Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier PR-2022-018

GCPROC LTD.

c.

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Décision et motifs rendus
le mercredi 26 octobre 2022

 



EU ÉGARD À une plainte déposée par GCPROC LTD. aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

GCPROC LTD.

Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte est fondée.

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre présidant

 

 

Membre du Tribunal :

Frédéric Seppey, membre présidant

Personnel du Secrétariat du Tribunal :

Emilie Audy, conseillère juridique
Morgan Oda, agente principale du greffe par intérim
Kaitlin Fortier, agente du greffe

Partie plaignante :

GCPROC Ltd.

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseillers juridiques de l’institution fédérale :

Julia Kalinina
Don Karl Roberto
Julie St-Amour

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[1] GCPROC LTD. (GCPROC) a déposé la présente plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur, en vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (Loi sur le TCCE)[1]. La plainte concerne une demande de proposition (DP) (appel d’offres 01804-220556/A) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC), au nom du ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire (AAC), pour la fourniture d’enceintes d’élevage d’insectes dotées de capacité de contrôle précis de la température et de l’humidité à des fins d’élevage de colonies d’insectes de laboratoire vivants, pour la réalisation d’expériences en laboratoire.

[2] Il s’agit de la deuxième plainte de GCPROC relativement au marché public en question. Le Tribunal a conclu que la première plainte (PR-2022-016) était prématurée, étant donné qu’une réponse à l’opposition de GCPROC demeurait en suspens. Dans les deux plaintes, GCPROC a allégué que sa disqualification par TPSGC pour ne pas avoir respecté deux exigences obligatoires de l’appel d’offres était injustifiée et a demandé, à titre de mesure corrective, que le contrat lui soit attribué.

[3] Le Tribunal a accepté la plainte pour enquête conformément au paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE et au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics (Règlement)[2].

[4] À la suite de son enquête sur la plainte et pour les motifs qui suivent, le Tribunal conclut que la plainte est fondée.

CONTEXTE

Procédure du marché public

[5] La DP a été publiée sur le site Web Achatsetventes.gc.ca[3] (maintenant appelé AchatsCanada) le 3 mars 2022, la date de clôture initiale étant fixée au 6 avril 2022. La modification 003 a repoussé la date de clôture au 20 avril 2022. GCPROC a présenté sa proposition technique et financière le 10 mars 2022. GCPROC offrait son produit proposé pour 42 080,90 $[4].

[6] Un contrat d’une valeur de 44 716 $ a été attribué à Maple MultiTech Canada Inc. (MMTC) le 18 mai 2022 (contrat 01804-220556/001/HAL)[5].

[7] Le 24 mai 2022, GCPROC a reçu une lettre de refus l’informant que sa soumission n’était pas conforme à deux exigences obligatoires : une relative à l’alimentation en électricité pour laquelle les enceintes devaient être conçues; et une relative à la plage de température des enceintes[6]. Le même jour, GCPROC a écrit à TPSGC pour demander une confirmation des raisons pour lesquelles le produit qu’elle proposait était jugé non conforme, en indiquant les éléments de sa proposition qui démontraient, selon elle, la conformité à ces exigences[7].

[8] TPSGC a répondu à GCPROC le 25 mai 2022 et a maintenu sa position concernant la non‑conformité : « Votre spécification électrique de 115 V n’est pas conforme aux 120 V requis. Votre spécification de température de +10 °C à +50 °C est en dehors de la plage requise (+16 °C est la température minimale)[8] » [traduction]. GCPROC a répondu qu’il n’y a pas de différence en ce qui concerne cette tension, puisque des tensions de 115 V et 120 V sont équivalentes, et que l’appel d’offres n’indique pas une température minimale ou maximale, sinon une plage qui doit être respectée. GCPROC a également indiqué qu’elle souhaitait interjeter formellement appel de la décision[9].

[9] Le même jour, GCPROC a présenté une opposition au chef d’équipe concerné de TPSGC[10]. Le 30 mai 2022, n’ayant pas reçu d’accusé de réception de son opposition, GCPROC a fait un suivi auprès de TPSGC, lequel lui a indiqué que l’opposition était toujours en cours d’examen[11].

[10] Le 2 juin 2022, GCPROC a de nouveau fait un suivi auprès de TPSGC[12]. Le 3 juin 2022, TPSGC a répondu en indiquant qu’il attendait une réponse d’AAC avant de pouvoir lui répondre[13].

Procédures de plainte

[11] GCPROC a déposé sa première plainte auprès du Tribunal (PR-2022-016) le 10 juin 2022. Le 15 juin 2022, le Tribunal a conclu que la plainte était prématurée, étant donné qu’une réponse à l’opposition de GCPROC demeurait en suspens. Le même jour, GCPROC a informé le Tribunal qu’elle avait reçu un refus de réparation de TPSGC par téléphone et plus tard par courriel[14].

[12] GCPROC a déposé sa deuxième plainte (PR-2022-018) auprès du Tribunal le 16 juin 2022 et a demandé que tous les documents soumis dans PR-2022-016 soient ajoutés à la deuxième plainte.

[13] Le 23 juin 2022, le Tribunal a informé GCPROC et TPSGC qu’il avait décidé d’enquêter sur la plainte[15].

[14] Le 19 juillet 2022, TPSGC a déposé une version publique du rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal et a indiqué que le RIF ne contenait pas de renseignements confidentiels. GCPROC a déposé ses observations sur le RIF le 21 juillet 2022[16].

[15] Le 25 juillet 2022, MMTC a déposé une demande de participation à la procédure[17]. Le lendemain, le Tribunal a accordé à MMTC le statut d’intervenante[18]. Toutefois, MMTC a informé le Tribunal, le 8 août 2022, qu’elle ne participerait plus à la procédure.

ANALYSE

[16] Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, lorsqu’il a décidé d’enquêter, limiter son étude à l’objet de la plainte. À la fin de l’enquête, le Tribunal doit déterminer la validité de la plainte en fonction du respect des critères et procédures établis par règlement pour le contrat spécifique.

[17] L’article 11 du Règlement précise que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux exigences énoncées dans les accords commerciaux applicables, lesquels, en l’espèce, comprennent l’Accord de libre-échange canadien (ALEC)[19].

[18] Les dispositions pertinentes de l’ALEC sont l’alinéa 507(3)b) et les paragraphes 515(1) et (4). Le texte de ces dispositions se trouve à l’annexe des présents motifs. En bref, l’alinéa 507(3)b) de l’ALEC exige qu’une entité contractante effectue son évaluation sur la base des conditions qu’elle a spécifiées à l’avance dans ses avis d’appel d’offres ou sa documentation relative à l’appel d’offres. Le paragraphe 515(1) impose à l’entité contractante l’obligation de garantir l’équité et l’impartialité du processus de passation de marchés, tandis que le paragraphe 515(4) exige que, pour être considérée en vue d’une adjudication, une soumission doit être conforme aux prescriptions essentielles énoncées dans les avis d’appel d’offres et dans la documentation relative à l’appel d’offres.

Motif 1 : Exigence relative à la température

[19] GCPROC allègue que sa disqualification par TPSGC pour ne pas avoir respecté les exigences obligatoires suivantes de l’appel d’offres était injustifiée : « L’enceinte doit respecter la plage de température suivante : de 16 °C à +50 °C[20] ».

[20] La proposition de GCPROC précisait une enceinte dont la température varie de +10 °C à +50 °C[21]. Même si la lettre de refus de TPSGC datée du 24 mai 2022 indiquait que la soumission de GCPROC ne respectait pas les exigences en matière de température, TPSGC reconnaît maintenant dans son RIF qu’elle était conforme aux spécifications demandées[22].

[21] En admettant que la soumission de GCPROC ait respecté l’exigence relative à la température, TPSGC reconnaît qu’il n’a pas évalué la soumission de GCPROC conformément au critère d’évaluation obligatoire 3. Par conséquent, ce motif de plainte est fondé.

Motif 2 : Exigence relative à l’alimentation en électricité

[22] GCPROC allègue aussi que sa disqualification pour ne pas avoir respecté l’exigence obligatoire suivante de l’appel d’offres était injustifiée : « L’enceinte doit être conçue en fonction de l’alimentation en électricité suivante : 120 V, 15 A[23] ».

[23] GCPROC soutient que sa machine est conçue pour fonctionner avec 120 V, car l’unité se branche dans une prise murale canadienne standard[24].

[24] Ce critère a été élaboré en réponse à l’exigence établie par la professeure Blatt, une entomologiste de recherche d’AAC, qui a consulté un électricien pour connaître les besoins en électricité de la pièce où les enceintes seraient utilisées. D’après les conseils de l’électricien, la professeure Blatt a compris que 120 V et 15 A seraient les seules spécifications électriques acceptables pour l’enceinte de taille équivalente et capable de fournir la température et l’humidité nécessaires à son travail[25].

[25] Dans sa proposition, GCPROC offrait une enceinte qui nécessite un « circuit réservé avec alimentation monophasée de 115 volts, 60 Hz, 15 ampères[26] » [traduction], ce qui, selon la plaignante, est le même que celui exigé dans la DP du point de vue de la prise électrique[27]. GCPROC fait valoir que 115 V et 120 V sont des tensions équivalentes et, en indiquant dans sa soumission que l’« unité se branche à une prise murale standard » [traduction] et qu’elle est « conçue pour un branchement et une utilisation rapides » [traduction], elle a confirmé que les exigences en matière d’électricité ont été respectées[28]. GCPROC soutient en outre qu’elle ne savait pas que ce point devait être développé davantage, car il s’agit d’un fait de « connaissance générale » [traduction] pour laquelle aucune formation technique n’est requise[29].

[26] TPSGC soutient que la proposition de GCPROC n’a pas établi explicitement de liens entre l’exigence de 115 V de l’enceinte proposée et l’exigence obligatoire relative à l’électricité de 120 V. Il fait valoir en outre que GCPROC n’a pas expressément établi que son enceinte proposée était compatible avec une alimentation en électricité de 120 V, mais qu’elle a simplement fait valoir que les tensions 115 V et 120 V étaient fonctionnellement équivalentes après avoir reçu la lettre de refus[30].

[27] TPSGC soutient en outre que, pendant la procédure du marché public, une seule question a été soulevée au sujet de l’exigence relative à l’électricité, mais aucune des questions n’a par ailleurs traité de l’équivalence potentielle de 115 V et 120 V, ajoutant qu’il incombe aux soumissionnaires de demander des éclaircissements s’ils ne sont pas certains d’une exigence[31].

[28] Le Tribunal a maintes fois clairement indiqué qu’il incombe au soumissionnaire de démontrer la conformité de sa soumission[32]. Dans Falcon Environmental, le Tribunal a déclaré ce qui suit[33] :

[64] Le Tribunal a aussi clairement indiqué qu’il incombe aux soumissionnaires de démontrer que leur proposition satisfait aux critères obligatoires d’un appel d’offres. Autrement dit, les soumissionnaires ont la responsabilité de s’assurer que tous les documents à l’appui de leur soumission démontrent clairement sa conformité. À cet égard, le Tribunal encourage les évaluateurs à ne pas faire de suppositions à propos d’une soumission, et, ultimement, il incombe au soumissionnaire de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de sa proposition et de veiller à ce que celle-ci soit claire et bien comprise par les évaluateurs.

[Notes de bas de page omises]

[29] Comme il est indiqué précédemment, l’alinéa 507(3)b) de l’ALEC exige qu’une entité contractante effectue son évaluation sur la base des conditions qu’elle a spécifiées à l’avance dans ses avis d’appel d’offres ou sa documentation relative à l’appel d’offres. De plus, le paragraphe 515(4) exige que, pour être considérée en vue d’une adjudication, une soumission doit être conforme aux prescriptions essentielles énoncées dans les avis d’appel d’offres et dans la documentation relative à l’appel d’offres.

[30] En l’espèce, la DP stipule que les enceintes doivent être conçues pour 120 V ou, en français, « L’enceinte doit être conçue pour être utilisée en fonction de l’alimentation en électricité : 120 V ». Il semble que GCPROC ait effectivement offert une enceinte conçue pour fonctionner avec une prise électrique de 120 V, qui est considérée comme une prise murale standard.

[31] Même si le fardeau incombait à GCPROC de démontrer que sa soumission était pleinement conforme à toutes les exigences obligatoires de l’appel d’offres, TPSGC devait aussi évaluer la conformité des soumissions aux exigences obligatoires de façon minutieuse et rigoureuse[34]. Le Oxford Learner’s Dictionary définit « thoroughly » (de façon minutieuse) comme « de façon complète et avec une grande attention aux détails[35] » [traduction], tandis que le Cambridge Dictionary définit ce terme ainsi : « de manière détaillée et prudente[36] » [traduction].

[32] De l’avis du Tribunal, il ressort clairement des éléments de preuve que les enceintes de GCPROC ont été conçues pour 120 V ou une prise murale standard. En fait, sa proposition indiquait clairement : « Exigence relative à l’électricité […] l’unité se branche dans une prise murale standard[37] » [traduction]. Dans l’évaluation des soumissions, les évaluateurs doivent appliquer leur connaissance de l’utilisation courante et technique du vocabulaire pertinent pour interpréter ce qui est dit[38]. Le Tribunal est d’avis que TPSGC aurait dû savoir que les enceintes qu’il achetait pouvaient être branchées sur une prise murale nord-américaine standard. À ce titre, il était raisonnable pour GCPROC de croire que TPSGC savait qu’un produit qui se branche dans une prise murale standard respecterait les exigences de l’appel d’offres.

[33] Par conséquent, le Tribunal conclut que TPSGC, qui avait jugé que la soumission de GCPROC n’était pas conforme à l’exigence obligatoire relative à l’électricité, ne s’est pas appliqué à évaluer la soumission de GCPROC, ce qui a donné lieu à une évaluation que le Tribunal estime déraisonnable.

La soumission de la plaignante contenait-elle une condition?

[34] Après que GCPROC ait demandé que sa soumission soit réévaluée, TPSGC a déterminé qu’elle contenait une condition, ce qui a mené à une conclusion supplémentaire de non-conformité[39]. En effet, la fiche de spécifications du fabricant incluse dans la soumission de GCPROC contenait un astérisque avec la déclaration suivante : « Les spécifications sont fondées sur une température ambiante de 20 ͦ C et une tension standard. Les spécifications peuvent être modifiées sans préavis » [traduction]. L’énoncé ne s’appliquait qu’aux spécifications relatives à la plage de température (exprimée en degrés Celsius) et à la plage d’humidité relative (exprimée en pourcentage[40]).

[35] GCPROC soutient que sa soumission n’est pas conditionnelle. Elle fait plutôt valoir que l’énoncé est standard et nécessaire parce que l’enceinte ne peut fournir la plage de température indiquée si elle est utilisée à des températures extrêmes. GCPROC soutient en outre qu’il ne s’agit pas d’une déclaration qui contredit quoi que ce soit dans l’appel d’offres ou dans les conditions générales de TPSGC.

[36] TPSGC fait valoir que, bien que la première phrase de la condition indique que les spécifications sont fondées sur une température ambiante de 20 °C, la deuxième phrase stipule plus largement que les spécifications peuvent être modifiées sans préavis. Cela donne à penser que les spécifications pourraient différer pour un certain nombre de raisons, et pas seulement pour la température ambiante où l’enceinte est installée, ce qui rendrait la soumission de GCPROC non conforme en raison de cette condition[41].

[37] Il est bien établi qu’un soumissionnaire qui ajoute un autre ensemble de conditions types introduit des éléments d’incertitude et d’ambiguïté quant à l’acceptation des exigences obligatoires de l’appel d’offres et, au bout du compte, à la conformité de sa soumission. Une entité contractante peut raisonnablement disqualifier une telle offre, car son acceptation serait contraire à l’exigence de l’ALEC selon laquelle une offre doit satisfaire aux exigences essentielles de l’appel d’offres pour être considérée en vue d’une adjudication[42].

[38] En l’espèce, le Tribunal est d’avis que GCPROC n’a pas inclus dans sa soumission une condition qui a introduit un élément d’incertitude et d’ambiguïté quant à son acceptation des exigences obligatoires de l’appel d’offres. Bien que l’énoncé selon lequel « [l]es spécifications peuvent être modifiées sans préavis » [traduction] a été inclus dans la proposition de GCPROC, il n’est apparu que dans la fiche technique du fabricant et ne s’applique qu’aux spécifications relatives à la plage de température et à la plage d’humidité relative. Il ne s’agissait pas d’une condition rédigée et ajoutée par GCPROC. De plus, il n’est pas raisonnable d’interpréter l’énoncé comme une contre-offre ou une première étape pour négocier les modalités de la DP[43]. En fait, la proposition de GCPROC indiquait clairement que son enceinte satisfaisait aux exigences en matière de température et rien ne laisse entendre que cela dépendait d’une autre condition ou situation[44].

[39] Par conséquent, l’énoncé en question ne peut raisonnablement être interprété comme signifiant que GCPROC pourrait fournir des enceintes qui ne satisfont pas aux exigences obligatoires de l’appel d’offres et ne rend donc pas sa soumission irrecevable.

Conclusion

[40] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

MESURE CORRECTIVE

[41] Le paragraphe 30.15(2) de la Loi sur le TCCE prévoit que le Tribunal peut, lorsqu’il donne gain de cause au plaignant, recommander que soient prises des mesures correctives, notamment les suivantes : 1) un nouvel appel d’offres; 2) la réévaluation des soumissions présentées; 3) la résiliation du contrat spécifique; 4) l’attribution du contrat spécifique au plaignant; 5) le versement d’une indemnité, dont il précise le montant, au plaignant.

[42] Le paragraphe 30.15(3) de la Loi sur le TCCE prévoit en outre que, dans ses recommandations sur les mesures correctives à prendre, le Tribunal doit tenir compte de tous les facteurs qui interviennent dans le marché de fournitures ou services visé par le contrat spécifique, notamment des suivants : 1) la gravité des irrégularités qu’il a constatées dans la procédure du marché public; 2) l’ampleur du préjudice causé au plaignant ou à tout autre intéressé; 3) l’ampleur du préjudice causé à l’intégrité ou à l’efficacité du mécanisme d’adjudication; 4) la bonne foi des parties; 5) le degré d’exécution du contrat.

[43] Généralement, l’objectif d’une mesure corrective est de faire en sorte que le plaignant se retrouve dans la position dans laquelle il se serait trouvé si le gouvernement n’avait pas commis un ou des manquements.

[44] En l’espèce, GCPROC a demandé que le contrat lui soit attribué, alors que TPSGC a recommandé que, dans l’éventualité où le Tribunal déterminerait que la plainte est fondée ou en partie fondée, les parties entreprennent des négociations pour la perte de profits, puisque les enceintes prévues au contrat attribué à MMTC ont déjà été commandées et qu’elles sont requises de toute urgence par AAC.

[45] Le Tribunal est d’avis que, compte tenu des circonstances, le versement d’une indemnité à GCPROC pour sa perte de profits constitue la mesure corrective la plus appropriée en l’espèce. En effet, cela placera GCPROC dans la position dans laquelle il se serait trouvé n’eût été l’évaluation déraisonnable de la soumission par TPSGC. Le produit proposé par GCPROC, laquelle avait soumis une proposition dont le prix était inférieur à celui du contrat attribué à MMTC, aurait été choisi. En conséquence, le Tribunal recommande aux parties de négocier le montant de l’indemnité en se basant sur le prix offert par GCPROC dans sa soumission. Pour ce faire, les parties doivent se référer aux Lignes directrices sur les indemnités dans une procédure portant sur un marché public[45] du Tribunal.

FRAIS

[46] Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, les frais relatifs à l’enquête — même provisionnels — sont, sous réserve des règlements, laissés à l’appréciation du Tribunal et peuvent être fixés ou taxés.

[47] En temps normal, la partie ayant obtenu gain de cause a droit à une indemnité raisonnable pour les frais qu’elle a engagés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal. Cependant, GCPROC n’a pas demandé le remboursement de ses frais, et ce, tant dans le dossier PR-2022-016 que le dossier PR-2022-018[46].

[48] En règle générale, il n’y a pas lieu d’accorder une indemnité raisonnable de frais lorsqu’aucune partie n’en fait pas la demande[47]. Conformément à sa pratique habituelle, le Tribunal n’accordera donc pas d’indemnité.

DÉCISION

[49] Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte est fondée.

[50] Aux termes des paragraphes 30.15(2) et (3) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal recommande, en guise de mesure corrective, que TPSGC dédommage GCPROC pour les profits qu’elle a perdus en ne se voyant pas accorder le contrat en question. Le Tribunal recommande également que GCPROC et TPSGC négocient le montant de l’indemnité en se basant sur le prix offert par GCPROC dans sa soumission et, dans les 60 jours suivant la publication de la présente décision, fassent rapport au Tribunal du résultat des négociations.

[51] Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur le montant de l’indemnité pour perte de profits, GCPROC devra déposer auprès du Tribunal, dans les 90 jours suivant la publication de la présente décision, des observations sur la question de l’indemnité. TPSGC disposera alors de sept jours ouvrables après avoir reçu les observations de GCPROC pour déposer une réponse. GCPROC disposera ensuite de cinq jours ouvrables après avoir reçu les observations en réponse de TPSGC pour déposer tout autre commentaire. Les parties sont tenues de se signifier mutuellement et de déposer leurs documents auprès du Tribunal simultanément. Le Tribunal se réserve le droit de fixer le montant définitif de l’indemnité.

[52] Chaque partie assumera ses propres frais.

Frédéric Seppey

Frédéric Seppey
Membre présidant


 

ANNEXE : EXTRAITS DE L’ALEC

 

Article 507 : Conditions de participation

[…]

3. Pour déterminer si un fournisseur satisfait aux conditions de participation, une entité contractante :

[…]

b) d’autre part, effectue son évaluation sur la base des conditions qu’elle a spécifiées à l’avance dans ses avis d’appel d’offres ou sa documentation relative à l’appel d’offres.

[…]

Article 515 : Traitement des soumissions et adjudication des marchés

1. Une entité contractante reçoit, ouvre et traite toutes les soumissions selon des procédures qui garantissent l’équité et l’impartialité du processus de passation des marchés, ainsi que la confidentialité des soumissions.

[…]

4. Pour être considérée en vue d’une adjudication, une soumission est présentée par écrit et, au moment de son ouverture, est conforme aux prescriptions essentielles énoncées dans les avis d’appel d’offres et dans la documentation relative à l’appel d’offres, et émane d’un fournisseur satisfaisant aux conditions de participation.

 

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

[2] DORS/93-602.

[3] En ligne : <https://canadabuys.canada.ca/fr/occasions-de-marche/appels-d-offres/pw-hal-507-11492>.

[4] Pièce PR-2022-018-01.A aux p. 53–54.

[6] Pièce PR-2022-018-01.A aux p. 64–65.

[7] Ibid. aux p. 62–63.

[8] Pièce PR-2022-018-01.A à la p. 61.

[9] Ibid.

[10] Pièce PR-2022-018-01.A à la p. 57.

[11] Ibid. aux p. 56–57.

[12] Ibid. aux p. 55–56.

[13] Ibid. à la p. 55.

[14] Pièce PR-2022-018-01 à la p. 1.

[15] Pièces PR-2022-018-08; PR-2022-018-09.

[16] Pièces PR-2022-018-11; PR-2022-018-11.A.

[17] Pièce PR-2022-018-15 (protégée).

[18] Pièce PR-2022-018-16.

[19] En ligne : Secrétariat du commerce intérieur <https://www.cfta-alec.ca/wp-content/uploads/2021/09/ALEC-Codification-administrative-24-septembre-2021.pdf> (entré en vigueur le 1er juillet 2017). La section 1.3 de la DP énumère tous les accords commerciaux applicables, notamment l’ALEC.

[20] Pièce PR-2022-018-10.A à la p. 17.

[21] Pièce PR-2022-018-01.A à la p. 49.

[22] Pièce PR-2022-018-11.A à la p. 12.

[23] Pièce PR-2022-018-10.A à la p. 17.

[24] Pièce PR-2022-018-01.A à la p. 10.

[25] Pièce PR-2022-018-11.A à la p. 63, par. 9.

[26] Pièce PR-2022-018-01.A à la p. 49.

[27] Ibid. à la p. 6.

[28] Ibid. aux p. 44, 49.

[29] Pièce PR-2022-018-14 à la p. 1.

[30] Pièce PR-2022-018-11.A à la p. 8.

[31] Ibid. à la p. 9.

[32] Madsen Diesel & Turbine Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (26 juin 2014), PR-2014-018 (TCCE) au par. 24. Voir aussi : Raymond Chabot Grant Thornton Consulting Inc. et PricewaterhouseCoopers LLP c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 octobre 2013), PR-2013-005 à PR-2013-008 (TCCE) [Valcom] au par. 37.

[33] Falcon Environmental Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (11 janvier 2021), PR-2020-034 (TCCE) au par. 64. Voir aussi : Valcom Consulting Group Inc. c. Ministère de la Défense nationale (14 juin 2017), PR-2016-056 (TCCE) au par. 54.

[34] Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2000 CanLII 15611 (CAF) au par. 18. Voir aussi : Bio-Rad laboratories (Canada) Ltd. (18 décembre 2017), PR-2017-044 (TCCE) au par. 11; Re plainte déposée par IBM Canada Ltée. (5 novembre 1999), PR-99-020 (TCCE) à la p. 7; Re plainte déposée par Bell Mobilité (14 juillet 2004), PR-2004-004 (TCCE) au par. 36.

[37] Pièce PR-2022-018-01.A à la p. 49.

[38] Northern Lights Aerobatic Team, Inc. (5 octobre 2005), PR-2005-004 (TCCE) au par. 59.

[39] Pièce PR-2022-018-01 à la p. 3.

[40] Pièce PR-2022-018-01.A à la p. 49.

[41] Ibid. à la p. 13.

[42] MacGregor’s Custom Machining Ltd. (5 août 2021), PR-2021-026 (TCCE) au par. 37; Bio-Rad Laboratories (Canada) Ltd. (18 décembre 2017), PR-2017-044 (TCCE) au par. 12.

[43] Dans Intercall Canada (11 juin 2009), PR-2009-011 (TCCE), le Tribunal fait remarquer que la clause de non-responsabilité figurait à la section technique, ainsi qu’aux sections financières originale et modifiée de la proposition, ce qui indique clairement que la non-responsabilité faisait partie de la soumission. Le Tribunal a également fait remarquer qu’InterCall ne considérait pas sa proposition comme sa réponse définitive à la demande de propositions, mais qu’il s’agissait plutôt d’une première étape des négociations entre elle et TPSGC. Ces négociations auraient probablement mené à des changements dans les conditions de la DP, lesquels auraient été repris dans tout contrat futur.

[44] Par exemple, dans Labrador Airways Ltd. v. Canada Post Corp. [2001] N.J. No. 28 [en anglais seulement], la cour a jugé que l’inclusion de conditions rendait la soumission non conforme, car la réponse du soumissionnaire quant au prix était conditionnelle à l’obtention de 100 % du volume de courrier sur toutes les routes, alors que la DP indiquait que Postes Canada devait avoir le droit de fractionner le contrat. De façon similaire, dans Inter-Rail Auto Handling Inc. (c.o.b. Inter-Rail Canada) v. Canadian Pacific Ltd. [2000] B.C.J. No. 1297 [en anglais seulement], le soumissionnaire avait remplacé le formulaire de soumission au taux prescrit par son propre formulaire et avait inséré la phrase suivante concernant ses réserves et conditions : « sur la base de l’exécution satisfaisante d’un contrat ».

[46] GCPROC a demandé que tous les documents déposés au dossier PR-2022-016 soient ajoutés au dossier PR‑2022‑018.

[47] D. Attwater, Procurement Review: A Practitioner’s Guide [en anglais seulement] à la p. 2:253; Joe Parsons Construction Ltd. (23 avril 2021), PR-2020-065 au par. 80; eVision Inc., SoftSim Technologies Inc., en coentreprise (22 août 2019), PR-2019-011 (TCCE) au par. 46; Autopos Marine Inc. s/n AutoNav (5 juin 2019), PR-2018-057 (TCCE) au par. 60; Vintage Designing Co. (13 avril 2018), PR-2017-050 (TCCE) au par. 63; Island Temperature Controls (2 février 2018), PR-2017-038 (TCCE), au par. 29; Valcom Consulting Group Inc. (14 juin 2017), PR-2016-056 (TCCE) au par. 108; Alcohol Countermeasure Systems Corps (24 avril 2014), PR-2013-041 (TCCE) au par. 53; Tritech Group Ltd. (31 mars 2014), PR-2013-035 (TCCE) au par. 48; ML Wilson Management (6 juin 2013), PR-2012-047 (TCCE) au par. 64. Voir Exeter c. Procureur général du Canada, 2013 CAF 134 (CanLII), un arrêt dans lequel la Cour d’appel fédérale a jugé que les parties doivent réclamer leurs dépens pour s’en voir attribuer.

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