Enquêtes sur les marchés publics

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Dossier PR-2021-085

Hone People Development Consulting Corporation

Décision prise
le mardi 29 mars 2022

Décision et motifs rendus
le lundi 11 avril 2022

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

PAR

HONE PEOPLE DEVELOPMENT CONSULTING CORPORATION

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Randolph W. Heggart

Randolph W. Heggart
Membre présidant

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1] En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] (Loi sur le TCCE), tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics [2] (Règlement), déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

CONTEXTE

[2] La présente plainte porte sur une demande de proposition (DP) (appel d’offres 0X001‑200654/A) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux du Canada (TPSGC) au nom de l’École de la fonction publique du Canada (EFPC) en vue de la fourniture d’un outil d’évaluation du comportement devant servir dans le cadre de la prestation de programmes de perfectionnement du leadership à l’intention des superviseurs et des gestionnaires de la fonction publique fédérale du Canada.

[3] L’appel d’offres a été publié le 22 avril 2021. Plusieurs modifications ont suivi. La date de clôture des soumissions était le 11 mai 2021 [3] .

[4] Le 11 mai 2021, Hone People Development Consulting Corporation (Hone) a envoyé sa soumission conformément à l’appel d’offres [4] .

[5] Le 23 août 2021, TPSGC a demandé des précisions sur la soumission financière de Hone, que cette dernière a fournies le 24 août 2021 [5] .

[6] Le 25 août 2021, TPSGC a informé Hone que sa proposition avait été jugée conforme aux critères obligatoires d’admissibilité de l’appel d’offres [6] .

[7] Le 23 septembre 2021, TPSGC a envoyé à Hone une ébauche de contrat pour le marché, que Hone a signé et renvoyé le même jour [7] .

[8] Le 28 septembre 2021, TPSGC a envoyé à Hone une ébauche de contrat mise à jour pour signature, lequel présentait une valeur monétaire inférieure. Dans le courriel auquel était jointe cette ébauche de contrat mise à jour, TPSGC expliquait que cette valeur inférieure était due à un « changement dans le budget de fonctionnement du client » [8] [traduction]. Hone a signé l’ébauche de contrat mise à jour et l’a renvoyée à TPSGC le jour même [9] .

[9] Toujours le 28 septembre 2021, après avoir renvoyé l’ébauche de contrat signée, Hone a eu un entretien avec le représentant de TPSGC au cours duquel ils ont discuté des prix.

[10] Le 29 septembre 2021, TPSGC a envoyé à Hone un courriel dans lequel il demandait des précisions sur le prix unitaire de sa proposition, auquel Hone a répondu par écrit le même jour [10] .

[11] Les 7 et 14 octobre 2021, Hone a envoyé un courriel à TPSGC pour savoir où il en était avec le processus d’appel d’offres. Le 28 octobre 2021, TPSGC a répondu qu’il communiquerait avec Hone la semaine suivante [11] .

[12] Le 4 novembre 2021, TPSGC a envoyé un courriel et une lettre de refus à Hone pour l’informer qu’il n’irait pas de l’avant avec l’attribution du contrat. Dans le courriel, TPSGC indiquait que les précisions apportées par Hone le 29 septembre 2021 concernant les prix avaient conduit TPSGC à revoir la DP. TPSGC a jugé que les termes employés pour demander des soumissions financières étaient ambigus et pouvait avoir semé de la confusion parmi les soumissionnaires. Par conséquent, TPSGC a décidé d’annuler l’appel d’offres et d’en lancer un nouveau [12] .

[13] Le 9 décembre 2021, TPSGC a publié une nouvelle DP (appel d’offres 0X001-200654/B) [13] . Ce nouvel appel d’offres contenait plusieurs modifications par rapport à la DP initiale, notamment un nouveau libellé pour les conditions régissant la présentation et l’évaluation des soumissions financières, ainsi que le choix offert aux soumissionnaires de présenter une nouvelle soumission technique en même temps que leur soumission financière révisée ou de maintenir la soumission technique qu’ils avaient présentée dans le cadre de l’appel d’offres précédent (auquel cas aucune nouvelle évaluation technique ne serait requise). Le jour même, TPSGC a envoyé un courriel à Hone pour l’inviter à présenter une soumission dans le cadre du nouvel appel d’offres [14] .

[14] Le 10 janvier 2022, Hone a présenté une soumission en réponse à l’appel d’offres 0X001‑200654/B [15] , qui comprenait une nouvelle soumission financière et une soumission technique modifiée [16] .

[15] Le 9 mars 2022, TPSGC a envoyé à Hone une lettre de refus pour l’informer qu’elle n’avait pas été retenue dans le cadre de l’appel d’offres et qu’un contrat d’une valeur de 125 000 $ serait attribué à DHC Training Solutions Inc.

[16] Le 22 mars 2022, Hone a déposé la présente plainte auprès du Tribunal. Toujours le 22 mars 2022, le Tribunal a demandé des renseignements supplémentaires à Hone avant que la plainte puisse être considérée comme complète.

[17] Le 23 mars 2022, Hone a fourni les renseignements demandés par le Tribunal.

[18] Le 24 mars 2022, le Tribunal a accusé réception de la plainte.

[19] Le 25 mars 2022, Hone a déposé à nouveau sa plainte, mais en y incluant certains nouveaux arguments. Cette question est abordée dans la dernière partie des présents motifs.

[20] Le 29 mars 2022, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

[21] Le 1er avril 2022, Hone a présenté certains renseignements supplémentaires concernant la plainte, après que le Tribunal ait rendu sa décision, mais avant qu’elle ne soit publiée. Ce point est également abordé dans la dernière partie des présents motifs.

ANALYSE

[22] Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, le Tribunal peut tenir une enquête si les quatre conditions suivantes sont remplies :

i. la plainte a été déposée dans les délais prescrits à l’article 6 du Règlement [17] ;

ii. le plaignant est un fournisseur ou un fournisseur potentiel [18] ;

iii. la plainte porte sur un contrat spécifique [19] ;

iv. les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables par l’institution fédérale [20] .

Les motifs de plainte concernant l’annulation du premier appel d’offres ont été déposés en retard

[23] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que les motifs de plainte liés à l’annulation du premier appel d’offres n’ont pas été déposés dans les délais prescrits à l’article 6 du Règlement.

[24] Hone conteste la décision de TPSGC d’annuler le premier appel d’offres et de procéder à un nouvel appel d’offres parce qu’il estimait que la demande de soumissions financières dans le premier appel d’offres était ambiguë et aurait pu semer de la confusion parmi les soumissionnaires. Hone remet en question cette justification de l’annulation du premier appel d’offres et fait valoir que TPSGC aurait plutôt pu demander des éclaircissements à chaque soumissionnaire concernant leurs propositions financières respectives.

[25] Aux termes des paragraphes 6(1) et 6(2) du Règlement, le fournisseur potentiel doit présenter une opposition à l’institution fédérale responsable du marché ou déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte.

[26] Une grande partie de la déception de Hone à l’égard du processus semble être fondée sur la croyance qu’on lui avait attribué le contrat du fait qu’elle avait signé deux ébauches de contrat et envoyé celles-ci à TPSGC les 23 et 28 septembre 2021. Si Hone croyait que le premier appel d’offres était annulé de façon irrégulière alors que le contrat lui avait déjà été attribué, il lui incombait de déposer une plainte dans les délais prescrits par le Règlement. À cet égard, le Tribunal considère que Hone aurait dû raisonnablement prendre connaissance de tout motif de plainte relatif à l’annulation du premier appel d’offres lorsqu’elle a reçu la lettre de refus de TPSGC l’avisant de l’annulation le 4 novembre 2021. À compter de cette date, Hone disposait de 10 jours ouvrables pour déposer une plainte auprès du Tribunal.

[27] Par ailleurs, Hone aurait dû raisonnablement prendre connaissance de tout motif de plainte lié à l’annulation du premier appel d’offres lorsqu’elle a examiné les dispositions révisées régissant la présentation et l’évaluation des soumissions financières dans le cadre du nouvel appel d’offres. Dans la mesure où un changement par rapport au premier appel d’offres aurait soulevé chez Hone des préoccupations quant à l’annulation du premier appel d’offres et au lancement d’un nouvel appel d’offres, il lui incombait de déposer une plainte auprès du Tribunal à ce moment-là.

[28] Au plus tard, le Tribunal est d’avis que Hone aurait dû déposer une plainte auprès du Tribunal au moment où elle a déposé sa soumission en réponse au nouvel appel d’offres (qui était conforme aux nouvelles exigences relatives aux soumissions financières), soit le 10 janvier 2022. Rien n’indique que Hone n’ait présenté d’opposition à TPSGC concernant l’annulation du premier appel d’offres et le nouvel appel d’offres à ce moment-là. Comme la présente plainte a été déposée pour la première fois le 22 mars 2022, le Tribunal conclut que tout motif de plainte lié à l’annulation du premier appel d’offres n’a pas été déposé dans le délai de 10 jours ouvrables prescrit à l’article 6 du Règlement.

[29] Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt IBM Canada, « [l]es fournisseurs potentiels ne doivent donc pas attendre l’attribution d’un contrat avant de déposer toute plainte qu’ils pourraient avoir concernant la procédure. On s’attend à ce qu’ils soient vigilants et qu’ils réagissent dès qu’ils découvrent ou auraient vraisemblablement dû découvrir un vice de procédure [21] ». C’est au soumissionnaire qu’il incombe de soulever tout problème dans un appel d’offres et de déposer une plainte en temps opportun.

[30] En l’espèce, Hone n’a présenté aucune opposition à TPSGC ni aucune plainte auprès du Tribunal au moment où le premier appel d’offres a été annulé et un nouvel appel d’offres a été lancé. Hone a plutôt participé pleinement au nouvel appel d’offres, notamment en présentant une soumission technique révisée. Elle n’a déposé la présente plainte qu’après avoir appris qu’elle n’avait pas été retenue dans le cadre de ce processus. À ce moment-là, le délai prescrit par le Règlement pour déposer une plainte était écoulé depuis longtemps. Comme le Tribunal l’a déjà déclaré, le mécanisme d’examen des marchés publics ne prévoit pas la possibilité d’accumuler des griefs et de les présenter une fois le contrat adjugé [22] .

[31] Pour plus de clarté, le Tribunal ne trouve dans le dossier aucune preuve indiquant que la lettre de refus du 9 mars 2022 a fourni à Hone de nouveaux renseignements qui lui auraient permis de prendre connaissance des motifs de plainte liés à l’annulation du premier appel d’offres. De l’avis du Tribunal, l’identité de l’adjudicataire et la valeur du contrat subséquent ne démontrent pas, à elles seules, de préférence pour un fournisseur titulaire. Comme il est indiqué ci‑après, le Tribunal conclut que la lettre de refus du 9 mars 2022 n’avait pas pour effet de prolonger les délais susmentionnés pour déposer une plainte concernant l’annulation du premier appel d’offres.

[32] À proprement parler, les seuls motifs de plainte qui ont été déposés dans les délais sont donc ceux qui concernent l’évaluation ou le résultat du deuxième appel d’offres. Cela dit, les allégations concernant l’annulation du premier appel d’offres et le résultat du deuxième sont difficiles à dissocier sur le plan pratique. Par conséquent, par souci d’exhaustivité et pour les raisons exposées ci-après, le Tribunal conclut également que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation des accords commerciaux, ni aucune indication raisonnable de motifs liés à l’annulation du premier appel d’offres et au lancement du deuxième, ou d’une prétendue partialité en faveur d’un fournisseur titulaire.

Aucune indication raisonnable d’une violation des accords commerciaux

[33] Conformément à l’alinéa 7(1)c) du Règlement, le Tribunal peut enquêter sur une plainte si les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure de marché public n’a pas été suivie par l’institution fédérale conformément aux accords commerciaux applicables, en l’occurrence l’Accord de libre-échange canadien (ALEC) [23] .

[34] Le Tribunal n’a été saisi d’aucun élément de preuve donnant à penser que l’évaluation ou le résultat du nouvel appel d’offres était de quelque façon non conforme aux exigences de l’ALEC. De l’avis du Tribunal, cette conclusion est suffisante pour statuer sur la plainte, compte tenu de la conclusion ci-dessus selon laquelle les motifs de plainte concernant l’annulation du premier appel d’offres ont été déposés en retard. Toutefois, même si les motifs de plainte relatifs au premier appel d’offres avaient été déposés dans les délais prescrits, le Tribunal aurait néanmoins conclu qu’ils ne démontrent pas, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation de l’ALEC pour les raisons qui suivent.

[35] Hone soutient que, sans la conversation de vive voix du 28 septembre 2021 entre elle et TPSGC, au cours de laquelle ils ont discuté des prix, TPSGC n’aurait pas envoyé le courriel du 29 septembre 2021 pour demander davantage de précisions sur les prix, l’appel d’offres n’aurait pas été annulé et aucun nouvel appel d’offres n’aurait été lancé. Hone suggère que cette décision pourrait avoir été motivée par une préférence de TPSGC pour le fournisseur titulaire finalement retenu. Elle remet en question la raison invoquée par TPSGC pour lancer un nouvel appel d’offres – à savoir que le premier appel d’offres était ambigu et qu’il aurait pu semer la confusion parmi les soumissionnaires – étant donné que l’EFPC a déjà lancé des appels d’offres pour des services similaires [24] . Enfin, Hone soutient que TPSGC aurait plutôt pu demander des précisions à chaque soumissionnaire au sujet de sa soumission financière.

[36] Le Tribunal commence par souligner que les entités contractantes sont libres de demander aux soumissionnaires des éclaircissements sur le contenu des soumissions, mais ne sont pas tenues de le faire [25] . TPSGC semble l’avoir fait en ce qui concerne la soumission financière de Hone, à savoir par écrit le 23 août 2021, de vive voix le 28 septembre 2021 et de nouveau par écrit le 29 septembre 2021 [26] .

[37] Dans leurs échanges par courriel le 29 septembre 2021, Hone a confirmé à TPSGC que certains produits (une « trousse d’animation » [traduction] comprenant du matériel virtuel, notamment des « présentations, aide-mémoire, outils et ressources » [traduction]) et services (certification et renouvellement de la certification pour les personnes destinées à former d’autres personnes à l’utilisation de l’outil d’évaluation du comportement) n’avaient pas à être achetés avec chaque unité (c.-à-d. l’utilisation réelle de l’outil d’évaluation du comportement). Ce fait devrait logiquement faire baisser le prix global d’une proposition donnée.

[38] Il est évident, à la lumière des éclaircissements demandés à Hone par TPSGC le 29 septembre 2021, que TPSGC ne savait pas si ces produits et services devaient être achetés avec chaque unité. Si la soumission de Hone pouvait être imprécise à cet égard tout en respectant les exigences de la soumission financière de l’appel d’offres, ce qui est le cas selon le dossier, il semblerait raisonnable que TPSGC soit préoccupée par le fait que la structure de l’appel d’offres ait pu faire en sorte que d’autres soumissions soient tout aussi ambiguës. Une fois cette ambiguïté potentielle révélée, TPSGC était en droit de clarifier les instructions relatives à la soumission financière auprès de tous les soumissionnaires. Il est clair que rien dans l’ALEC n’oblige une entité contractante à payer plus pour les produits et services visés par le marché public que ce que les soumissionnaires ont réellement l’intention de proposer.

[39] TPSGC aurait pu communiquer avec chacun des soumissionnaires pour clarifier leur soumission, comme il l’a fait avec Hone et comme Hone laisse entendre qu’il aurait dû faire avec les autres soumissionnaires, bien qu’il n’y était pas tenu. Selon le Tribunal, la décision de lancer un nouvel appel d’offres est conforme à la fois aux raisons invoquées par TPSGC pour avoir procédé ainsi et aux obligations de ce dernier aux termes de l’ALEC.

[40] De même, il est difficile de voir sur quel fondement TPSGC aurait dû restreindre le nouvel appel d’offres aux soumissionnaires qui avaient présenté des soumissions dans le cadre du premier appel d’offres. L’article 510.2 de l’ALE dispose qu’une entité contractante publie les modifications ou la documentation relative à l’appel d’offres ou l’avis d’appel d’offres tels qu’ils ont été modifiés ou sont parus de nouveau sur le site Web ou le système d’appel d’offres utilisé par l’entité contractante et, d’autre part, qu’elle proroge, selon qu’il est approprié, le délai de présentation des soumissions pour permettre aux fournisseurs d’apporter des modifications et de représenter les soumissions modifiées.

[41] Comme nous l’avons indiqué précédemment, la déception de Hone à l’égard du processus semble en grande partie fondée sur la croyance que les deux ébauches de contrat qu’elle a signées et envoyées à TPSGC les 23 et 28 septembre 2021 constituaient un avis officiel d’adjudication du contrat; cette impression ressort de la plainte à plusieurs endroits. Si cette croyance est réelle, elle est cependant erronée. On pouvait lire sur la première page des lettres de présentation jointes aux deux ébauches de contrat l’avertissement suivant :

Veuillez noter que cette ébauche de contrat ne constitue pas une garantie de la part du Canada qu’un contrat sera attribué. Aucun paiement ne sera versé pour les coûts engagés aux fins de la préparation et de la présentation d’une réponse à la présente ébauche de contrat. Rien dans la présente ébauche de contrat ne doit être interprété comme demandant à Hone People Development Consulting Corporation d’entreprendre des travaux, qui se traduiraient par un passif ou par toute autre dette pour le gouvernement du Canada, ses ministères, ses organismes ou ses représentants [27] .

[Traduction]

[42] Reprenant le même type de formulation que celle utilisée dans les ébauches de contrats, la lettre de refus du 4 novembre 2021 se rapportant au premier appel d’offres indique qu’« aucun contrat n’a été attribué à la suite de l’appel d’offres [...] [28] » [traduction].

[43] Les ébauches de contrat ne pouvaient donc être interprétées que comme une étape du processus de TPSGC en vue de l’adjudication du contrat. Toutefois, selon les éléments de preuve, TPSGC a plutôt annulé le premier appel d’offres avant l’adjudication du contrat.

[44] Enfin, Hone souligne qu’elle n’a pas reçu de rapport d’évaluation de la conformité (REC) qui confirmait que sa soumission dans le cadre du nouvel appel d’offres était conforme aux exigences obligatoires, comme cela avait été le cas dans le cadre du premier appel d’offres. En effet, cette étape aurait vraisemblablement été obligatoire aux termes de la clause 4.1.1.3(a) des deux appels d’offres [29] et son omission dans le cadre du deuxième appel d’offres semble être une irrégularité. Toutefois, dans la lettre de refus du 9 mars 2022 que TPSGC a envoyée à Hone, il est indiqué que la soumission de Hone a été jugée conforme aux exigences obligatoires de l’appel d’offres, soit la même information qui doit être incluse dans un REC [30] .

[45] Rien n’indique que la soumission de Hone dans le cadre du nouvel appel d’offres a été rejetée pour cause de non-conformité. En fait, il est clairement indiqué dans la lettre de refus du 9 mars 2022 que la soumission de Hone a fait l’objet d’évaluations techniques et financières complètes [31] . La plainte ne contient aucun argument ni aucune preuve qui laisse entendre que ces évaluations étaient de quelque manière que ce soit non conformes aux modalités de l’appel d’offres. Le Tribunal conclut donc que le fait que TPSGC n’ait pas envoyé un REC à Hone ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation des accords commerciaux, bien qu’il souligne que les entités contractantes doivent veiller à respecter toutes les modalités régissant la procédure d’un marché public.

Conclusion

[46] Selon le Tribunal, rien dans la plainte ne laisse entendre que TPSGC a annulé le premier appel d’offres et a annoncé le lancement d’un nouvel appel d’offres de façon irrégulière ou qu’il a mené la nouvelle procédure d’appel d’offres de façon irrégulière. Plus précisément, aucune preuve ne donne à penser que l’une ou l’autre de ces mesures a été prise dans le but de favoriser le fournisseur titulaire qui a finalement été retenu. Comme le Tribunal l’a déjà souligné, de simples allégations ne suffisent pas à démontrer, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation des accords commerciaux [32] .

[47] La déception de Hone, qui n’a pas été retenue dans le cadre du nouvel appel d’offres après avoir été apparemment très près d’obtenir le contrat dans le cadre du premier appel d’offres, est tout à fait compréhensible, surtout si elle croyait avoir décroché le contrat. Cependant, le Tribunal est d’avis que rien dans la présente affaire ne laisse entendre que TPSGC aurait agi de manière inappropriée.

[48] Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal conclut que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation des accords commerciaux pertinents.

Renseignements supplémentaires fournis après l’accusé de réception de la plainte

[49] Le Tribunal souhaite formuler quelques commentaires sur certaines irrégularités qui se sont produites lors du dépôt de la présente plainte. Ces commentaires ne doivent pas être considérés comme une atteinte à la transparence ou à l’intégrité de Hone, qui a toujours fait preuve de courtoise et de réceptivité dans ses échanges avec le Tribunal (et, selon le dossier, avec TPSGC). Cela dit, le Tribunal formule ces commentaires pour aider Hone et les autres plaignants qui se représentent eux‑mêmes à comprendre le processus de présentation d’une plainte et les exigences s’y rapportant.

Renseignements fournis le 25 mars 2022

[50] Le 25 mars 2022, soit un jour après que le Tribunal a accusé réception de la plainte, Hone a de nouveau exposé ses motifs de plainte lors du processus de confirmation des désignations de confidentialité de ses observations. À cette occasion, Hone a présenté de nouveaux arguments concernant la valeur changeante du marché public, laquelle a progressivement diminué dans les deux ébauches de contrat relatives au premier appel d’offres, puis dans le contrat finalement attribué dans le cadre du nouvel appel d’offres [33] .

[51] L’alinéa 30.11(2)c) de la Loi sur le TCCE dispose qu’une plainte doit exposer de façon claire et détaillée ses motifs et les faits à l’appui, tandis que l’alinéa 30.11(2)f) prévoit que Hone doit fournir les renseignements et documents pertinents qu’elle a en sa possession.

[52] Selon l’alinéa 96(1)b) des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur [34] , la plainte est considérée comme ayant été déposée à la date à laquelle le Tribunal reçoit les renseignements relatifs aux points à corriger pour rendre la plainte conforme à ce paragraphe. Comme il est indiqué ci-dessus dans la partie sur le contexte, le Tribunal a demandé de tels renseignements le 22 mars 2022, les renseignements ont été fournis le 23 mars 2022 et le Tribunal a accusé de réception de la plainte le 24 mars 2022 [35] .

[53] Aux termes du paragraphe 7(1) du Règlement, le Tribunal détermine s’il enquêtera sur une plainte dans les cinq jours ouvrables suivant la date du dépôt de la plainte, c’est-à-dire la date indiquée sur l’accusé de réception du Tribunal. Le Tribunal doit donc s’assurer qu’il est en possession de tous les renseignements pertinents, y compris les motifs et les faits à l’appui de la plainte de Hone, pour décider s’il accepte d’enquêter sur la plainte dans ce délai relativement court.

[54] Il incombe donc aux plaignants de veiller à ce que la plainte contienne tous les faits et les arguments pertinents en leur possession. Un plaignant ne peut pas continuer à ajouter des éléments de preuve ou des arguments à sa plainte après que le Tribunal en a accusé réception, à la seule exception des renseignements dont le plaignant n’a pas eu connaissance auparavant (qui doivent être communiquées au Tribunal dès que possible).

[55] Ce principe est non seulement nécessaire pour que le Tribunal puisse décider d’accepter ou non d’enquêter sur la plainte dans un délai de cinq jours ouvrables, mais il est également crucial pour déterminer si la plainte elle-même a été déposée dans les délais prescrits par les paragraphes 6(1) et 6(2) du Règlement, comme il est indiqué précédemment. En l’espèce, Hone a reçu la lettre de refus de TPSGC le 9 mars 2022, ce qui signifie qu’elle avait jusqu’au 23 mars 2022, soit 10 jours ouvrables, pour déposer une plainte.

[56] Hone a déposé ses motifs de plainte concernant la modification de la valeur du marché le 25 mars 2022, soit après l’expiration du délai prescrit par règlement. Les motifs de plainte ont donc été déposés en retard. Toutefois, le Tribunal souligne que ceux-ci n’auraient modifié en rien son analyse. Comme il est indiqué ci-dessus, la précision selon laquelle certains produits et services (dont le coût était nettement supérieur à celui des unités elles-mêmes) n’ont pas à être achetés avec chaque unité aurait naturellement fait baisser la valeur globale du contrat subséquent, et ce, possiblement de manière assez importante.

[57] De l’avis du Tribunal, le fait que le contrat découlant du nouvel appel d’offres avait une valeur nettement inférieure à l’une ou l’autre des ébauches de contrat signées par Hone dans le cadre du premier appel d’offres est donc conforme à la raison qu’a donnée TPSGC pour lancer un nouvel appel d’offres. Ce fait semble également être conforme à l’exigence prévue à l’alinéa 515.5a) de l’ALEC selon laquelle une entité contractante doit adjuger le contrat au fournisseur qui, uniquement sur la base des critères d’évaluation spécifiés dans les avis d’appel d’offres et la documentation relative à l’appel d’offres, a présenté la soumission la plus avantageuse [36] .

[58] De plus, aucune preuve ne vient contredire la déclaration de TPSGC selon laquelle l’écart entre la valeur dans la première ébauche de contrat et celle dans la deuxième ébauche de contrat, ébauches que Hone a tous deux signées apparemment sans objection, était dû à un changement dans le budget de fonctionnement de l’EFPC. Le Tribunal souligne également que toute objection ou plainte concernant cet écart aurait dû être déposée dans les 10 jours ouvrables suivant la réception par Hone de l’ébauche de contrat mise à jour dans le cadre du premier appel d’offres.

Renseignements fournis le 1er avril 2022

[59] Le 1er avril 2022, Hone a fourni des renseignements supplémentaires à l’appui de sa plainte.

[60] Non seulement ces renseignements ont-ils été fournis en dehors des délais prescrits aux paragraphes 6(1) et 6(2) du Règlement, mais également en dehors du délai de cinq jours ouvrables prévu au paragraphe 7(1) pendant lequel le Tribunal détermine s’il enquêtera ou non sur la plainte. Le Tribunal ne pouvait donc pas tenir compte de ces renseignements pour prendre sa décision, laquelle a été rendue le 29 mars 2022. Toutefois, dans l’intérêt de Hone et encore une fois par souci d’exhaustivité, le Tribunal souligne que ces nouveaux renseignements n’auraient en rien influé sur l’analyse qu’elle a effectuée précédemment.

[61] Le fait que TPSGC ait pu avoir déjà utilisé des instructions et des critères d’évaluation similaires pour les soumissions financières dans le cadre d’appels d’offres se rapportant à des produits et des services similaires n’oblige aucunement TPSGC à continuer de les utiliser dans les appels d’offres ultérieurs. Cela n’a pas non plus pour effet de remettre en cause la justification de TPSGC pour lancer un nouvel appel d’offres, à savoir que le libellé de l’appel d’offres était ambigu. Il n’est pas clair si l’ambiguïté a pu avoir une incidence sur le déroulement ou le résultat des appels d’offres précédents. Même en l’absence de pareille incidence, TPSGC ne serait aucunement tenue de continuer à utiliser ce libellé dans les appels d’offres ultérieurs s’il s’avérait par la suite ambigu.

[62] De plus, le fait que TPSGC ait apparemment conclu de sa propre initiative – et non pas à la suite de questions posées par les parties – que le premier appel d’offres était ambigu ne limite en rien son droit de modifier ou d’annuler l’appel d’offres sur la base de cette conclusion. Si TPSGC avait fourni des clarifications en réponse à une question d’un soumissionnaire, il aurait été tenu, en vertu de l’article 510.1 de l’ALEC, de mettre ces clarifications à la disposition de tous les fournisseurs d’une manière ouverte, équitable et en temps opportun. En l’espèce, il était simplement loisible à la TPSGC de le faire. Le Tribunal ne voit pas en quoi le fait que TPSGC ait fait le choix d’annuler l’appel d’offres et de lancer un nouvel appel d’offres était de quelque façon que ce soit non conforme aux obligations du Canada aux termes de l’ALEC.

CONCLUSION

[63] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal conclut que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, une violation des accords commerciaux applicables et, en outre, que les motifs de plainte relatifs à l’annulation du premier appel d’offres ont été déposés en retard.

DÉCISION

[64] Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Randolph W. Heggart

Randolph W. Heggart
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

[2] DORS/93-602.

[4] Pièce PR-2021-085-01 (protégée) aux p. 10–78.

[5] Pièce PR-2021-085-01.B aux p. 54–55.

[6] Ibid. à la p. 1.

[7] Ibid. aux p. 4–23, 50–52.

[8] Ibid. aux p. 24–44, 50.

[9] Ibid. aux p. 48–50.

[10] Ibid. aux p. 46–48.

[11] Ibid. aux p. 45–46.

[12] Ibid. à la p. 59; Pièce PR-2021-085-01.A aux p. 84–85.

[14] Pièce PR-2021-085-01.B à la p. 2.

[15] Pièce PR-2021-085-01 (protégée) aux p. 79–152.

[16] Pièce PR-2021-085-01.A à la p. 79.

[17] Paragraphe 6(1) du Règlement.

[18] Alinéa 7(1)a) du Règlement.

[19] Alinéa 7(1)b) du Règlement.

[20] Alinéa 7(1)c) du Règlement.

[21] IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd., 2002 CAF 284 [IBM Canada] au par. 20.

[22] 2040077 Ontario Inc. s/n FDF Group (2 septembre 2014), PR-2014-024 (TCCE) au par. 14.

[23] En ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2021/02/CFTA-Consolidated-Text-Final-French_January-1-2021.pdf> (entré en vigueur le 1er juillet 2017).

[24] Pièce PR-2021-085-01.A aux p. 80–81.

[25] Voir Canada (Procureur général) c. Tritech Group Ltd., 2015 CAF 39.

[26] Pièce PR-2021-085-01.B aux p. 46–48, 54–55.

[27] Ibid. aux p. 5, 26.

[28] Pièce PR-2021-085-01.A à la p. 84.

[29] Ibid. aux p. 12, 56.

[30] Pièce PR-2021-085-01.B à la p. 53.

[31] Ibid.; Pièce PR-2021-085-01 (protégée) à la p. 201.

[32] 1091847 Ontario Ltd. (10 février 2021), PR-2020-083 (TCCE) au par. 34. Voir aussi Manitex Liftking ULC (20 mars 2013), PR-2012-049 (TCCE) au par. 22; Veseys Seeds Limited, faisant affaires sous le nom de Club Car Atlantic (19 février 2010), PR-2009-079 (TCCE) au par. Flag Connection Inc. (25 janvier 2013), PR‑2012‑040 (TCCE); Tyco Electronics Canada ULC (24 mars 2014), PR-2013-048 (TCCE) au par. 12.

[33] Pièce PR-2021-085-04.

[34] DORS/91-499.

[35] Pièces PR-2021-085-02, PR-2021-085-01.B, PR-2021-085-01.C (protégée) et PR-2021-085-03. La demande de renseignements supplémentaires et l’avis de réception d’une plainte complète sont requis aux termes de l’article 30.12 de la loi TCCE.

[36] En l’espèce, la clause 4.2.1.2 de la DP prévoyait que la soumission recevable la moins-disante par point serait recommandée pour l’attribution du contrat, ce qui semble conforme au contenu de la lettre de refus envoyée à Hone le 9 mars 2022. Voir la pièce PR-2021-085-01.A à la p. 14.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.