Enquêtes sur les marchés publics

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Dossier PR-2023-030

Kyndryl Canada Limited; ISM Information Systems Management Corporation, en coentreprise

Décision prise
le mardi 29 août 2023

Décision rendue
le mercredi 30 août 2023

Motifs rendus
le mardi 12 septembre 2023

 


EU ÉGARD À une plainte déposée aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

PAR

KYNDRYL CANADA LIMITED; ISM INFORMATION SYSTEMS MANAGEMENT CORPORATION, EN COENTREPRISE

CONTRE

LE BUREAU DU DIRECTEUR GÉNÉRAL DES ÉLECTIONS

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Bree Jamieson-Holloway

Bree Jamieson-Holloway
Membre présidant

L’exposé des motifs suivra à une date ultérieure.


EXPOSÉ DES MOTIFS

[1] En vertu du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur[1] (Loi sur le TCCE), tout fournisseur potentiel peut, sous réserve du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics[2] (Règlement), déposer une plainte auprès du Tribunal canadien du commerce extérieur concernant la procédure des marchés publics suivie relativement à un contrat spécifique et lui demander d’enquêter sur cette plainte. En vertu du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, après avoir jugé la plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE et sous réserve du Règlement, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter.

RÉSUMÉ DE LA PLAINTE

[2] La présente plainte porte sur un marché public (appel d’offres ECGZ‑RFP‑2020‑0716)[3] passé par le Bureau du directeur général des élections (Élections Canada) dans le cadre de l’arrangement en matière d’approvisionnement (l’AMA) pour les services professionnels en informatique centrés sur les tâches (les SPICT) (EN578‑170432)[4]. L’appel d’offres visait à obtenir des soumissions pour la prestation de plusieurs services répartis dans quatre volets de l’AMA pour les SPICT : services à l’entreprise; services de gestion de projets; services d’application; services de gestion de l’information et des technologies de l’information. Élections Canada avait l’intention d’accorder jusqu’à deux ou trois contrats par volet, chaque contrat ne devant porter que sur un seul volet.

[3] La partie plaignante, Kyndryl Canada Limited et ISM Information Systems Management Corporation en coentreprise (la coentreprise), allègue que le rejet de sa soumission est fondé sur des critères d’évaluation qui n’ont pas été communiqués. Elle soutient plus précisément que, selon sa lecture des documents d’appel d’offres, certains titulaires d’un AMA pour les SPICT (dont la coentreprise) auraient dû pouvoir présenter une soumission en réponse à l’appel d’offres en cause, même s’ils n’étaient pas préqualifiés dans toutes les catégories des volets faisant l’objet de l’appel d’offres. La coentreprise soutient que le fait qu’Élections Canada s’est appuyé sur une interprétation différente des documents d’appel d’offres, selon laquelle les soumissionnaires devaient être préqualifiés dans toutes les catégories d’un volet, équivaut à réaliser une évaluation en fonction de critères non communiqués[5].

[4] Pour les motifs exposés ci‑après, le Tribunal est d’avis que les renseignements fournis par la coentreprise ne démontrent pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables. Par conséquent, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

CONTEXTE

[5] Le 31 octobre 2022, Élections Canada a publié une demande de propositions (la DP) dans le cadre de l’AMA pour les SPICT. La date de clôture de l’appel d’offres était le 14 décembre 2022[6]. La coentreprise a présenté une soumission à la date de clôture pour le volet des services de gestion de l’information et des technologies de l’information[7].

[6] Le 18 juillet 2023, Élections Canada a informé la coentreprise que sa soumission était non recevable et que Veritaaq Technology House inc. s’était vu accorder un contrat de 12 824 631,50 $[8]. Élections Canada a plus précisément souligné qu’au moment où elle a publié la DP, la coentreprise n’était pas préqualifiée dans la catégorie « Analyste de base de données », requise au titre du volet des services de gestion de l’information et des technologies de l’information de la DP, ce qui rendait la soumission non recevable[9].

[7] Les 20 et 24 juillet 2023, la coentreprise a contesté le rejet de sa soumission et, le 10 août 2023, Élections Canada lui a refusé réparation[10]. La coentreprise a déposé une plainte auprès du Tribunal le 23 août 2023[11].

ANALYSE

[8] Selon les articles 6 et 7 du Règlement, lorsque le Tribunal reçoit une plainte conforme au paragraphe 30.11(2) de la Loi sur le TCCE, il doit déterminer si les quatre conditions suivantes sont remplies avant de procéder à une enquête :

i) la plainte a été déposée dans les délais prescrits[12];

ii) le plaignant est un fournisseur potentiel[13];

iii) la plainte porte sur un contrat spécifique[14];

iv) les renseignements fournis démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables[15].

[9] En l’espèce, le Tribunal conclut que la quatrième condition n’a pas été remplie.

[10] Pour parvenir à sa décision, le Tribunal a tenu compte, entre autres, des dispositions pertinentes de l’Accord de libre‑échange canadien (l’ALEC), qui énonce les règles applicables aux organismes gouvernementaux et aux fournisseurs en ce qui a trait à l’évaluation des soumissions et aux conditions de participation[16], dont l’alinéa 509(7)a) qui prévoit qu’une entité contractante est tenue d’énoncer les critères d’évaluation des soumissions de façon à permettre aux fournisseurs de préparer et de présenter des soumissions valables[17]; le paragraphe 515(4) qui prévoit qu’une soumission doit émaner d’un fournisseur satisfaisant aux conditions de participation[18]; et l’alinéa 507(3)b) qui prévoit qu’une entité contractante doit déterminer si un fournisseur satisfait aux conditions de participation sur la base des conditions qu’elle a spécifiées dans sa documentation relative à l’appel d’offres[19]. En ce qui a trait aux règles qui concernent précisément la préqualification des fournisseurs, le Tribunal a pris en compte les paragraphes 508(1) et 508(4) qui précisent qu’une entité contractante peut restreindre les soumissions à des fournisseurs préqualifiés et établir des critères pour limiter le nombre de fournisseurs préqualifiés qui seront autorisés à soumissionner à un appel d’offres donné, à condition qu’elle ait énoncé ces critères dans les documents d’appel d’offres[20].

[11] Conformément aux dispositions énoncées précédemment, le Tribunal a statué qu’une entité contractante est en droit de définir ses besoins en approvisionnement, y compris les conditions de participation[21]. Le Tribunal a indiqué clairement qu’il incombait généralement au soumissionnaire de demander des éclaircissements avant de présenter une offre, lorsque la situation le requiert[22].

[12] En l’espèce, comme le Tribunal l’a déjà mentionné, la coentreprise soutient que, selon son interprétation des documents d’appel d’offres et contrairement à la position d’Élections Canada, tous les titulaires d’un AMA pour les SPICT de palier 2 (dont la coentreprise) auraient dû pouvoir présenter une soumission pour l’appel d’offres en cause, et ce, même s’ils n’étaient pas préqualifiés dans toutes les catégories du volet faisant l’objet de la soumission. La coentreprise fonde son interprétation sur la clause 1.2.9 de la DP, qui est rédigée en ces termes :

Seuls les détenteurs actuels d’un AMA pour [l]es SPICT de palier 2 de la série EN578‑170432 des AMA sont invités à présenter une soumission [23].

[13] La coentreprise soutient que cette clause devrait être interprétée dans un sens large de manière à comprendre les fournisseurs qui pouvaient ne pas être préqualifiés dans toutes les catégories au moment où la DP a été publiée[24], et fait remarquer que rien dans la DP n’indiquait expressément que les fournisseurs devaient certifier qu’ils étaient qualifiés dans toutes les catégories du volet en cause afin de pouvoir présenter une soumission[25]. Dans la mesure où son interprétation de la clause 1.2.9 entrerait en conflit avec certains éléments de l’AMA pour les SPICT qui a été ajouté à la DP par renvoi[26], la coentreprise soutient que son interprétation devrait prévaloir pour différentes questions de fait et de droit[27].

[14] Compte tenu de la preuve à sa disposition et des principes juridiques mentionnés précédemment, le Tribunal conclut que rien ne démontre, dans une mesure raisonnable, que la façon dont Élections Canada a interprété et appliqué la clause 1.2.9 était contraire aux accords commerciaux applicables. À cet égard, outre la clause 1.2.9, le Tribunal souligne la clause 1.2.8 de la DP et la clause 1.5 de l’AMA pour les SPICT, qui sont libellées ainsi :

1.2.8 L’arrangement en matière d’approvisionnement pour les SPICT no EN578‑170432/B est incorporé par renvoi à la présente demande de soumissions et en fait partie, comme s’il y était expressément reproduit, et est assujetti aux conditions contenues dans la présente demande de soumissions. Les autres termes qui ne sont pas expliqués dans la présente demande de soumissions ont la signification indiquée dans l’AMA pour les SPICT[28].

1.5 Tous les fournisseurs sont invités à présenter une soumission

Pour un besoin du palier 1 ou du palier 2, tous les fournisseurs qualifiés dans chacune des catégories, régions et zones métropolitaines seront invités, par courriel ou par le SEAOG, à présenter une soumission s’ils ont reçu une demande de renseignements au sujet des services qui, en totalité ou en partie, sont mentionnés dans le besoin qui fera l’objet d’une demande de soumissions dans le cadre de cet AMA[29].

[Nos italiques]

[15] Compte tenu des clauses reproduites précédemment, le Tribunal est d’avis que les conditions de la DP sont sans ambiguïté : il est expressément fait mention, à la clause 1.2.8, que l’AMA pour les SPICT a été ajouté à la DP par renvoi. En outre, il ressort clairement des clauses 1.2.8 et 1.2.9 de la DP et de la clause 1.5 de l’AMA pour les SPICT que les fournisseurs du palier 2 devaient être qualifiés dans chaque catégorie pertinente afin de pouvoir présenter une soumission. Cette interprétation est aussi étayée par la clause 1.2.11 de la DP, qui précise que, dans le cadre de l’AMA, les fournisseurs seront tenus de fournir sur demande des services pour toutes les catégories citées[30]. Le Tribunal fait remarquer que la catégorie « Analyste de base de données » faisait en l’espèce partie de la liste, et que la coentreprise n’était pas préqualifiée pour celle-ci au moment opportun.

[16] Le Tribunal prend note de l’observation de la coentreprise selon laquelle, conformément à son point de vue sur la clause 1.2.9, la clause 1.5 de l’AMA pour les SPICT n’équivaut pas à une exigence de la DP qui empêche un fournisseur préqualifié de présenter une soumission dans une catégorie pour laquelle il n’a pas été qualifié dans le cadre de l’AMA[31]. Toutefois, pour les motifs exposés précédemment, le Tribunal n’est pas convaincu de cette interprétation. Le Tribunal est d’avis que les dispositions pertinentes des documents d’appel d’offres sont sans équivoque quant aux critères servant à déterminer les fournisseurs qui peuvent présenter une soumission, et cette interprétation s’appuie sur le contexte fourni par les documents d’appel d’offres dans leur ensemble. Il incombait à la coentreprise d’examiner soigneusement la DP et les documents qui en faisaient partie avant de présenter sa soumission afin de déterminer si elle pouvait participer à la DP. Par ailleurs, si la coentreprise avait des doutes à cet égard, elle aurait dû demander des éclaircissements à Élections Canada avant la date de clôture.

[17] Pour les motifs exposés précédemment, le Tribunal conclut que la preuve ne démontre pas, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément aux accords commerciaux applicables.

DÉCISION

[18] Aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal a décidé de ne pas enquêter sur la plainte.

Bree Jamieson-Holloway

Bree Jamieson-Holloway
Membre présidant

 



[1] L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

[2] DORS/93‑602.

[3] Pièce PR‑2023‑030‑01.B aux p. 19–918.

[4] Ibid. aux p. 946–1080.

[5] Ibid. aux p. 1081–1084.

[6] Ibid. à la p. 12.

[7] Ibid. à la p. 942.

[8] Ibid. aux p. 1086–1087.

[9] Ibid. aux p. 1105–1110.

[10] Ibid. aux p. 1104–1112.

[11] Ibid. à la p. 1.

[12] Paragraphes 6(1) et 6(2) du Règlement.

[13] Alinéa 7(1)a) du Règlement.

[14] Alinéa 7(1)b) du Règlement.

[15] Alinéa 7(1)c) du Règlement.

[16] Les accords commerciaux suivants, qui énoncent des règles comparables à celles de l’ALEC mentionnées dans la présente décision, s’appliquent également : l’Accord sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce, l’Accord de libre‑échange Canada-Panama, l’Accord de libre‑échange Canada-Corée, l’Accord de libre‑échange Canada-Honduras, l’Accord de libre‑échange Canada-Chili, l’Accord de libre‑échange Canada‑Colombie, et l’Accord de libre‑échange Canada-Pérou.

[17] Alinéa 509(7)a) de l’ALEC.

[18] Paragraphe 515(4) de l’ALEC.

[19] Alinéa 507(3)b) de l’ALEC.

[20] Paragraphes 508(1) et 508(4) de l’ALEC.

[21] Autopos Marine Inc. s/n AutoNav c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (5 juin 2019), PR‑2018‑057 (TCCE) au par. 53.

[22] Coentreprise non constituée en personne morale entre BEVA Global Management Inc., Enterprise Information Systems, Inc., Franco-Expert Inc. et ABCE Language School Inc. (21 juin 2022), PR‑2022‑014 au par. 41. Voir aussi Berlitz Canada Inc. (18 juillet 2003), PR‑2002‑066 (TCCE); Primex Project Management Ltd. (22 août 2002), PR‑2002‑001 (TCCE).

[23] Pièce PR‑2023‑030‑01.B à la p. 26.

[24] Ibid. à la p. 1083, à la clause 2.8.

[25] Ibid. à la p. 1083, à la clause 2.10.

[26] Ibid. à la p. 26.

[27] Voir les observations de la coentreprise, pièce PR‑2023‑030‑01.B à la p. 1081, aux clauses 2.5, 2.6, 2.7, 2.9, 2.11, 2.12.

[28] Pièce PR-2023-030-01.B à la p. 26.

[29] Ibid. à la p. 954.

[30] Ibid. aux p. 26–30.

[31] Ibid. à la p. 1083, à la clause 2.12.

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