Enquêtes sur les marchés publics

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EU ÉGARD À une plainte déposée par Contract Community Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

CONTRACT COMMUNITY INC.

Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (Loi sur la TCCE), le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux une indemnité raisonnable pour les frais engagés pour répondre à la plainte, indemnité qui doit être versée par Contract Community Inc. Conformément aux Lignes directrices sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (Lignes directrices), le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité et du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 des Lignes directrices. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.


 

Membres du Tribunal :

Georges Bujold, membre présidant

Personnel du Secrétariat du Tribunal :

Zackery Shaver, conseiller juridique
Kim Gagnon-Lalonde, agente du greffe
Rekha Sobhee, agente du greffe

Partie plaignante :

Contract Community Inc.

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques de l’institution fédérale :

Shannon Kristjanson
Brendan Morrison
Zachary Rosen

Partie intervenante :

Tiree Facility Inc.
Colliers Project Leaders Inc.

Conseillers juridiques des parties intervenantes :

Paul M. Lalonde
Sean Stephenson

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[1] Contract Community Inc. (CCI) a déposé la présente plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1] (Loi sur le TCCE), concernant une demande de propositions (DP) (appel d’offres EN439-211126/A) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) pour l’approvisionnement de services de soutien à la gestion de projet en biens immobiliers.

[2] La DP décrit les services requis comme un large éventail de tâches quotidiennes pour aider TPSGC à gérer des projets immobiliers dans la région de la capitale nationale. Ces services sont divisés en quatre volets de travail distincts, un contrat subséquent distinct devant être attribué pour chacun de ces volets. Les soumissionnaires ont donc été invités à soumettre des propositions pour l’ensemble ou un sous-ensemble des volets de travail, selon les ressources qu’ils pouvaient offrir. Les volets de travail sont nommés comme suit : services de gestion de projet en biens immobiliers; gestion des finances et de la performance de projet; gestion des affaires et du changement; et consultation spécialisée.

[3] Il s’agit de la deuxième plainte déposée par CCI concernant ce processus de passation de marché public. Pour répondre aux préoccupations soulevées par CCI dans sa plainte initiale[2], TPSGC a décidé de procéder à une réévaluation des soumissions en ce qui a trait à certains critères obligatoires et cotés. Dans la présente plainte, CCI allègue que TPSGC a commis une erreur en concluant que sa soumission n’était pas conforme au critère technique obligatoire 1 (CTO1) de la DP et en l’excluant pour ce motif après la réévaluation. CCI affirme que cette réévaluation était subjective et qu’elle a donné lieu à un résultat incompatible avec l’évaluation antérieure de TPSGC. À cet égard, CCI soutient que, dans la première évaluation de sa soumission, réalisée par quatre groupes d’évaluation distincts, aucun des groupes n’a jugé sa soumission non conforme au CTO1. À ce titre, CCI allègue que la réévaluation aurait dû, de la même façon, juger sa soumission recevable.

[4] De plus, CCI allègue qu’en réévaluant sa soumission, l’évaluatrice indépendante dont les services ont été retenus par TPSGC a injustement fondé sa conclusion de non-conformité sur un examen de renseignements non pertinents, comme le curriculum vitæ (CV) des ressources proposées. Selon CCI, en tenant compte d’éléments qui n’étaient pas inclus dans les sections pertinentes de sa soumission qui contenaient des renseignements relatifs au CTO1, TPSGC a élargi de façon inadmissible la portée de la réévaluation qui avait déjà été convenue. CCI allègue également que les commentaires de l’évaluatrice indépendante sont remplis d’incohérences, ce qui jette un doute sur la compréhension de l’évaluatrice des modalités de la DP et ses compétences pour évaluer la conformité de sa soumission au CTO1.

[5] Le Tribunal a accepté la plainte pour enquête conformément au paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE et au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics (Règlement)[3].

[6] À la suite de son enquête sur la plainte, et pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la plainte de CCI n’est pas fondée.

PROCÉDURE DU MARCHÉ PUBLIC ET HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE

[7] La DP a été publiée le 15 décembre 2020. TPSGC a ensuite apporté 12 modifications à la DP, dont une visait à proroger la date de clôture de l’appel d’offres jusqu’au 5 février 2021.

[8] Le 5 février 2021, CCI a présenté sa soumission pour les quatre volets de travail[4]. Conformément à la DP, chacun des quatre volets de travail avait ses propres critères obligatoires et cotés, mais il y avait des critères d’évaluation communs aux quatre volets de travail, soit le CTO1, le critère technique coté 1 (CTC1), le critère technique coté 2 (CTC2) et le plan de participation des Autochtones (PPA). De plus, la DP indiquait qu’une évaluation technique distincte serait effectuée pour chaque volet de travail[5].

[9] Les procédures d’évaluation énoncées dans la DP prescrivent également ce qu’on appelle un « processus de conformité des soumissions en phases » (PCSP). Par conséquent, l’évaluation a été structurée en plusieurs phases, y compris un examen initial des critères techniques obligatoires pour déterminer, à titre préliminaire, si un soumissionnaire satisfait à ces critères et, dans la négative, si le processus de rapport d’évaluation de la conformité (REC) serait utilisé pour permettre à un soumissionnaire de fournir des renseignements supplémentaires (après la clôture de l’appel d’offres) pour démontrer la conformité à tout critère obligatoire. En supposant qu’un soumissionnaire était réputé satisfaire à tous les critères obligatoires (que cette détermination résulte ou non du processus de REC), après cette phase préliminaire, la proposition du soumissionnaire passerait ensuite à la prochaine phase de l’évaluation. C’est à cette étape que les exigences cotées sont notées et que l’évaluation finale de la question de savoir si la soumission était recevable relativement à l’appel d’offres est effectuée[6]. À cet égard, la DP indiquait clairement qu’une décision, lors de la phase initiale de l’évaluation, qu’une soumission satisfaisait aux critères obligatoires n’empêchait pas de conclure, à la phase finale de l’évaluation (phase III), que cette soumission n’était pas recevable parce qu’elle ne satisfaisait pas à tous les critères obligatoires.

[10] Au cours de la phase initiale de l’évaluation des soumissions techniques, les évaluateurs ont déterminé que la soumission de CCI n’était pas conforme à certains critères obligatoires. Entre le 11 mars et le 8 avril 2021, neuf REC ont été envoyés à CCI, conformément à la section 4.1.1.3 de la DP, afin de lui donner la possibilité de fournir des renseignements supplémentaires ou différents pour démontrer la conformité à ces critères obligatoires, y compris le CTO1. CCI a répondu à chacun des REC et a fourni des renseignements et des précisions supplémentaires en réponse aux demandes de renseignements des équipes d’évaluation. Après un examen des réponses de CCI aux REC, les évaluateurs ont jugé que sa soumission était conforme au CTO1 pour les quatre volets de travail.

[11] Toutefois, à la phase finale de l’évaluation, la soumission de CCI n’a pas obtenu la note totale relative la plus élevée pour le mérite technique et financier combiné ainsi que le PPA pour l’un ou l’autre des quatre volets de travail[7]. Par conséquent, le 21 juin 2021, dans des lettres de refus adressées à CCI pour chacun des quatre volets de travail, TPSGC l’a informée qu’elle n’était pas le soumissionnaire retenu et que des contrats avaient été attribués à Colliers Project Leaders Inc. (Colliers) et à Tiree Facility Solutions Inc. (Tiree), à titre de coentreprise, pour les quatre volets de travail.

[12] Le même jour, CCI a demandé un compte-rendu. Le 12 juillet 2021, CCI a assisté à une séance de compte-rendu avec les représentants de TPSGC au cours de laquelle elle a exprimé ses préoccupations quant au résultat de l’appel d’offres. Elle a notamment soulevé un grief selon lequel les critères d’évaluation communs avaient été évalués de façon incohérente par les différentes équipes d’évaluation pour les quatre volets de travail.

[13] Le 22 juillet 2021, dans un courriel envoyé à TPSGC, CCI s’est officiellement opposée aux résultats de l’évaluation. Elle a notamment allégué que le processus d’évaluation était entaché de subjectivité parce que la notation de sa soumission pour certaines exigences cotées n’était pas uniforme dans les quatre volets de travail, malgré le fait que les documents examinés étaient identiques.

[14] Le 22 juillet 2021, avant de recevoir une réponse à son opposition, CCI a également déposé sa plainte initiale auprès du Tribunal. CCI alléguait que TPSGC avait noté sa soumission de façon incohérente. Elle s’est également plainte de la subjectivité du processus d’évaluation et du défaut d’évaluer sa proposition conformément aux modalités de la DP en ce qui a trait au volet de travail 4. Enfin, CCI a laissé entendre que TPSGC tentait d’exclure sa soumission d’une manière inappropriée.

[15] Le 28 juillet 2021, le Tribunal a rendu sa décision, refusant d’enquêter sur la plainte initiale de CCI.

[16] Le 3 août 2021, le Tribunal a rendu sa décision et ses motifs concernant la plainte, concluant que celle-ci était prématurée en l’absence d’un refus de réparation de la part de TPSGC en réponse à l’opposition de CCI[8]. Le Tribunal a indiqué que sa décision n’empêchait pas CCI de déposer une nouvelle plainte dans les 10 jours ouvrables suivant la réception d’un refus de réparation de TPSGC. Le Tribunal a également remarqué que, si TPSGC ne répondait pas aux préoccupations de CCI dans les 20 jours suivant le 3 août 2021, CCI pourrait considérer ce défaut de réponse comme un refus de réparation.

[17] Le 23 août 2021, TPSGC a écrit à CCI pour l’informer qu’après un examen du dossier, il avait décidé de réévaluer les exigences communes des quatre volets de travail de l’appel d’offres. Dans son courriel, TPSGC a explicitement demandé à CCI de confirmer qu’elle acceptait que TPSGC prenne ces mesures pour répondre aux préoccupations soulevées dans son opposition. TPSGC a également exprimé sa position selon laquelle ce n’est qu’après que CCI ait obtenu les résultats de la réévaluation qu’elle saura si elle a un motif pour déposer une plainte auprès du Tribunal. À cet égard, TPSGC a reconnu qu’une plainte déposée par CCI à ce moment-là ne serait pas tardive si elle était déposée dans les 10 jours ouvrables suivant la communication des résultats de la réévaluation à CCI.

[18] Le 24 août 2021, CCI a répondu à TPSGC en confirmant qu’elle était d’accord avec les modalités de la réévaluation proposée et en notant qu’elle attendrait les résultats. Le 8 septembre 2021, CCI a écrit à TPSGC pour lui demander de confirmer précisément quelles exigences de la DP étaient réévaluées. TPSGC a répondu, le 9 septembre 2021, qu’il réévaluerait les exigences communes de l’appel d’offres, définies comme le CTO1, les exigences cotées CTC1 et CTC2, et le PPA de chaque soumission pour les quatre volets de travail.

[19] Par la suite, TPSGC a retenu les services d’une évaluatrice d’un cabinet externe d’experts-conseils pour réévaluer les soumissions (l’évaluatrice indépendante). Selon TPSGC, il a fait effectuer une réévaluation distincte des soumissions techniques pour chaque volet de travail par une seule évaluatrice indépendante afin de répondre aux préoccupations de CCI concernant l’incohérence dans l’évaluation des exigences communes de l’appel d’offres par différentes équipes d’évaluateurs lors de l’évaluation initiale. La réévaluation a eu lieu entre octobre 2021 et avril 2022.

[20] Contrairement aux équipes d’évaluation qui avaient initialement examiné la soumission de CCI, l’évaluatrice indépendante a conclu qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences du CTO1 pour aucun des quatre volets de travail. Le 22 avril 2022, TPSGC a envoyé à CCI une deuxième lettre de refus l’informant des résultats de la réévaluation et indiquant que, puisque sa soumission avait été jugée non conforme au CTO1, elle ne serait pas examinée davantage et était exclue pour chacun des volets de travail. Toutefois, compte tenu des préoccupations soulevées par CCI dans son opposition concernant la notation des exigences cotées communes au cours de l’évaluation initiale, TPSGC a expliqué que l’évaluatrice indépendante avait réévalué sa soumission technique comme si elle avait satisfait au CTO1.

[21] Ainsi, même si cela n’était plus nécessaire en raison de la conclusion selon laquelle la soumission de CCI n’était pas recevable, l’évaluatrice indépendante a néanmoins évalué la soumission de CCI par rapport aux exigences cotées communes afin de fournir des notes uniformes pour les quatre volets de travail. TPSGC a déclaré que cela visait à assurer la transparence de la notation des critères techniques cotés communs. De plus, pour aider CCI à répondre aux futurs appels d’offres, TPSGC lui a fourni ses notes, qui avaient été établies par l’évaluatrice indépendante, concernant le CTC1, le CTC2 et le PPA.

[22] Le 27 avril 2022, CCI a demandé à TPSGC de confirmer la portée du processus de réévaluation et de préciser s’il avait examiné les réponses de CCI aux REC. Le 29 avril 2022, TPSGC a répondu au courriel de CCI en indiquant que, pour répondre à ses préoccupations, une évaluatrice indépendante avait effectué la réévaluation des exigences communes, et a réitéré qu’il s’agissait du CTO1, du CTC1, du CTC2 et du PPA. TPSGC a également déclaré que l’évaluatrice indépendante avait examiné à la fois la soumission originale de CCI et les renseignements supplémentaires fournis en réponse aux REC. TPSGC a ajouté que l’évaluatrice indépendante a déterminé que les réponses de CCI aux REC ne corrigeaient pas les lacunes de sa soumission relativement au CTO1.

[23] Le 29 avril 2022, CCI a écrit à TPSGC pour lui demander de plus amples renseignements au sujet de la réévaluation et des commentaires de l’évaluatrice indépendante énoncés dans la lettre de refus datée du 22 avril 2022 et ses pièces jointes. CCI a indiqué qu’elle fournissait sa réponse aux commentaires de l’évaluatrice et a demandé des précisions sur certaines lacunes qui ont été relevées dans sa soumission. Par exemple, elle a demandé à TPSGC de fournir une justification sur les éléments précis de la soumission qui ont été jugés lacunaires. CCI a également déclaré que ses questions visaient à l’aider à comprendre ce que TPSGC recherchait et à être mieux préparée pour mieux répondre aux possibilités futures.

[24] Le 6 mai 2022, TPSGC a accusé réception du courriel de CCI et, dans un courriel de suivi daté du 17 mai 2022, a indiqué qu’une réponse de l’évaluatrice indépendante aux questions de CCI serait fournie.

[25] Le 31 mai 2022, CCI a écrit de nouveau à TPSGC au sujet de sa demande de renseignements, demandant à TPSGC de lui fournir une réponse au plus tard le 7 juin 2022.

[26] Le 13 juin 2022, TPSGC a fourni la réponse de l’évaluatrice indépendante aux questions soulevées dans la demande de renseignements de CCI, y compris des détails supplémentaires sur le type de renseignements qui ont été jugés manquants dans sa soumission pour démontrer la conformité au CTO1.

[27] CCI a déposé la présente plainte auprès du Tribunal le 20 juin 2022.

[28] Le Tribunal a accepté d’enquêter sur la plainte de CCI le 27 juin 2022.

[29] Le 19 juillet 2022, Colliers et Tiree ont demandé l’autorisation d’intervenir dans le cadre de la plainte. Après une correspondance avec CCI et TPSGC confirmant qu’ils ne s’opposaient pas à l’intervention de Colliers et Tiree, le Tribunal a accordé le statut de partie intervenante à la coentreprise constituée de Colliers et Tiree.

[30] TPSGC a déposé son rapport de l’institution fédérale (RIF) le 10 août 2022.

[31] Le 24 août 2022, Colliers et Tiree ont confirmé qu’ils ne présenteraient pas d’observations au sujet de la plainte concernant le marché public.

[32] CCI a déposé ses commentaires sur le RIF le 30 août 2022.

POSITIONS DES PARTIES

[33] CCI soutient que la réévaluation effectuée par TPSGC était injuste et incompatible avec les modalités de la DP. À l’appui de sa position, CCI mentionne que les résultats de ce processus contredisent la conclusion, à la fin de l’évaluation initiale, selon laquelle sa soumission satisfaisait au CTO1. À cet égard, elle remarque que les lacunes relevées par l’évaluatrice indépendante n’ont jamais été soulevées au cours du processus de REC. CCI s’appuie également sur son affirmation selon laquelle l’évaluatrice indépendante a examiné à tort des éléments de sa soumission qui n’étaient pas liés aux exigences communes de l’appel d’offres. Selon CCI, cela dépassait la portée de la réévaluation convenue par les parties, et, quoi qu’il en soit, TPSGC a commis une erreur en fondant la conclusion de non-conformité sur ces renseignements non pertinents.

[34] D’autres arguments invoqués par CCI comprennent des allégations selon lesquelles l’évaluatrice indépendante s’est incorrectement appuyée sur des renseignements remplacés dans son évaluation en omettant d’examiner adéquatement les documents fournis en réponse aux REC, a mal calculé la durée de l’expérience des ressources de CCI relativement à des projets qu’elle avait présentés en réponse au CTO1, et a conclu à tort que le travail décrit par CCI pour démontrer son expérience pertinente ne constituait pas des « projets » au sens de ce terme au CTO1 et dans la DP. Dans ses commentaires sur le RIF, CCI a également remis en question la compréhension de l’évaluatrice indépendante des différents volets de travail et sa connaissance de l’industrie, et a laissé entendre que, contrairement aux équipes d’évaluation initiales, cette évaluatrice n’avait pas les compétences nécessaires pour déterminer la conformité de sa soumission au CTO1.

[35] TPSGC soutient que la plainte de CCI concernant la réévaluation de sa soumission n’a pas été déposée dans les délais prescrits par le Règlement. Il soutient que CCI détenait tous les renseignements nécessaires pour présenter une opposition à TPSGC ou déposer une plainte auprès du Tribunal concernant le résultat de la réévaluation au plus tard le 22 avril 2022. TPSGC soutient que, au lieu d’agir dans les 10 jours ouvrables suivant cette date, comme l’exige l’article 6 du Règlement, CCI a choisi de présenter des demandes de renseignements afin d’améliorer son résultat dans le cadre de futurs appels d’offres, et non pour étayer une opposition éventuelle ou une plainte potentielle.[9] Quoi qu’il en soit, TPSGC soutient que la réévaluation de la soumission de CCI était raisonnable et ne devrait pas être modifiée. Il soutient que la réévaluation a été effectuée de façon équitable et conformément aux critères énoncés dans la DP. Par conséquent, TPSGC soutient qu’il n’a manqué à aucune obligation en vertu des accords commerciaux applicables.

ANALYSE

[36] Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit limiter son enquête à l’objet de la plainte. À la conclusion de l’enquête, le Tribunal doit se prononcer sur le bien‐fondé de la plainte, à savoir si les procédures et autres conditions prescrites eu égard au contrat spécifique ont été respectées.

[37] L’article 11 du Règlement précise que le Tribunal doit décider si la procédure du marché public a été suivie conformément aux exigences des accords commerciaux applicables, notamment en l’espèce l’Accord de libre-échange canadien (ALEC)[10].

[38] L’objet de la plainte sur laquelle le Tribunal a accepté d’enquêter se limite aux allégations d’erreurs dans le processus de réévaluation mené par TPSGC. Par conséquent, le Tribunal est d’accord avec TPSGC que les griefs de CCI concernant l’évaluation initiale ne sont plus pertinents.

[39] En effet, comme il a été mentionné ci-dessus, après que TPSGC ait examiné les motifs de plainte soulevés dans l’opposition initiale de CCI, il a décidé de répondre à ces griefs en procédant à une réévaluation de toutes les soumissions par rapport aux exigences communes de l’appel d’offres et en a informé CCI en conséquence. CCI a explicitement consenti à ce plan d’action et a convenu que la question de savoir s’il existe toujours un motif de plainte dépendrait des résultats de la réévaluation. Par conséquent, les allégations d’inconduite dans l’évaluation initiale et les allégations d’irrégularités dans les conclusions tirées à ce moment-là sont devenues théoriques, puisque, en ce qui concerne ces précédents motifs de plainte, la CCI a déjà obtenu une réparation sous la forme de la réévaluation. L’évaluation initiale de TPSGC et la plainte antérieure de CCI à cet égard fournissent tout au plus un contexte utile pour comprendre les questions soulevées dans la présente plainte.

[40] Étant donné que les décisions initiales de TPSGC à l’égard de la soumission de CCI ont été remplacées par une nouvelle conclusion quant à la non-conformité de CCI au CTO1, le Tribunal limitera ses considérations aux allégations qui contestent le bien-fondé de ce résultat. Le Tribunal remarque également que, bien que TPSGC ait suggéré dans son RIF que la plainte de CCI pourrait également inclure des allégations d’erreurs dans la réévaluation de ses soumissions relativement à d’autres critères, CCI a déclaré dans ses commentaires sur le RIF qu’elle « [...] peut accepter les notes des éléments communs dans la partie relative aux exigences cotées »[11] [traduction]. Par conséquent, il ne fait aucun doute que l’objet de la présente plainte est, en résumé, l’affirmation que, compte tenu des renseignements compris dans la soumission de CCI et fournis en réponse aux REC, l’évaluatrice indépendante a conclu à tort que cette soumission n’était pas conforme au CTO1.

[41] Essentiellement, la question dont est saisi le Tribunal est de savoir si TPSGC n’a pas correctement évalué la proposition de CCI par rapport à ce critère obligatoire et, ce faisant, a contrevenu aux dispositions pertinentes des accords commerciaux applicables. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal a déterminé que TPSGC n’avait commis aucune erreur susceptible de contrôle en rejetant la soumission de CCI au motif qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences du CTO1. Comme cette conclusion dispose de l’affaire, le Tribunal a jugé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner les arguments de TPSGC concernant la recevabilité de la plainte[12].

La réévaluation de la soumission de CCI était raisonnable et conforme à la DP

[42] Les dispositions pertinentes des accords commerciaux applicables régissant l’évaluation des soumissions par une entité contractante peuvent être résumées comme suit.

[43] L’ALEC prévoit qu’une entité contractante « [...] effectue son évaluation sur la base des conditions qu’elle a spécifiées à l’avance dans ses avis d’appel d’offres ou sa documentation relative à l’appel d’offres »[13] et « [p]our être considérée en vue d’une adjudication, une soumission [...] au moment de son ouverture, est conforme aux prescriptions essentielles énoncées dans les avis d’appel d’offres et dans la documentation relative à l’appel d’offres [...] »[14].

[44] Par ailleurs, l’article 515(5) de l’ALEC prévoit ce qui suit :

À moins qu’elle ne détermine qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’adjuger un marché, l’entité contractante adjuge le marché au fournisseur dont elle a déterminé qu’il est capable de satisfaire aux modalités du marché et qui, uniquement sur la base des critères d’évaluation spécifiés dans les avis d’appel d’offres et la documentation relative à l’appel d’offres, a présenté :

a) soit la soumission la plus avantageuse;

b) soit, si le prix est le seul critère, le prix le plus bas.

[45] Les autres accords commerciaux applicables contiennent des dispositions similaires[15].

[46] Dans ce type d’enquête, le Tribunal a pour mission de décider si l’évaluation est étayée par une explication raisonnable, et non de se mettre à la place des évaluateurs et de réévaluer la proposition non retenue. Ainsi, le Tribunal fait généralement preuve de beaucoup de déférence à l’égard des évaluateurs pour ce qui est de leur évaluation des propositions[16]. Le Tribunal a indiqué ce qui suit :

[...] il interviendra relativement à une évaluation uniquement dans les cas où elle serait réputée déraisonnable et qu’il ne substituera pas son jugement à celui des évaluateurs à moins que les évaluateurs ne se soient pas appliqués à évaluer la proposition d’un soumissionnaire, qu’ils aient donné une interprétation erronée de la portée d’une exigence, qu’ils n’aient pas tenu compte de renseignements cruciaux fournis dans une soumission, qu’ils aient fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou que l’évaluation n’ait pas été effectuée d’une manière équitable du point de vue de la procédure. En outre, le Tribunal a déjà indiqué que la décision d’une entité publique sera jugée raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal[17].

[Italiques dans l’original, notes omises]

[47] Le Tribunal a également conclu qu’il revient au soumissionnaire de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de sa proposition afin de s’assurer qu’elle n’est pas ambiguë, qu’elle est bien comprise par TPSGC, et qu’elle est conforme aux exigences de l’appel d’offres[18]. Afin d’évaluer la conformité aux critères d’évaluation obligatoires, le critère à appliquer est celui de la conformité stricte. Comme l’a déclaré la Cour d’appel fédérale, les acheteurs publics doivent évaluer de façon minutieuse et rigoureuse la conformité d’un soumissionnaire aux exigences obligatoires[19].

[48] Le Tribunal conclut que TPSGC avait le droit d’examiner la conformité de la soumission de CCI par rapport au CTO1 dans le cadre du processus de réévaluation et que les conclusions de l’évaluatrice indépendante à cet égard sont défendables à la lumière des critères publiés.

Le processus de réévaluation était conforme aux déclarations de TPSGC, à son droit et à l’entente entre les parties

[49] CCI prétend que rien ne justifie que TPSGC modifie la conclusion des évaluateurs initiaux selon laquelle sa soumission était conforme au CTO1, et laisse entendre que le fait de concentrer la réévaluation sur ce critère obligatoire était inapproprié. Elle soutient que TPSGC aurait plutôt dû concentrer la réévaluation sur la notation des soumissions par rapport aux exigences cotées communes, ce qui était la principale raison pour laquelle elle s’opposait à l’évaluation initiale.

[50] Toutefois, le Tribunal conclut que les deux parties ont convenu que toutes les soumissions seraient réévaluées afin d’évaluer leur conformité au CTO1. TPSGC a clairement indiqué que le CTO1 était inclus dans la portée de la réévaluation, c’est-à-dire que le CTO1 faisait partie de ce qu’il entendait par « exigences communes de l’appel d’offres » [traduction] lorsqu’il a informé CCI, le 23 août 2021, qu’« après un examen du dossier, TPSGC a décidé de réévaluer les exigences communes aux quatre volets de travail de l’appel d’offres »[20] [traduction]. La DP indiquait également clairement que le CTO1 était une exigence commune de l’appel d’offres, et, comme il a été mentionné ci-dessus, TPSGC l’a confirmé explicitement à CCI le 9 septembre 2021. CCI ne s’est pas opposée à l’inclusion du CTO1 dans le processus de réévaluation à ce moment-là. Maintenant que cette réévaluation est terminée, CCI ne peut pas prétendre à juste titre que TPSGC aurait dû limiter la réévaluation à un examen des soumissions par rapport aux critères cotés communs dans les quatre volets de travail.

[51] Étant donné que TPSGC a explicitement informé CCI que les soumissions seraient réévaluées par rapport au CTO1 avant la réévaluation, d’après les faits de l’espèce, il n’y avait manifestement aucune raison que CCI présume que la réévaluation serait limitée à un examen des soumissions par rapport aux critères pertinents aux questions soulevées dans sa plainte initiale. En fait, TPSGC a clairement indiqué que la portée de la réévaluation serait plus large.

[52] Quoi qu’il en soit, TPSGC avait le droit de réévaluer les soumissions pour vérifier leur conformité aux critères obligatoires qu’il jugeait nécessaires « après l’examen du dossier » [traduction]. Il n’était pas tenu de répondre uniquement aux préoccupations soulevées par CCI dans son opposition initiale aux résultats de l’évaluation[21]. Ce qui importe c’est que TPSGC a dûment réévalué les soumissions pour s’assurer qu’il a corrigé les erreurs qui auraient pu entacher l’évaluation initiale. De plus, la jurisprudence du Tribunal indique clairement que lorsqu’un acheteur public décide de réévaluer les soumissions, elle ne se limite pas uniquement au contenu dont l’examen a été demandé[22]. Par conséquent, il était justifié pour TPSGC de réévaluer les soumissions pour assurer leur conformité au CTO1 dans la mesure où il le jugeait nécessaire.

[53] CCI allègue également que TPSGC a dépassé injustement la portée de la réévaluation convenue par les parties en examinant les renseignements contenus dans sa soumission qui ne servaient pas à répondre aux exigences communes de l’appel d’offres. En particulier, CCI fait valoir que la conclusion de non-conformité au CTO1 était incorrectement fondée sur le contenu des CV des ressources proposées, par opposition aux renseignements précis contenus dans sa proposition concernant le CTO1. Cependant, le Tribunal conclut que l’approche de l’évaluatrice indépendante à l’égard de cette question indique plutôt que la soumission de CCI a été évaluée de façon minutieuse par rapport au CTO1, ce qui est précisément ce que les accords commerciaux exigent.

[54] Comme l’indique l’affidavit de l’évaluatrice indépendante[23], elle a commencé son examen par la section pertinente de la soumission, et ce n’est que lorsqu’il a été déterminé que les renseignements nécessaires pour établir la conformité ne se trouvaient pas dans cette section qu’elle a procédé à l’examen des CV des ressources pour obtenir de plus amples renseignements. Le Tribunal conclut que cette approche est raisonnable et, en fait, correcte, puisqu’il incombe aux entités contractantes de s’appliquer à évaluer la proposition d’un soumissionnaire et d’éviter d’ignorer les renseignements essentiels fournis dans une soumission. En examinant les CV pour déterminer s’ils contenaient des renseignements qui pourraient démontrer la conformité au CTO1, l’évaluatrice a entrepris d’examiner tous les renseignements potentiellement pertinents dans la soumission de CCI et de lui donner le bénéfice de tout ce qui aurait pu soutenir une conclusion de conformité.

[55] Ces éléments de preuve indiquent également que l’examen des CV par l’évaluatrice indépendante n’était pas déterminant en l’espèce, puisque le résultat de la réévaluation aurait été le même si elle n’en avait pas tenu compte. Ainsi, toute allégation selon laquelle l’examen des CV, qui a été effectué de façon appropriée pour tenter de trouver des renseignements dans la soumission de CCI qui permettent d’établir sa conformité au CTO1, signifie que la réévaluation n’a pas été effectuée de façon équitable sur le plan de la procédure doit être rejetée. Par conséquent, le Tribunal ne peut pas accepter l’argument de CCI selon lequel la considération des CV équivaut à une omission de la part de TPSGC de respecter la méthode d’évaluation qu’il avait établie lui-même dans la DP ou la portée de la réévaluation convenue par les parties.

Les différents résultats de l’évaluation initiale et de la réévaluation subséquente sont étayés par une explication raisonnable

[56] Contrairement aux observations de CCI, le Tribunal conclut que TPSGC n’était pas lié par les résultats de l’évaluation initiale. Si cela avait été le cas, il aurait été inutile d’effectuer une réévaluation. Le fait que, contrairement aux équipes chargées de l’évaluation initiale, l’évaluatrice indépendante a conclu que le contenu de la soumission de CCI ne démontrait pas sa conformité au CTO1 n’indique donc pas, en soi, qu’un acte répréhensible a été commis ou que le processus d’évaluation est déraisonnable[24]. Une fois que TPSGC a décidé, avec l’approbation de CCI, de réévaluer les soumissions par rapport au CTO1, il était possible que sa soumission (ou d’autres) soit déclarée non conforme au CTO1 après cet exercice. Autrement dit, CCI ne peut pas soutenir de façon valable que les conclusions de l’évaluation initiale concernant le CTO1 étaient déterminantes, et elle ne peut pas s’attendre légitimement à ce qu’elles soient nécessairement maintenues. Le but même de la réévaluation était d’effacer les conclusions antérieures concernant les exigences communes de l’appel d’offres et, notamment, de réévaluer la conformité des soumissions au CTO1.

[57] De même, le fait que CCI ait « répondu avec succès aux REC à ce sujet [CTO1] »[25] [traduction] dans le cadre de la phase initiale de l’évaluation n’est pas déterminant. Compte tenu des modalités de la DP, cela ne peut pas être interprété comme indiquant de façon convaincante que la soumission de CCI était conforme au CTO1.

[58] Même si le PCSP était en place pour l’évaluation des propositions, TPSGC n’était pas tenu de produire des REC avant la dernière phase de l’évaluation pour indiquer toutes les erreurs d’une soumission et donner aux soumissionnaires la possibilité de corriger ces erreurs à l’aide de renseignements supplémentaires. La partie 4 de la DP, qui décrit la procédure d’évaluation et la méthode de sélection, indique clairement que, dans le cadre de l’examen des soumissions prévu aux phases I et II du PCSP (soit les phases initiales antérieures à l’évaluation finale), « le Canada n’assume, en vertu de cet examen, aucune obligation ni de responsabilité envers les soumissionnaires de relever les erreurs ou omissions dans les soumissions ou dans les réponses d’un soumissionnaire à une communication du Canada ni ne s’engage à indiquer ces erreurs ou omissions »[26].

[59] De plus, il est indiqué en majuscules que « [...] les examens lors des phases I et II du présent processus ne sont que préliminaires et n’empêchent pas qu’une soumission soit néanmoins jugée non recevable à la phase III, et ce, même pour les exigences obligatoires » et que « [...] même si la soumission avait été jugée recevable à une phase antérieure, le Canada peut déterminer à sa discrétion qu’une soumission ne répond pas à une exigence obligatoire à n’importe quelle de ces phases »[27].

[60] Pour cette raison, les observations de CCI selon lesquelles TPSGC aurait dû soulever les lacunes de sa soumission qui ont été relevées par l’évaluatrice indépendante plus tôt au cours du processus de REC pour lui donner la possibilité de les corriger ne sont pas convaincantes. Compte tenu des dispositions pertinentes de la DP, ce fait ne constitue pas une lacune dans le processus d’évaluation. Au contraire, il est évident que l’absence de REC pour combler les lacunes relevées par l’évaluatrice indépendante à l’égard du CTO1 à la phase initiale du PCSP et la conclusion préliminaire selon laquelle la soumission de CCI était recevable par rapport au CTO1 à cette étape antérieure n’empêchaient pas TPSGC de tirer une autre conclusion à la phase finale du PCSP (phase III).

[61] De plus, il ne fait aucun doute que les services de l’évaluatrice indépendante ont été retenus pour effectuer une réévaluation finale et définitive de certains aspects des soumissions, c’est-à-dire pour refaire l’évaluation finale des soumissions par rapport aux critères indiqués, c’est-à-dire effectuer une nouvelle évaluation de la phase III conformément à la section 4.1.1.4 de la DP[28]. Dans le cadre du processus de réévaluation, il était donc loisible à l’évaluatrice indépendante de conclure que la soumission de CCI n’était pas conforme au CTO1 à cette étape. Le fait que la soumission de CCI ait auparavant été jugée recevable après la phase II du PCSP en raison de ses réponses aux REC signifiait simplement que sa soumission serait évaluée à la phase III, ce qui a été le cas.

[62] Le résultat de l’examen de l’évaluatrice indépendante différait des évaluations réalisées par les équipes précédentes qui ont évalué la soumission de CCI à la phase III. Toutefois, cela ne signifie pas que l’évaluatrice indépendante a mal interprété ou mal appliqué les exigences du CTO1 ou que la conclusion révisée n’est pas acceptable. En fait, la preuve indique que la réévaluation a été effectuée conformément aux dispositions pertinentes de la DP et que rien ne justifie l’intervention du Tribunal.

[63] Le CTO1, comme modifié, et les directives pertinentes aux fins de son interprétation fournies aux soumissionnaires dans la DP se lisent comme suit :

CTO1 : Le soumissionnaire doit soumettre des renseignements sur trois (3) projets en biens immobiliers qu’il a travaillé dessus au cours des quinze (15) dernières années avant la date de clôture de la demande de soumissions. La durée minimale de travail sur chaque projet doit être de deux (2) ans continus ou plus. La durée minimale des travaux pour chaque projet doit inclure des travaux dans toutes les phases de projet identifiées dans l’Annexe A sous SR 2, SR 3, SR 4 et SR 5. Les coentreprises doivent également se limiter au maximum de projets. Seuls les trois (3) premiers projets en biens immobiliers énumérés en séquence seront pris en compte.

Interprétation des exigences par l’équipe d’évaluation

1. Les énoncés et les exigences du présent article s’appliquent à l’information fournie par le soumissionnaire pour chacun de ses employés proposés (c.-à-d. la (les) ressource(s)).

2. Afin de démontrer l’expérience définie à la pièce jointe 1 de la partie 4 « Expérience » du personnel, le soumissionnaire doit fournir des détails complets précisant où, quand (mois et année) et comment (au moyen de quelles activités et responsabilités) les compétences et l’expérience mentionnées ont été acquises. Il est indiqué au soumissionnaire que le simple fait d’énumérer des titres de postes ou d’affectations sans fournir de données à l’appui pour décrire les responsabilités, les tâches et leur pertinence selon les exigences ne sera pas considéré comme suffisant pour « démontrer » l’expérience aux fins de la présente évaluation.

3. Il est indiqué au soumissionnaire que le ou les mois d’expérience valide indiqués pour un projet dont l’échéancier chevauche celui d’un autre projet mentionné ne seront comptés qu’une seule fois. Par exemple, la durée du projet 1 est de juillet 2001 à décembre 2001 et celle du projet 2 est d’octobre 2001 à janvier 2002. Dans ce contexte, le nombre total de mois d’expérience pour ces deux projets est de sept (7). [...]

[64] Le CTO1 exigeait clairement que les soumissionnaires fournissent des renseignements sur trois projets pour démontrer leur expérience pertinente. Pour chaque projet soumis, le CTO1 prévoyait que la « durée minimale de travail » doit être « deux (2) ans continus ou plus ». La DP précisait également que, aux fins du calcul de cette durée minimale de travail, « le ou les mois d’expérience valide indiqués pour un projet dont l’échéancier chevauche celui d’un autre projet mentionné ne seront comptés qu’une seule fois ».

[65] Comme l’a correctement noté l’évaluatrice indépendante dans son affidavit, et comme l’a soutenu TPSGC dans le RIF[29], peu importe la façon dont les renseignements fournis par CCI dans sa soumission sont évalués et, même compte tenu de sa réponse aux REC concernant le CTO1, seulement deux des trois projets qu’elle a soumis répondaient à l’exigence relative à la durée minimale du travail. Cela est dû au chevauchement dans l’échéancier des projets soumis comprenant la prestation de services par les mêmes ressources.

[66] La DP indiquait clairement que les évaluateurs ne pouvaient compter la période de chevauchement des projets décrits dans une soumission qu’une seule fois, c’est-à-dire comme de l’expérience acquise dans le cadre de l’un de ces projets. En d’autres termes, le CTO1 exigeait que les soumissionnaires démontrent une expérience de projets de 24 mois, sans chevauchement, pour chacun des trois projets soumis, et malgré les allégations de CCI selon lesquelles l’évaluatrice indépendante a mal calculé la durée de son expérience pour le projet décrit dans sa soumission, le Tribunal ne voit aucune erreur susceptible de révision dans l’évaluation effectuée à cet égard.

[67] De plus, l’allégation selon laquelle l’évaluatrice indépendante a erronément examiné les renseignements remplacés lors de la réévaluation en omettant de tenir compte de façon appropriée des réponses aux REC, qui ont mis à jour sa soumission relativement au CTO1, n’est pas étayée par la preuve. En fait, l’affidavit de l’évaluatrice indépendante que TPSGC a déposé auprès du Tribunal confirme que tous les renseignements fournis par CCI pour démontrer la conformité au CTO1 ont été pris en compte.

[68] Ces éléments de preuve démontrent que l’évaluatrice indépendante a commencé par examiner la proposition initiale de CCI, puis qu’elle a examiné les REC et les réponses à ceux-ci, en ajustant l’évaluation en fonction des renseignements supplémentaires qu’ils contiennent. Encore une fois, le Tribunal est convaincu que cela montre que l’évaluatrice indépendante s’est appliquée à évaluer la soumission de CCI et a cherché à donner à CCI le bénéfice de tout renseignement qui pourrait établir qu’elle satisfaisait au CTO1.

[69] Malheureusement pour CCI, même en tenant compte des renseignements qu’elle a fournis en réponse aux REC, dans lesquelles CCI a présenté un nouveau projet pour remplacer son précédent troisième projet de référence, ce projet de remplacement n’a pas corrigé le problème de chevauchement dans l’échéancier expliqué ci-dessus entre celui-ci et le deuxième projet de référence de CCI, limitant les mois d’expérience qui pourraient être pris en compte de façon valable pour ce nouveau projet aux fins du CTO1. Par conséquent, à la lumière de la méthode d’évaluation énoncée dans la DP, le nouveau troisième projet de référence n’a duré que 21 mois, alors qu’une durée minimale de 24 mois était requise pour chaque projet[30].

[70] Pour ce seul motif, la conclusion de l’évaluatrice selon laquelle la soumission de CCI n’était pas conforme au CTO1 est raisonnable. En fait, compte tenu des explications fournies par l’évaluatrice indépendante, il semble que ce sont les équipes chargées de l’évaluation initiale qui ont mal interprété le CTO1 et mal évalué la soumission de CCI par rapport à cette exigence. Quoi qu’il en soit, ce qui importe c’est que la conclusion de l’évaluatrice indépendante selon laquelle la soumission de CCI ne démontrait pas la durée minimale requise d’expérience pertinente relative à trois projets, comme l’exige le CTO1, est étayée par une explication défendable et, en fait, convaincante.

[71] Cela est suffisant pour permettre au Tribunal de conclure qu’il n’y a aucune raison de modifier la conclusion de TPSGC de déclarer la soumission de CCI non recevable pour défaut de démontrer sa conformité au CTO1. Étant donné que, conformément à la section 4.1.1.4 de la DP, une soumission qui ne satisfaisait pas à tous les critères d’évaluation obligatoires de l’appel d’offres ne serait pas examinée de façon plus approfondie, CCI ne peut pas se fier aux notes révisées de l’évaluatrice indépendante, qui n’ont été fournies que pour assurer l’exhaustivité de la réévaluation, afin d’alléguer qu’elle a droit à un contrat pour l’un ou l’autre des volets de travail.

Autres questions

[72] CCI a également formulé des allégations au sujet d’autres incohérences perçues dans les résultats de la réévaluation. Elle a soutenu que TPSGC avait conclu à tort que le travail décrit par CCI pour démontrer son expérience pertinente ne constituait pas des « projets » au sens du CTO1 et a contesté la conclusion de l’évaluatrice indépendante selon laquelle sa soumission ne fournissait pas suffisamment de détails pour démontrer sa conformité à ce critère obligatoire. À cet égard, elle a remarqué qu’il y avait une restriction quant au nombre de pages dans la DP, qui limitait la quantité de renseignements pouvant être fournis. CCI a également laissé entendre que les commentaires de l’évaluatrice indépendante indiquent que les renseignements qu’elle a fournis pour démontrer sa conformité au CTO1 ont été mal interprétés ou mal compris.

[73] Le Tribunal conclut que, même si l’évaluation de la soumission de CCI à cet égard était stricte, elle est conforme aux modalités de la DP, et, par conséquent, le Tribunal ne voit aucune raison d’intervenir dans l’évaluation de l’évaluatrice indépendante. La DP indiquait clairement que les soumissionnaires devaient « fournir des détails complets précisant où, quand (mois et année) et comment (au moyen de quelles activités et responsabilités) les compétences et l’expérience mentionnées ont été acquises » et « énumérer des titres de postes ou d’affectations sans fournir de données à l’appui pour décrire les responsabilités, les tâches et leur pertinence selon les exigences ne sera pas considéré comme suffisant pour “démontrer” l’expérience aux fins de la présente évaluation »[31].

[74] L’interprétation de l’évaluatrice indépendante du CTO1 comme imposant un seuil élevé en ce qui a trait au niveau de détail requis au sujet des projets pertinents soumis par le soumissionnaire et des rôles et responsabilités de ses ressources proposées pour démontrer la conformité au CTO1 est conforme à ces instructions et, par conséquent, raisonnable. De plus, le Tribunal conclut qu’en appliquant cette interprétation stricte, mais autorisée du CTO1, la conclusion de l’évaluatrice indépendante selon laquelle les renseignements et les documents fournis par CCI n’étaient pas suffisamment détaillés pour démontrer la conformité au CTO1 est défendable[32]. Le Tribunal est d’avis que les explications détaillées qui ont été fournies à CCI dans la correspondance de TPSGC depuis la communication des résultats de la réévaluation et au Tribunal dans l’affidavit de l’évaluatrice indépendante à l’appui de cette conclusion sont très défendables.

[75] Enfin, CCI a soulevé des préoccupations concernant les compétences de l’évaluatrice indépendante, suggérant que cette experte-conseil n’avait aucune expérience en gestion de projets immobiliers et ne serait pas nécessairement qualifiée pour évaluer la conformité des soumissions au CTO1. Le Tribunal remarque que la DP n’exigeait pas que les membres de l’équipe d’évaluation possèdent des compétences particulières ou une expérience donnée[33]. Dans des affaires antérieures, le Tribunal a déterminé qu’en l’absence de dispositions précises dans la DP concernant les compétences des évaluateurs, l’entité contractante ne pouvait être considérée comme ayant contrevenu aux accords commerciaux en ce qui concerne l’affectation d’évaluateurs[34]. Étant donné qu’aucune disposition de la DP n’obligeait TPSGC à sélectionner des évaluateurs qui avaient le type d’expérience professionnelle ou de connaissances de l’industrie que privilégiait CCI, le grief de cette dernière concernant les compétences de l’évaluatrice indépendante est sans fondement. De plus, comme en témoignent les renseignements sur les antécédents de l’évaluatrice contenus dans l’affidavit qui a été déposé auprès du Tribunal, l’évaluatrice indépendante possède sans aucun doute une expérience pertinente considérable dans la prestation de services d’évaluation dans le cadre de processus d’appel d’offres de cette nature. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il n’y a aucune raison crédible de remettre en question ses compétences pour effectuer la réévaluation en cause dans la présente enquête.

[76] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que la réévaluation a été effectuée de façon équitable sur le plan de la procédure et conformément aux modalités de la DP. Par conséquent, il n’y a aucune raison de recommander les mesures correctives demandées par CCI.

FRAIS

[77] CCI et TPSGC ont tous deux demandé leurs frais afférents à la plainte. Tiree et Colliers n’ont pas demandé le remboursement de leurs frais.

[78] Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC le remboursement des frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par CCI.

[79] Pour décider du montant des frais en l’espèce, le Tribunal a tenu compte de ses Lignes directrices sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (Lignes directrices), qui fondent l’évaluation du degré de complexité d’une affaire sur trois critères : la complexité du marché public, la complexité de la plainte et la complexité de la procédure.

[80] L’indication provisoire du degré de complexité de la présente plainte donnée par le Tribunal est le degré 1. Bien que la procédure du marché public ait été relativement complexe, qu’elle ait visé divers types de services de gestion immobilière et qu’elle ait nécessité une réévaluation approfondie des soumissions, les questions en litige dans le cadre de la présente enquête étaient simples et portaient sur l’interprétation et l’application d’un critère obligatoire. De plus, l’instance n’était pas trop complexe, puisqu’elle s’est déroulée au moyen d’observations écrites et que la partie intervenante a choisi de ne pas participer. Par conséquent, l’indication provisoire du Tribunal du montant total des frais que doit verser CCI se chiffre à 1 150 $.

DÉCISION

[81] Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

[82] Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC ses frais raisonnables qu’il a engagés pour répondre à la plainte, ces frais devant être payés par CCI. Conformément aux Lignes directrices, le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la présente plainte correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui a trait à la détermination provisoire du degré de complexité ou du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 des Lignes directrices. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.

 



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