Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier PR-2022-071

K. Morton

Décision prise
le mardi 28 février 2023

Décision rendue
le lundi 6 mars 2023

Motifs rendus
le mardi 21 mars 2023

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

PAR

K. MORTON

CONTRE

LE MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DU COMMERCE ET DU DÉVELOPPEMENT

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1] En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1] (Loi sur le TCCE), tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2] (Règlement), déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[2] La plainte déposée par K. Morton concerne une demande d’offres à commandes (DOC) (appel d’offres 23-222499) publiée par le ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement (MAECD) le 7 novembre 2022. L’appel d’offres portait sur la fourniture de services de révision.

[3] En l’espèce, il s’agit de savoir si le MAECD a agi conformément à ses obligations découlant des accords commerciaux en attribuant des points aux soumissionnaires ayant une expérience en traduction. K. Morton allègue notamment que les critères de l’appel d’offres exigeaient que les réviseurs soient également des traducteurs, ce qui empêchait de manière injuste les réviseurs compétents de soumissionner dans le cadre de l’appel d’offres[3].

[4] Le 28 février 2023, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte pour les motifs exposés ci-après.

CONTEXTE

[5] La DOC a été publiée le 7 novembre 2022. La date de clôture de l’appel d’offres était initialement fixée au 16 décembre 2022, puis elle a été reportée au 16 janvier 2023.

[6] Le 11 novembre 2022, K. Morton a envoyé un courriel au MAECD pour s’enquérir des critères de la DOC relatifs aux compétences en matière de traduction[4]. Plus précisément, K. Morton a fait savoir au MAECD qu’elle souhaitait soumissionner, mais qu’elle ne répondait pas aux deux critères exigeant une expérience en traduction et en révision comparative du français vers l’anglais. K. Morton a également demandé au MAECD de préciser si l’appel d’offres sollicitait les services de réviseurs unilingues ou de réviseurs bilingues qui sont également des traducteurs[5].

[7] Le 14 novembre 2022, le MAECD a expliqué que les critères liés aux compétences en matière de traduction n’étaient pas obligatoires et que les réviseurs n’ayant pas d’expérience en traduction pouvaient tout de même soumissionner dans le cadre de l’appel d’offres[6].

[8] Les 24 et 27 février 2023, K. Morton a déposé une plainte auprès du Tribunal.

ANALYSE

[9] Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, après avoir reçu une plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit déterminer si les quatre conditions suivantes sont satisfaites avant d’entamer une enquête :

(i) la plainte a été déposée dans les délais prescrits à l’article 6 du Règlement[7];

(ii) le plaignant est un fournisseur potentiel[8];

(iii) la plainte porte sur un contrat spécifique[9];

(iv) les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux pertinents[10].

[10] La première exigence concerne les délais pour déposer une plainte. Plus précisément, le paragraphe 6(1) du Règlement prévoit qu’un fournisseur potentiel dispose d’un délai de 10 jours ouvrables « suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte » pour déposer une plainte auprès du Tribunal.

[11] En outre, le paragraphe 6(2) du Règlement prévoit qu’un fournisseur potentiel qui a présenté une opposition à l’institution fédérale concernée dans un délai de 10 jours ouvrables, et à qui l’institution refuse réparation, peut déposer une plainte auprès du Tribunal « dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a pris connaissance, directement ou par déduction, du refus, s’il a présenté son opposition dans les 10 jours ouvrables suivant la date où il a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de l’opposition ».

[12] En d’autres termes, une plaignante dispose de 10 jours ouvrables à compter de la date à laquelle elle découvre, ou aurait dû vraisemblablement découvrir, un motif de plainte pour présenter une opposition à l’institution fédérale ou déposer une plainte auprès du Tribunal[11]. Si une plaignante présente une opposition à l’institution fédérale dans le délai prescrit, elle dispose de 10 jours ouvrables pour déposer une plainte auprès du Tribunal après avoir pris connaissance, directement ou par déduction, du refus de réparation par l’institution fédérale.

[13] Par conséquent, la première étape à suivre par le Tribunal est d’établir la date à laquelle la plaignante a découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir le motif de plainte.

[14] En l’espèce, le motif de plainte évoqué par K. Morton concerne les exigences contenues dans l’appel d’offres publié le 7 novembre 2022. Comme indiqué dans l’échange de courriels déposé par la plaignante, K. Morton a contacté le MAECD le 11 novembre 2022 pour s’enquérir des critères cotés concernant l’expérience en traduction. En gros, elle a demandé au MAECD de confirmer si ce dernier était à la recherche de traducteurs-réviseurs. Si le MAECD n’était à la recherche que de réviseurs, elle demandait de supprimer les critères cotés concernant l’expérience en traduction[12].

[15] De l’avis du Tribunal, il ne fait aucun doute que K. Morton avait pris connaissance des faits à l’origine de la plainte le ou vers le 11 novembre 2022, puisque la demande formulée par K. Morton dans son courriel au MAECD est directement liée au motif de la présente plainte.

[16] Deuxièmement, le Tribunal doit établir si une opposition a été présentée à l’institution fédérale concernée et, dans l’affirmative, à quelle date l’institution fédérale a refusé réparation à la plaignante. En l’espèce, le Tribunal doit établir si le courriel de K. Morton constituait une opposition au MAECD.

[17] Dans sa réponse du 14 novembre 2022, le MAECD a indiqué qu’il ne modifierait pas les documents de l’appel d’offres ni les critères, et il a confirmé qu’il était à la recherche de services de révision, notamment la nécessité de réviser des documents traduits. Le MAECD a indiqué que les critères relatifs à la traduction (C2) et à la révision de documents traduits (C6) n’étaient que deux des critères requis et qu’un soumissionnaire pouvait gagner des points grâce à d’autres expériences requises dans le tableau des critères cotés[13]. K. Morton a choisi de ne pas présenter d’autre opposition au MAECD. K. Morton a également choisi de ne pas soumissionner, malgré le fait que le MAECD lui ait indiqué qu’elle ne serait pas disqualifiée au seul motif qu’elle ne possédait pas d’expérience en traduction.

[18] Le Tribunal estime que le MAECD a informé la plaignante de façon claire qu’il n’avait pas l’intention d’apporter des modifications à la DOC. Par conséquent, il ne fait aucun doute que le 14 novembre 2022 ou vers cette date, K. Morton avait une connaissance réelle du refus de réparation. À compter de cette date, elle disposait de 10 jours ouvrables pour déposer une plainte auprès du Tribunal.

[19] Cependant, K. Morton a attendu les 24 et 27 février 2023 pour déposer une plainte, ce qui est bien au-delà du délai de 10 jours ouvrables. À cet égard, le Tribunal a déjà fait remarquer que les soumissionnaires doivent être vigilants et réagir dès qu’ils découvrent ou auraient dû vraisemblablement découvrir un vice dans la procédure[14].

[20] Dans sa plainte, K. Morton soutient qu’elle a attendu pour déposer la plainte parce qu’elle n’était pas au courant du recours possible au Tribunal. Elle soutient qu’elle n’a pris connaissance de la possibilité de recours au Tribunal que lorsqu’elle a été informée du mécanisme de recours par le Bureau de l’ombudsman de l’approvisionnement les 23 et 24 février 2023[15].

[21] Le Tribunal ne considère pas cet argument comme un motif valable pour exonérer K. Morton des conséquences de son défaut de se conformer aux exigences énoncées à l’article 6 du Règlement[16].

[22] Comme le Tribunal l’a déjà affirmé par le passé, il incombe ultimement aux soumissionnaires de s’informer sur la façon et le moment d’utiliser le mécanisme de contestation des procédures de marchés publics[17]. Le Tribunal fait remarquer que la DOC a clairement désigné le Tribunal comme une option possible de mécanisme de recours à l’article 2.7, intitulé « Processus de contestation des offres et mécanismes de recours ». L’article indique clairement qu’il y a des « délais stricts » (caractères gras dans l’original) pour déposer des plaintes et que les soumissionnaires doivent agir rapidement s’ils souhaitent contester un aspect de la procédure du marché public.

[23] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte de K. Morton a été déposée à l’extérieur des délais prescrits par le Règlement.

[24] Enfin, même si K. Morton avait déposé sa plainte dans les délais, le Tribunal n’aurait toujours pas ouvert d’enquête parce que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation des accords commerciaux. Plus précisément, il n’y a pas d’indication raisonnable dans cette affaire que l’attribution de points supplémentaires pour l’expérience en traduction et le bilinguisme des réviseurs constituait une violation des obligations découlant des accords commerciaux. Une institution fédérale a le droit, lorsqu’elle établit les conditions d’un appel d’offres, de définir les critères d’évaluation et de sélection qu’elle juge appropriés, pour autant que les critères choisis soient raisonnables, qu’ils ne favorisent ni ne discriminent certains fournisseurs et qu’ils ne violent pas, par ailleurs, les exigences des accords commerciaux. La plainte de K. Morton ne contenait aucun argument ou élément de preuve fournissant une indication raisonnable que les critères choisis pour l’appel d’offres étaient déraisonnables, discriminatoires ou autrement en violation des accords commerciaux.

DÉCISION

[25] Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

[2] DORS/93-602.

[3] Pièce PR-2022-071-01 à la p. 6.

[4] Ibid.

[5] Ibid. à la p. 8.

[6] Pièce PR-2022-071-01.A à la p. 1.

[7] Paragraphe 6(1) du Règlement.

[8] Alinéa 7(1)a) du Règlement.

[9] Alinéa 7(1)b) du Règlement.

[10] Alinéa 7(1)c) du Règlement.

[11] Secunda Canada LP (3 août 2018), PR-2018-018 (TCCE) aux par. 7–9; DMA Security Solutions Ltd. (3 juillet 2018), PR-2018-009 (TCCE) au par. 14.

[12] Pièce PR-2022-071-01.A à la p. 1.

[13] Ibid.

[14] Gestion Exen inc. (2 mars 2022), PR-2021-078 (TCCE) au par. 29.

[15] Pièce PR-2022-071-01 aux p. 5, 9.

[16] Seigniory Chemical Products Limited, faisant affaire sous le nom SCP SCIENCE (13 décembre 2019), PR-2019-048 (TCCE) au par. 34.

[17] ADR Education (18 juillet 2013), PR-2013-009 (TCCE) au par. 32.

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