RICHLU MANUFACTURING LTD.

Enquêtes


RAPPORT AU MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D'ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE PAR RICHLU MANUFACTURING LTD. CONCERNANT CERTAINS TISSUS DE COTON
LE 9 SEPTEMBRE 2003


TABLE DES MATIÈRES

Demande no TR-2002-001

Membre du Tribunal :

Ellen Fry, membre présidant

   

Directeur de la recherche :

Réal Roy

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseiller pour le Tribunal :

John Dodsworth

   

Agent du greffe :

Ingrid Navas

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le ministre), aux termes de l'article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , le mandat2 de faire enquête sur des demandes présentées par des producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés devant servir dans le cadre de leurs activités de fabrication, et de formuler des recommandations au ministre concernant ces demandes.

Le 4 juin 2002, conformément au mandat confié par le ministre, le Tribunal a reçu de Richlu Manufacturing Ltd. (Richlu), de Winnipeg (Manitoba), une demande de suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations, en provenance de tous les pays, de certains tissus de coton, devant servir à la fabrication de vêtements de dessus pour hommes. Richlu a aussi demandé l'application « immédiate » de l'allégement tarifaire.

Le 6 novembre 2002, Richlu a modifié sa demande d'allégement tarifaire pour inclure des tissus de coton plus légers. L'échantillon du tissus qui accompagnait la demande modifiée a été envoyé le 14 novembre 2002 à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), pour analyse. Le 23 décembre 2002, le Tribunal a reçu le rapport final de l'ADRC, y compris une description révisée dont la portée s'étendait à la gamme complète des poids des tissus visés dans la demande d'allégement tarifaire de Richlu. Le 27 décembre 2002, Richlu a accepté la nouvelle description des produits.

Le 23 janvier 2003, satisfait que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d'ouverture d'enquête3 , qui a été diffusé aux parties intéressées connues. L'avis d'ouverture d'enquête décrit les tissus visés par l'enquête comme des « tissus teints uniquement de coton, comprenant des fils simples dans les deux sens, titrant au moins 600 décitex mais n'excédant pas 900 décitex par fil simple, d'un poids d'au moins 290 g/m2 mais n'excédant pas 410 g/m2, de la sous-position no 5209.39, devant servir à la fabrication de parkas et de manteaux semblables, de salopettes et de vestons pour hommes » (les tissus en question).

Dans le cadre de l'enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a fait parvenir des questionnaires aux producteurs potentiels de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Une demande d'information a également été expédiée aux utilisateurs et importateurs éventuels des tissus en question. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, une nouvelle lettre a été envoyée à l'ADRC, demandant une description complète des caractéristiques physiques des deux échantillons déposés par Richlu, une opinion sur la possibilité d'administrer l'allégement tarifaire et un libellé possible pour décrire les tissus, si l'allégement tarifaire était recommandé. Des lettres ont également été envoyées au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) et au ministère de l'Industrie pour obtenir des renseignements susceptibles d'aider le Tribunal dans son enquête.

Un rapport d'enquête du personnel, résumant les renseignements reçus de l'ADRC, du MAECI, de Richlu, des répondants aux questionnaires et d'autres parties intéressées a été remis à ceux qui avaient déposé des avis de comparution dans le cadre de l'enquête et qui étaient ainsi devenues des parties. À la suite de la diffusion du rapport d'enquête du personnel, DIFCO Performance Fabrics Inc. (DIFCO) et Richlu ont déposé des exposés auprès du Tribunal. Après avoir reçu les exposés susmentionnés, les 9 juin et 9 juillet 2003, le Tribunal a demandé aux parties intéressées d'autres renseignements et des précisions sur l'établissement des prix et d'autres questions. Étant donné qu'il y avait suffisamment de renseignements au dossier, le Tribunal a décidé qu'il n'y avait pas lieu de tenir d'audience publique en l'espèce.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

Même si la demande d'allégement tarifaire vise les tissus importés en provenance de tous les pays, Richlu importe présentement les tissus en question de la République populaire de Chine (Chine) et des États-Unis. Richlu a aussi l'intention d'importer les tissus en question de l'Inde. L'échantillon soumis avec la demande d'allégement tarifaire initiale de Richlu était un tissu teint, uniquement de fibres de coton et présentant l'armure d'un natté modifié4 titrant 728 décitex5 par fil simple dans la chaîne et 861 décitex par fil simple dans la trame. Le tissu avait un poids de 376 g/m2. Le deuxième échantillon déposé avec la demande d'allégement tarifaire modifiée de Richlu était également un tissu teint, uniquement de fibres de coton, titrant 653 décitex par fil simple dans la chaîne et 825 décitex par fil simple dans la trame. Son poids était de 315 g/m2.

Les tissus en question sont utilisés dans la fabrication de parkas et de manteaux semblables, de salopettes et de vestons pour hommes. Dans le cadre du procédé de production, les tissus en question sont coupés et cousus pour faire des vêtements de dessus pour hommes. Aucune étape de la production n'est confiée en sous-traitance.

À compter du 1er janvier 2003, les tissus en question, classés aux fins de douane dans le numéro de classement 5209.39.00.90 de l'annexe du Tarif des douanes 6 , sont passibles de droits de douane de 12,5 p. 100 ad valorem en vertu du Tarif NPF et de 10,5 p. 100 ad valorem en vertu du Tarif du Costa Rica et entrent en franchise de droits en vertu du Tarif des États-Unis, du Tarif des pays les moins développés, du Tarif du Mexique, du Tarif de l'accord Canada-Israël et du Tarif du Chili. Le Tarif NPF baissera à 12,0 p. 100 ad valorem le 1er janvier 2004. Toutefois, dans le numéro tarifaire 9935.00.00, les tissus de coton (à l'exclusion de tissus denim ou de tissus écrus), contenant au moins 85 p. 100 en poids de coton, du Chapitre 52, devant servir à la fabrication de vêtements ou d'accessoires du vêtement, sont passibles de droits de douane de 10,0 p. 100 ad valorem en vertu du Tarif NPF et entrent en franchise de droits en vertu du Tarif des États-Unis, du Tarif des pays les moins développés, du Tarif du Mexique, du Tarif de l'accord Canada-Israël, du Tarif du Chili et du Tarif du Costa Rica.

OBSERVATIONS

Branche de production de vêtements

Richlu

Dans sa demande d'allégement tarifaire, Richlu a soutenu qu'aucune usine de textile ne produit de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Elle a ajouté que l'allégement tarifaire rendrait ses produits finals davantage concurrentiels. Elle a dit présentement acheter des marchandises de « second choix »7 qui présentent des défauts et des distorsions de couleur d'ordre relativement mineur, en provenance de sources aux États-Unis, mais que, étant donné que les usines de textile des États-Unis ne sont pas exploitées à pleine capacité et qu'elles servent principalement leurs plus gros clients des États-Unis, son accès à ce type de tissus est présentement limité. De plus, Richlu a affirmé que, si le coût des intrants dépasse la capacité d'absorption du marché, elle pourrait être contrainte d'accroître ses importations de produits finis, ce qui mettrait en péril la production nationale et des emplois.

Richlu a soutenu que les toiles mélangées (polyester/coton et nylon/coton) produites par Consoltex Inc. (Consoltex) ne bénéficient que d'une acceptation limitée sur le marché. Par conséquent, Richlu a déclaré qu'elle et ses concurrentes ne se servent que de toiles en coton à 100 p. 100. Quant à l'opposition de DIFCO à la demande d'allégement tarifaire, Richlu a soutenu que DIFCO n'avait fait aucun effort pour fournir de tels tissus. Elle a affirmé qu'il y a 11 ou 12 ans, elle achetait 85 p. 100 de la toile du type « coutil »8 dont elle avait besoin à Dominion Textiles, Inc.9 , mais que cette dernière l'avait informée qu'elle ne pouvait plus lui fournir ces tissus en raison des pressions exercées par la concurrence. Richlu a soutenu que, par suite de l'initiative du Canada en faveur des pays les moins développés (PMD)10 , elle ne pourrait demeurer concurrentielle qu'en continuant d'acheter des tissus de « premier choix »11 et de « second choix », aux prix du marché mondial.

Richlu a aussi soutenu que les prix du marché des tissus sont volatiles et varient selon les conditions de l'offre et de la demande. Elle a ajouté que sa production n'est pas limitée à des lots de teinture uniforme et qu'elle peut donc explorer les circuits de distribution hors marché pour obtenir son produit. À cet égard, Richlu a affirmé que ses exigences minimales se rapportent à la qualité, au prix et à la taille des lots qui doivent suffirent à répondre aux commandes de ses clients. Elle a fait valoir que l'établissement des prix des tissus en question en provenance des pays de l'Orient permet des économies potentielles par rapport aux tissus fournis par les sociétés d'Amérique du Nord. Richlu a dit continuer à soutenir ses sources traditionnelles d'approvisionnement, mais que, étant donné que ses clients exigent constamment des concessions au niveau des prix, elle doit pouvoir se procurer des tissus de qualité acceptable, en quantité suffisante, à des prix qui lui permettent de survivre. Richlu a dit que ce n'est pas la qualité des tissus produits par DIFCO, évaluée à partir des échantillons fournis, qui est inacceptable, mais plutôt le coût de ces tissus. Elle a dit ne pas pouvoir se permettre d'acheter de DIFCO et que, si l'allégement tarifaire n'est pas accordé, elle continuerait d'acheter des tissus à l'extérieur du Canada et de verser des droits de douane jusqu'à ce qu'elle soit contrainte d'importer les vêtements finis.

Branche de production de textiles

Consoltex

Consoltex, de Ville Saint-Laurent (Québec), est un grand producteur de tissus faits de fibres artificielles ou synthétiques et le plus grand producteur de tissus 100 p. 100 nylon au Canada. Il s'agit d'une société à intégration verticale, depuis le tissage jusqu'à la teinture, l'impression, l'enduction et l'apprêtage du tissu et elle compte environ 1 000 employés à ses cinq usines (trois installations de tissage et deux installations d'ennoblissement).

Consoltex s'est opposée à la demande d'allégement tarifaire au motif qu'elle est le principal producteur de textile canadien qui fabrique des tissus destinés au marché des vêtements de dessus en général et produit et vend des tissus aux fabricants de parkas, de salopettes et de vestons destinés au marché des vêtements professionnels (de protection et autre).

Consoltex a dit considérer la demande de Richlu comme une demande d'allégement tarifaire sur des tissus devant servir au marché des vêtements professionnels, étant donné que les tissus de type « coutil » en coton sont connus et acceptés sur le marché depuis de nombreuses années. Toutefois, elle a affirmé que d'autres tissus servent aussi. À cet égard, elle a indiqué qu'elle vend des tissus en nylon, en polyester, en polyester/coton et en nylon/coton, destinés à la fabrication de parkas et de salopettes pour le marché des vêtements professionnels autres que ceux de protection (p. ex. pour les mécaniciens, les employés des postes et les travailleurs de la construction). Elle a affirmé que ces tissus sont traités avec des produits d'enduction spéciaux qui en améliorent la durabilité et la résistance pour offrir une certaine protection à la personne qui les porte. Consoltex a dit aussi produire et vendre des tissus faits de fibres aramides, qui offrent une meilleure protection aux personnes qui travaillent au montage des lignes de transport d'électricité, ou en foresterie, exploration pétrolière, lutte contre les incendies et application de la loi (c.-à-d. le marché des vêtements professionnels de protection).

Consoltex a affirmé que tous les tissus susmentionnés se livrent concurrence sur le marché des vêtements professionnels et que le facteur déterminant est le prix. Elle a soutenu que le fait que tous veuillent payer le moins cher possible les vêtements professionnels, de protection ou pas, n'est pas un motif valable pour conférer un avantage aux tissus en question importés, par rapport aux tissus canadiens, en accordant un allégement tarifaire. Consoltex a indiqué que les tissus originaires de la Chine, droits compris, coûtent beaucoup moins cher que les tissus du Canada ou des États-Unis. Elle a affirmé que toute économie sur les matières premières utilisées dans la production des produits finis pourrait aider à alléger le fardeau par rapport aux importations de produits finals, mais que la qualité, la durabilité et l'efficacité de la protection sont autant de facteurs qui prédominent sur le prix lorsqu'il est question de sécurité. Consoltex a indiqué que, eu égard aux vêtements professionnels autres que ceux de protection, le prix pourrait être un facteur important pour déterminer la compétitivité, mais non pas dans le cas des vêtements professionnels de protection. Consoltex a soutenu qu'il est difficile d'empêcher de façon certaine l'interférence entre un segment d'activité et un autre, étant donné que la substituabilité des tissus est un fait réel sur les marchés des vêtements de dessus et des vêtements professionnels. À ce titre, il n'existe pas de justification valable pour autoriser l'entrée en franchise de tissus d'importation, désavantageant ainsi les tissus de production canadienne.

Consoltex a dit que, en vertu du Décret de remise des droits de douane sur les vêtements de dessus (1998) 12 , les fabricants canadiens de vêtements de dessus ont accès à des remises de droits sur les vêtements de dessus importés au Canada entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 2004. Consoltex a ajouté que, en vertu du Décret de remise des droits de douane sur les tissus pour vêtements de dessus (1998) 13 , elle est admissible à recevoir une remise de droits sur les tissus pour vêtements de dessus importés au Canada entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 200414 .

DIFCO

DIFCO a affirmé que, depuis 50 ans, elle fabrique des tissus de performance de qualité, écrus ou teints, de divers types d'armure, dans la fourchette de 70 g/m2 à 500 g/m2, faits de coton à 100 p. 100, de polyester à 100 p. 100, de mélanges de polyester/coton, et d'aramides et de mélange d'aramides. Elle s'est opposée à la demande d'allégement tarifaire parce qu'elle produit présentement des tissus 100 p. 100 coton dans la fourchette de poids de 290 g/m2 à 410 g/m2. DIFCO a produit trois échantillons de tissus de coton à 100 p. 100 qu'elle considère identiques ou substituables aux tissus en question15 .

DIFCO a affirmé que Richlu n'a pas communiqué avec elle pour déterminer si elle pouvait produire des tissus identiques ou substituables. Elle a ajouté avoir communiqué avec Richlu et l'avoir informée qu'elle pouvait introduire sur le marché le produit dont Richlu a besoin. Elle a allégué que l'allégement tarifaire, s'il est accordé, aurait une incidence néfaste sur sa compétitivité et entraînerait des pertes de ventes et d'emplois. DIFCO a affirmé que les tissus importés de construction et de fini similaires bénéficient déjà d'un avantage du fait des matières premières à bas prix, des faibles salaires et des subventions qui existent dans leur pays d'origine.

DIFCO a soutenu que ses échantillons de produits sont pratiquement identiques aux tissus en question, certaines différences minimes mises à part, et qu'ils sont donc commercialement acceptables. Elle a ajouté que l'affirmation de Richlu selon laquelle il n'existe pas d'usine de textile nationale qui fabrique de tels tissus est erronée puisqu'elle est un grand producteur de ces types de tissus. À cet égard, elle a dit avoir, au cours des trois à cinq dernières années, amélioré ses installations en les dotant d'équipement de pointe dans le but de produire des tissus de qualité, y compris des tissus du type « coutil », 100 p. 100 coton, hydrofuges et teints, dans la gamme de poids de 339 à 407 g/m2, devant servir à la confection de vêtements professionnels pour le travail en plein air. DIFCO a soutenu être en train de faire connaître à nouveau sa société à tous les fabricants de vêtements, y compris Richlu, au titre de fournisseur de tissus, teints et finis, de qualité, à valeur ajoutée et durables. Elle a ajouté que l'affirmation de Richlu selon laquelle cette dernière est limitée à l'accès aux tissus de « second choix » en provenance de sources aux États-Unis ne devrait pas fonder la présente demande d'allégement tarifaire, puisque des tissus de « premier choix » sont aussi disponibles en provenance de ces mêmes sources.

AUTRES RENSEIGNEMENTS

Le MAECI a fait savoir au Tribunal que le Canada impose des contingents sur les tissus de coton (sous-catégorie 32,2), importés de la Chine, de Hong Kong et du Taipei chinois. Cela inclut donc les tissus en question de la sous-position no 5209.39. Le MAECI a aussi indiqué qu'il examinerait les demandes de déclaration en marge du contingent concernant les intrants textiles lorsque le Tribunal aura recommandé la suppression des droits de douane pour le motif de non-disponibilité. Le traitement en marge du contingent ne sera accordé que dans les cas où il peut être prouvé que l'utilisation des produits faisant l'objet du contingent est assortie de frais supplémentaires ou lorsque les marchandises sont introuvables au Canada.

L'ADRC a indiqué que l'administration de l'allégement tarifaire, si celui-ci était accordé, n'entraînerait pas de coûts supplémentaires en sus des coûts qu'elle supporte déjà. Aucun renseignement n'a été reçu du ministère de l'Industrie.

ANALYSE

Aux termes du mandat qui lui a été conféré par le ministre, le Tribunal est tenu d'évaluer l'incidence économique d'une réduction ou d'une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et sur les entreprises en aval et, à cette fin, de considérer tous les facteurs économiques pertinents qui entrent en ligne de compte, y compris la possibilité de substituer un tissu importé à un tissu de production nationale et la capacité des producteurs nationaux de servir les industries canadiennes en aval. Par conséquent, la décision du Tribunal de recommander un allégement tarifaire est fondée sur la mesure dans laquelle le Tribunal considère que cet allégement tarifaire apporterait des gains économiques nets au Canada.

Pour l'essentiel, Richlu a affirmé qu'il n'y a pas d'usines nationales qui produisent des tissus identiques ou substituables aux tissus en question, à des prix concurrentiels. Par ailleurs, Consoltex a soutenu qu'elle produit et vend des tissus substituables destinés aux marchés des vêtements de dessus et des vêtements professionnels et DIFCO a dit être capable de produire des tissus pratiquement identiques aux tissus en question.

Dans le cadre de l'enquête, Consoltex a produit plusieurs échantillons de tissus en nylon, en polyester, en polyester/coton et en nylon/coton, destinés à la fabrication de parkas et de salopettes pour le marché des vêtements professionnels autres que ceux de protection (p. ex. pour les mécaniciens, les employés des postes et les travailleurs de la construction). Richlu a soutenu que les toiles mélangées (polyester/coton et nylon/coton) produites par Consoltex ne bénéficient que d'une acceptation limitée sur le marché. Les documents déposés auprès du Tribunal indiquent que Richlu se sert de tissus du type « coutil » 100 p. 100 coton pour répondre à la demande des clients et que les tissus contenant d'autres types de fibres, comme ceux que produit Consoltex, ne conviennent pas à cette demande et, donc, ne sont pas substituables aux tissus en question.

DIFCO a fourni trois échantillons de tissus faits uniquement de fibres de coton. À la lumière de l'analyse de l'ADRC et de son propre examen de ces tissus, le Tribunal reconnaît que les tissus de DIFCO sont substituables aux tissus en question. Richlu n'a pas contesté le fait que les tissus de DIFCO sont substituables du point de vue de leurs caractéristiques physiques.

Toutefois, Richlu a fait valoir que le coût des échantillons de tissus produits par DIFCO est inacceptable. À cet égard, le Tribunal a examiné les renseignements sur l'établissement des prix déposés par Richlu avec sa demande d'allégement tarifaire et les renseignements plus récents déposés par Richlu et par DIFCO à la demande du Tribunal16 . Il ressort des éléments de preuve que les prix du marché de tels tissus importés en provenance de la Chine et des États-Unis sont volatiles et ont affiché une baisse marquée depuis le dépôt de la demande d'allégement tarifaire de Richlu. Le Tribunal fait également observer l'affirmation de Richlu selon laquelle, en explorant les circuits de distribution « hors marché », elle peut tenir le coût des intrants à son niveau minimum. Étant donné que sa production n'est pas limitée à des lots de teinture uniforme, Richlu a accès aux prix « hors marchés » dans l'obtention de son produit.

Le coût rendu des tissus en question en provenance de la Chine et de l'Inde est présentement sensiblement inférieur au prix de vente moyen proposé des tissus substituables de DIFCO, même compte tenu de l'ajout des droits de douane ad valorem de 10 p. 100. Les coûts rendus des tissus en question présentement importés par Richlu en provenance des États-Unis sont également sensiblement inférieurs aux prix de vente proposés de DIFCO. Cependant, le Tribunal souligne que l'allégement tarifaire n'aurait pas d'incidence sur le coût rendu des importations en provenance des États-Unis, puisque lesdites importations entrent déjà en franchise. Même si les prix des importations sont volatiles, ainsi qu'il a déjà été fait observer, rien au dossier n'indique qu'il y a lieu de s'attendre à un changement des prix dans un avenir prochain, ni de prévoir, le cas échéant, l'ampleur d'un tel changement.

Le Tribunal fait observer que, en vertu de l'initiative PMD récente17 , Richlu pourrait importer des vêtements finis en franchise, si le prix des tissus était établi à un seuil qui empêche la poursuite rentable de ses activités de fabrication de vêtements. D'une façon similaire, Richlu pourrait être confrontée à la pression exercée par les concurrents qui importent des produits finis.

Par conséquent, le Tribunal est convaincu que, même en l'absence de l'allégement tarifaire, Richlu ne déplacerait pas ses achats, depuis les tissus en question à bas prix vers les tissus à prix plus élevé offerts par DIFCO. DIFCO n'accroîtra donc pas vraisemblablement ses ventes, peu importe que l'allégement tarifaire soit accordé ou non. Le Tribunal fait également observer que DIFCO a affirmé qu'elle n'a entrepris que récemment sa démarche visant à présenter à nouveau sa société aux fabricants de vêtements, y compris Richlu, au titre de fournisseur de tissus comme les tissus identiques ou substituables aux tissus en question.

À la lumière des renseignements mis à la disposition du Tribunal, l'allégement tarifaire procurerait un gain annuel de 50 000 $ à Richlu18 . L'allégement tarifaire entraînerait un gain sous la forme de réduction des coûts pour Richlu, ce qui la placerait dans une meilleure position vis-à-vis les produits finis importés en provenance des PMD. Étant donné que Consoltex ne produit pas de tissus identiques ou substituables et que DIFCO n'est pas en mesure de livrer une concurrence valable au niveau des prix sur le marché actuel, le Tribunal ne voit guère de coût pour les producteurs de tissus si l'allégement tarifaire est accordé.

Eu égard à la demande de Richlu visant à obtenir l'application « immédiate » de l'allégement tarifaire, le Tribunal interprète cette demande comme signifiant que Richlu aimerait que l'allégement tarifaire s'applique à compter de la date de sa demande. Le Tribunal a déclaré, dans des causes précédentes, qu'il n'envisagerait la recommandation d'un tel allégement que dans des circonstances exceptionnelles. Richlu n'a pas présenté d'élément de preuve qui justifie sa demande. Par conséquent, le Tribunal n'est pas convaincu que les circonstances actuelles revêtent un caractère tellement exceptionnel19 qu'elles justifient une recommandation d'allégement tarifaire avec effet rétroactif.

RECOMMANDATION

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal recommande par la présente au ministre d'accorder un allégement tarifaire, pour une période indéterminée, sur les importations, en provenance de tous les pays, de tissus teints, uniquement de coton, comprenant des fils simples dans les deux sens, titrant au moins 600 décitex mais n'excédant pas 900 décitex par fil simple, d'un poids d'au moins 290 g/m2 mais n'excédant pas 410 g/m2, de la sous-position no 5209.39, devant servir à la fabrication de parkas et de manteaux semblables, de salopettes et de vestons pour hommes.

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre présidant


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

2 . Le mandat a été modifié, la dernière fois, en 2002.

3 . Gaz. C. 2003.I.211.

4 . « Natté » s'entend d'une variante de l'armure toile dans laquelle deux ou plusieurs fils de chaîne et de trame sont tissés côte à côte, ressemblant ainsi à un damier.

5 . Un décitex est égal à un dixième de tex. Le tex est une unité qui sert à exprimer la masse linéique d'un fil, équivalent à la masse surfacique, en grammes par kilomètre de fil.

6 . L.C. 1997, c.  36.

7 . « Second choix » s'entend des étoffes imparfaites comportant des défauts dans l'armure, le fini ou la teinture.

8 . Terme général qui englobe une vaste gamme de tissus d'armure unie, robustes, tissés serrés, habituellement en fils de coton ou de lin.

9 . Auparavant une division d'exploitation de Dominion Textiles, Inc., DIFCO est maintenant une filiale à 100 p. 100 de Polymer Group, Inc. (PGI) à la suite de l'achat de Dominion Textiles, Inc. par PGI en 1998.

10 . Depuis le 1er janvier 2003, les produits du textile et les vêtements exportés par les PMD sont admissibles au régime d'admission en franchise, à condition qu'ils soient fabriqués ou assemblés à partir d'intrants provenant de l'un des 48 PMD admissibles dont 34 sont situés en Afrique, ou qu'ils se composent d'intrants provenant de pays bénéficiant du Tarif de préférence générale (p. ex. la Chine), à condition que la valeur ajoutée dans le PMD exportateur soit d'au moins 25 p. 100. L'initiative supprime également les quotas actuels sur le textile et les vêtements qui peuvent bénéficier de l'élimination des tarifs en vertu des nouvelles règles.

11 . « Premier choix » s'entend des articles fabriqués des meilleurs grades de fils, d'étoffes ou d'autres articles.

12 . Mémorandum D8-11-4, Agence des douanes et du revenu du Canada (21 mai 2003).

13 . Mémorandum D8-11-6, Agence des douanes et du revenu du Canada (18 juillet 2003).

14 . Ces programmes de remise de droits ont été conçus pour aider les fabricants canadiens de vêtements et de tissus à faire face aux pressions exercées par une concurrence accrue en matière d'importation en provenance des pays où les salaires sont bas, au fur et à mesure de l'élimination graduelle des contingents en vertu de l'Accord sur les textiles et les vêtements de l'Organisation mondiale du commerce. Les programmes ne s'appliquent qu'aux producteurs qui ont bénéficié des programmes précédents de remise de droits. Ces producteurs ont le droit d'importer certaines quantités de vêtements ou de tissus en franchise pour compléter les produits qu'ils ont fabriqués au Canada. La remise des droits est limitée aux montants reçus par un fabricant en 1995. Les programmes de remise de droits susmentionnés prendront fin le 31 décembre 2004. À la lumière des éléments de preuve, Richlu ne semble pas détenir de « contingents » historiques aux termes du Décret de remise des droits de douane sur les tissus pour vêtements de dessus (1998).

15 . Ces échantillons de tissus ont été envoyés à l'ADRC, pour analyse.

16 . Pièce du Tribunal TR-2002-001-2D (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 20; pièce du Tribunal TR-2002-001-30 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 60; pièce du Tribunal TR-2002-001-26C (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 50.

17 . Supra note 10.

18 . Le montant d'allégement tarifaire dépendra de la proportion des achats de Richlu, eu égard aux tissus en question, déplacée par cette dernière depuis les importations en provenance des États-Unis vers les importations en provenance de la Chine ou de l'Inde.

19 . Voir, par exemple, Re demande d'allégement tarifaire déposée par Doubletex (3 juillet 2002), TR-2000-006 à la p. 9 (TCCE); Re demande d'allégement tarifaire déposée par Ballin (9 mars 2001), TR-2000-004 à la p. 6 (TCCE); Re demande d'allégement tarifaire déposée par Tantalum Mining (21 mars 2001), TR-2000-003 à la p. 5 (TCCE); Re demande d'allégement tarifaire déposée par Majestic Industries (Canada) (12 janvier 2001), TR-2000-002 à la p. 4 (TCCE).