Enquêtes sur les marchés publics

Informations sur la décision

Contenu de la décision



EU ÉGARD À une plainte déposée par Cistel Technology Inc. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

CISTEL TECHNOLOGY INC.

Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ

Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (Loi sur le TCCE), le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Cistel Technology Inc. une indemnité d’un montant de 1 150 $ pour les frais engagés pour la préparation et le dépôt de la plainte, indemnité qui doit être versée par le ministère de la Santé.

Le Tribunal ordonne au ministère de la Santé de prendre les dispositions nécessaires pour que le paiement soit effectué rapidement.

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.


 

Membre du Tribunal :

Cheryl Beckett, membre présidant

Personnel du Secrétariat du Tribunal :

Yannick Trudel, conseiller juridique
Esther Song-Ledlow, agente du greffe

Partie plaignante :

Cistel Technology Inc.

Institution fédérale :

Ministère de la Santé

Conseillers juridiques de l’institution fédérale :

Justin Roy
Don Karl Roberto
Julia Kalinina

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

APERÇU

[1] Le 17 août 2022, Cistel Technology Inc. (Cistel) a déposé une plainte concernant une demande de propositions (DP) (appel d’offres 1000228054) publiée par le ministère de la Santé pour la prestation de services de modélisateurs de données et de gestion de l’information, ainsi que d’architectes en gestion de l’information dans le cadre de l’arrangement en matière d’approvisionnement pour des services professionnels en informatique centrés sur les tâches[1]. Le présent marché vise la fourniture de services de deux types de professionnels : un modélisateur de données et de gestion de l’information et un architecte en gestion de l’information. Dans la DP, ils sont désignés par le terme « ressources ».

[2] Le ministère de la Santé a attribué le contrat à Cistel le 31 mars 2022. Toutefois, en juillet et en août 2022, avant l’exécution du contrat, le ministère de la Santé a informé Cistel qu’il avait décidé de résilier le contrat et de lancer un nouvel appel d’offres.

[3] Dans sa plainte, Cistel allègue que la décision du ministère de la Santé d’annuler la DP est inappropriée et injuste envers Cistel. Cistel soutient également qu’elle se retrouverait dans une position désavantageuse si un nouvel appel d’offres était lancé. Elle demande l’une ou l’autre des mesures correctives suivantes :

i) recommander au ministère de la Santé d’exécuter et de maintenir le contrat pour les 10 prochaines années;

ii) accorder à Cistel un paiement de 5 p. 100 de la valeur totale du contrat, comme il est prévu dans les modalités du contrat[2].

[4] Pour sa part, le ministère de la Santé soutient qu’une erreur a été commise au cours de la procédure du marché public, ce qui a rendu la procédure injuste. Il fait valoir qu’il est tenu de corriger toute erreur commise au cours de la procédure du marché public et que la résiliation est justifiée pour des raisons d’intérêt public et en raison de circonstances imprévues qui sont survenues. Essentiellement, le ministère de la Santé soutient que, bien que Cistel soit, à juste titre, déçue, elle n’a pas le droit d’obtenir le contrat, puisque la procédure sous-tendant l’attribution était viciée. Le ministère de la Santé demande que le Tribunal rejette la plainte. Il demande également au Tribunal de recommander la résiliation du contrat attribué, ainsi que l’annulation de l’appel d’offres et le lancement d’un nouvel appel d’offres[3].

[5] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

PROCÉDURE DU MARCHÉ PUBLIC ET CIRCONSTANCES ENTOURANT LA DÉCISION DE RÉSILIER LE CONTRAT ET DE LANCER UN NOUVEL APPEL D’OFFRES

[6] La DP en question a été publiée le 9 mars 2022 et a pris fin le 31 mars 2022[4]. Le ministère de la Santé a publié une modification le 24 mars 2022.

[7] La DP comprenait des instructions pour les soumissionnaires concernant la soumission de questions pendant la période d’appel d’offres[5]. Le ministère de la Santé indique dans le rapport de l’institution fédérale (RIF) qu’il a compilé les questions des soumissionnaires et qu’il y a toutes répondu dans deux courriels distincts datés du 24 mars 2022 et du 29 mars 2022 envoyés à tous les soumissionnaires présélectionnés.

[8] Les 16 et 17 mars 2022, Veritaaq Technology House Inc. faisant affaire sous le nom d’Experis (Experis) a soumis une demande et deux questions concernant certains critères d’évaluation technique et la procédure du marché public dans deux courriels distincts au ministère de la Santé[6].

[9] Le 23 mars 2022, Experis a fait un suivi relativement aux questions qu’elle avait posées les 16 et 17 mars 2022, et a demandé au ministère de la Santé de confirmer que les questions avaient été reçues par le ministère de la Santé et d’indiquer si une réponse serait fournie[7].

[10] Les 24 et 29 mars 2022, le ministère de la Santé a répondu aux questions des soumissionnaires, à l’exception d’une question posée par Experis le 16 mars 2022, concernant les critères d’évaluation technique de l’appel d’offres[8].

[11] Le 31 mars 2022, l’appel d’offres a pris fin. Le ministère de la Santé avait reçu deux soumissions conformes. L’une des soumissions provenait de Cistel et l’autre d’Experis[9]. Experis n’avait pas reçu de réponse à l’une de ses questions concernant certains critères d’évaluation technique avant la clôture de l’appel d’offres[10].

[12] Le 13 mai 2022, le ministère de la Santé a attribué le contrat à Cistel après que l’équipe d’évaluation eut déterminé que sa soumission avait obtenu la note la plus élevée[11].

[13] Le même jour, le ministère de la Santé a informé Experis par courriel que le contrat ne lui avait pas été attribué. Dans la lettre de refus envoyée à Experis, le ministère de la Santé a déclaré que, bien que la soumission d’Experis ait satisfait aux critères obligatoires de l’exigence, elle n’a pas obtenu la note la plus élevée selon la méthode d’évaluation décrite dans la DP[12]. La lettre de refus indiquait également le prix du contrat attribué à Cistel[13].

[14] Experis a demandé des renseignements supplémentaires sur l’évaluation.

[15] Le 16 mai 2022, Experis a soulevé des préoccupations auprès du ministère de la Santé concernant certains aspects du processus d’évaluation, y compris l’évaluation de certains critères de la DP. Selon le ministère de la Santé, ce n’est qu’au cours du processus de compte-rendu avec Experis (c.-à-d. après l’attribution du contrat à Cistel) qu’il a réalisé son erreur[14]. Plus précisément, le ministère de la Santé explique également dans son RIF qu’il a omis de répondre à une question qu’Experis avait posée au cours de la procédure du marché public. Il soutient en outre qu’il ne sait pas pourquoi il a négligé la question posée par Experis et qu’il s’agissait d’une « malencontreuse erreur » [traduction][15].

[16] Le 27 mai 2022, Experis a déposé une plainte auprès du Tribunal concernant le défaut du ministère de la Santé de répondre à sa question pendant la période d’appel d’offres[16].

[17] Le 30 mai 2022, le ministère de la Santé a répondu au courriel d’Experis du 16 mai 2022 afin d’informer Experis que le ministère de la Santé étudiait la question et préparait une réponse.

[18] Le 31 mai 2022, le Tribunal a déterminé que la plainte d’Experis était prématurée parce qu’Experis a déposé sa plainte avant d’avoir reçu un refus de réparation de la part du ministère de la Santé[17].

[19] Le 22 juin 2022, le ministère de la Santé a informé Experis qu’il avait décidé de lancer un nouvel appel d’offres et qu’une fois les documents relatifs au nouvel appel d’offres publiés, Experis serait invitée à présenter une nouvelle proposition, en bénéficiant d’une réponse à sa question.

[20] Au cours d’une série de communications entre le 16 juillet et le 16 août 2022, le ministère de la Santé a informé Cistel qu’il avait découvert qu’une erreur avait été commise au cours de la procédure du marché public, que, par conséquent, un nouvel appel d’offres pourrait être nécessaire et que, le cas échéant, le contrat attribué à Cistel devrait être résilié[18].

[21] Le 29 juillet 2022, le ministère de la Santé a informé Cistel que les travaux prévus dans le cadre du contrat attribué ne pouvaient pas commencer avant l’obtention des résultats d’une nouvelle DP et que le contrat attribué devait être résilié[19].

[22] Le 11 août 2022, le ministère de la Santé a confirmé à Cistel sa décision de résilier le contrat qui lui avait été attribué[20].

HISTORIQUE DE LA PROCÉDURE DEVANT LE TRIBUNAL

[23] Les 17 et 22 août 2022, Cistel a déposé la présente plainte auprès du Tribunal[21].

[24] Le 24 août 2022, le Tribunal a accepté d’enquêter sur la plainte[22] aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (Loi sur le TCCE)[23] et du paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics (Règlement)[24].

[25] Le 23 septembre 2022, le ministère de la Santé a déposé le RIF[25].

[26] Le 4 octobre 2022, Cistel a déposé ses commentaires sur le RIF[26].

[27] Le 7 octobre 2022, le ministère de la Santé a présenté des commentaires supplémentaires non sollicités en réponse aux commentaires de Cistel sur le RIF[27].

[28] Le 12 octobre 2022, le Tribunal a accepté les commentaires supplémentaires au dossier et a accordé à Cistel l’autorisation de répondre aux observations du ministère de la Santé datées du 7 octobre 2022[28].

[29] Le 17 octobre 2022, Cistel a soumis des commentaires supplémentaires sur les observations du ministère de la Santé[29].

[30] Le Tribunal n’a reçu aucune demande d’intervention dans le cadre de la présente procédure.

ACCORDS COMMERCIAUX APPLICABLES

[31] La DP prévoit que l’appel d’offres est assujetti aux dispositions de l’Accord sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce, de l’Accord de libre-échange Canada-Chili, de l’Accord de libre-échange Canada-Pérou, de l’Accord de libre-échange Canada-Colombie, de l’Accord de libre-échange Canada-Panama, de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne, de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, de l’Accord de libre-échange canadien (ALEC), de l’Accord de libre-échange Canada-Ukraine et de l’Accord de libre-échange Canada-Corée[30].

[32] Dans ses arguments, Cistel n’a pas mentionné d’article particulier d’un accord commercial que le ministère de la Santé aurait violé. Toutefois, le Tribunal considère que les dispositions suivantes de l’ALEC sont pertinentes en l’espèce :

Article 502 : Principes généraux

1. Chaque Partie accorde un accès ouvert, transparent et non discriminatoire aux marchés couverts de ses entités contractantes.

[...]

Article 503 : Règles générales concernant les marchés publics

[...]

2. Une entité contractante n’utilise pas d’options, n’annule pas de marché ni ne modifie un marché adjugé de manière à contourner les obligations prévues au présent chapitre.

[...]

Article 515 : Traitement des soumissions et adjudication des marchés

Traitement des soumissions

1. Une entité contractante reçoit, ouvre et traite toutes les soumissions selon des procédures qui garantissent l’équité et l’impartialité du processus de passation des marchés, ainsi que la confidentialité des soumissions.

[...]

5. À moins qu’elle ne détermine qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’adjuger un marché, l’entité contractante adjuge le marché au fournisseur dont elle a déterminé qu’il est capable de satisfaire aux modalités du marché et qui, uniquement sur la base des critères d’évaluation spécifiés dans les avis d’appel d’offres et la documentation relative à l’appel d’offres, a présenté :

a) soit la soumission la plus avantageuse;

b) soit, si le prix est le seul critère, le prix le plus bas.

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA DEMANDE DE PROPOSITIONS

[33] La section 2.3 de la DP décrit le processus de soumission des demandes de renseignements à l’autorité contractante comme suit :

2.3 DEMANDES DE RENSEIGNEMENTS PENDANT L’APPEL D’OFFRES

a. Toutes les demandes de renseignements doivent être présentées par écrit à l’autorité contractante au moins cinq (5) jours civils avant la date de clôture des soumissions. Pour ce qui est des demandes de renseignements reçues après ce délai, il est possible qu’on ne puisse pas y répondre.

[...]

[34] La DP incorpore également par référence le point 2003 (2020-05-28) du Guide des clauses et conditions uniformisées d’achat « Instructions uniformisées – biens ou services – besoins concurrentiels » (instructions uniformisées)[31].

[35] Le ministère de la Santé a fait référence dans son RIF à l’article 11 des instructions uniformisées, qui prévoit le droit d’annuler un appel d’offres[32] :

Le Canada se réserve le droit :

[...] d. d’annuler la demande de soumission à n’importe quel moment;

e. d’émettre de nouveau la demande de soumission; [...]

[Italiques dans l’original]

POSITIONS DES PARTIES

Cistel

[36] Cistel fait valoir qu’il serait injuste de mettre fin au contrat qu’elle a obtenu à la suite de la procédure du marché public en raison d’une erreur commise par le ministère de la Santé[33].

[37] Cistel fait en outre valoir que, parce que le prix de sa soumission est connu de l’autre soumissionnaire – à savoir Experis –, Cistel serait dans une position désavantageuse si un nouvel appel d’offres était lancé[34].

Ministère de la Santé

[38] Le ministère de la Santé fait valoir qu’il est tenu de corriger toute erreur commise au cours de la procédure du marché public[35]. Le ministère de la Santé soutient qu’en omettant de répondre à la question d’Experis, il a refusé à Experis la possibilité de répondre correctement à la DP[36].

[39] Le ministère de la Santé fait en outre valoir, en l’espèce, que la seule façon de corriger l’injustice créée à l’égard d’Experis est de résilier le contrat et de lancer un nouvel appel d’offres[37]. Le ministère de la Santé fait valoir que des circonstances imprévues justifient la résiliation, et que la résiliation du contrat attribué et le lancement d’un nouvel appel d’offres sont dans l’intérêt public.

[40] Selon le ministère de la Santé, la résiliation du contrat et le lancement d’un nouvel appel d’offres visent à assurer l’équité des soumissionnaires. Ce faisant, le ministère de la Santé cherche à corriger l’injustice causée à Experis dans l’appel d’offres initial. Le lancement d’un nouvel appel d’offres donnera à Experis la possibilité de répondre en ayant une pleine compréhension des exigences de la DP[38]. Le ministère de la Santé fait valoir que, dans les circonstances, l’annulation de l’appel d’offres est nécessaire pour protéger l’intégrité de la procédure du marché public.

[41] Le ministère de la Santé fait valoir que, parce qu’il n’a été mis au courant de l’erreur qu’après le processus d’évaluation des soumissions et l’attribution du contrat, il n’était pas possible de corriger l’erreur au moyen d’une réévaluation des soumissions[39]. Par conséquent, selon le ministère de la Santé, la correction de l’injustice exige l’annulation de l’appel d’offres et un nouveau processus.

[42] Enfin, le ministère de la Santé fait valoir que le lancement d’un nouvel appel d’offres n’aura aucun effet injuste sur Cistel. À cet égard, le ministère de la Santé propose également de modifier la pondération relative des notes techniques et financières afin d’atténuer l’effet de la divulgation du prix de la soumission de Cistel à Experis[40].

ANALYSE

[43] Lorsqu’il examine la plainte de Cistel, le Tribunal est tenu, en vertu du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, de décider si le ministère de la Santé a agi conformément aux procédures prescrites et aux exigences énoncées dans l’appel d’offres. Le Tribunal doit également déterminer, conformément à l’article 11 du Règlement, si la procédure du marché public a été suivie conformément aux exigences des accords commerciaux applicables, qui, en l’espèce, comprennent l’ALEC.

[44] La question dont est saisi le Tribunal dans la présente plainte est de savoir si la décision du ministère de la Santé de résilier le contrat attribué à Cistel pour lancer un nouvel appel d’offres, dans le but de corriger une erreur commise au cours de la procédure du marché public initial, constitue une violation des accords commerciaux.

[45] L’ALEC comprend des procédures de marchés publics concurrentiels ouvertes et équitables qui permettent une utilisation appropriée des ressources publiques dans l’intérêt public. Il prévoit également, au paragraphe 515(5), l’obligation pour l’organisme acheteur d’attribuer le contrat au fournisseur qui a présenté l’offre la plus avantageuse sur la base des critères d’évaluation prévus dans les documents relatifs à l’appel d’offres, à moins que l’organisme acheteur ne détermine qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’attribuer un contrat.

[46] Le Tribunal a reconnu qu’une clause de résiliation ne peut pas être invoquée de façon tout à fait arbitraire[41]. Par ailleurs, le Tribunal et la Cour d’appel fédérale ont clairement indiqué qu’il incombe aux institutions fédérales de prendre les mesures appropriées pour corriger les erreurs commises dans la procédure du marché public, conformément aux modalités de l’appel d’offres et d’une manière qui garantit l’intégrité du système concurrentiel de passation des marchés publics[42]. Toutefois, à cet égard, il convient également de reconnaître qu’il peut y avoir différentes façons de le faire, selon la situation. L’annulation d’un appel d’offres et le lancement d’un nouvel appel d’offres ne sont qu’une des approches possibles et ne devraient pas être effectués à la légère s’il y a d’autres options disponibles[43].

[47] Le Tribunal doit donc déterminer si la décision du ministère de la Santé d’annuler effectivement l’attribution du contrat à Cistel et de lancer un nouvel appel d’offres est conforme à ces principes, compte tenu des circonstances de l’espèce. En particulier, en l’espèce, le Tribunal doit déterminer si la décision du ministère de la Santé de résilier le contrat attribué à Cistel et de lancer un nouvel appel d’offres est raisonnable, compte tenu de l’erreur commise au cours de la procédure du marché public et de l’ensemble des circonstances[44].

[48] En l’espèce, le dossier indique que le ministère de la Santé n’a pas, apparemment par inadvertance, suivi systématiquement le processus de questions et réponses qu’il avait établi pour l’appel d’offres. Il s’agit de l’erreur commise dans la procédure du marché public qui a été découverte et admise par le ministère de la Santé après l’attribution du contrat.

[49] De plus, les parties ne contestent pas, et le Tribunal estime, au regard du dossier dont il est saisi, qu’en omettant de fournir une réponse à la question d’Experis, le ministère de la Santé a probablement influé sur la compréhension d’Experis des critères d’évaluation et a potentiellement influé sur le contenu et l’évaluation de sa soumission.

[50] Le Tribunal est d’accord avec le ministère de la Santé qu’en omettant de répondre à la question d’Experis, le ministère de la Santé a refusé à Experis la possibilité de participer à la procédure du marché public selon les mêmes modalités que les autres soumissionnaires. Bien qu’il ne soit pas possible de déterminer comment Experis aurait réellement répondu si elle avait reçu une réponse à sa question, le manquement à la procédure en cause aurait pu influer sur le contenu de sa soumission et le résultat final de l’évaluation. Par conséquent, l’erreur de procédure en cause a remis en question l’intégrité de la procédure du marché public. En effet, compte tenu des circonstances, il n’y a aucun moyen de savoir si Cistel aurait obtenu le contrat sans la violation commise par le ministère de la Santé. Bien que la situation ne soit pas imputable à Cistel, cette dernière n’a pas le droit d’obtenir un contrat dans le cadre d’une procédure de marché public injuste.

[51] Selon le Tribunal, le ministère de la Santé a correctement indiqué qu’il avait créé une situation injuste en omettant de répondre à la question d’Experis avant la date de clôture de l’appel d’offres. Une mesure corrective s’imposait donc. Étant donné que le ministère de la Santé a découvert son erreur après la réception et l’évaluation des soumissions, et après l’attribution du contrat, le Tribunal est également convaincu que la résiliation du contrat et le lancement d’un nouvel appel d’offres sont les seules mesures possibles.

[52] Un autre facteur important est l’effet que le lancement d’un nouvel appel d’offres aura sur la capacité de Cistel et d’Experis de livrer une concurrence équitable dans le cadre du nouvel appel d’offres. À cet égard, le ministère de la Santé a indiqué son intention de modifier la méthode de notation en modifiant la pondération relative des notes techniques et financières, et en apportant d’autres modifications à la DP, comme il est décrit aux paragraphes 58 à 66 du RIF public et confidentiel, afin de s’assurer que Cistel et les autres soumissionnaires potentiels sont en mesure de participer équitablement à une nouvelle procédure de marché public[45]. Dans ces circonstances, le Tribunal est convaincu que Cistel, Experis et les autres soumissionnaires potentiels ne subiront aucun préjudice dans le cadre du nouvel appel d’offres préparé comme décrit par le ministère de la Santé.

[53] En fin de compte, les éléments de preuve dont est saisi le Tribunal indiquent que le ministère de la Santé a agi dès qu’il a découvert son erreur et a pris conscience de l’injustice causée par cette erreur. Le ministère de la Santé a également confirmé que le nouvel appel d’offres modifierait certains critères pour s’assurer que Cistel ne serait pas désavantagé par la divulgation de son prix total pour la période du contrat. Par conséquent, le Tribunal est convaincu que, dans les circonstances actuelles, la résiliation est la meilleure façon de procéder pour préserver l’intégrité de la procédure du marché public concurrentiel. Par conséquent, le Tribunal convient que le ministère de la Santé devrait résilier le contrat subséquent attribué à Cistel et lancer un nouvel appel d’offres avec les modifications décrites dans le RIF.

FRAIS

[54] Bien qu’il ait conclu que la plainte n’est pas fondée, le Tribunal estime qu’il convient d’accorder les frais à Cistel. Pour en arriver à sa décision concernant les frais, le Tribunal a tenu compte des circonstances particulières de l’espèce. Premièrement, le Tribunal a considéré que le ministère de la Santé n’a pas tenté de fournir une quelconque raison pour expliquer pourquoi il n’a pas répondu à la question d’Experis, bien qu’Experis ait envoyé un courriel pour faire le suivi de sa question sans réponse[46]. S’il n’avait pas omis de répondre aux questions, le ministère de la Santé aurait évité la présente plainte.

[55] Deuxièmement, le Tribunal a examiné les propres observations du ministère de la Santé, selon lesquelles le Tribunal devrait accorder à Cistel un montant de 1 150 $ pour les frais afférents à la plainte[47]. La Cour d’appel fédérale a reconnu que des frais ne sont généralement pas accordés lorsqu’ils ne sont pas demandés parce que l’attribution de frais dans de telles circonstances, où la partie contre laquelle ils sont adjugés n’avait pas été avisée qu’elle pourrait être redevable de frais et n’avait pas la possibilité de répondre, peut constituer un manquement au devoir d’équité[48]. Toutefois, en l’espèce, le Tribunal conclut que ces considérations ne s’appliquent pas, puisque c’est le ministère de la Santé lui-même qui a proposé d’accorder les frais à Cistel[49].

[56] Par conséquent, en se fondant sur les considérations susmentionnées, le Tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire en tant que cour d’archives et décide d’accorder les frais à Cistel.

DÉCISION

[57] Aux termes du paragraphe 30.14(2) de Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée

[58] Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à Cistel Technology Inc. une indemnité d’un montant de 1 150 $ pour les frais engagés pour la préparation et le dépôt de la plainte, indemnité qui doit être versée par le ministère de la Santé. Le Tribunal ordonne au ministère de la Santé de prendre les dispositions nécessaires pour que le paiement soit effectué rapidement.

 



[9] Ibid. à la p. 5.

[10] Ibid. à la p. 6.

[14] Ibid. à la p. 6.

[15] Ibid. aux par. 21–26.

[19] Ibid. à la p. 102.

[36] Ibid. à la p. 10.

[38] Ibid. à la p. 11.

[39] Ibid. aux p. 9, 12.

[41] Agence Gravel Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (26 janvier 2017), PR‐2016-035 (TCCE) au par. 89; Lincoln Landscaping Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (16 septembre 2016), PR-2016-018 (TCCE) au par. 20.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.