DOUBLETEX

Enquêtes


RAPPORT AU MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D'ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE PAR DOUBLETEX CONCERNANT CERTAINS TISSUS EN COTON/POLYESTER ET EN POLYESTER/COTON
LE 3 JUILLET 2002

TABLE DES MATIÈRES


Demande no TR-2000-006

Membres du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

 

Richard Lafontaine, membre

 

Ellen Fry, membre

   

Directeur de la recherche :

Réal Roy

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseiller pour le Tribunal :

John Dodsworth

   

Agent du greffe :

Ingrid Sherling



Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

 
 

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le ministre), aux termes de l'article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , le mandat2 de faire enquête sur des demandes présentées par des producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés devant servir dans le cadre de leurs activités de fabrication, et de formuler des recommandations au ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le ministre, le Tribunal a reçu, le 9 mars 2001, de Doubletex, de Montréal (Québec), une demande de suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations, en provenance de tous les pays, de certains tissus de coton/polyester et de polyester/coton à haute torsion, devant servir aux entreprises d'ennoblissement seulement, pour la production de tissus teints et apprêtés. Doubletex a aussi demandé l'application immédiate de l'allégement tarifaire.

Le 19 juin 2001, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d'ouverture d'enquête3 à cet égard. Dans le cadre de l'enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a envoyé des questionnaires aux producteurs potentiels de tissus identiques ou substituables aux tissus visés par la demande d'allégement tarifaire. Une demande de renseignements a aussi été envoyée à des utilisateurs et à des importateurs potentiels de ces tissus. Une lettre a été envoyée à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) pour lui demander une description complète des caractéristiques physiques des échantillons soumis par Doubletex, une opinion sur la possibilité d'administrer l'allégement tarifaire et un libellé possible si l'allégement tarifaire était recommandé. Avant de déposer sa demande, Doubletex a obtenu une décision nationale des douanes portant sur ces tissus. Des lettres ont également été envoyées à plusieurs autres ministères pour obtenir des renseignements et avis.

Le 17 août 2001, le Tribunal a reçu de Doubletex une demande en vue de restreindre la portée de l'utilisation finale des tissus teints et apprêtés aux industries du vêtement et de la chaussure. Par conséquent, le Tribunal a publié une modification à l'avis d'ouverture d'enquête le 10 septembre 20014 .

Le 9 octobre 2001, un rapport d'enquête du personnel qui résumait les renseignements reçus de l'ADRC et d'autres ministères, de Doubletex, des répondants aux questionnaires et d'autres parties intéressées, a été remis aux personnes qui avaient déposé un acte de comparution dans le cadre de la présente enquête et étaient de ce fait devenues parties à la procédure. À la suite de la distribution du rapport d'enquête du personnel, Doubletex a déposé un exposé auprès du Tribunal.

Le 7 février 2002, le Tribunal a reçu de Doubletex une demande en vue de modifier, une deuxième fois, la description des tissus visés par sa demande d'allégement tarifaire. Doubletex a indiqué qu'utiliser « un coefficient de torsion métrique d'au moins 45 » [traduction] au lieu d'« une torsion d'au moins 1 000 tours par mètre » dans la description du produit désignerait clairement et isolerait tous les tissus mélangés à haute torsion, peu importe le poids des fils de tels tissus. Le 11 février 2002, le Tribunal a demandé à l'ADRC de soumettre des observations à cet égard. En se fondant sur les renseignements contenus dans la réponse de l'ADRC en date du 28 mars 2002, le Tribunal a publié une deuxième modification à l'avis d'ouverture d'enquête le 16 avril 20025 . Les parties à l'enquête ont eu l'occasion de fournir des renseignements nouveaux ou supplémentaires au Tribunal. Le Tribunal n'a pas reçu d'autres exposés.

Les tissus faisant l'objet de l'enquête ont été décrits dans la deuxième modification à l'avis d'ouverture d'enquête comme étant des « tissus de coton mélangés uniquement avec des fibres discontinues de polyester, écrus ou blanchis, produits par filature à anneaux, ayant un coefficient de torsion métrique ([nombre de tours par mètre] x [racine carrée du titre] x 0.01) d'au moins 45 dans la chaîne ou dans la trame, des positions nos 52.08, 52.09, 52.10 [et] 52.11, devant servir aux entreprises d'ennoblissement seulement pour la production de tissus teints et apprêtés pour les industries du vêtement et de la chaussure; tissus de fibres discontinues de polyester mélangés uniquement avec du coton, écrus ou blanchis, produits par filature à anneaux, ayant un coefficient de torsion métrique ([nombre de tours par mètre] x [racine carrée du titre] x 0.01) d'au moins 45 dans la chaîne ou dans la trame, des positions nos 55.12, 55.13 [et] 55.14, devant servir aux entreprises d'ennoblissement seulement pour la production de tissus teints et apprêtés pour les industries du vêtement et de la chaussure (les tissus en question) ».

Étant donné qu'il y avait suffisamment de renseignements au dossier, le Tribunal a décidé qu'il n'y avait pas lieu de tenir d'audience publique en l'espèce.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

Les tissus en question sont des tissus grèges, qui sont transformés (c.-à-d. teints ou apprêtés) aux installations de Doubletex situées à Montréal (Québec), et à Winnipeg (Manitoba). Ces tissus apprêtés sont ensuite vendus aux industries du vêtement et de la chaussure.

À compter du 1er janvier 2002, les tissus en question, classés aux fins de douanes dans les positions nos 52.08, 52.09, 52.10 et 52.11 de l'annexe du Tarif des douanes 6 , sont passibles de droits de douane de 8 p. 100, 10 p. 100, 13 p. 100 ou 16 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF; dans certains cas, ils sont passibles de droits de douane de 10 p. 100 ou 11.5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif de l'Australie et du tarif de la Nouvelle-Zélande; ils entrent en franchise en vertu du tarif des États-Unis, du tarif du Mexique, du tarif de l'Accord Canada-Israël et du tarif du Chili. Les tissus classés dans les positions nos 55.12, 55.13 et 55.14 sont passibles de droits de douane de 16 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF et entrent en franchise en vertu du tarif des États-Unis, du tarif du Mexique, du tarif de l'Accord Canada-Israël et du tarif du Chili.

En vertu de l'annexe de réduction de tarif de l'Organisation mondiale du commerce, les tarifs NPF applicables aux importations des tissus en question classés dans les positions nos 52.08, 52.09, 52.10 et 52.11 demeureront les mêmes, dans la plupart des cas, ou baisseront progressivement, passant de 13 à 12 p. 100 ad valorem et de 16 à 14 p. 100 ad valorem le 1er janvier 2004 et après cette date. Les tarifs des tissus classés dans les positions nos 55.12, 55.13 et 55.14 baisseront progressivement, passant de 16 à 14 p. 100 ad valorem le 1er janvier 2004 et après cette date.

OBSERVATIONS

Doubletex

Dans sa demande d'allégement tarifaire, Doubletex a prétendu qu'il n'y a aucune source d'approvisionnement « constante » de tissus grèges au Canada. À cet égard, elle a indiqué que les tissus grèges croisés et unis de coton/polyester, produits par filature à anneaux, à haute torsion (de plus de 1 000 tours par mètre), ne sont pas disponibles au Canada.

Doubletex a affirmé que, à plusieurs reprises, elle avait discuté des tissus en question avec DIFCO Performance Fabrics Inc. (DIFCO) et Consoltex Inc. (Consoltex) et que les deux entreprises ne sont pas en mesure de satisfaire ses besoins. Selon Doubletex, Consoltex ne vend pas de tissus grèges aux entreprises d'ennoblissement, ni ne produit de tissus croisés par filature à anneaux, à haute torsion. En outre, Doubletex a allégué qu'elle a tenté pendant des années de travailler avec DIFCO pour produire par filature à anneaux des tissus grèges à haute torsion, mais que DIFCO n'était pas en mesure de satisfaire ses besoins. Doubletex a indiqué que, il y a quelques années, DIFCO a admis qu'elle ne pouvait satisfaire les besoins de Doubletex en matière de tissus de coton à haute torsion.

Doubletex a affirmé que l'allégement tarifaire sur les tissus en question l'aiderait à accroître son chiffre d'affaires. Elle a aussi affirmé que, en raison des règles sur les contingents aux É.-U., elle n'est pas en mesure de vendre facilement ses tissus teints et apprêtés sur le marché américain7 ; par conséquent, le Canada est le principal marché de Doubletex, et cette dernière doit réduire ses coûts afin de desservir ce marché de façon concurrentielle. À cet égard, Doubletex a indiqué que les entreprises américaines d'ennoblissement ont accès à un approvisionnement intérieur important de tissus grèges et qu'elle doit avoir accès en franchise de droits aux tissus grèges à haute torsion afin de livrer concurrence aux fabricants américains de textiles sur le marché canadien.

Branche de production de textiles

Les Textiles Baker Inc. (Baker)

Baker, de Montréal (Québec), a indiqué qu'elle n'importe pas les tissus en question en ce moment. Cependant, si elle devait importer les tissus en question aux fins de traitement ultérieur à l'avenir, Baker s'est dite inquiète du fait qu'elle serait exclue de tout allégement tarifaire, étant donné que l'allégement ne serait accordé qu'aux entreprises d'ennoblissement.

C.S. Brooks Canada Inc. (Brooks)

Brooks, de Magog (Québec), est un fabricant à intégration verticale de tissus et d'articles de maison, tels que douillettes, draps, taies d'oreiller, housses de couette, coussins, tentures et cantonnières. Elle produit des tissus grèges à son installation de fabrication à Sherbrooke (Québec). Ces tissus sont blanchis, teints ou imprimés et coupés à son installation de production à Magog.

Brooks s'est opposée à la demande d'allégement tarifaire de Doubletex au motif que la suppression des droits de douane sur les tissus en question compromettrait sa production de tissus grèges et de tissus apprêtés, mettrait en péril des emplois et aurait un effet néfaste sur les programmes d'investissement visant ses installations de production.

Brooks a prétendu que, en fait d'applications particulières telles qu'articles de maison ou de literie, elle produit des tissus qui sont identiques ou substituables aux tissus en question. À cet égard, elle a fourni un échantillon de tissu de coton à 100 p. 100, quatre échantillons de mélanges de coton/polyester 50/50 et deux échantillons de mélanges de coton/polyester 82/18. Brooks a soutenu que la plupart des caractéristiques des fibres, des caractéristiques des fils, telles que le numéro et le poids, ainsi que la construction, la largeur et le poids des tissus en question, sont identiques ou semblables aux caractéristiques physiques des tissus qu'elle produit.

Brooks a indiqué que, en ce qui concerne le secteur des articles de maison, à l'opposé du secteur du vêtement, pour les consommateurs en général, de nombreux tissus sont considérés substituables. À cet égard, elle a affirmé que les tissus en question classés dans les positions nos 52.108 et 55.139 peuvent être considérés comme parfaitement substituables à ses tissus, étant donné qu'ils sont riches en coton. Brooks a aussi indiqué que, lorsque les consommateurs font face à des différences relativement légères en ce qui a trait aux caractéristiques des articles de maison, ils estiment que les tissus sont presque identiques.

Brooks a indiqué qu'elle produit également des tissus comme ceux qui sont classés dans les positions nos 52.1110 et 55.1411 . En outre, elle a affirmé que les tissus importés de la position no 52.0812 , devant servir à la fabrication d'articles de maison et de literie, livreront concurrence aux nouveaux produits haut de gamme qu'elle a développés récemment pour les marchés canadien et américain.

Brooks a soutenu que les tissus en question sont maintenant disponibles en franchise de droits de douane dans les pays parties à l'ALÉNA et qu'il existe présentement une capacité de production excédentaire pour ces tissus aux États-Unis et en Amérique du Nord. En outre, elle a indiqué que les tissus en question provenant de pays non parties à l'ALÉNA sont déjà compétitifs quant au prix avec ses tissus grâce aux droits de douane qui sont en place. Brooks a aussi indiqué que les droits de douane actuels de 16 p.  100 ad valorem en vertu du tarif NPF continuent de chuter.

À la suite de la publication de la première modification à l'avis d'ouverture d'enquête, Brooks, dans une lettre en date du 24 septembre 2001, a proposé une modification d'ordre secondaire à la définition du produit13 afin d'exclure clairement les produits de literie de la portée de l'enquête. Elle s'est également réservée le droit de déposer d'autres observations une fois le rapport d'enquête du personnel distribué. Le 26 octobre 2001, Brooks a avisé le Tribunal qu'elle ne souhaitait pas déposer d'autres renseignements.

Consoltex

Consoltex, de Ville St. Laurent (Québec), emploie plus de 500 personnes à cinq différentes installations au Québec et en Ontario. Elle produit des tissus de fibres synthétiques ou artificielles, y compris des tissus de coton/polyester et de polyester/coton, pour les industries du vêtement et des articles de maison.

Au départ, Consoltex s'est opposée à la demande d'allégement tarifaire, soutenant qu'elle produit et vend des tissus produits avec des fils à haute torsion identiques ou substituables, p. ex. des tissus de polyester/coton qui utilisent des fils de polyester à haute torsion. Cependant, le 27 septembre 2001, elle a avisé le Tribunal qu'elle retirait son opposition à la demande d'allégement tarifaire de Doubletex et a demandé que le Tribunal ne tienne pas compte des renseignements préalables et des observations qu'elle avait fait parvenir au Tribunal le 25 juillet 2001. Consoltex a indiqué qu'elle avait changé sa position à la suite de la première modification à l'avis d'ouverture d'enquête qui restreignait la portée de l'utilisation finale des tissus aux industries du vêtement et de la chaussure.

DIFCO

DIFCO, de Montréal (Québec), est un producteur à intégration verticale de tissus haute performance avec des installations de production à Magog (Québec). Elle utilise des fibres aramides ainsi que des fibres de coton, de polyester et de rayonne, d'un poids variant de 70 g/m2 à 500 g/m2, pour produire ses tissus. DIFCO s'est opposée à la demande d'allégement tarifaire. Bien qu'elle ait déclaré ne pas produire à l'heure actuelle de tissus identiques ou substituables, elle a allégué que son installation de Magog est dotée de l'équipement pouvant produire les tissus grèges requis. À cet égard, DIFCO a affirmé qu'elle pouvait produire des échantillons de tissus dans un délai de 8 à 10 semaines, ce qui satisferait aux exigences de Doubletex.

À la suite de la publication des deux modifications à l'avis d'ouverture d'enquête, DIFCO n'a pas changé sa position concernant la demande d'allégement tarifaire de Doubletex 14 .

Utilisateurs nationaux /importateurs des tissus en question

Glensport Inc. (Glensport)

Glensport, de Montréal (Quebec), un fabricant de vêtements pour femmes, a appuyé la demande d'allégement tarifaire parce que l'allégement donnerait lieu à des réductions de coûts possibles, à un approvisionnement polyvalent, à une livraison plus rapide de tissus dans les couleurs souhaitées et à un meilleur service à la clientèle. Elle a affirmé qu'il n'y a pas d'autres produits concurrentiels disponibles auprès des producteurs nationaux.

Les Modes Lana Lee Inc. (Lana Lee)

Lana Lee, de Montréal (Québec), un fabricant de vêtements pour femmes, a affirmé qu'elle utilise les tissus fournis par Doubletex depuis 10 ans. Elle a appuyé la demande d'allégement tarifaire pour les raisons suivantes : 1) elle préfère faire affaire avec une entreprise canadienne d'ennoblissement qui assure une livraison plus rapide et un service d'appui à la clientèle continu; 2) elle apprécie toute réduction possible des coûts des tissus, ce qui pourrait se traduire en une augmentation du volume de ventes; 3) elle deviendrait plus compétitive vis-à-vis des fabricants des États-Unis et d'ailleurs. Lana Lee a indiqué qu'il n'y a pas de tissus identiques ou substituables disponibles auprès d'autres sources d'approvisionnement canadiennes.

Linda Lundström Inc. (Lundström)

Lundström, de Toronto (Ontario), un fabricant de vêtements pour femmes, a appuyé la demande d'allégement tarifaire. Elle a soutenu que l'allégement lui permettrait de réduire ses coûts et d'offrir des prix plus compétitifs, ce qui accroîtrait les ventes. À cet égard, Lundström a indiqué que le coût des tissus représente environ de 25 à 35 p. 100 du prix de gros d'un vêtement et, par conséquent, que les tissus moins chers auraient un effet sensible sur ce niveau de prix. Elle a affirmé que des tissus identiques ou substituables ne sont pas disponibles auprès d'autres fournisseurs canadiens.

Lubertex Inc. (Lubertex)

Lubertex, de Montréal (Québec), importe surtout du coton écru à 100 p. 100 et des mélanges de coton et polyester pour les industries du vêtement et des articles de maison. En général, elle envoie les tissus aux fins de traitement ultérieur à des entreprises de teinture et d'impression commissionnées. Lubertex a affirmé qu'elle appuie la suppression des droits de douane sur les tissus en question parce que cela lui permettrait de devenir plus compétitif sur un marché de plus en plus difficile. Elle a prétendu que l'allégement tarifaire devrait aussi s'appliquer aux importateurs qui donnent leurs activités de teinture et d'impression en sous-traitance.

Dans une lettre en date du 12 juillet 2001, l'ADRC a avisé le Tribunal que, étant donné que le processus d'impression n'est pas compris dans la définition de teinture ou d'apprêtage, les importateurs qui donnent des travaux en sous-traitance en vue de fabriquer un produit apprêté imprimé ne seraient pas admissibles à l'allégement tarifaire, si celui-ci était accordé. Cependant, les importateurs qui donnent leurs activités de teinture en sous-traitance seraient admissibles à l'allégement tarifaire, selon l'opinion de l'ADRC datée du 26 août 1998.

EXPOSÉS EN RÉPONSE

Dans sa réponse en date du 8 novembre 2001, Doubletex a soutenu que DIFCO n'avait pas établi la preuve de sa capacité de produire des tissus identiques ou substituables. Doubletex a indiqué qu'elle a tenté, à un moment donné, de travailler avec DIFCO en rapport avec un programme portant sur les tissus grèges produits avec des fils à haute torsion, mais que, après avoir dépensé beaucoup de temps et d'argent, DIFCO a convenu qu'elle ne pouvait satisfaire aux exigences de Doubletex.

En ce qui a trait à l'opposition de Brooks à la demande d'allégement tarifaire, Doubletex a soutenu que Brooks ne vend pas de produits aux industries du vêtement et de la chaussure et que les allégations de Brooks selon lesquelles son entreprise serait lésée sont nettement exagérées. À cet égard, Doubletex a affirmé que les tissus de coton grèges produits avec des fils à haute torsion sont en franchise de droits de douane depuis quatre ans, sans répercussion sur Brooks. En ce qui a trait à la question de la substituabilité, Doubletex a indiqué que les seuls bénéficiaires de l'allégement tarifaire seraient les entreprises d'ennoblissement qui importent des tissus grèges aux fins de transformation au Canada et qui vendent des tissus teints et apprêtés aux industries du vêtement et de la chaussure. Ainsi, il n'y aurait pas de répercussion sur l'entreprise de Brooks, étant donné que les entreprises qui fabriquent et vendent des produits qui livrent concurrence aux articles de maison fabriqués par Brooks ne seraient pas admissibles à l'allégement tarifaire. En outre, Doubletex a affirmé que le Tribunal a, par le passé, reconnu que des tissus faits de fils produits à bout libéré ou à jet d'air ne sont pas substituables aux fils produits par filature à anneaux.

AUTRES RENSEIGNEMENTS

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) a avisé le Tribunal que le Canada impose des contingents sur les tissus de coton, contenant au moins 85 p. 100 en poids de coton, mélangés uniquement avec des fibres discontinues de polyester, écrus et blanchis (sous-catégories 32.1 et 32.2), importés de la République de Chine (Chine) (sous-catégorie 32.2 seulement), de Hong Kong et du Taipei chinois. Par conséquent, les tissus en question des positions nos 52.08 et 52.09 sont compris.

En outre, le MAECI a avisé le Tribunal que le Canada impose des contingents sur les tissus de coton, contenant moins de 85 p. 100 en poids de coton, mélangés uniquement avec des fibres discontinues de polyester, et sur les tissus de fibres discontinues de polyester, mélangés uniquement avec du coton, écrus et blanchis (sous-catégories 36.1 et 36.2), importés de la Chine, de Hong Kong, de la République de Corée et du Taipei chinois. Par conséquent, les tissus en question des positions nos 52.10, 52.11, 55.12, 55.13 et 55.14 sont compris.

Le MAECI a aussi indiqué qu'il considérerait les demandes de déclaration en marge du contingent concernant les intrants textiles lorsque le Tribunal aura recommandé la suppression des droits de douane au motif de non-disponibilité. Le traitement en marge du contingent ne sera accordé que dans les cas où il peut être prouvé que l'utilisation des produits faisant l'objet du contingent est assortie de frais supplémentaires ou lorsque des marchandises sont introuvables au Canada.

L'ADRC a indiqué que l'administration de l'allégement tarifaire demandé sur les tissus en question n'entraînerait aucun coût en sus de ceux déjà supportés, si celui-ci était accordé.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d'évaluer l'incidence économique d'une réduction ou d'une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et les entreprises en aval et, à cette fin, de considérer tous les facteurs pertinents et, notamment, la possibilité de substituer un tissu importé à un tissu national et la capacité de producteurs nationaux de servir les industries canadiennes en aval. Par conséquent, la décision du Tribunal de recommander un allégement tarifaire est fondée sur la mesure dans laquelle le Tribunal considère qu'un tel allégement tarifaire apporterait des gains économiques nets au Canada.

La demande d'allégement tarifaire révisée de Doubletex porte sur certains tissus de coton/polyester et de polyester/coton produits avec des fils à haute torsion importés, devant servir aux entreprises d'ennoblissement seulement pour la production de tissus teints et apprêtés pour les industries du vêtement et de la chaussure. Essentiellement, Doubletex a prétendu qu'il n'y a pas de tissus identiques ou substituables disponibles au Canada. Au départ, trois usines canadiennes de textile, soit Brooks, Consoltex et DIFCO, se sont opposées à la demande. En fin de compte, Consoltex a retiré son opposition, tandis que DIFCO a maintenu son opposition à la demande. La position de Brooks, toutefois, n'était pas évidente.

Au départ, Brooks a allégué qu'elle produit des tissus identiques ou substituables et que la suppression des droits de douane sur les tissus en question compromettrait la production de ses tissus grèges et apprêtés et nuirait à l'emploi et à l'investissement. À la suite de la première modification à l'avis d'ouverture d'enquête, qui restreignait la portée de la demande aux industries du vêtement et de la chaussure, Brooks a soumis des observations, dans lesquelles elle proposait une modification d'ordre secondaire à la clause sur l'utilisation finale, mais ne mentionnait pas si cette modification entraînerait le retrait de son opposition à la demande d'allégement tarifaire. De toute façon, il ressort clairement des éléments de preuve que les tissus de Brooks sont destinés à la production de ses articles de maison et qu'ils ne sont pas offerts sur le marché public. En outre, Brooks ne vend pas de produits aux industries du vêtement ou de la chaussure et, par conséquent, n'entre pas en compétition avec Doubletex sur ce marché. En modifiant sa demande d'allégement tarifaire à une utilisation finale particulière, c.-à-d. les industries du vêtement et de la chaussure, Doubletex a éliminé toute menace possible aux activités de Brooks. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est d'avis que Brooks ne subira pas de pertes d'argent ou d'emploi, si l'allégement est accordé. En ce qui a trait à la modification proposée par Brooks à la définition du produit, le Tribunal est d'avis que la clause sur l'utilisation finale, telle qu'elle a été incorporée dans les deux modifications à l'avis d'ouverture d'enquête, est suffisamment claire.

DIFCO a allégué qu'elle a la capacité de produire des tissus identiques ou substituables, parce que son installation de Magog est dotée de l'équipement pouvant produire des échantillons de tissus dans un délai de 8 à 10 semaines, ce qui satisferait aux exigences de Doubletex. À cet égard, le Tribunal fait remarquer que DIFCO n'a pas soumis d'élément de preuve pour appuyer une conclusion de production imminente, notamment des commandes ou des ventes effectives, qui montrerait que DIFCO est capable de satisfaire les besoins de Doubletex. Dans un certain nombre de causes antérieures15 , le Tribunal a indiqué qu'il incombe aux producteurs nationaux de textiles de soumettre des éléments de preuve, et non seulement des affirmations, qu'ils sont capables de produire des tissus identiques ou substituables. Par conséquent, le Tribunal conclut que DIFCO n'a pas établi, à la satisfaction du Tribunal, qu'elle pourrait, dans un avenir rapproché, fournir des tissus identiques ou substituables à Doubletex et à d'autres acheteurs potentiels.

En ce qui a trait à la prétention selon laquelle l'allégement tarifaire s'appliquerait seulement aux entreprises d'ennoblissement et que les importateurs qui donnent certains travaux en sous-traitance ne seraient pas admissibles à l'allégement tarifaire, l'ADRC a indiqué, par le passé, que les importateurs qui donnent leurs activités de teinture en sous-traitance seraient admissibles à l'allégement tarifaire. Cependant, l'ADRC a avisé le Tribunal que le processus d'impression n'est pas compris dans la définition de teinture et d'apprêtage et que, par conséquent, les importateurs qui donnent des travaux en sous-traitance en vue de produire un tissu imprimé ne seraient pas admissibles à l'allégement tarifaire.

Pour ce qui est de la question de l'incidence économique nette, le Tribunal ne voit pas d'autres coûts, si ce n'est que des recettes correspondant aux droits de douane auxquelles le gouvernement renoncerait, par suite de l'allégement tarifaire sur les tissus de coton/polyester et de polyester/coton demandé par Doubletex. En se fondant sur les renseignements à la disposition du Tribunal, l'allégement tarifaire procurerait à Doubletex un gain annuel de plus de 200 000 $. De plus, l'allégement tarifaire fournirait des avantages aux autres importateurs des tissus en question sous forme de réduction des coûts. En résumé, le Tribunal conclut que l'allégement tarifaire demandé par Doubletex procurerait des gains économiques nets au Canada.

Le Tribunal interprète la demande de Doubletex que l'allégement tarifaire soit d'application « immédiate » comme signifiant que Doubletex aimerait que l'allégement tarifaire soit accordé à compter de la date de sa demande. Le Tribunal a déclaré, dans des causes précédentes, qu'il n'envisagera la recommandation d'un tel allégement que dans des circonstances exceptionnelles16 . Doubletex n'a pas présenté d'éléments de preuve qui justifient une telle recommandation.

RECOMMANDATION

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal recommande, par la présente, au ministre d'accorder l'allégement tarifaire, pour une période indéterminée, sur les importations, en provenance de tous les pays, des tissus de coton mélangés uniquement avec des fibres discontinues de polyester, écrus ou blanchis, produits par filature à anneaux, ayant un coefficient de torsion métrique ([nombre de tours par mètre] x [racine carrée du titre] x 0.01) d'au moins 45 dans la chaîne ou dans la trame, des positions nos 52.08, 52.09, 52.10 et 52.11, devant servir aux entreprises d'ennoblissement seulement pour la production de tissus teints et apprêtés pour les industries du vêtement et de la chaussure; tissus de fibres discontinues de polyester mélangés uniquement avec du coton, écrus ou blanchis, produits par filature à anneaux, ayant un coefficient de torsion métrique ([nombre de tours par mètre] x [racine carrée du titre] x 0.01) d'au moins 45 dans la chaîne ou dans la trame, des positions nos 55.12, 55.13 et 55.14, devant servir aux entreprises d'ennoblissement seulement pour la production de tissus teints et apprêtés pour les industries du vêtement et de la chaussure.



Zdenek Kvarda

Zdenek Kvarda
Membre présidant

Richard Lafontaine

Richard Lafontaine
Membre

Ellen Fry

Ellen Fry
Membre

1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

2 . Le mandat a été modifié la dernière fois en 1999.

3 . Gaz. C. 2001.I.2376.

4 . Gaz. C. 2001.I.3626.

5 . Gaz. C. 2002.I.1171.

6 . S.C. 1997, c. 36.

7 . Un exportateur canadien a besoin d'un contingent pour exporter et vendre, sur le marché américain, un tissu transformé en utilisant un tissu grège provenant d'un pays assujetti aux contingents américains.

8 . Tissus de coton, contenant moins de 85 p. 100 en poids de coton, mélangés principalement ou uniquement avec des fibres synthétiques ou artificielles, d'un poids n'excédant pas 200 g/m2.

9 . Tissus de fibres synthétiques discontinues, contenant moins de 85 p. 100 en poids de ces fibres, mélangés principalement ou uniquement avec du coton, d'un poids n'excédant pas 170 g/m2.

10 . Tissus de coton, contenant moins de 85 p. 100 en poids de coton, mélangés principalement ou uniquement avec des fibres synthétiques ou artificielles, d'un poids excédant 200 g/m2.

11 . Tissus de fibres synthétiques discontinues, contenant moins de 85 p. 100 en poids de ces fibres, mélangés principalement ou uniquement avec du coton, d'un poids excédant 170 g/m2.

12 . Tissus de coton, contenant au moins 85 p. 100 en poids de coton, d'un poids n'excédant pas 200 g/m2.

13 . Brooks a proposé le libellé suivant: « devant servir aux entreprises d'ennoblissement seulement, pour produire seulement des tissus teints ou apprêtés pour les industries du vêtement et de la chaussure et leurs produits » [traduction].

14 . Dans une lettre en date du 30 avril 2002, DIFCO a confirmé qu'elle continuait de s'opposer à la demande d'allégement tarifaire.

15 . Voir, par exemple, Re demande d'allégement tarifaire déposée par Ballin (27 octobre 1999), TR-97-012 aux pp. 15-16; Re demande d'allégement tarifaire déposée par Tribal Sportwear (24 août 1999), TR-98-019 à la p. 11.

16 . Voir, par exemple, Re demande d'allégement tarifaire déposée par Vêtements Peerless (24 janvier 2001), TR-2000-001 à la p. 7; Re demande d'allégement tarifaire déposée par Ballin (9 mars 2001), TR-2000-004 à la p. 6; Re demande d'allégement tarifaire déposée par Tantalum Mining Corporation of Canada (21 mars 2001), TR-2000-003 à la p. 5; Re demande d'allégement tarifaire déposée par Les Industries Majestic (Canada) (12 janvier 2001), TR-2000-002 à la p. 4.


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Publication initiale : le 3 juillet 2002