Enquêtes sur les marchés publics

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EU ÉGARD À une plainte déposée par Higher Standard Sales aux termes du paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET À LA SUITE D’une décision d’enquêter sur la plainte aux termes du paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur.

ENTRE

HIGHER STANDARD SALES

Partie plaignante

ET

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX

Institution fédérale

DÉCISION

Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, le Tribunal canadien du commerce extérieur détermine que la plainte n’est pas fondée.

Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux une indemnité raisonnable pour les frais engagés dans sa réponse à la plainte, indemnité qui doit être versée par Higher Standard Sales. Conformément aux Lignes directrices sur la fixation des frais dans une procédure de plainte portant sur un marché public (Lignes directrices), le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la plainte correspond au degré 1 et que le montant de l’indemnité est de 1 150 $. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité et du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 des Lignes directrices. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.

 


 

Membres du Tribunal :

Frédéric Seppey, membre présidant

Personnel du Secrétariat du Tribunal :

Emilie Audy, conseillère juridique
Charlotte Saintonge, stagiaire en droit
Geneviève Bruneau, agente du greffe
Rekha Sobhee, agente du greffe

Partie plaignante :

Higher Standard Sales

Conseiller juridique de la partie plaignante :

Non représentée

Institution fédérale :

Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux

Conseiller juridique de l’institution fédérale :

Michael Horn
Cynthia Louden
Don Karl Roberto

Veuillez adresser toutes les communications à :

La greffière adjointe
Téléphone : 613-993-3595
Courriel : tcce-citt@tribunal.gc.ca

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

Résumé de la plainte

[1] La présente plainte porte sur une demande de proposition (DP) publiée par le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (TPSGC) dans le cadre de l’appel d’offres W0130-21GC31[1], au nom du ministère de la Défense nationale, pour l’acquisition de conteneurs maritimes pour l’entreposage.

[2] La présente plainte est la deuxième déposée par Higher Standard Sales (HSS) relativement au marché en cause. Le Tribunal canadien du commerce extérieur a conclu que la première plainte était prématurée, car la soumission de HSS n’avait pas encore été rejetée par l’entité contractante[2]. Dans la présente deuxième plainte, HSS allègue que TPSGC a déclaré à tort sa soumission irrecevable et que le soumissionnaire retenu a proposé un prix anormalement bas. À titre de mesure corrective, HSS demande que les soumissions soient réévaluées, que le contrat désigné soit résilié et qu’il lui soit attribué, et demande en outre une indemnisation pour la perte de bénéfices, les frais liés à la préparation de la plainte et les frais liés à la préparation de la soumission.

[3] Le Tribunal a accepté d’enquêter sur la plainte conformément au paragraphe 30.13(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur (Loi sur le TCCE)[3] et au paragraphe 7(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics (le Règlement)[4].

[4] Pour les motifs qui suivent, au terme de son enquête sur la plainte, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

CONTEXTE

Procédure du marché public

[5] La DP a été publiée le 2 mai 2022[5]. TPSGC a ensuite publié trois modifications, les 11, 12 et 20 mai 2022. À la suite de ces modifications, trois critères techniques obligatoires (CTO) ont été supprimés de la DP. La version définitive des CTO de la DP se lit comme suit[6] :

9.3 Critères techniques obligatoires

9.3.1 Les conteneurs doivent mesurer 20 pi de long par 8 pi de large par 8 ½ pi de hauteur.

9.3.2 Le conteneur doit être neuf (« neuf » étant défini dans les présentes comme ayant été utilisé pour une expédition unidirectionnelle seulement).

9.3.3 Ces conteneurs pour marchandises sèches doivent être construits en conformité avec les normes ISO 668 et ISO 1496-1.

9.3.4 Les conteneurs chargés et déchargés doivent être munis d’entrées de fourche.

9.3.5 L’indication d’approbation de la CSC (Convention sur la sécurité des conteneurs) doit être supprimée, puisque le conteneur ne sera plus utilisé à des fins d’expédition internationale.

9.3.6 Le numéro de série sur chaque conteneur doit être conservé.

[Traduction]

[6] La période de soumission a pris fin le 27 mai 2022. TPSGC a reçu 11 soumissions au total, dont une de HSS[7].

[7] Le 5 juillet 2022, HSS a reçu un courriel de TPSGC demandant de confirmer où se trouvaient les renseignements relatifs au CTO 9.3.3 (normes de l’Organisation internationale de normalisation [ISO]) et au CTO 9.3.6 (numéro de série) dans sa proposition[8]. Dans une série de courriels envoyés les 6 et 7 juillet 2022, HSS a répondu que son fournisseur avait confirmé qu’il pouvait fournir des « certifications d’usine » [traduction] pour le conteneur, et que sa soumission indiquait implicitement que les conteneurs maritimes respectaient les normes ISO énumérées au CTO 9.3.3 et que, par conséquent, il aurait été redondant d’inclure ces renseignements. HSS a en outre répondu que l’exigence concernant le numéro de série énoncé au CTO 9.3.6 a été supprimée par la modification du 20 mai 2022, mais a joint des documents à l’appui provenant de son fournisseur, lesquels confirmaient que ses conteneurs proposés seraient dotés d’un numéro de série[9]. TPSGC a informé HSS le 6 juillet 2022 qu’aucun renseignement supplémentaire ne pouvait être ajouté après la date de clôture de l’appel d’offres[10].

[8] Le 22 juillet 2022, HSS a reçu une lettre de refus de TPSGC l’informant que sa soumission n’avait pas démontré comment elle respectait les CTO 9.3.3 et 9.3.6, et qu’elle ne se verrait pas attribuer de contrat[11]. Le 22 juillet 2022, un contrat d’un montant de 228 800,25 $ (contrat CW2231685) a été attribué à 11644157 Canada Inc., le soumissionnaire retenu[12].

Procédure de la plainte

[9] Le 4 août 2022, HSS a déposé la présente deuxième plainte (PR-2022-031) concernant la présente procédure du marché public, demandant que tous les documents soumis dans le cadre de sa première plainte (PR-2022-023) soient ajoutés à la deuxième plainte. Les motifs de plainte étaient les suivants :

· TPSGC a déterminé à tort que la soumission de HSS n’était pas conforme au CTO 9.3.3 (« Ces conteneurs pour marchandises sèches doivent être construits en conformité avec les normes ISO 668 et ISO 1496-1 » [traduction]);

· TPSGC a déterminé à tort que la soumission de HSS n’était pas conforme au CTO 9.3.6 (« Le numéro de série sur chaque conteneur doit être conservé » [traduction]);

· Le soumissionnaire retenu a proposé un prix anormalement bas[13].

[10] Le Tribunal a accepté d’enquêter sur la plainte le 11 août 2022[14].

[11] Le 12 septembre 2022, TPSGC a déposé des versions publiques et protégées de son rapport de l’institution fédérale (RIF) auprès du Tribunal[15]. Le 20 septembre 2022, le Tribunal a demandé à TPSGC de déposer la grille d’évaluation utilisée pour examiner les soumissions et d’y joindre l’évaluation de la soumission de HSS. Par conséquent, l’enquête du Tribunal a été prolongée à 135 jours[16]. TPSGC a fourni les documents demandés le 23 septembre 2022[17]. HSS avait ensuite jusqu’au 5 octobre 2022 pour déposer ses commentaires sur le RIF et les autres documents remis au Tribunal par TPSGC[18].

[12] Le 6 octobre 2022, HSS a informé le Tribunal qu’elle avait l’intention de déposer des commentaires sur le RIF, mais qu’elle n’était pas en mesure de comprendre l’évaluation de sa soumission, puisque celle-ci était en français[19]. Le 14 octobre 2022, HSS a officiellement demandé une prolongation pour déposer ses commentaires sur le RIF, ce que le Tribunal a accordé[20]. HSS a également demandé une traduction en anglais de l’évaluation de sa soumission déposée par TPSGC[21]. À la demande du Tribunal, TPSGC a déposé une traduction en anglais de l’évaluation de la soumission de HSS le 26 octobre 2022[22].

[13] Étant donné que HSS n’a déposé aucun commentaire sur le RIF, le 8 novembre 2022, le Tribunal a avisé les parties que le dossier était maintenant clos et que l’affaire serait tranchée en fonction des éléments de preuve et des observations au dossier[23].

ANALYSE

[14] Aux termes du paragraphe 30.14(1) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal doit, lorsqu’il a décidé d’enquêter, limiter son étude à l’objet de la plainte. À la fin de l’enquête, le Tribunal doit déterminer le bien-fondé de la plainte en fonction du respect des critères et des procédures établis par règlement pour le contrat spécifique.

[15] L’article 11 du Règlement précise que le Tribunal doit déterminer si le marché public a été passé conformément aux exigences énoncées dans les accords commerciaux applicables, lesquels, en l’espèce, comprennent l’Accord de libre-échange canadien (ALEC).

[16] Les dispositions pertinentes de l’ALEC invoquées dans les allégations formulées par HSS se trouvent à l’annexe 1 et peuvent être résumées comme suit :

· L’alinéa 507(3)(b) prévoit qu’une entité contractante effectue son évaluation sur la base des conditions qu’elle a spécifiées à l’avance dans ses avis d’appel d’offres ou sa documentation relative à l’appel d’offres;

· Le paragraphe 515(4) de l’ALEC prévoit que pour être considérée en vue d’une adjudication, une soumission est conforme aux prescriptions essentielles énoncées dans les avis d’appel d’offres et dans la documentation relative à l’appel d’offres;

· Le paragraphe 515(6) prévoit que si une entité contractante reçoit une soumission d’un fournisseur dont le prix est anormalement inférieur aux prix des autres soumissions présentées, elle peut vérifier auprès du fournisseur qu’il satisfait aux conditions de participation et qu’il est apte à satisfaire aux modalités du marché.

[17] Le Tribunal analysera maintenant les motifs de plainte de HSS au regard du cadre législatif et des obligations prévues dans les accords commerciaux.

Motif 1 : L’évaluation par TPSGC de la soumission de HSS était raisonnable en ce qui concerne le CTO 9.3.3 (conformité aux normes ISO 668 et ISO 1496-1), car HSS n’a pas réussi à démontrer sa conformité

[18] Selon HSS, la norme ISO 668 renvoie à une « norme internationale ISO qui classe les conteneurs d’expédition intermodaux de façon nominale et normalise leurs tailles, leurs mesures et leurs spécifications liées au poids » [traduction]. La norme ISO 1496-1 « prescrit les spécifications de base et les exigences d’essai à appliquer aux conteneurs ISO de la série 1 de tous les types à usage général fermés et de certains types à usage spécifique (conteneurs fermés, aérés, ventilés ou à toit ouvrant), convenant aux échanges internationaux et au transport par route, par rail et par mer, et permettant les transbordements entre ces différents modes de transport » [traduction][24].

[19] HSS allègue que sa soumission respectait le CTO 9.3.3, puisque la fiche de critères techniques qu’elle a fournie dans le cadre de sa soumission indique dans trois sections distinctes que les conteneurs proposés sont certifiés ISO. Elle allègue également que son fournisseur, Sea Box, a remporté de nombreux marchés publics au moyen de la même fiche technique. Enfin, HSS soutient que le fait que ses conteneurs proposés aient des numéros de nomenclature OTAN (NNO) et qu’ils soient « fabriqués conformément à la norme ATPD-2339A de l’armée [américaine] » [traduction], comme le prescrit la fiche de critères techniques, indique en outre que les conteneurs sont conformes aux normes ISO[25].

[20] TPSGC soutient que, puisque la soumission de HSS n’indiquait pas que les conteneurs respectaient les normes prescrites (ISO 668 et ISO 1496-1), il ne pouvait pas être conclu que la soumission était conforme au regard des renseignements fournis[26]. Il ajoute que HSS ne pouvait pas s’attendre à ce que TPSGC déduise de certaines mentions d’un « conteneur de fret certifié ISO » [traduction] ou d’un conteneur « fabriqué selon les plus récentes normes ISO » [traduction] que les conteneurs proposés respectaient les exigences relatives aux normes ISO 668 et ISO 1496-1. TPSGC allègue qu’il existe plusieurs normes ISO qu’un tel conteneur pourrait respecter[27]. TPSGC soutient en outre qu’il incombe au soumissionnaire de démontrer explicitement sa conformité aux critères de l’appel d’offres, que les soumissionnaires doivent faire preuve de diligence raisonnable lorsqu’ils préparent leur soumission[28], et qu’il n’incombe pas aux institutions fédérales d’accorder le bénéfice du doute aux soumissionnaires lorsque la conformité ne peut être établie clairement et qu’elles n’en ont pas le droit[29].

[21] Lorsque le Tribunal examine la façon dont les soumissions sont évaluées, il applique le critère du caractère raisonnable. Le Tribunal ne substitue donc pas son jugement à celui des évaluateurs, sauf si ces derniers ne se sont pas appliqués à bien évaluer une proposition, n’ont pas tenu compte de renseignements d’importance cruciale contenus dans une proposition, ont fondé leur évaluation sur des critères non divulgués ou bien n’ont pas procédé à une évaluation équitable sur le plan de la procédure. La détermination de l’institution fédérale sera jugée raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n’est pas convaincante aux yeux du Tribunal[30].

[22] Le Tribunal fait remarquer que la fiche de spécifications techniques du fabricant jointe à la soumission de HSS précise les dimensions externes et internes des conteneurs proposés et indique ce qui suit[31] :

· Conteneur de fret certifié ISO (deux fois);

· Tous les nouveaux conteneurs sont fabriqués selon les plus récentes normes ISO;

· Fabriqués conformément à la norme ATPD-2339A de l’armée;

· Fabriqués conformément à la norme ATPD-2339;

· NNO no 8150-01-528-7571;

· ISO 9001.

[Traduction]

[23] Le Tribunal est d’accord avec TPSGC qu’il ne peut pas être présumé que l’expression « conteneur de fret certifié ISO » [traduction] signifie que le conteneur est nécessairement conforme aux normes ISO prescrites mentionnées dans la DP. À vrai dire, le fait que la soumission de HSS indique que les conteneurs proposés sont certifiés « ISO 9001 », ce qui n’est pas une exigence du marché public en cause, laisse clairement entendre qu’il existe effectivement un certain nombre de normes ISO que les conteneurs peuvent respecter.

[24] Le Tribunal a maintes fois clairement indiqué qu’il incombe au soumissionnaire de démontrer la conformité de sa soumission[32]. Dans Falcon Environmental Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, le Tribunal a déclaré ce qui suit[33] :

Le Tribunal a aussi clairement indiqué qu’il incombe aux soumissionnaires de démontrer que leur proposition satisfait aux critères obligatoires d’un appel d’offres. Autrement dit, les soumissionnaires ont la responsabilité de s’assurer que tous les documents à l’appui de leur soumission démontrent clairement sa conformité. À cet égard, le Tribunal encourage les évaluateurs à ne pas faire de suppositions à propos d’une soumission, et, ultimement, il incombe au soumissionnaire de faire preuve de diligence raisonnable dans la préparation de sa proposition et de veiller à ce que celle-ci soit claire et bien comprise par les évaluateurs.

[Notes de bas de page omises, nos italiques]

[25] La section 9.1 de la DP prévoyait que « [l]e soumissionnaire doit soumettre des documents et/ou des dessins techniques des marchandises offertes à la section 9.2 et doit indiquer à la section 9.3 où chacun des critères techniques est démontré dans les documents et/ou les dessins techniques qu’il soumet »[34] [traduction, en caractères gras dans l’original]. À la section 9.3 de sa soumission, en ce qui concerne le CTO 9.3.3, HSS a simplement indiqué « TACOM.pdf » (renvoyant à la fiche de critères techniques du fournisseur incluse dans la soumission), sans donner d’autres explications[35].

[26] Dans son opposition à TPSGC, HSS alléguait qu’il existe un lien entre la fiche de critères techniques détaillant les dimensions extérieure et intérieure, les mesures et le poids des conteneurs proposés et la norme ISO 668[36]. Le Tribunal estime que HSS n’a pas « établi de lien » en ne démontrant pas clairement dans sa soumission comment les conteneurs proposés se conformaient aux normes ISO 668 et ISO 1496-1. Il incombait à HSS de démontrer que sa soumission était clairement et entièrement conforme à toutes les exigences obligatoires de l’appel d’offres, même si cela signifiait qu’elle serait redondante. À la lumière des instructions précises contenues dans les sections 4.1.2.1 et 9.1 de la DP, le Tribunal estime que HSS aurait dû mentionner directement les normes ISO particulières requises par la DP plutôt que de s’en remettre aux évaluateurs pour formuler des hypothèses.

[27] Dans l’affaire Valcom, le Tribunal a déclaré que, lorsqu’il n’est pas clair si une soumission est conforme, cela signifie que la soumission n’est pas conforme, ajoutant qu’il incombe au soumissionnaire de démontrer la conformité. Le Tribunal était d’avis qu’il n’incombe pas aux institutions fédérales d’accorder le bénéfice du doute aux soumissionnaires lorsque la conformité ne peut être établie clairement, et qu’elles n’en ont pas le droit[37]. En l’espèce, le Tribunal ne voit aucune raison de tirer une conclusion différente. La soumission de HSS ne démontrait pas clairement la conformité aux normes ISO 668 et ISO 1496-1. En fait, la soumission ne renvoie aucunement à ces normes.

[28] De même, dans sa soumission, HSS n’établit aucun lien entre le CTO 9.3.3 et le fait que les conteneurs proposés sont « fabriqués conformément à la norme ATPD-2339A de l’armée » [traduction] ou ont un NNO. À plusieurs reprises, le Tribunal a statué qu’il n’est pas approprié pour un évaluateur d’appliquer ses connaissances personnelles au‑delà du champ des connaissances générales ou de s’appuyer sur d’autres sources que la soumission pour obtenir des renseignements manquants[38]. Le fait que la norme ATPD-2339A de l’armée américaine puisse être équivalente aux normes ISO ou qu’un NNO laisse entendre une conformité aux normes ISO n’est pas une question de connaissances générales. On ne pouvait pas raisonnablement s’attendre à ce que TPSGC déduise de ces renseignements que la proposition était conforme au CTO 9.3.3.

[29] Enfin, HSS soutient que son fournisseur a remporté de nombreux marchés publics au moyen du même critère technique. Le fait qu’un soumissionnaire ou un fournisseur donné ait remporté des marchés publics antérieurs n’est pas pertinent[39]. Comme le Tribunal l’a déjà maintes fois affirmé, les soumissionnaires doivent traiter chaque appel d’offres de façon distincte, et il incombe aux soumissionnaires de démontrer la conformité de leur soumission à tous les critères relatifs à l’appel d’offres en cause[40]. Le Tribunal estime que le fait que le fournisseur de HSS ait pu remporter des marchés publics antérieurs au moyen des mêmes critères techniques ne rend pas la soumission de HSS conforme dans le contexte du marché public en cause.

[30] Le Tribunal conclut que l’évaluation par TPSGC de la soumission de HSS en ce qui a trait au CTO 9.3.3 était raisonnable, puisque HSS n’a pas démontré clairement qu’elle respectait ce critère dans sa soumission. Le premier motif de plainte de HSS n’est donc pas fondé.

[31] Étant donné que la soumission de HSS n’était pas conforme au CTO 9.3.3, il s’ensuit qu’elle n’était pas conforme à tous les critères obligatoires de la DP. Par conséquent, TPSGC a correctement conclu que la soumission de HSS devait être exclue, et la question supplémentaire de savoir si la soumission était conforme au CTO 9.3.6 est donc théorique. Toutefois, le Tribunal examine ce deuxième motif de plainte par souci d’exhaustivité, puisque cela pourrait être utile à HSS dans la préparation de futures soumissions.

Motif 2 : L’évaluation par TPSGC de la soumission de HSS était raisonnable en ce qui concerne le CTO 9.3.6, car la soumission omettait des informations à cet égard

[32] HSS soutient que sa soumission était conforme au CTO 9.3.6 (qui exige que le numéro de série de chaque conteneur soit conservé), puisque les conteneurs certifiés ISO doivent être fabriqués avec des numéros de série. HSS allègue que, si les conteneurs proposés n’étaient pas certifiés ISO, ils n’incluraient pas de numéros de série, conformément aux normes ISO[41].

[33] TPSGC soutient que la soumission de HSS a été jugée non conforme en ce qui a trait au CTO 9.3.6 parce qu’il n’a pas pu trouver les renseignements se rapportant à l’exigence relative au numéro de série, ajoutant qu’il n’incombait pas aux évaluateurs d’« établir un lien » et de présumer que les conteneurs respectaient les exigences ISO parce qu’ils avaient un NNO. TPSGC soutient en outre que le fait que HSS ait répondu « Oui, confirmé auprès du fournisseur. TACOM.pdf » [traduction] dans sa soumission, sans renseignements supplémentaires, était insuffisant pour assurer le respect de l’exigence relative au numéro de série, puisque la soumission n’incluait pas une telle confirmation du fournisseur, et la fiche de spécification ne mentionnait pas non plus la façon dont le conteneur serait conforme à l’exigence relative au numéro de série[42]. Ce n’est qu’une fois que TPSGC a demandé des précisions, après la date de clôture de l’appel d’offres, que HSS a obtenu la confirmation de son fournisseur que les conteneurs auraient des numéros de série[43].

[34] En vertu de ce motif, le Tribunal ne voit aucune raison de modifier la conclusion des évaluateurs selon laquelle HSS n’a pas démontré que sa soumission respectait le CTO relatif aux numéros de série. Les sections 4.1.2 et 9.1 de la DP exigeaient que les soumissionnaires démontrent qu’ils respectent chaque CTO à l’aide de documents ou de dessins techniques[44]. Comme l’a fait remarquer TPSGC, en ce qui concerne le CTO 9.3.6, la soumission de HSS indique simplement : « Oui, confirmé auprès du fournisseur. TACOM.pdf »[45] [traduction]. La fiche des critères techniques soumise par HSS dans le cadre de sa soumission et appelée « TACOM.pdf » ne fournit aucune indication quant aux numéros de série[46], et l’image d’un conteneur figurant sur cette fiche ne montre aucun numéro de série.

[35] La seule confirmation au dossier que le conteneur aurait des numéros de série se trouve dans un échange de courriels entre HSS et son fournisseur, daté du 6 juillet 2022 et fourni le même jour à TPSGC (c.-à-d. plusieurs semaines après la date de clôture de l’appel d’offres, le 27 mai 2022)[47]. Dans cet échange, HSS a demandé : « Pour confirmer, les unités auront des numéros de série? » [traduction]; ce à quoi Sea Box a répondu : « Oui, quelque chose comme ABCU-123456-7 » [traduction]. Le Tribunal a toujours soutenu qu’un soumissionnaire ne peut pas modifier ou compléter sa soumission avec de nouvelles informations après la clôture de l’appel d’offres et que cela peut conduire à une modification à la soumission, ce qui constitue une violation des accords commerciaux[48]. TPSGC avait le droit de demander des précisions sur un aspect existant de la soumission de l’HSS[49], ce qu’il a fait dans son courriel à HSS du 5 juillet 2022, en demandant[50] à HSS d’indiquer où se trouvaient les renseignements requis dans sa soumission; HSS a plutôt envoyé à TPSGC des renseignements supplémentaires qui ne figuraient pas dans sa soumission.

[36] De plus, la section 9 de la partie 05 (2022-01-24) Présentation des soumissions du Guide des clauses et conditions uniformisées d’achat, qui a été incorporée par renvoi et qui faisait partie de la DP, prévoit clairement que le Canada évaluera uniquement les documents fournis avec une soumission[51]. L’acceptation de renseignements supplémentaires peut être considérée comme une correction de la soumission si elle entraîne un changement important dans la soumission. Comme l’a indiqué la Cour d’appel fédérale dans H.V.A.C. Services Ltd. c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), « les soumissionnaires ne peuvent pas apporter de corrections et de modifications importantes à leurs soumissions après la date de clôture […] Une “modification de soumission”, comme on l’appelle, est considérée comme une façon indirecte d’accepter une soumission en retard.[52] »

[37] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal ne voit aucune raison de modifier la conclusion des évaluateurs selon laquelle HSS n’a pas démontré que sa soumission respectait le CTO 9.3.6, soit le critère exigeant que les numéros de série soient conservés. Accepter comme preuve de conformité les précisions fournies par HSS plusieurs semaines après la date de clôture de l’appel d’offres aurait constitué une correction de la soumission et aurait violé les obligations prévues dans les accords commerciaux. Le deuxième motif de plainte de HSS n’est pas fondé.

Motif 3 : L’acceptation d’une soumission basse ne constitue pas un manquement aux obligations

[38] Comme troisième motif de plainte, HSS soutient que le prix du contrat attribué, fixé à 199 000 $, était anormalement bas et ne pouvait pas permettre au soumissionnaire ayant obtenu le contrat, Multiblast, de faire un quelconque type de bénéfice. À l’appui de son allégation, HSS compare les prix annoncés sur le site Web de Multiblast et le prix de la soumission de Multiblast.

[39] Aux termes du paragraphe 515(6) de l’ALEC, si une entité contractante reçoit une soumission d’un fournisseur dont le prix est anormalement inférieur aux prix des autres soumissions présentées, elle peut vérifier auprès du fournisseur qu’il satisfait aux conditions de participation et qu’il est apte à satisfaire aux modalités du marché.

[40] TPSGC soutient que toutes les soumissions conformes (cinq sur onze) proposaient des prix totaux qui se situaient dans la même fourchette et qui étaient compatibles avec les prix du marché[53]. HSS a présenté une soumission qui était supérieure aux prix proposés par les cinq soumissionnaires conformes[54].

[41] TPSGC a également confirmé que la soumission retenue satisfaisait à tous les CTO, y compris le CTO 9.3.2, qui exigeait que le conteneur soit neuf (« neuf étant défini dans les présentes comme ayant été utilisé pour une expédition unidirectionnelle seulement » [traduction])[55]. Rien au dossier ne suggère une raison de douter de l’évaluation de TPSGC selon laquelle le soumissionnaire retenu est en mesure de respecter les modalités du contrat.

[42] Le Tribunal a statué à maintes reprises que l’acceptation d’une soumission considérablement inférieure ne signifie pas en soi que l’entité contractante n’a pas respecté les exigences des accords commerciaux[56]. Ainsi, le simple fait que la soumission financière retenue soit basse n’indique pas une violation des dispositions des accords commerciaux applicables[57]. En l’absence de toute indication que la soumission de Multiblast n’était pas conforme aux CTO, TPSGC aurait été tenu d’attribuer le contrat conformément aux critères énoncés dans la DP.

[43] Pour ces raisons, le Tribunal considère que ce troisième motif de plainte n’est pas fondé.

Conclusion

[44] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal conclut que la plainte n’est pas fondée.

FRAIS

[45] HSS et TPSGC ont tous les deux demandé une indemnité pour les frais qu’ils ont engagés en lien avec cette plainte. Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC une indemnité raisonnable pour les frais engagés pour répondre à la plainte, indemnité qui doit être versée par HSS.

[46] Conformément aux Lignes directrices sur la fixation des frais dans une procédure portant sur un marché public (Lignes directrices)[58], le Tribunal détermine provisoirement que le degré de complexité de la présente plainte correspond au degré 1. La procédure du marché public portait sur un bien très précis dont les caractéristiques étaient clairement définies. Les CTO étaient clairement rédigés et bien définis. Les motifs de la plainte étaient clairement exprimés, et les questions en litige étaient simples. Une audience n’a pas été nécessaire. Bien que la procédure ait été prolongée jusqu’au délai de 135 jours à la suite de la demande de renseignements supplémentaires adressée par le Tribunal à TPSGC, la procédure n’en est pas devenue beaucoup plus complexe. Par conséquent, la détermination provisoire du montant de l’indemnité accordée par le Tribunal est de 1 150 $.

DÉCISION

[47] Aux termes du paragraphe 30.14(2) de la Loi sur le TCCE, le Tribunal détermine que la plainte n’est pas fondée.

[48] Aux termes de l’article 30.16 de la Loi sur le TCCE, le Tribunal accorde à TPSGC une indemnité de 1 150 $ pour les frais engagés pour répondre à la plainte, indemnité qui doit être versée par HSS. Si l’une ou l’autre des parties n’est pas d’accord en ce qui concerne la détermination provisoire du degré de complexité et du montant de l’indemnité, elle peut déposer des observations auprès du Tribunal, en conformité avec l’article 4.2 des Lignes directrices. Il relève de la compétence du Tribunal de fixer le montant définitif de l’indemnité.


 

ANNEXE 1 : EXTRAITS DE L’ALEC

Article 507 : Conditions de participation

[…]

3. Pour déterminer si un fournisseur satisfait aux conditions de participation, une entité contractante :

[…]

(b) d’autre part, effectue son évaluation sur la base des conditions qu’elle a spécifiées à l’avance dans ses avis d’appel d’offres ou sa documentation relative à l’appel d’offres.

[…]

Article 515 : Traitement des soumissions et adjudication des marchés

1. Une entité contractante reçoit, ouvre et traite toutes les soumissions selon des procédures qui garantissent l’équité et l’impartialité du processus de passation des marchés, ainsi que la confidentialité des soumissions.

[…]

4. Pour être considérée en vue d’une adjudication, une soumission est présentée par écrit et, au moment de son ouverture, est conforme aux prescriptions essentielles énoncées dans les avis d’appel d’offres et dans la documentation relative à l’appel d’offres, et émane d’un fournisseur satisfaisant aux conditions de participation.

[…]

6. Si une entité contractante reçoit une soumission d’un fournisseur dont le prix est anormalement inférieur aux prix des autres soumissions présentées, elle peut vérifier auprès du fournisseur qu’il satisfait aux conditions de participation et qu’il est apte à satisfaire aux modalités du marché.

 



[30] Voir, par exemple, Enveloppe Concept Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (14 janvier 2022), PR-2021-042 (TCCE) au par. 19. Voir aussi Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 S.C.R. 247 au par. 55.

[32] Madsen Diesel au par. 24. Voir aussi Raymond Chabot Grant Thornton Consulting Inc. et PricewaterhouseCoopers LLP c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (25 octobre 2013), PR‑2013‑005 à PR‑2013‑008 (TCCE) au par. 37.

[38] Northern Lights Aerobatic Team, Inc. c. Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux (7 septembre 2005), PR-2005-004 (TCCE) au par. 60; Imstrat Corporation Inc. (2 octobre 2009), PR-2009-049 (TCCE) aux par. 12–13.

[39] Eclipsys Solutions Inc. c. Agence des services frontaliers du Canada (21 mars 2016), PR-2015-038 (TCCE) au par. 33.

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