvenir un courriel à TPSGC dans lequel elle demandait un compte-rendu officiel.

[9] Le 22 décembre 2021, TPSGC et Beonbrand ont tenu une réunion de compte-rendu par vidéoconférence.

[10] Le 31 décembre 2021, Beonbrand a déposé sa plainte auprès du Tribunal.

[11] Le 6 janvier 2022, les renseignements au dossier PR-2021-060 du Tribunal (dans cette affaire, le Tribunal avait conclu que la plainte était prématurée) ont été joints au dossier de l’espèce [6] .

ANALYSE

[12] Conformément aux articles 6 et 7 du Règlement, le Tribunal peut ouvrir une enquête si les conditions suivantes sont remplies :

i. la plainte a été déposée dans les délais prescrits à l’article 6 du Règlement [7] ;

ii. le plaignant est un fournisseur potentiel [8] ;

iii. la plainte porte sur un contrat spécifique [9] ;

iv. les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables [10] .

[13] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que les renseignements fournis avec la plainte ne démontrent pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables.

Aucune indication raisonnable d’une violation des accords commerciaux

Le fournisseur titulaire n’a bénéficié d’aucun avantage indu

[14] Beonbrand allègue que les résultats de l’évaluation montrent que le fournisseur titulaire, soit le soumissionnaire ultimement retenu, bénéficiait d’un avantage indu étant donné sa qualité de titulaire [11] . Beonbrand soutient que Banfield-Seguin « avait eu la possibilité d’acquérir des connaissances particulières par rapport aux campagnes contre le vapotage et le tabagisme lancées par Santé Canada, qu’elle avait une excellente compréhension des besoins du client étant donné les réunions de lancement des campagnes auxquelles elle aurait assisté, qu’elle avait reçu des mémoires de création, des renseignements pertinents et des demandes de révision qui [ne pouvaient] être obtenus en consultant les lignes directrices de la demande de propositions publiée [12] » [traduction].

[15] Le Tribunal a toujours conclu que, même si certaines situations peuvent survenir qui font en sorte que les soumissionnaires bénéficient d’un certain avantage concurrentiel par rapport à une procédure de passation de marché particulière, il ne s’ensuit pas nécessairement que l’appel d’offres est inéquitable [13] . Le Tribunal a également déclaré que les avantages concurrentiels peuvent provenir d’un éventail de sources différentes, y compris le fait d’être titulaire d’un contrat, mais qu’il ne s’agit pas, en soi, d’une situation jugée inéquitable [14] . Dans l’affaire Array Systems par exemple, le Tribunal a conclu qu’un titulaire peut bénéficier d’un avantage naturel non discriminatoire en raison de l’expérience qu’il a acquise dans le cadre de ses contrats antérieurs, et que cela, en soi, n’est pas jugé être inéquitable [15] . En outre, « [...] il n’y a pas d’obligation de compenser l’effet lié à la qualité de titulaire dans la formulation des invitations [...] [16] ».

[16] Ces conclusions ne remplacent pas l’interdiction, en vertu des accords commerciaux, de structurer un marché public afin d’empêcher la participation des non-titulaires de contrats. Toutefois, en l’absence d’éléments de preuve démontrant que les exigences d’un marché public sont « discriminatoires, impossibles à satisfaire ou déraisonnables » [traduction], le fait qu’un fournisseur potentiel ne soit pas en mesure de les respecter ne signifie pas que les exigences sont incompatibles avec les accords commerciaux applicables [17] .

[17] En vertu des éléments de preuve obtenus lors de la réunion de compte-rendu tenue par TPSGC, le Tribunal est d’avis que l’expérience acquise par le soumissionnaire retenu, dans le cadre de projets antérieurs semblables auprès de Santé Canada, aurait pu être considérée comme pertinente en fonction des dispositions du document d’évaluation. Cette expérience peut donc être décrite avec plus de précision comme un avantage concurrentiel ce qui, selon ce que le Tribunal a indiqué plus haut, n’indique pas que l’appel d’offres était, en soi, discriminatoire.

La soumission technique de Beonbrand a été évaluée de manière équitable

[18] Pour ce qui est des exigences R.1 et R.2, Beonbrand allègue que les évaluateurs n’avaient pas « évalué [sa proposition] de façon équitable » [traduction] et que « [c]ertains commentaires exprimés lors de la réunion de compte-rendu suggèrent qu’[elle] avait omis de mentionner certaines questions, bien que ces questions figuraient dans [sa] réponse à la DP [18] » [traduction].

[19] Dans un courriel en date du 15 décembre 2021, TPSGC a fourni des commentaires à Beonbrand sur la notation de sa soumission technique; ces commentaires sont résumés ici :

i. À l’égard de l’exigence R.1 : TPSGC indique que, de façon générale, l’approche créative de la partie plaignante n’était pas assez originale et ne tenait pas suffisamment compte de l’âge du groupe cible.

ii. À l’égard de l’exigence R.2 : TPSGC constate qu’« aucun échéancier comportant des étapes ou des date[s] [n’était] fourni » et qu’« aucune stratégie de gestion et d’atténuation des risques n’était fournie » [19] . En outre, selon TPSGC, « leur approche pour la gestion du projet n’indiquait pas comment les deux projets (vapotage et tabagisme) seraient réalisés en même temps. [...] Cette section ne tenait pas compte des besoins des clients indiqués dans l’énoncé des travaux, et n’expliquait pas comment les vidéos 1, 2, 3, 4 seraient produites simultanément. Cette section cernait les risques possibles liés au projet et fournissait des stratégies d’atténuation moyennes ».

[Traduction]

[20] Le 20 décembre 2021, Beonbrand a résumé sa réponse à TPSGC en ces termes :

i. À l’égard de l’exigence R.1, elle a soutenu qu’elle avait structuré les concepts publicitaires proposés en se fondant sur les ressources à sa disposition, notamment les campagnes contre le vapotage entreprises par Santé Canada, les exigences de la DP et des recherches sur l’efficacité de campagnes antérieures.

ii. À l’égard de l’exigence R.2, elle a soutenu aussi que les soumissions technique et financière comportaient des analyses de l’atténuation et de la gestion des risques ainsi que des étapes de projets et des échéances [20] .

[Traduction]

[21] Ce n’est que dans les circonstances les plus exceptionnelles que le Tribunal ne s’en remet pas au jugement des évaluateurs, qui sont mieux qualifiés, et il ne substitue pas son jugement à celui des évaluateurs en accordant des points aux critères d’évaluation cotés. Parmi les principales causes sur lesquelles il convient de s’appuyer, il y a l’affaire FMD International Inc., dans le cadre de laquelle le Tribunal a conclu ce qui suit :

Le Tribunal reçoit périodiquement des plaintes dans lesquelles il est allégué qu’une entité a injustement coté une soumission en fonction des critères. Cependant, le Tribunal ne peut régulièrement procéder à une nouvelle pondération des points attribués par les entités gouvernementales à moins que le traitement de la soumission qui fait l’objet de l’enquête n’équivaille à un déni de traitement équitable et, donc, à une violation des accords commerciaux pertinents. En l’absence d’un tel déni de traitement équitable, le Tribunal, d’une façon générale, s’en remettra au jugement des agents qui sont mieux qualifiés pour évaluer la valeur d’une soumission. Par conséquent, même si le Tribunal peut ne pas être d’accord sur les points attribués à un soumissionnaire relativement à certains critères d’évaluation spécifiques, il ne substituera pas son jugement à celui des représentants du gouvernement, à moins que leur conduite ne contrevienne à l’un des accords commerciaux [21] .

[22] En outre, comme il l’a déjà indiqué dans le passé, le Tribunal ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs à moins que ceux-ci ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d’un soumissionnaire, qu’ils n’aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu’ils aient donné une interprétation erronée de la portée d’une exigence ou qu’ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués [22] .

[23] Le Tribunal conclut que le courriel de TPSGC en date du 20 décembre 2021 et la réunion de compte-rendu qu’il a tenu le 22 décembre 2021 fournissent une explication cohérente quant à l’attribution des notes à la proposition de Beonbrand relativement aux exigences R.1 et R.2. Ce courriel permet à Beonbrand de prendre connaissance des forces et lacunes de sa soumission en ce qui concerne les exigences techniques de la DP. Le Tribunal est satisfait que les évaluateurs ont correctement appliqué les critères et la méthodologie énoncés dans les documents d’appel d’offres.

[24] Le Tribunal est également satisfait que les éléments de preuve au dossier montrent que les évaluateurs ont agi d’une manière équitable et il doit s’en remettre au jugement de TPSGC quant à l’attribution des points [23] .

DÉCISION

[25] Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.) [Loi sur le TCCE].

[2] DORS/93-602 [Règlement].

[3] Pièce PR-2021-063-01.F à la p. 23.

[4] Pièce PR-2021-063-04 à la p. 8.

[5] Ibid. à la p. 12.

[6] Pièce PR-2021-063-06.

[7] Paragraphe 6(1) du Règlement.

[8] Alinéa 7(1)a) du Règlement.

[9] Alinéa 7(1)b) du Règlement.

[10] Alinéa 7(1)c) du Règlement.

[11] Pièce PR-2021-063-04 à la p. 8.

[12] Pièce PR-2021-063-01.F à la p. 23.

[13] M.D. Charlton Co. Ltd. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (24 avril 2017), PR‑2017-002 (TCCE) aux par. 27–28.

[14] Le Groupe Conseil Bronson Consulting Group c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (23 juin 2017), PR-2016-058 (TCCE) [Le Groupe Conseil Bronson] au par. 34.

[15] Array Systems Computing Inc. (25 mars 1996), PR-95-024 (TCCE) à la p. 8 [Array Systems]; voir aussi CAE Inc. (7 septembre 2004), PR-2004-008 (TCCE) au par. 43, Dendron Resource Surveys Inc. c. Ministère des Ressources naturelles (28 juillet 2010), PR-2010-008 (TCCE) au par. 39.

[16] Le Groupe Conseil Bronson, citant Corel Corporation c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (26 octobre 1998), PR-98-012 et PR-98-014 (TCCE).

[17] Almon Equipment Limited (3 janvier 2012), PR-2011-023 (TCCE) au par. 72; voir aussi R.P.M. Tech Inc. c.

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 mars 2015), PR-2014-040 (TCCE) aux par. 26–29; Lions Gate Risk Management Group c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (18 décembre 2020), PR-2020-024 (TCCE) aux par. 44–47, 54–57.

[18] Pièce PR-2021-063-01.F à la p. 23.

[19] Pièce PR-2021-063-01.F à la p. 25.

[20] Pièce PR-2021-063-01.F à la p. 23.

[21] FMD International Inc. (22 août 2000), PR-2000-007 (TCCE) à la p. 4.

[22] Excel Human Resources Inc. (faisant affaire sous le nom d’excelITR) c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 août 2006), PR-2005-058 (TCCE) au par. 30; Northern Lights Aerobatic Team, Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE) au par. 51; Marcomm Inc. (11 février 2004), PR-2003-051 (TCCE) au par. 10; ACMG Management Inc. (5 juin 2002), PR-2001-056 (TCCE) à la p. 13.

[23] Mirtech International Security Inc. (3 juin 1997), PR-96-036 (TCCE) à la p. 8.

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