Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier PR-2022-045

M.D. Charlton Co. Ltd.

c.

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Ordonnance rendue
le jeudi 1er décembre 2022

Motifs rendus
le vendredi 16 décembre 2022

 



EU ÉGARD À une plainte déposée par M.D. Charlton Co. Ltd. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET À LA SUITE D’une requête déposée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux le 28 octobre 2022, aux termes de l’article 24 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, demandant au Tribunal canadien du commerce extérieur de mettre fin à son enquête au motif que la plainte n’a pas été déposée dans les délais prescrits à l’article 6 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics.

ENTRE

M.D. CHARLTON CO. LTD.

Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

ORDONNANCE

La requête déposée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux est accueillie. Aux termes de l’alinéa 10(1)c) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, le Tribunal canadien du commerce extérieur met fin à son enquête sur la plainte au motif que celle-ci n’a pas été déposée dans les délais prescrits à l’article 6 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics. Chacune des parties assumera ses propres frais relativement à la présente affaire.

Peter Burn

Peter Burn
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.


 


ÉNONCÉ DES MOTIFS

CONTEXTE

[1] Cette enquête fait suite à une plainte déposée par M.D. Charlton Co. Ltd. (M.D. Charlton) les 29 septembre et 3 octobre 2022[1], aux termes de l’article 30.11 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (Loi sur le TCCE)[2].

[2] La plainte concerne un appel d’offres (WS3264674520) publié sur la base d’un fournisseur unique par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC), au nom de la Gendarmerie royale du Canada, pour la fourniture d’« Instant Armor-Tac III avec système de couverture (5 panneaux) avec ensemble de fixation pour étui rigide[3] ». Un contrat a été attribué à Rampart International Corp. (Rampart) le 22 décembre 2021[4].

[3] Dans sa plainte, M.D. Charlton a allégué qu’en procédant à un appel d’offres ciblé et non concurrentiel, TPSGC a incorrectement adjugé le contrat en violation de l’Accord de libre-échange canadien (ALEC). Essentiellement, M.D. Charlton a soutenu que l’adjudication d’un contrat à fournisseur unique n’était pas justifiée, car d’autres produits équivalents étaient disponibles auprès d’autres fournisseurs ayant des exigences et des spécifications compatibles.

[4] M.D. Charlton a ajouté que TPSGC n’avait jamais publié de préavis d’adjudication de contrat (PAC) et qu’il n’avait pas publié d’avis d’adjudication de contrat dans le délai prescrit par l’ALEC. Plus précisément, M.D. Charlton a affirmé qu’elle a vu l’avis d’adjudication de contrat pour la première fois lorsque le gouvernement du Canada a fait la transition à son nouveau service électronique officiel d’appel d’offres, AchatsCanada.canada.ca (AchatsCanada[5]), soit vers le 20 septembre 2022[6]. M.D. Charlton a en outre soutenu qu’un avis d’adjudication de contrat n’a jamais été publié sur le service électronique d’appel d’offres précédent du gouvernement du Canada, Achatsetventes.gc.ca (Achatsetventes[7]). À l’appui de son allégation, M.D. Charlton s’est principalement appuyée sur une correspondance datée du 22 septembre 2022 de l’autorité contractante de TPSGC, qui indiquait qu’aucun avis d’adjudication de contrat n’a été affiché sur Achatsetventes à la suite des effets persistants d’une « erreur généralisée du système » [traduction] pendant la transition vers AchatsCanada[8].

[5] Le 12 octobre 2022, le Tribunal canadien du commerce extérieur a informé les parties qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE et du paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics (Règlement)[9], car il était convaincu, au moment du dépôt de la plainte, que toutes les conditions nécessaires pour que le Tribunal entreprenne une enquête étaient remplies[10].

[6] Par suite de la décision du Tribunal d’enquêter sur la plainte de M.D. Charlton, TPSGC a déposé une requête[11] demandant au Tribunal de mettre fin à son enquête au motif que la plainte n’a pas été déposée dans les délais prévus à l’article 6 du Règlement. TPSGC a fait valoir, essentiellement, que contrairement à l’allégation de M.D. Charlton, un avis d’adjudication de contrat a été publié et rendu accessible au public sur Achatsetventes le 29 décembre 2021. Par conséquent, TPSGC a soutenu que les faits à l’origine de la plainte de M.D. Charlton auraient dû raisonnablement être connus à cette date.

[7] Rampart a obtenu l’autorisation d’intervenir en l’espèce et a présenté des observations à l’appui de la requête de TPSGC[12]. De son côté, M.D. Charlton s’est opposée à la requête de TPSGC[13]. TPSGC a également déposé une réponse aux observations de M.D. Charlton[14].

[8] Pour les motifs qui suivent, et après avoir examiné attentivement les observations des parties ainsi que les éléments de preuve au dossier, le Tribunal a décidé de faire droit à la requête de TPSGC et de mettre fin à son enquête sur la présente plainte.

POSITION DES PARTIES

TPSGC

[9] TPSGC a présenté la présente requête au motif que la plainte n’a pas été déposée dans les délais prescrits par l’article 6 du Règlement. Pour appuyer et étayer ses allégations, TPSGC s’en est remis aux déclarations sous serment de trois personnes employées par TPSGC[15].

[10] Plus précisément, TPSGC a soutenu qu’un avis de contrat concernant cet appel d’offres a été publié pour la première fois le 29 décembre 2021 sur Achatsetventes et que cet avis est demeuré accessible au public jusqu’au 19 septembre 2022. TPSGC a ajouté que, pendant une « période bêta » [traduction] transitoire entre le 8 août 2022 et le 18 septembre 2022, les avis qui étaient présents sur Achatsetventes étaient également accessibles au public sur AchatsCanada, puisque les deux sites Web travaillaient en parallèle pendant la transition vers AchatsCanada. L’avis d’adjudication de contrat en question d’Achatsetventes a été reproduit et transféré sous la forme d’une modification à AchatsCanada le 27 juillet 2022.

[11] De plus, TPSGC a soutenu que la transition d’Achatsetventes vers AchatsCanada s’est terminée le 19 septembre 2022, date à laquelle AchatsCanada est devenu le service électronique officiel d’appel d’offres du gouvernement du Canada. À cette date, les avis qui avaient été publiés précédemment sur Achatsetventes n’étaient plus accessibles au public sur ce site Web. L’avis d’adjudication de contrat reste, à ce jour, accessible au public sur AchatsCanada.

[12] En se fondant sur les déclarations déposées à l’appui de sa requête, TPSGC a soutenu que M.D. Charlton aurait raisonnablement dû connaître les faits à l’origine de sa plainte le jour où l’avis d’adjudication de contrat a été affiché pour la première fois sur Achatsetventes, soit le 29 décembre 2021. TPSGC a également soutenu, entre autres, qu’un délai de neuf mois pour chercher un avis d’adjudication et déposer une plainte auprès du Tribunal n’est tout simplement pas vigilant et entraverait, par conséquent, la procédure des marchés publics qui est censée être rapide et axée sur l’atteinte de la finalité de l’adjudication des contrats en matière de marchés publics.

Rampart

[13] Rampart a fait valoir que le fait que M.D. Charlton n’ait pas consulté le site Web officiel d’appels d’offres du gouvernement pendant plus de huit mois ne peut être considéré comme une preuve de diligence raisonnable dans le contexte du mécanisme de révision des marchés publics du Tribunal.

[14] Rampart a notamment soutenu qu’en l’absence de preuve contraire, les soumissionnaires devraient être réputés avoir obtenu une copie de l’avis d’adjudication de contrat à la date de sa publication sur le service électronique officiel d’appel d’offres du gouvernement du Canada[16]. Rampart a ajouté que, bien qu’on s’attende à ce que les fournisseurs potentiels soient vigilants et qu’ils réagissent dès qu’ils découvrent ou auraient vraisemblablement dû découvrir un vice possible de procédure, la plainte ne contient aucun élément de preuve ni aucun renseignement démontrant que M.D. Charlton a pris des mesures pour se tenir au courant des avis d’adjudication de contrat sur le site Web officiel d’appels d’offres du gouvernement.

[15] Enfin, Rampart a souligné que l’allégation de M.D. Charlton selon laquelle aucun avis d’adjudication de contrat n’a jamais été publié sur Achatsetventes est « incorrecte et nettement trompeuse[17] » [traduction].

M.D. Charlton

[16] M.D. Charlton s’est opposée à la requête de TPSGC et a soutenu qu’elle n’était pas fondée.

[17] Parmi les arguments soulevés en opposition à la requête de TPSGC, M.D. Charlton a soutenu que la date à laquelle AchatsCanada a été lancé est celle à laquelle elle aurait vraisemblablement dû découvrir l’avis d’adjudication de contrat. M.D. Charlton maintient sa position selon laquelle aucun avis d’adjudication de contrat n’a été publié avant cette date, étant donné la reconnaissance de ce fait par TPSGC au début du processus de plainte. M.D. Charlton a souligné qu’elle s’attend légitimement à ce que l’information fournie par TPSGC soit fiable.

[18] M.D. Charlton a en outre soutenu que, sans être en mesure d’« actuellement » [traduction] voir l’avis d’adjudication de contrat publié sur Achatsetventes, il serait impossible de suggérer que l’avis a en effet été publié. M.D. Charlton a souligné, notamment, qu’une recherche en ligne utilisant le moteur de recherche Google révèle que l’avis d’adjudication de contrat lié à cet appel d’offres n’a jamais été publié sur Achatsetventes[18].

[19] Enfin, les observations de M.D. Charlton comprenaient des commentaires sur les observations et les éléments de preuve déposés par TPSGC et Rampart.

ANALYSE

[20] Aux termes de l’article 6 du Règlement, le fournisseur potentiel doit présenter une opposition à l’institution fédérale responsable du marché ou déposer une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte[19]. En d’autres termes, le délai prescrit commence à la date à laquelle un fournisseur potentiel ou un plaignant a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de sa plainte.

[21] Il est bien établi que, dans les affaires de marchés publics, le temps représente une condition essentielle et les fournisseurs potentiels doivent être vigilants et réagir dès qu’ils découvrent ou auraient vraisemblablement dû découvrir un vice de procédure. À cet égard, la Cour d’appel fédérale, dans IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd.[20], a souligné l’importance fonctionnelle des délais de prescription inhérents au régime des marchés comme suit :

[18] Dans les affaires de marchés publics, le temps représente une condition essentielle. Les délais pour le dépôt d’une plainte sont régis par l’article 6 du Règlement. Le paragraphe 6(1) exige que le fournisseur potentiel dépose sa plainte « dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte » (non souligné dans l’original). Le paragraphe 6(2) prévoit la présentation d’oppositions formelles à l’autorité contractante dans les dix jours ouvrables suivant la date où le fournisseur potentiel a pris connaissance, directement ou par déduction, des faits à l’origine de l’opposition. Si une opposition est faite, le délai de dix jours ouvrables prescrit au paragraphe 6(1) est prolongé d’une autre période de dix jours ouvrables à partir de la date à laquelle une réponse écrite est donnée à l’opposition.

[…]

[20] Par ailleurs, des plaintes peuvent être déposées « concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique » (paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R. (1985), ch. 47 (4e suppl.)). Les fournisseurs potentiels ne doivent donc pas attendre l’attribution d’un contrat avant de déposer toute plainte qu’ils pourraient avoir concernant la procédure. On s’attend à ce qu’ils soient vigilants et qu’ils réagissent dès qu’ils découvrent ou auraient vraisemblablement dû découvrir un vice de procédure. Toute la procédure de passation des marchés publics, telle que l’illustre la méthode des questions et réponses - laquelle fait en sorte que les fournisseurs potentiels soient sur un pied d’égalité en tout temps quant aux conditions qu’ils ont à respecter -, se veut aussi transparente que rapide. Elle vise à s’assurer du caractère définitif des contrats dans les meilleurs délais possibles (sic).

[Soulignement dans l’original]

[22] En l’espèce, l’allégation selon laquelle l’adjudication d’un contrat à fournisseur unique ou l’appel d’offres limité n’était pas justifié constitue les faits à l’origine de la plainte de M.D. Charlton. Le Tribunal est d’avis que le jour déclenchant l’application du délai légal de dix jours ouvrables pour le dépôt d’une opposition ou d’une plainte en temps opportun en l’espèce serait le jour où M.D. Charlton savait ou aurait vraisemblablement dû savoir qu’un contrat avait été adjugé à Rampart. Étant donné l’absence d’un PAC, c’est seulement à ce stade que M.D. Charlton aurait pu savoir ou aurait vraisemblablement dû savoir que TPSGC a utilisé de façon incorrecte ou inéquitable, comme il a été allégué, des procédures d’appel d’offres limité.

[23] Les accords commerciaux internationaux imposent aux acheteurs publics l’obligation de publier les renseignements relatifs à l’adjudication des contrats par voie d’avis sur un support désigné[21]. À cet égard, et pour des raisons de transparence, le paragraphe 516(2) de l’ALEC, un accord commercial applicable sur lequel M.D. Charlton s’est fondé, exige des acheteurs publics qu’elles fassent paraître sur leurs sites Web ou systèmes d’appel d’offres désignés un avis contenant les renseignements prescrits, au plus tard 72 jours après l’adjudication de chaque marché. Les renseignements prescrits comprennent notamment une description des produits ou services faisant l’objet du marché, le nom et l’adresse de l’entité contractante et du fournisseur retenu, la date de l’adjudication et, si un appel d’offres limité a été utilisé, les conditions et les circonstances qui ont justifié son utilisation. L’ALEC prescrit en outre que les renseignements demeurent facilement accessibles pendant une période raisonnable. Au Canada, ces avis sont publiés sur le service électronique officiel d’appel d’offres du gouvernement du Canada[22].

[24] Le Tribunal est d’accord avec Rampart et est d’avis que les soumissionnaires ou les soumissionnaires éventuels, en l’absence de preuve contraire et sous réserve des faits particuliers de chaque cas, seraient généralement considérés comme ayant obtenu une copie de l’avis d’adjudication de contrat et seraient donc informés de l’adjudication d’un contrat, à la date de publication de l’avis sur le service électronique officiel d’appel d’offres du gouvernement du Canada, ou dans un délai raisonnable par la suite. Il convient de noter, à cet égard, que M.D. Charlton a déclaré dans sa plainte que la publication d’un avis d’adjudication de contrat « permettrait à d’autres fournisseurs de contester la justification d’un appel d’offres limité […][23] » [traduction].

[25] La question principale soulevée par cette requête porte sur la détermination de la date à laquelle l’avis d’adjudication de contrat a réellement été publié sur le service électronique officiel d’appel d’offres du gouvernement du Canada. Les parties ont présenté des points de vue contradictoires à cet égard.

[26] Au départ, lorsque le Tribunal a décidé d’enquêter sur la plainte de M.D. Charlton, il l’a fait en se fondant sur les éléments de preuve versés au dossier. Les renseignements disponibles à l’époque laissaient entendre que la plainte avait été déposée dans les délais prescrits. Ces renseignements appuyaient à première vue l’affirmation de M.D. Charlton selon laquelle il est possible qu’un avis d’adjudication de contrat n’ait été publié sur AchatsCanada que le ou vers le 20 septembre 2022[24].

[27] TPSGC a depuis présenté, dans le cadre de sa requête, des éléments de preuve supplémentaires concernant le respect du délai de dépôt de la plainte au moyen de déclarations sous serment. À la lumière de ces éléments de preuve supplémentaires, le Tribunal conclut que TPSGC a, dans l’ensemble, démontré qu’un avis d’adjudication de contrat a en fait été publié le 29 décembre 2021 sur Achatsetventes, contrairement à ce qu’a affirmé M.D. Charlton. Par conséquent, le Tribunal conclut que la plainte de M.D. Charlton a été déposée en dehors des délais prescrits par le Règlement, étant donné que M.D. Charlton aurait vraisemblablement dû prendre connaissance des faits à l’origine de sa plainte dès le 29 décembre 2021[25].

[28] De l’avis du Tribunal, les déclarations sous serment déposées à l’appui de la présente requête ont fourni des éléments de preuve abondants et suffisants pour appuyer l’allégation de TPSGC selon laquelle un avis d’adjudication de contrat a été publié le 29 décembre 2021 sur Achatsetventes, qui est demeuré accessible au public jusqu’à ce qu’AchatsCanada devienne le service électronique officiel d’appel d’offres[26]. Les déclarations sous serment ont fourni des explications détaillées et fiables sur la façon dont le processus de migration d’Achatsetventes vers AchatsCanada a eu lieu au cours de la période pertinente[27] et ont été accompagnées d’éléments de preuve documentaires corroborants, qui comprenaient des renseignements sur l’enregistrement des données d’Achatsetventes[28] ainsi que de la correspondance interne contemporaine confirmant qu’un avis avait effectivement été publié sur Achatsetventes le 29 décembre 2021[29]. Dans l’ensemble, le Tribunal a accordé plus d’importance aux éléments de preuve non contestés présentés par déclaration sous serment que d’autres éléments de preuve au dossier, comme les renseignements générés par une recherche Google qui ont été déposés par M.D. Charlton[30]. Le Tribunal est donc convaincu qu’un avis d’adjudication de contrat a été publié sur le service électronique d’appel d’offres précédent du gouvernement du Canada, Achatsetventes, le 29 décembre 2021.

[29] Par conséquent, le Tribunal conclut que M.D. Charlton aurait vraisemblablement dû découvrir les faits à l’origine de sa plainte dès cette date. En d’autres termes, M.D. Charlton aurait vraisemblablement dû savoir qu’un contrat avait été adjugé à Rampart à la date de publication de l’avis d’adjudication de contrat sur Achatsetventes. M.D. Charlton n’a présenté aucun élément de preuve qui justifierait de s’écarter de ce raisonnement, et aucun élément de preuve ne démontrait que M.D. Charlton a été vigilante pendant la période pertinente. En effet, il n’y a aucune preuve claire de mesures prises par M.D. Charlton pour se tenir au courant des avis d’adjudication de contrat sur le service électronique d’appel d’offres du gouvernement du Canada entre la date de publication de l’avis d’adjudication de contrat sur Achatsetventes et la date à laquelle AchatsCanada est devenu le service électronique officiel d’appel d’offres.

[30] Par conséquent, le Tribunal conclut que la plainte de M.D. Charlton a été déposée en dehors des délais prescrits par le Règlement. Afin de respecter les délais prescrits, M.D. Charlton aurait été tenue de déposer une opposition auprès de l’institution fédérale ou une plainte auprès du Tribunal dans les 10 jours ouvrables suivant le 29 décembre 2021.

[31] Enfin, le Tribunal aimerait formuler quelques observations finales. Bien que le Tribunal n’ait aucune raison de douter de l’explication fournie par l’autorité contractante de TPSGC dans sa déclaration sous serment quant aux raisons pour lesquelles elle a fait une déclaration erronée à M.D. Charlton le 22 septembre 2022[31], le Tribunal rappelle à TPSGC que les acheteurs publics devraient s’assurer que les renseignements fournis aux fournisseurs potentiels sont exacts. On s’attendrait à ce que les acheteurs publics veillent à l’exactitude des renseignements avant qu’ils soient utilisés et communiqués aux fournisseurs ou soumissionnaires potentiels. Le Tribunal ne peut que constater que, si TPSGC avait fourni une réponse exacte au début, le déclenchement de la présente plainte aurait pu être évité.

[32] Aucune des parties n’a demandé à se faire accorder des frais liés à la plainte[32]. Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal conclut qu’il convient que chaque partie assume ses propres frais en l’espèce[33].

DÉCISION

[33] La requête déposée par TPSGC est accueillie.

[34] Aux termes de l’alinéa 10(1)c) du Règlement, le Tribunal met fin à son enquête sur la plainte au motif que celle-ci n’a pas été déposée dans les délais prescrits par l’article 6 du Règlement.

[35] Chacune des parties assumera ses propres frais relativement à la présente affaire.

Frédéric Seppey

Pour Peter Burn*
Membre présidant

*Le 30 janvier 2023, le mandat de M. Peter Burn a pris fin. La traduction des motifs du Tribunal, rendus en anglais dans le présent dossier le 16 décembre 2022, n’a été disponible qu’après la fin de son mandat. En l’espèce, et avec l’accord préalable de M. Burn, je soussigné, Frédéric Seppey, président du Tribunal, atteste que la traduction des motifs reflète adéquatement la version anglaise et que j’ai signé l’original de ce document pour M. Burn.



[1] Pièce PR-2022-045-01; pièce PR-2022-045-01.A.

[2] L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

[3] Pièce PR-2022-045-01 à la p. 14.

[4] Ibid.

[5] Voir AchatsCanada.canada.ca, en ligne : <https://achatscanada.canada.ca/fr>.

[6] Voir Achatsetventes.gc.ca, en ligne : <https://achatsetventes.gc.ca/>, indiquant qu’« AchatsCanada est la nouvelle source officielle des avis d’appel d’offres et d’adjudication pour le gouvernement du Canada. »

[7] Pièce PR-2022-045-01 à la p. 6.

[8] Ibid. à la p. 19.

[9] DORS/93-602.

[10] Pièce PR-2022-045-04; pièce PR-2022-045-05.

[11] Pièce PR-2022-045-13.

[12] Pièce PR-2022-045-15.

[13] Pièce PR-2022-045-17.

[14] Pièce PR-2022-045-18.

[15] Les éléments de preuve de TPSGC sont constitués des déclarations sous serment de Catherine Wong, agente des approvisionnements et autorité contractante responsable du contrat à l’époque (pièce PR-2022-045-13, aux p. 9‑10); Mohit Sharma, directeur intérimaire au sein de l’équipe Achatsetventes, Soutien en approvisionnement Canada (pièce PR-2022-045-13 aux p. 19-21) et Giuseppe D’Angelo, concepteur principal de services à l’époque et gestionnaire de la conception des services, supervisant la conception et le développement d’AchatsCanada, ainsi que la migration complète d’Achatsetventes vers AchatsCanada (pièce PR-2022-045-13 aux p. 24-26). TPSGC a déposé une déclaration sous serment supplémentaire de Giuseppe D’Angelo en réponse aux observations de M.D. Charlton (pièce PR‑2022-045-18 aux p. 5-6). Ces déclarations sous serment étaient accompagnées d’éléments de preuve documentaires, qui comprenaient notamment de la correspondance interne par courriel au sein de TPSGC, ainsi qu’une capture d’écran de l’information sur les registres de données d’Achatsetventes.

[16] Rampart s’est fondée sur la jurisprudence du Tribunal, qui prévoit le principe général selon lequel, lorsque les motifs de plainte concernent les conditions d’un appel d’offres ou des modifications, les soumissionnaires sont généralement réputés avoir obtenu des copies des appels d’offres ou des modifications à la date de leur publication pour faire valoir que le même principe devrait s’appliquer aux avis d’adjudication de contrat publiés sur le site Web officiel d’appels d’offres du gouvernement du Canada. Rampart a notamment invoqué CTS Defence Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (11 août 2021), PR-2020-102 (TCCE) aux par. 37-38.

[17] Pièce PR-2022-045-15 à la p. 1.

[18] M.D. Charlton a déposé, à l’appui de ses observations, divers extraits de recherches effectuées à l’aide du moteur de recherche Google; pièce PR-2022-045-17 à la p. 330.

[19] Paragraphes 6(1) et (2) du Règlement.

[20] 2002 CAF 284.

[21] Voir, par exemple, le paragraphe XVI(2) de l’Accord sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce, le paragraphe 10.16(2) de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine, le paragraphe 19.15(2) de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, le paragraphe 15.16(3) de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, le paragraphe 17.13(2) de l’Accord de libre-échange Canada-Honduras, le paragraphe Kbis-11(2) de l’Accord de libre-échange canadien, le paragraphe 1410(8) de l’Accord de libre-échange Canada-Pérou, le paragraphe 1410(8) de l’Accord de libre-échange Canada-Colombie, et le paragraphe 16.11(8) de l’Accord de libre-échange Canada-Panama. Ces accords commerciaux peuvent être consultés à partir du site Web du Tribunal, en ligne : <https://www.citt-tcce.gc.ca/fr/enquetes-sur-marches-publics/legislation-et-accords-commerciaux>.

[22] Il s’agissait auparavant d’Achatsetventes et il s’agit maintenant d’AchatsCanada.

[23] Pièce PR-2022-045-01 à la p. 8.

[24] M.D. Charlton a déposé, à l’appui de sa plainte, une correspondance datée du 22 septembre 2022 de l’autorité contractante de TPSGC à M.D. Charlton indiquant qu’une « erreur généralisée du système » [traduction] avait entraîné l’absence de publication de l’avis d’adjudication de contrat sur Achatsetventes. Voir la pièce PR-2022-045-01 à la p. 19.

[25] Le Tribunal a, par le passé, rejeté des plaintes dans des circonstances où, après avoir entrepris une enquête, il a obtenu des éléments de preuve supplémentaires indiquant que la plainte n’avait pas été déposée dans les délais. L’article 10 du Règlement prévoit également que « [l]e Tribunal peut ordonner le rejet d’une plainte pour l’un ou l’autre des motifs suivants […] c) la plainte n’est pas déposée dans les délais prévus par le présent règlement […]. » Voir, par exemple, Harris Corporation c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (23 août 2018), PR‑2018‑001 (TCCE) aux par. 84–86; Oracle Canada ULC c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (24 juillet 2014), PR‑2014-010 (TCCE) aux par. 15–18.

[26] Voir, par exemple, la pièce PR-2022-045-13 aux p. 9, 20.

[27] Voir, par exemple, la pièce PR-2022-045-13 aux p. 1920, 2425; pièce PR-2022-045-18 à la p. 5.

[28] Voir la pièce PR-2022-045-13 à la p. 23.

[29] Ibid. aux p. 1318.

[30] Comme l’a affirmé le Tribunal dans Rona Inc. c. Président de l’Agence des services frontaliers (18 octobre 2019), AP‑2018-053 (TCCE) au par. 111, « […] les résultats d’une recherche faite dans Google à eux seuls ne comprennent pas de renseignements obtenus d’une source ou d’une publication identifiable et vérifiable. L’information censément présentée par Google seulement peut provenir de la communauté d’utilisateurs, être variable ou intrinsèquement non fiable » (note de bas de page omise).

[31] Voir la pièce PR-2022-045-13 à la p. 10.

[32] Pièce PR-2022-045-01 à la p. 6; pièce PR-2022-045-13.

[33] Voir, par exemple, Exeter c. Procureur général du Canada, 2013 CAF 134 (CanLII).

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