Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier PR-2023-004

Osgoode Signs and Stitches Ltd

Décision prise
le vendredi 14 avril 2023

Décision rendue
le lundi 24 avril 2023

Motifs rendus
le mardi 9 mai 2023

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

PAR

OSGOODE SIGNS AND STITCHES LTD

CONTRE

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1] En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1] (Loi sur le TCCE), tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2] (Règlement), déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[2] La plainte déposée par Osgoode Signs and Stitches Ltd (Osgoode) porte sur une demande d’offres à commandes (DOC) (appel d’offres W6399-23-LL43/A) publiée par le ministère de la Défense nationale (MDN) le 21 décembre 2022. L’appel d’offres sollicitait des propositions pour la fourniture d’écussons et d’insignes.

[3] Il s’agit de savoir si le MDN a agi de manière non conforme à ses obligations en matière d’accords commerciaux parce qu’il n’a pas accordé à tous les soumissionnaires potentiels une chance égale de répondre aux exigences de l’appel d’offres, comme l’a allégué Osgoode. En particulier, Osgoode affirme que les indications techniques contenues dans la DOC et les échantillons fournis n’étaient pas suffisamment détaillés pour permettre aux soumissionnaires potentiels de répondre aux exigences de la DOC[3].

CONTEXTE

[4] La DOC a été publiée le 21 décembre 2022. La date de clôture initiale de l’appel d’offres était le 13 février 2023, puis elle a été repoussée au 24 février 2023[4].

[5] Le 13 février 2023, Osgoode a présenté sa soumission au MDN, y compris des échantillons physiques préalables à l’attribution de certains écussons et insignes, comme le prévoyait la DOC.

[6] Le 31 mars 2023, le MDN a envoyé une lettre de refus dans laquelle il informait Osgoode que l’équipe d’évaluation avait jugé que certains des échantillons fournis avant l’attribution n’étaient pas conformes aux critères obligatoires de la DOC. Par conséquent, aucune offre à commandes n’a été attribuée à Osgoode[5].

[7] Dans la même lettre, le MDN informait Osgoode qu’une offre à commandes avait été attribuée à Apparel Trimmings Inc. (Apparel)[6]. Selon Osgoode, Apparel est le fournisseur titulaire[7].

[8] Le 13 avril 2023, Osgoode a déposé une plainte auprès du Tribunal[8].

ANALYSE

[9] Aux termes des articles 6 et 7 du Règlement, après avoir reçu une plainte conformément au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit déterminer si les quatre conditions suivantes sont satisfaites avant d’entamer une enquête :

(i) la plainte a été déposée dans les délais prescrits par l’article 6 du Règlement[9];

(ii) le plaignant est un fournisseur potentiel[10];

(iii) la plainte porte sur un contrat spécifique[11];

(iv) les renseignements fournis par la plaignante démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables[12].

[10] Pour ce qui est de la quatrième condition, conformément à l’alinéa 7(1)c) du Règlement, le Tribunal doit déterminer si les renseignements fournis par le plaignant et les autres renseignements examinés par le Tribunal relativement à la plainte démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables énoncés à cet alinéa. Le Tribunal a précédemment décrit le critère préliminaire de preuve à satisfaire comme suit[13] :

Dans une plainte concernant les marchés publics, la partie qui allègue qu’un marché public n’a pas été passé en conformité avec les accords commerciaux applicables doit présenter certains éléments probants à l’appui de son allégation. Cela ne signifie pas qu’une partie plaignante dans un litige concernant un marché public aux termes d’un des accords doive démontrer tous les faits nécessaires comme une partie plaignante doit généralement le faire dans une action au civil […] Cependant, la partie plaignante doit présenter suffisamment de faits ou arguments qui indiquent, d’une façon raisonnable, qu’il y a eu violation d’un des accords commerciaux.

[11] En l’espèce, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte d’Osgoode, car les renseignements fournis ne démontrent pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure de marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables, en l’occurrence l’Accord de libre-échange canadien (ALEC)[14].

[12] La plainte d’Osgoode repose sur des allégations selon lesquelles le MDN n’a pas fourni de mesures, d’images numériques et suffisamment de détails pour que les soumissionnaires potentiels puissent mettre au point et fabriquer des échantillons qui répondent aux exigences techniques obligatoires énoncées dans la DOC[15]. Osgoode soutient en outre que les échantillons scellés fournis aux soumissionnaires potentiels comme modèles à reproduire étaient de « mauvaise qualité » [traduction] et ne répondaient pas eux-mêmes à certains critères énoncés dans la DOC, entravant encore davantage la tâche des soumissionnaires potentiels pour ce qui est de se conformer aux exigences[16]. Enfin, Osgoode soutient que le soumissionnaire retenu, Apparel, a bénéficié d’un avantage injuste et allègue qu’il a reçu des fichiers numériques, des maquettes et des détails qui n’ont pas été fournis aux autres soumissionnaires[17].

[13] Bien que l’alinéa 7(1)c) du Règlement ne soit pas particulièrement exigeant, la partie qui conteste un marché public doit fournir des éléments de preuve à l’appui de ses allégations[18]. Le Tribunal exige des éléments de preuve factuels, au-delà des simples affirmations de la plaignante, démontrant que le MDN pourrait avoir agi de façon incompatible avec ses obligations en vertu de l’ALEC. Pour chacun des trois motifs de plainte invoqués par Osgoode, le Tribunal estime que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, une violation de l’ALEC.

La DOC et les échantillons scellés fournissaient suffisamment de détails aux soumissionnaires pour qu’ils puissent satisfaire à tous les critères techniques obligatoires

[14] Le premier motif de plainte invoqué par Osgoode concerne le prétendu manque d’informations et d’instructions techniques détaillées fournies par le MDN. Osgoode allègue que cela a empêché les nouveaux soumissionnaires de fournir des échantillons d’écussons et d’insignes répondant aux critères obligatoires énoncés dans la DOC.

[15] D’emblée, le Tribunal souligne qu’il fait généralement preuve d’une grande retenue à l’égard des évaluateurs dans leurs évaluations des soumissions et ne substitue son jugement à celui des évaluateurs que dans des circonstances exceptionnelles, c’est-à-dire lorsqu’il y a des éléments de preuve démontrant que leur évaluation était déraisonnable. En l’espèce, l’évaluation technique des soumissions a été effectuée conformément aux critères énoncés à la section 4.1.2 (Évaluation technique) de la DOC. Pour qu’une soumission soit jugée recevable, la DOC demandait aux soumissionnaires de présenter 14 échantillons pour évaluation par le MDN, qui devaient tous répondre aux spécifications fournies dans les annexes B, C, D, E, F, G, H et I de la DOC[19]. La DOC prévoyait également que les « échantillons qui ne concordent pas aux échantillons scellés, ne sont pas fabriqués selon de bonnes pratiques commerciales usuelles, ou ont des imperfections ou des imperfections pouvant nuire à son aspect, à sa qualité, à sa tenue en service et à sa fonctionnalité, seront considérés comme non conformes et ne recevront aucune autre considération[20] ».

[16] La DOC fournissait trois types de directives qui orientaient les soumissionnaires dans la préparation de leurs échantillons avant l’attribution du contrat. La DOC comprenait des suppléments techniques[21] et des spécifications[22], ainsi que des échantillons scellés. Pour chaque écusson ou insigne, les suppléments techniques et les spécifications fournissaient des informations relatives au fil de broderie, au type de couture, au type d’attache, au support, au tissu de base, au rembourrage, aux couleurs et aux dimensions. Les suppléments techniques contenaient également une photo en couleur de chaque écusson et insigne. Pour chaque écusson et insigne, le supplément technique indique que l’article « doit avoir la même taille, la même qualité et la même couleur que l’échantillon réglementaire ». Les spécifications indiquaient également que les écussons et les insignes « doivent être conformes aux modèles réglementaires applicables, selon les précisions de la demande de propositions ».

[17] Des directives supplémentaires ont été fournies le 18 février 2023 dans la section « Questions et réponses » (Q&R) de la modification 002 de la DOC[23]. Dans sa réponse à la question 2 des Q et R, le MDN a précisé que, bien qu’il n’y ait pas de tolérances spécifiées pour les dimensions de chaque article, les échantillons de la soumission devaient « correspondre visuellement » aux échantillons scellés pour être considérés comme acceptables[24]. Le Tribunal interprète cette réponse comme confirmant qu’à l’œil nu, le motif des écussons et des insignes devrait être très similaire, voire identique.

[18] Dans sa réponse à la question 3 des Q et R, concernant les motifs de la dague, de l’ancre et de l’aigle représentés sur l’article F1, le MDN a renvoyé les soumissionnaires à un site Web du gouvernement qui fournissait des images détaillées de la dague, de l’ancre et de l’aigle utilisés dans les Forces armées canadiennes[25].

[19] Dans sa lettre de refus, le MDN a informé Osgoode que, suite à l’évaluation des 14 échantillons fournis avant l’attribution, les évaluateurs ont déterminé que 10 des 14 échantillons n’étaient pas conformes à toutes les exigences obligatoires de la DOC et, plus précisément, qu’ils ne correspondaient pas à l’échantillon scellé[26]. Pour chacun des 10 échantillons non conformes, le MDN a fourni des détails concernant la raison pour laquelle les échantillons d’Osgoode ne correspondaient pas aux échantillons scellés.

[20] Dans sa plainte, Osgoode reconnaît et accepte que « le degré de précision est important et attendu » [traduction] dans l’évaluation des échantillons préalables à l’attribution[27]. D’après les éléments de preuve au dossier, le Tribunal a également constaté que l’évaluation a été effectuée conformément aux lignes directrices prévues à la section 4.1.2 de la DOC, qui renvoie à l’annexe J (Exigences relatives à la proposition et plan d’évaluation) de la DOC. Dans sa lettre de refus, le MDN a clairement indiqué les raisons pour lesquelles les dix échantillons d’Osgoode avant attribution, lesquels avaient été jugés non conformes, présentaient des défauts[28]. Pour chacun de ces échantillons, les défauts étaient clairement liés à des critères spécifiques de la DOC.

[21] La plainte d’Osgoode porte également sur la question de savoir s’il était impossible pour une entreprise de soumissionner à la DOC et de satisfaire aux critères techniques sans recevoir les dimensions et l’échelle exactes ainsi que des « images [numériques] précises » [traduction] pour chaque insigne et chaque écusson. Il s’agit donc de savoir si les éléments de preuve factuels fournis par Osgoode à l’appui de son allégation démontrent qu’il était impossible, sur la base des renseignements fournis par la DOC, pour Osgoode ou d’autres soumissionnaires potentiels d’atteindre le degré de précision attendu par le MDN.

[22] À l’appui de sa plainte, Osgoode a déposé des photos de 11 de ses 14 échantillons avant attribution accompagnées de photos des échantillons scellés correspondants fournis par le MDN[29]. Compte tenu des photos présentées, le Tribunal convient que l’évaluation effectuée par le MDN était raisonnable et que les échantillons d’Osgoode n’offraient pas un bon appariement visuel.

[23] Par exemple, lorsqu’il examine l’échantillon de l’article B12 (2 chevrons, feuille d’érable) d’Osgoode, le Tribunal constate qu’il est très clair que l’espacement des insignes n’est pas correct. Par rapport à l’échantillon scellé, la feuille d’érable de l’échantillon préalable à l’attribution est beaucoup plus haute que les chevrons, et les chevrons ne sont pas de la même taille ou de la même échelle que ceux de l’échantillon. Un soumissionnaire aurait dû être en mesure de produire un échantillon presque identique (ou une bonne correspondance visuelle) à partir des renseignements fournis, car un échantillon physique permet aux soumissionnaires de connaître l’espacement et l’échelle des insignes. Le Tribunal estime qu’il n’était pas nécessaire d’avoir des mesures supplémentaires ou plus précises pour qu’un soumissionnaire puisse satisfaire aux exigences obligatoires.

[24] Les éléments de preuve versés au dossier montrent également que, même lorsqu’elle disposait de mesures précises, Osgoode n’a pas respecté les spécifications et a présenté des échantillons dont les dimensions étaient inférieures aux dimensions fournies dans les suppléments techniques et à la taille de l’échantillon scellé[30]. Par exemple, les évaluateurs du MDN ont estimé que la taille du pré-échantillon d’Osgoode pour l’article G1 (drapeau national) ne correspondait pas à la taille de l’échantillon scellé[31]. Le Tribunal fait remarquer que, pour l’article G1, les spécifications techniques prévoyaient des mesures précises, exigeant un insigne de 5 cm sur 10 cm[32], alors qu’il a été précisé que l’échantillon préalable d’Osgoode mesurait 1 7/8 pouce sur 3 7/8 pouces[33].

[25] Enfin, le Tribunal remarque que les évaluateurs n’ont relevé aucun problème concernant les échantillons préattribution d’Osgoode pour les articles D1, D4, E1 et E6, ce qui démontre clairement qu’Osgoode a été en mesure de fournir un bon appariement visuel pour ces quatre échantillons préattribution en fonction des renseignements fournis par le MDN.

[26] En ce qui concerne l’argument d’Osgoode selon lequel le MDN aurait dû fournir aux soumissionnaires un fichier numérique de chaque article, le Tribunal reconnaît qu’un fichier numérique complet des images rendrait la reproduction des insignes plus pratique pour les soumissionnaires. Toutefois, le Tribunal estime, en l’espèce, qu’il n’incombe pas au MDN de préparer des fichiers numériques pour chaque insigne puis de les fournir aux soumissionnaires, et qu’il n’y a aucune preuve que de tels fichiers numériques existent ou sont en possession du MDN. Le Tribunal estime que les renseignements contenus dans la DOC, les échantillons physiques fournis aux soumissionnaires et le renvoi au site Web étaient suffisants pour permettre à un soumissionnaire de préparer une soumission recevable au regard des exigences techniques de la DOC.

[27] En guise de dernière remarque à ce sujet, le Tribunal souhaite rappeler à Osgoode que, lorsqu’un fournisseur potentiel estime que les critères énoncés dans une DOC sont inappropriés ou injustes, ou si les indications correctes et le matériel nécessaire pour répondre à ces critères ne sont pas fournis, comme on le prétend en l’espèce, le fournisseur potentiel doit déposer une plainte dans les délais impartis. La procédure d’examen des marchés publics ne prévoit pas que les griefs soient accumulés et présentés uniquement lorsqu’une proposition est rejetée. À cet égard, dans l’arrêt IBM Canada Ltd. c. Hewlett Packard (Canada) Ltd.[34], la Cour d’appel fédérale (CAF) a formulé les directives suivantes :

Dans les affaires de marchés publics, le temps représente une condition essentielle […] Les fournisseurs potentiels ne doivent donc pas attendre l’attribution d’un contrat avant de déposer toute plainte qu’ils pourraient avoir concernant la procédure. On s’attend à ce qu’ils soient vigilants et qu’ils réagissent dès qu’ils découvrent ou auraient vraisemblablement dû découvrir un vice de procédure […]

[28] Conformément à l’arrêt de la CAF et aux décisions antérieures du Tribunal, le Tribunal est d’avis qu’Osgoode n’aurait pas dû adopter une attitude attentiste et attendre le résultat de l’évaluation avant de présenter une opposition à l’institution fédérale ou de déposer une plainte auprès du Tribunal au sujet de ses griefs concernant la procédure d’évaluation énoncée dans la DOC et le caractère adéquat des indications et des documents fournis pour préparer une soumission.

[29] Par conséquent, en ce qui concerne l’allégation d’Osgoode selon laquelle les indications et les documents fournis aux soumissionnaires potentiels étaient inadéquats et insuffisants, le Tribunal ne peut enquêter sur ce motif de plainte, étant donné qu’Osgoode a soulevé ces allégations plus de 10 jours après qu’elle ait découvert ou aurait dû vraisemblablement découvrir les faits à l’origine de la plainte[35]. Il n’est pas pertinent de savoir si les échantillons scellés répondaient aux critères de la DOC.

[30] Osgoode affirme que les échantillons scellés eux-mêmes ne répondaient pas à certains critères techniques énoncés dans la DOC. Par exemple, Osgoode soutient que les échantillons scellés utilisaient du fil brillant plutôt que du fil mat comme le prévoyait la DOC[36].

[31] Le fait que certains éléments des échantillons scellés diffèrent des exigences du cahier des charges et des suppléments techniques est sans importance. L’annexe J (Exigences relatives à la proposition et plan d’évaluation) de la DOC indiquait clairement que « les spécifications et les suppléments techniques ont priorité sur les motifs réglementaires, sauf indication contraire dans les suppléments techniques[37] ».

[32] Comme il est mentionné précédemment, le Tribunal estime que les échantillons scellés contenaient suffisamment de détails sur ce que le MDN attendait des échantillons préalables à l’attribution et, lorsqu’ils sont lus en parallèle avec les renseignements fournis dans les suppléments techniques et les spécifications, le MDN a fourni tous les renseignements nécessaires à la préparation des échantillons préalables à l’attribution.

Rien n’indique que le soumissionnaire retenu a bénéficié d’un avantage indu

[33] Osgoode soutient que le fournisseur titulaire, Apparel, a bénéficié d’un avantage indu et s’est vu remettre des « fichiers numériques » [traduction], des maquettes et des précisions qui n’ont pas été fournis aux autres soumissionnaires. Le Tribunal conclut également de la plainte que le soumissionnaire retenu semblait être le titulaire du marché au préalable.

[34] Dans sa plainte, Osgoode ne fournit aucun élément de preuve à l’appui de cette allégation ni aucune information expliquant au Tribunal pourquoi elle croit qu’Apparel a reçu des précisions qui n’ont pas été fournies aux autres soumissionnaires.

[35] En effet, en l’espèce, aucun élément de preuve n’a été fourni pour appuyer l’allégation selon laquelle la procédure d’appel d’offres favorisait Apparel. De simples allégations ne suffisent pas à démontrer, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation des accords commerciaux[38]. Comme il est indiqué ci-dessus, le Tribunal exige des éléments de preuve factuels allant au-delà de simples affirmations par la plaignante. Osgoode n’a fourni aucun élément de preuve à l’appui de son allégation selon laquelle le MDN « a fourni à [Apparel] les fichiers numériques requis » [traduction] pour produire les échantillons ainsi que « des [illustrations] et des détails » [traduction] qui n’ont pas été fournis aux autres soumissionnaires. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas d’éléments de preuve à l’appui de cette allégation.

[36] Le Tribunal reconnaît que le fournisseur titulaire dispose déjà de ses propres fichiers numériques et illustrations puisqu’il a produit des écussons et des insignes pour le MDN au cours des dernières années. Il est même possible que les échantillons scellés du MDN aient été produits par le titulaire. Cependant, le Tribunal a toujours considéré que, bien que certaines situations puissent se présenter où les soumissionnaires ont un avantage concurrentiel concernant une procédure de passation de marché particulière, il ne s’ensuit pas nécessairement que l’appel d’offres est inéquitable[39]. Le Tribunal a également précisé que les avantages concurrentiels peuvent découler d’un ensemble de facteurs différents, y compris le fait d’être titulaire, mais que cela n’est pas, en soi, considéré comme injuste[40] et qu’« il n’y a pas d’obligation de compenser l’effet lié à la qualité de titulaire dans la formulation des invitations […][41] ». De même, dans l’arrêt Almon Equipment Limited c. Canada (Procureur général), la CAF a estimé que « le fait qu’un soumissionnaire est plus en mesure qu’un autre de satisfaire aux spécifications [d’une demande de proposition] ne signifie pas nécessairement que les exigences [d’une demande de proposition] sont adoptées de façon à favoriser ce soumissionnaire[42] ».

[37] En l’absence d’éléments de preuve montrant que les exigences d’un marché public sont « discriminatoires, impossibles à satisfaire ou déraisonnables », le fait qu’un fournisseur potentiel ne les ait pas satisfaites n’indique pas, en soi, que les exigences sont incompatibles avec les accords commerciaux applicables[43].

[38] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal estime que la plainte ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure de marché public n’a pas été suivie conformément aux obligations imposées par l’ALEC.

DÉCISION

[39] Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

[2] DORS/93-602.

[3] Pièce PR-2023-004-01 à la p. 6.

[5] Pièce PR-2023-004-01 aux p. 67–68.

[6] Ibid. à la p. 67.

[7] Ibid. à la p. 6.

[8] Dans un premier temps, Osgoode a déposé une plainte incomplète le 11 avril 2023. Après que le Tribunal lui a demandé des documents supplémentaires, Osgoode a fourni les renseignements manquants et sa plainte a été considérée comme complète par le Tribunal le 13 avril 2023.

[9] Article 6 du Règlement.

[10] Alinéa 7(1)a) du Règlement.

[11] Alinéa 7(1)b) du Règlement.

[12] Alinéa 7(1)c) du Règlement.

[13] Paul Pollack Personnel Ltd. s/n The Pollack Group Canada (24 septembre 2013), PR-2013-016 (TCCE) au par. 27, citant K-Lor Contractors Services Ltd. (23 novembre 2000), PR-2000-023 (TCCE) [K-Lor].

[15] Pièce PR-2023-004-01 à la p. 6.

[16] Ibid.

[17] Ibid.

[18] K-Lor.

[19] DOC à la p. 96.

[20] DOC à la p. 97.

[21] DOC, annexes B, C, D, E, F et G.

[22] DOC, annexes H et I.

[23] DOC, modification 002.

[24] DOC, modification 002 à la p. 3.

[25] DOC, modification 002 à la p. 3.

[26] Pièce PR-2023-004-01 à la p. 67.

[27] Ibid. à la p. 6.

[28] Ibid. aux p. 67–68.

[29] Ibid. aux p. 56–64.

[30] DOC à la p. 63; pièce PR-2023-004-01 à la p. 60.

[31] Pièce PR-2023-004-01 à la p. 67.

[32] DOC à la p. 67.

[33] Pièce PR-2023-004-01 à la p. 67. Le Tribunal fait remarquer que la DOC fait usage de spécifications métriques, et que la lettre de refus présente les mesures en unités impériales. La conversion métrique basée sur la lettre de refus indiquerait que l’échantillon soumis mesurait 4,76 cm sur 9,84 cm.

[34] 2002 CAF 284 (CanLII) aux par. 18, 20.

[35] Le Tribunal considère qu’il s’agissait, au plus tard, du moment où le MDN a publié la modification 002 à la DOC, dans laquelle le MDN fournissait des réponses aux questions qu’il avait reçues de la part des soumissionnaires potentiels. À ce moment-là, Osgoode savait ou aurait dû savoir qu’elle ne recevrait pas d’autres directives ou d’autres documents et, si elle les jugeait inadéquats et insuffisants, elle aurait dû présenter une opposition au MDN ou déposer une plainte auprès du Tribunal dans un délai de 10 jours ouvrables.

[36] Pièce PR-2023-004-01 à la p. 6.

[37] DOC à la p. 96.

[38] Smiths Detection Montreal Inc. (5 août 2020), PR-2020-016 (TCCE) au par. 25; Talmack Industries Inc. (20 novembre 2018), PR-2018-040 (TCCE) au par. 13. Voir aussi Manitex Liftking ULC (20 mars 2013), PR‑2012-049 (TCCE) au par. 22; Vesseys Seeds Limited, faisant affaires sous le nom de Club Car Atlantic (19 février 2010), PR-2009-079 (TCCE) au par. 9; Flag Connection Inc. (25 janvier 2013), PR-2012-040 (TCCE); Tyco Electronics Canada ULC (24 mars 2014), PR-2013-048 (TCCE) au par. 12.

[39] M.D. Charlton Co. Ltd. (24 avril 2017), PR-2017-002 (TCCE) aux par. 27–28.

[40] Le Groupe Conseil Bronson Consulting Group c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (23 juin 2017), PR-2016-058 (TCCE) au par. 34.

[41] Corel Corporation (26 octobre 1998), PR‑98-012 et PR-98-014 (TCCE).

[42] 2012 CAF 318 (CanLII) au par. 11.

[43] Almon Equipment Limited c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (3 janvier 2012), PR-2011-023 (TCCE) au par. 72. Voir aussi R.P.M. Tech Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 mars 2015), PR-2014-040 (TCCE) aux par. 2629; Lions Gate Risk Management Group c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (18 décembre 2020), PR-2020-024 (TCCE) aux par. 4447, 5457.

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