Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier PR-2023-020

Eastern Slopes Directional Drilling Inc

Décision prise
le lundi 17 juillet 2023

Décision rendue
le mardi 18 juillet 2023

Motifs rendus
le mardi 1er août 2023

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

PAR

EASTERN SLOPES DIRECTIONAL DRILLING INC

CONTRE

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant

 

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1] En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1] (Loi sur le TCCE), tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2] (Règlement), déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[2] La présente plainte concerne l’appel d’offres W355B-235166/A publié par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC), au nom du ministère de la Défense nationale, pour la fourniture de divers conteneurs maritimes.

[3] La plaignante, Eastern Slopes Directional Drilling Inc (ESDDI), allègue que sa soumission a été injustement rejetée parce qu’elle n’a pas indiqué les prix d’un article prétendument non obligatoire dans la demande de proposition (DP)[3].

CONTEXTE

[4] Le 21 avril 2023, TPSGC a publié l’appel d’offres. TPSGC a modifié l’appel d’offres le 11 mai 2023, et l’appel d’offres a pris fin le 19 mai 2023[4]. ESDDI a présenté une soumission au plus tard à la date de clôture[5].

[5] Le 6 juillet 2023, TPSGC a informé ESDDI, au moyen d’une lettre de refus, qu’il avait attribué le contrat à un autre soumissionnaire et que la proposition d’ESDDI avait été déclarée non recevable parce qu’elle n’indiquait pas de prix au « Tableau 3 : Besoin optionnelle [sic] – Livraison à FMF Victoria, BC[6] ». TPSGC a expliqué que « [c]omme indiqué dans l’annexe Base de paiement, “[l]es soumissionnaires doivent présenter des prix unitaires fermes pour chacun des articles énumérés ci-dessous afin d’être retenus pour la suite du processus d’approvisionnement. Une soumission financière qui ne traite que d’une partie du besoin sera déclarée irrecevable” » [traduction].

[6] Le 7 juillet 2023, ESDDI a présenté une opposition, par courriel, concernant le fait qu’elle n’incluait pas la livraison à Victoria, en Colombie-Britannique, « parce que le gouvernement du Canada a clairement indiqué qu’elle n’était PAS obligatoire[7] » [traduction, caractères gras dans l’original]. ESDDI a demandé que sa soumission soit réexaminée. Le même jour, TPSGC a refusé la réparation et a suggéré qu’un recours était possible auprès du Tribunal[8].

ANALYSE

[7] Le Tribunal peut enquêter si toutes les conditions prescrites à l’égard de la plainte sont remplies. Parmi ces conditions, le Tribunal doit déterminer si les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, qu’il y a eu violation des obligations découlant des accords commerciaux pertinents[9].

[8] En l’espèce, le Tribunal a examiné les dispositions pertinentes de l’Accord de libre-échange canadien (ALEC) qui prévoient que, pour être prise en considération en vue de l’attribution d’un contrat, une soumission doit être conforme, au moment de son ouverture, aux exigences essentielles énoncées dans les documents de l’appel d’offres[10].

[9] En application de ces dispositions, à l’étape de l’évaluation, les entités contractantes sont tenues d’évaluer de manière approfondie et stricte la conformité d’une soumission avec les exigences obligatoires[11]. Les évaluateurs ne sont pas autorisés à appliquer des exigences qui ne sont pas explicites ou qui ne découlent pas de manière implicite d’une lecture contextuelle adéquate de la documentation de l’appel d’offres[12].

[10] De même, il est bien établi que les soumissionnaires assument la charge de démontrer leur conformité aux exigences obligatoires[13]. Il s’ensuit que les entités contractantes n’ont pas l’obligation de demander des éclaircissements ou de vérifier les propositions une fois que les soumissions ont été présentées[14]. Par conséquent, il incombe aux soumissionnaires de demander des éclaircissements avant de présenter une soumission afin d’éviter toute fausse hypothèse concernant les exigences[15].

[11] Lorsqu’il est demandé au Tribunal de revoir l’évaluation des soumissions par une entité contractante, le Tribunal applique le critère du caractère raisonnable, et il fait généralement preuve d’une grande retenue à l’égard des évaluateurs dans leur évaluation des soumissions. À cet égard, le Tribunal substituera son jugement à celui des évaluateurs uniquement lorsque ces derniers ne se sont pas appliqués à évaluer une soumission, ont ignoré des renseignements essentiels fournis dans une soumission, ont mal interprété la portée d’une exigence, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou n’ont pas mené l’évaluation d’une manière équitable sur le plan de la procédure[16].

[12] En l’espèce, le Tribunal ne dispose d’aucun élément de preuve qui démontre, dans une mesure raisonnable, que l’évaluation de TPSGC de la soumission d’ESDDI n’était pas conforme aux critères applicables de la DP. Les conditions de la DP sont claires : les soumissionnaires étaient tenus de présenter des prix pour chaque article énuméré dans l’annexe Base de paiement. Plus précisément, l’annexe en question indiquait d’emblée que « les soumissionnaires doivent présenter des prix unitaires fermes pour chaque article énuméré ci-dessous pour que leur offre soit prise en considération[17] » [nos italiques]. Les sections 7.1. et 7.2. de la DP appuient également cette interprétation comme suit :

7.1. Proposition financière. Les offrants doivent présenter leur offre financière en conformité avec Annexe Base de paiement.

7.2. Établissement des prix. Les offrants doivent soumettre des prix pour chaque article et destination[18].

[13] Par conséquent, le Tribunal conclut que la DP exigeait clairement des soumissionnaires qu’ils indiquent des prix distincts pour chaque article énuméré dans l’annexe Base de paiement[19].

[14] Le Tribunal constate également que la DP stipulait clairement que le fait de ne pas fournir les prix demandés dans l’annexe Base de paiement ferait en sorte qu’une soumission serait déclarée non recevable : « Une soumission financière ne répondant qu’à une partie de l’exigence sera déclarée non recevable[20]. »

[15] ESDDI fait valoir qu’elle n’a pas indiqué de prix pour la livraison à Victoria parce que la livraison à cet endroit était facultative pour le soumissionnaire[21]. Le Tribunal n’est pas convaincu par cet argument. ESDDI s’appuie sur les mots « Besoin optionnel » apparaissant dans le titre du tableau des prix pour la livraison à Victoria dans l’annexe Base de paiement. Toutefois, ces mots ne peuvent être interprétés isolément. Lorsqu’ils sont interprétés dans le contexte des autres dispositions de la DP citées ci-dessus, ils n’appuient pas raisonnablement l’interprétation d’ESDDI.

[16] L’examen d’autres passages de la DP le montre clairement. Une analyse contextuelle de la DP révèle que TPSGC envisageait plusieurs lieux de livraison pour le contrat en question et qu’il se réservait le droit, dans les dispositions de l’appel d’offres et les clauses du contrat subséquent, de demander la livraison vers plusieurs lieux à tout moment avant la fin du contrat. La section 1.4. de l’appel d’offres stipule que « [l]a livraison du besoin sera effectuée aux points de livraison identifiés à l’“Annexe - Énoncé des besoins” du contrat[22] ». La section 3.1. de l’annexe Énoncé des besoins indique les lieux de livraison pour un « besoin ferme » et pour des « besoins optionnels », qui sont les termes exacts également utilisés dans l’annexe Base de paiement. Lue dans son ensemble, et en conjonction avec l’article 3.3. des clauses du contrat subséquent, le Tribunal conclut qu’il est clair que TPSGC cherchait à obtenir un contrat pour une livraison ferme au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, avec des options de livraison à Victoria. Rien ne suggère dans les documents d’appel d’offres que le soumissionnaire pouvait choisir le lieu de livraison des marchandises. Conformément à l’objet de l’appel d’offres, le gouvernement a demandé des prix pour tous ces lieux de livraison (exigence ferme et besoin optionnel) dans l’annexe Base de paiement.

[17] Le Tribunal remarque également que, dans la mesure où ESDDI avait des questions ou des doutes sur des exigences obligatoires dans le DP, il lui incombait de demander des éclaircissements. Cela est d’ailleurs cohérent avec la section 3.1. de l’appel d’offres, laquelle stipulait qu’un offrant devait obtenir « toute clarification qu’il juge nécessaire au sujet des exigences de la demande d’offres avant de présenter une offre[23] ». Par conséquent, le Tribunal n’accepte pas l’argument d’ESDDI selon lequel TPSGC aurait dû contacter ESDDI si cela avait été obligatoire[24]. Au contraire, TPSGC était tenu, conformément aux obligations des articles 515(4) et (5) de l’ALEC et aux critères publiés de la DP, d’évaluer la soumission d’ESDDI telle qu’elle a été présentée.

[18] Par conséquent, le Tribunal estime que la preuve ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que l’évaluation de TPSGC de la soumission d’ESDDI était contraire aux obligations qui incombent au gouvernement en vertu de l’ALEC.

DÉCISION

[19] Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Cheryl Beckett

Cheryl Beckett
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

[2] DORS/93-602.

[3] Pièce PR-2023-020-01 à la p. 7.

[4] Ibid. aux p. 13–81. Voir aussi AchatsCanada.canada.ca, en ligne : <https://achatscanada.canada.ca/fr/occasions-de-marche/appels-d-offres/ws3975200931-doc3976216037>.

[5] Pièce PR-2023-020-01 à la p. 9.

[6] Ibid. aux p. 64–65.

[7] Ibid. à la p. 64.

[8] Ibid. à la p. 63.

[9] Alinéa 7(1)c) du Règlement.

[10] Article 515(4) de l’ALEC.

[11] Falcon Environmental Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (11 janvier 2021), PR‑2020‑034 (TCCE) au par. 63; Siemens Westinghouse Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2000 CanLII 15611 (CAF) au par. 18.

[12] Accipiter Radar Technologies Inc. c. Ministère des Pêches et des Océans (17 février 2011), PR-2010-078 (TCCE) au par. 50; Coentreprise non constituée en personne morale entre BEVA Global Management Inc., Enterprise Information Systems, Inc., Franco-Expert Inc. et ABCE Language School Inc. (21 juin 2022), PR-2022-014 (TCCE) [BEVA] au par. 33.

[13] BEVA au par. 42; Valcom Consulting Group Inc. c. Ministère de la Défense nationale (14 juin 2017), PR‑2016‑056 (TCCE) au par. 54.

[14] Arctus Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (7 octobre 2015), PR-2015-011 (TCCE) [Arctus] au par. 31; BEVA au par. 48.

[15] Slenke Inc. c. Infrastructure Canada (18 juillet 2017), PR-2016-062 (TCCE) au par. 36; Arctus au par. 32; BEVA au par. 41.

[16] Krav Maga Ottawa (1er juin 2022), PR-2022-010 (TCCE) au par. 24; Samson & Associates c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (13 avril 2015), PR-2014-050 (TCCE) au par. 35; Arctus au par. 33.

[17] Pièce PR-2023-020-01 à la p. 51.

[18] Ibid. à la p. 20. Voir aussi la section 3.1.e. de l’appel d’offres à la pièce PR-2023-020-01 à la p. 15, laquelle stipulait que les offrants devaient « fournir une offre claire et suffisamment détaillée, contenant tous les renseignements demandés sur les prix, pour permettre au Canada de réaliser son évaluation fondée sur les critères dans la demande d’offres » [nos italiques].

[19] Pièce PR-2023-020-01 aux p. 51–52.

[20] Ibid. à la p. 51. La section 3.1. exigeait également de l’offrant qu’il « prépar[e] son offre conformément aux instructions contenues dans la demande d’offres » et « respect[e] toutes les autres exigences de la présente demande d’offres ». Voir la pièce PR-2023-020-01 à la p. 15.

[21] Pièce PR-2023-020-01 à la p. 9.

[22] Ibid. à la p. 15.

[23] Voir la pièce PR-2023-020-01 à la p. 15.

[24] Voir la pièce PR-2023-020-01 à la p. 6.

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