SUNSHINE MILLS INC.

Enquêtes


SUNSHINE MILLS INC.
(CERTAINS FILS DE COTON PEIGNÉS, PRODUITS PAR FILATURE À ANNEAUX)
Demande no TR-2003-002

Recommandation faite
le vendredi 6 août 2004


TABLE DES MATIÈRES

Membres du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

 

Ellen Fry, membre

 

Meriel V. M. Bradford, membre

   

Directeur de la recherche :

Réal Roy

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent du greffe :

Karine Turgeon

Adresser toutes les communications à :

La secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

RAPPORT AU MINISTRE DES FINANCES

INTRODUCTION

1. Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le ministre) aux termes de l'article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , le mandat2 de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés devant servir dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au ministre à propos de ces demandes.

2. Le 2 octobre 2003, conformément au mandat confié par le ministre, le Tribunal a reçu de Sunshine Mills Inc. (Sunshine), de Toronto (Ontario), une demande de suppression immédiate, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations, en provenance de tous les pays, de certains fils de coton peignés, produits par filature à anneaux et devant servir à la fabrication de tissus. Sunshine demandait aussi que cet allégement soit rétroactif au 1er mars 2002.

3. Le 27 janvier 2004, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d'ouverture d'enquête3 , qui a été diffusé aux parties intéressées connues. Cet avis décrit les fils faisant l'objet de l'enquête de la façon suivante : « fils de coton (autres que les fils à coudre), simples, uniquement de coton, peignés, non conditionnés pour la vente au détail, produits par filature à anneaux, écrus, titrant moins de 166 décitex[4], de la sous-position no 5205.24, 5205.26 ou 5205.27, devant servir à la fabrication de tissus » (les fils en question).

4. Dans le cadre de l'enquête, le personnel de recherche du Tribunal a fait parvenir des questionnaires aux producteurs potentiels de fils identiques ou substituables aux fils en question. Une demande de renseignements a également été envoyée aux utilisateurs et importateurs potentiels des fils en question. Une lettre a été envoyée à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC), maintenant l'Agence des services frontaliers du Canada, demandant une description complète des caractéristiques physiques des échantillons présentés par Sunshine, une opinion sur la possibilité d'administrer l'allégement tarifaire demandé et un libellé possible pour décrire les fils en question si l'allégement tarifaire était recommandé. Des lettres ont également été envoyées au ministère du Commerce international (MCI) et au ministère de l'Industrie pour obtenir des renseignements susceptibles d'aider le Tribunal dans son enquête.

5. Un rapport d'enquête du personnel, résumant les renseignements reçus de l'ADRC, du MCI, de Sunshine et de Les Fils Fins Atlantique Inc. (Atlantique), a été remis à ceux qui étaient devenus parties à la procédure en déposant des avis de comparution dans le cadre l'enquête. À la suite de la diffusion du rapport d'enquête du personnel, Atlantique et Sunshine ont déposé des exposés auprès du Tribunal.

6. Étant donné qu'il y avait suffisamment de renseignements au dossier, le Tribunal a décidé qu'il n'y avait pas lieu de tenir d'audience publique en l'espèce.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

7. Bien que la demande d'allégement tarifaire porte sur les fils importés de tous les pays, Sunshine importe les fils en question de l'Inde, du Pakistan et de l'Égypte. Elle a présenté avec sa demande d'allégement tarifaire trois échantillons de fils de coton simples, écrus, produits par filature à anneaux à partir de fibres peignées et titrant 152 décitex, 116 décitex et 98 décitex.

8. Selon Sunshine, les fils en question sont nécessaires pour l'ourdissage5 à rendement élevé et le tissage à jet d'air à grande vitesse. En règle générale, le processus de fabrication comporte les étapes suivantes :

· Le fil, reçu en cônes, est installé sur un cantre6 d'ourdissage, puis enroulé sur de gros (2 200 mm de large) cylindres de métal appelés ensouples.

· Jusqu'à 28 ensouples sont assemblées sur une encolleuse, où on applique des produits chimiques d'encollage7 qui renforcent le fil pour le tissage à haute vitesse.

· Les ensouples encollées sont ensuite placées sur les métiers à tisser à jet d'air à haute vitesse (Picanol Omni Plus), où les fils de trame sont insérés perpendiculairement aux fils de chaîne à l'aide d'air comprimé, ce qui produit un tissu écru.

· Le tissu est enroulé sur de gros rouleaux de 500 à 5 000 mètres, selon les exigences des clients, puis on l'inspecte pour en déceler les défauts, on l'emballe et on l'expédie.

Sunshine a précisé qu'aucun des processus mentionnés ci-dessus n'est confié à des sous-traitants.

9. Depuis le 1er janvier 2004, les fils en question, classés aux fins des douanes dans les numéros tarifaires nos 5205.24.90, 5205.26.90 ou 5205.27.90 de l'annexe du Tarif des douanes 8 , sont passibles de droits de douane de 8,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif de la nation la plus favorisée (NPF) et de 5,5 p. 100 en vertu du tarif du Costa Rica; ils entrent en franchise de droits en vertu du tarif des États-Unis, du tarif des pays les moins développés, du tarif du Mexique, du tarif de l'Accord Canada-Israël et du tarif du Chili.

OBSERVATIONS

Branche de production de tissus

Sunshine

10. Sunshine produit des tissus grèges faits entièrement de coton ou de mélanges de polyester et de coton depuis mai 2002 à son usine de Tracadie-Sheila (Nouveau-Brunswick). Elle a mentionné qu'elle est une jeune entreprise en région éloignée. Les tissus qu'elle produit servent surtout pour l'ameublement de maison.

11. Sunshine a prétendu qu'il est impossible de se procurer auprès de sources canadiennes des fils identiques ou substituables. Elle a mentionné que la suppression des droits de douane sur les importations des fils en question lui permettrait de se tailler une part du marché en faisant concurrence aux fabricants asiatiques de tissu qui ont accès aux fils en question, soit produits localement, soit entrés en franchise de droits. Elle a affirmé que les pays asiatiques ont de plus l'avantage de la main-d'_uvre à bon marché et de subventions et de mesures gouvernementales incitatives. Elle a allégué ne pouvoir, en raison des droits qui frappent les fils en question, vendre de tissus sur le marché canadien. De plus, comme elle est fabricant canadien depuis peu, Sunshine n'a accès qu'à une petite quantité de niveaux de préférence tarifaire (NPT)9 et doit, par conséquent, verser des droits sur 80 p. 100 de ses exportations vers les États-Unis.

12. Sunshine a mentionné que, avant d'entrer en activité, elle croyait qu'il n'y avait pas de droits sur les importations de fils faits entièrement de coton titrant 32/1 et plus fins servant au tissage10 de tissus grèges. Elle a affirmé que ce point était décisif, étant donné que son étude de faisabilité reposait sur la production de tissus grèges à partir de fils importés fins. Sunshine a affirmé que les droits sur les fils en question ont eu un effet négatif important sur sa rentabilité, en particulier dans la conjoncture économique actuelle.

13. Sunshine a affirmé que l'allégement tarifaire lui permettrait d'être plus concurrentielle sur le marché d'exportation et sur le marché canadien, plus sensible aux prix, par rapport aux importations de tissus à bon marché. Elle a ajouté que ses ventes augmenteraient sur les deux marchés, ce qui pourrait mener à une expansion et à la création d'emplois dans ses installations de production. Sunshine a dit qu'elle employait en ce moment 110 personnes dans une région du Nouveau-Brunswick où le chômage est élevé et que ces emplois sont en péril.

14. Dans son exposé du 26 avril 2004, Sunshine a mentionné que, après des tentatives répétées en vue d'obtenir des fils identiques ou substituables auprès de sources canadiennes, il est évident selon les éléments de preuve que ces fils ne sont pas produits au Canada. En novembre 2002 et en mars 2003, elle a demandé à Atlantique de lui proposer des prix pour les fils faits entièrement de coton à titre fin, mais n'a pu les obtenir. Le 10 avril 2003, Sunshine a fait paraître dans un des principaux journaux canadiens une annonce demandant aux fabricants canadiens de lui faire part de leur intérêt pour la fourniture de fils à tisser, mais aucun ne s'est manifesté. En juin 2003, elle a demandé à l'Institut canadien des textiles (ICT) quels fabricants canadiens de fils pourraient être en mesure de l'approvisionner en fils identiques ou substituables. L'ICT a désigné deux fournisseurs potentiels : Atlantique et Textiles Cavalier11 . Sunshine n'a pas réussi à obtenir ce genre de fils de ces fournisseurs. Elle a en outre fait valoir que rien n'indique qu'il sera possible de l'obtenir dans un avenir prévisible. Elle a affirmé qu'elle envisagerait l'achat de fils identiques ou substituables auprès de sources canadiennes, mais que, compte tenu de ce qui précède, elle n'a d'autre choix que d'importer les fils en question et de payer les droits.

15. Sunshine a soutenu que la suppression des droits sur les fils en question ne coûterait rien à Atlantique, puisque celle-ci ne produit pas de fils identiques ou substituables en quantités commerciales disponibles, ni n'est un fournisseur de ce genre de fils. Sunshine a donc fait valoir qu'Atlantique ne peut pas perdre des ventes de fils qu'elle aurait faites à Sunshine ou à d'autres producteurs de tissus grèges au Canada. Elle a également prétendu que l'allégement tarifaire n'aurait aucun effet sur l'expansion prévue d'Atlantique. Sunshine a ajouté que les éléments de preuve montrent qu'Atlantique n'a pris aucune mesure pour produire des fils identiques ou substituables, malgré les demandes répétées de prix de Sunshine. Elle a soutenu que, bien qu'Atlantique ait dit pouvoir convertir sa capacité pour produire des fils identiques ou substituables, rien n'indique qu'elle l'a fait ou qu'elle a pris des mesures pour faire connaître ou montrer sa capacité de produire ce genre de fils. Selon Sunshine, les éléments de preuve indiquent qu'Atlantique ne produit par filature à anneaux que des fils faits entièrement de coton et des fils de polyester et de coton dont le titre est moins fin que celui des fils auxquels la demande de Sunshine a trait.

16. Sunshine a soutenu que le paiement de droits sur les fils en question a eu un effet négatif important sur sa rentabilité. Elle a ajouté que, depuis le 1er mars 2002, le versement de droits a beaucoup nui à ses mouvements de trésorerie et fait qu'il lui est difficile de conserver un stock des fils en question. Selon Sunshine, à certains moments, elle a dû fermer son usine par manque de liquidités et de fils. Ces circonstances, d'après elle, sont exceptionnelles et justifient un allégement tarifaire rétroactif et, si cet allégement n'est pas accordé, cela mettrait gravement en péril sa capacité de continuer la production à son usine, ainsi que sa viabilité financière et les emplois qu'elle offre.

17. Dans son exposé en réponse12 , Sunshine a fait valoir qu'Atlantique ne lui a pas proposé de prix pour des fils fins faits entièrement de coton lorsque Sunshine lui en a demandé. Elle a ajouté que la participation d'Atlantique aux enquêtes du Tribunal tenues en janvier 2002 et en février 2004 ne prouve pas qu'Atlantique a l'intention de produire des fils identiques ou substituables, puisque ces enquêtes portaient sur les fils de coton et de polyester et coton, peignés ou cardés, obtenus par filature à anneaux, devant servir à la confection de tricots et de vêtements en maille. En outre, le Tribunal a conclu qu'Atlantique est incapable de produire des fils fins pour les tricots et les vêtements en maille. Sunshine a soutenu que la présente enquête porte sur les fils de coton obtenus par filature à anneaux devant servir au tissage et que la prétendue excuse d'Atlantique pour refuser de fournir des fils identiques ou substituables à Sunshine, c'est-à-dire parce qu'elle ne peut obtenir d'assurance, est une simple question commerciale sans rapport avec la présente enquête. Selon Sunshine, si Atlantique avait voulu être son fournisseur, elle aurait pu y parvenir en ayant recours à d'autres modalités de crédit commercial, comme les avances sur les commandes, les règlements avant la livraison ou les lettres de crédit. Sunshine a soutenu qu'Atlantique n'est pas intéressée à faire affaire avec elle, puisque Atlantique ne s'est pas employée énergiquement à en faire son client en lui fournissant des prix concurrentiels et des modalités commerciales raisonnables, même pour des fils autres que les fils en question.

Branche de production de fils

Atlantique

18. Atlantique, de Mississauga (Ontario), a été établie en 2000 en vue de la production, à Pokemouche (Nouveau-Brunswick), de fils par filature à anneaux. Ses installations de filature à anneaux seront mises sur pied en quatre phases. La production de la phase 1 a commencé le 15 octobre 2001. D'après Atlantique, les machines de la phase 1 peuvent produire chaque année par filature à anneaux 14 millions de kilogrammes de fils faits entièrement de coton et de fils de polyester et coton, peignés et cardés, dont le compte va de 130s à 6s. Atlantique a ajouté que, à supposer que la phase 1 soit rentable, elle a l'intention de passer à la phase 2, au coût supplémentaire de 70 millions à 80 millions de dollars. La phase 2 fournira une capacité de production par filature à anneaux supplémentaire de 14 millions de kilogrammes par année de fils faits entièrement de coton et de polyester et coton et dont le compte varie entre 130s et 6s.

19. Atlantique a ajouté que, si les résultats financiers des phases 1 et 2 se matérialisent comme prévu, les phases 3 et 4 seront terminées d'ici cinq ans, ce qui ajoutera de 250 000 à 300 000 pieds carrés à ses installations de production de fils par filature à anneaux. Atlantique a également mentionné que le potentiel d'expansion du marché des fils produits par filature à anneaux est énorme en Amérique du Nord.

20. Atlantique s'est opposée à la demande d'allégement tarifaire de Sunshine parce qu'un tel allégement restreindrait l'expansion de la production de fils par filature à anneaux au Canada. Atlantique a affirmé que, en raison des exigences de l'ALÉNA relatives au contenu, les exportations de tissus grèges de Sunshine n'entreraient pas en franchise de droits aux États-Unis, ni peut-être en Amérique latine. Atlantique a ajouté que l'allégement tarifaire n'est pas justifié, en raison des petits volumes d'importations de tissus grèges auxquels Sunshine doit faire concurrence.

21. Atlantique a mentionné qu'il faudrait un certain temps pour convertir une partie de sa capacité de production de manière à pouvoir fabriquer des fils identiques ou substituables. Si toute son usine était transformée pour produire des fils identiques ou substituables à partir de coton Pima13 des États-Unis, Atlantique a affirmé qu'elle pourrait produire immédiatement ces fils.

22. Dans son exposé en réponse du 4 mai 2004, Atlantique a dit avoir toujours eu, contrairement à ce que prétend Sunshine, l'intention de produire par filature à anneaux des fils peignés fins, y compris les fils en question. Selon Atlantique, sa participation aux enquêtes du Tribunal tenues en janvier 2002 et en février 2004 à propos de ces fils le prouve. Atlantique a dit posséder la capacité de produire des fils identiques ou substituables, mais qu'il n'y a pas eu de marché viable au Canada pour ce genre de fils. Atlantique a affirmé que c'est l'incapacité de Sunshine de respecter les modalités commerciales courantes (période de crédit de 30 à 60 jours, en fonction du prix, mais à condition de pouvoir assurer le client) appliquées à tous les clients d'Atlantique qui empêche la production de ce type de fils au Canada.

AUTRES RENSEIGNEMENTS

23. Le MCI a informé le Tribunal que le Canada n'impose pas de contingents sur les fils en question. L'ADRC a indiqué que l'administration de l'allégement tarifaire sur les fils en question, s'il est accordé, n'entraînera pas de coûts supplémentaires en sus des coûts qu'elle supporte déjà.

ANALYSE

24. Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d'évaluer l'incidence économique d'une réduction ou d'une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et sur les entreprises en aval et, à cette fin, de tenir compte de tous les facteurs pertinents, y compris de la possibilité de substituer un tissu national à un tissu importé et de la capacité des producteurs nationaux de servir les industries canadiennes en aval. La décision du Tribunal de recommander un allégement tarifaire est donc fondée sur la mesure dans laquelle le Tribunal considère que cet allégement tarifaire apporterait des gains économiques nets au Canada.

25. Selon Sunshine, aucun producteur national de fils ne fabrique à l'heure actuelle des fils de titres plus fins identiques ou substituables. Atlantique s'est opposée à la demande d'allégement tarifaire de Sunshine pour le motif qu'Atlantique pourrait convertir une partie de sa capacité de production actuelle pour fabriquer des fils identiques ou substituables et qu'un tel allégement tarifaire pourrait restreindre l'expansion de sa production de fils obtenus par filature à anneaux au Canada.

26. Le Tribunal remarque qu'aucun producteur national de fils, sauf Atlantique, ne s'est opposé à la demande d'allégement tarifaire de Sunshine. Bien qu'Atlantique ait dit pouvoir convertir une partie de sa capacité de production pour fabriquer des fils identiques ou substituables, elle n'a présenté aucun renseignement commercial sur les fils qui pourraient être produits. En outre, elle n'a pas établi qu'elle a pris des mesures pour produire des fils identiques ou substituables. Le Tribunal note à ce sujet les messages électroniques14 de novembre 2002 et de mars 2003, dans lesquels Atlantique admet « ne pas pouvoir offrir de fils à tisser, peignés ou cardés, produits par filature à anneaux » [traduction] et « n'avoir aucune intention de produire » [traduction] par filature à anneaux des fils faits entièrement de coton, peignés et à titre fin. Le Tribunal est donc d'avis que la production de ce genre de fils n'est pas imminente à Atlantique et qu'Atlantique ne peut à l'heure actuelle fournir de quantités commerciales de fils identiques ou substituables.

27. Pour conclure qu'Atlantique peut fournir des fils identiques ou substituables, le Tribunal aurait besoin d'éléments de preuve, par exemple des plans concrets pour convertir la capacité de production et des commandes en main. Comme le Tribunal l'a affirmé dans des affaires antérieures, il incombe aux producteurs nationaux de fournir des éléments de preuve, et non uniquement des affirmations ou des allégations, de leur capacité de fabriquer des produits identiques ou substituables15 . Le Tribunal conclut donc qu'Atlantique n'a pas établi, à la satisfaction du Tribunal, qu'elle pourra fournir des fils identiques ou substituables à Sunshine et à d'autres acheteurs potentiels dans un avenir prévisible.

28. Comme cela a été dit ci-dessus, Atlantique a affirmé que Sunshine ne peut respecter les conditions commerciales courantes qui s'appliquent à tous ses clients, ce qui empêche Atlantique de produire des fils identiques ou substituables au Canada. À ce sujet, le Tribunal est d'avis que, selon toute probabilité, Atlantique et Sunshine auraient pu en arriver à un arrangement de rechange quelconque acceptable sur le plan commercial. Le Tribunal remarque à ce sujet que Sunshine a, de toute évidence, conclu des ententes de crédit satisfaisantes avec des fournisseurs étrangers pour obtenir les fils en question.

29. Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal est d'avis qu'il n'existe pas de fils de production nationale identiques ou substituables aux fils en question. Le Tribunal ne croit donc pas que la suppression des droits de douane sur l'importation des fils en question est susceptible d'occasionner à Atlantique des coûts commerciaux directs, quoique le gouvernement devra renoncer aux recettes correspondant aux droits de douane, estimées à plus de 750 000 $ par année, avant le drawback des droits16 . D'après les renseignements fournis au Tribunal, l'allégement tarifaire offrirait des avantages annuels aux utilisateurs des fils en question, surtout à Sunshine, sous forme de réduction des coûts, qui se traduiraient par une amélioration de leur position concurrentielle sur les marchés du Canada et des États-Unis, ainsi que des avantages en ce qui concerne l'emploi au Nouveau-Brunswick et la réduction des prix pour les consommateurs et les utilisateurs en aval. En résumé, le Tribunal conclut que l'allégement tarifaire demandé par Sunshine offrirait des gains économiques nets pour le Canada.

30. Sunshine a demandé que l'allégement tarifaire soit rétroactif au 1er mars 2002. Les éléments de preuve qu'elle a présentés au Tribunal pour justifier sa demande sont que le paiement des droits sur les fils en question nuit gravement à ses mouvements de trésorerie et fait qu'il lui est difficile de conserver les fils en question en stock, ce qui l'a amenée à fermer son usine à certains moments. Sunshine a de plus, comme cela a été expliqué ci-dessus, essayé avec diligence de trouver une source nationale où se procurer les fils en question, faisant plusieurs tentatives raisonnables au cours d'un certain nombre de mois. Lorsque ces tentatives ont échoué, Sunshine a rapidement demandé l'allégement tarifaire. Selon le Tribunal, il s'agit là de circonstances justifiant un allégement tarifaire rétroactif. Le Tribunal est convaincu que, à moins que les mesures indiquées ne soient prises rapidement pour assurer le remboursement d'une partie ou de la totalité des droits déjà versés, cela aura une incidence négative sur la rentabilité de Sunshine. Le Tribunal considère donc qu'il convient, dans la présente affaire, de recommander que l'allégement tarifaire prenne effet rétroactivement au 2 octobre 2003, date à laquelle la demande d'allégement tarifaire a été déposée auprès du Tribunal.

RECOMMANDATION

31. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal recommande, par la présente, au ministre d'accorder, pour une période indéterminée, un allégement tarifaire sur les importations, en provenance de tous les pays, de fils de coton (autres que les fils à coudre), simples, uniquement de coton, peignés, non conditionnés pour la vente au détail, produits par filature à anneaux, écrus, titrant moins de 166 décitex, de la sous-position no 5205.24, 5205.26 ou 5205.27, devant servir à la fabrication de tissus.

32. Le Tribunal recommande en outre que cette allégement tarifaire soit rétroactif au 2 octobre 2003.

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre présidant

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Susanne Grimes
Susanne Grimes
Secrétaire intérimaire


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

2 . Le mandat a été modifié, la dernière fois, le 13 janvier 2004.

3 . Gaz. C. 2004.I.223.

4 . Fils de coton plus fins que 36/1.

5 . L'ourdissage est l'opération qui consiste à enrouler les fils de chaîne sur une ensouple, en général en préparation pour le tissage.

6 . Un cantre est un cadre organisé de telle sorte que de nombreux brins de fils peuvent être déroulés facilement et uniformément sans s'emmêler.

7 . Terme générique pour les composés chimiques qui servent à lier ensemble les fibres des fils de chaîne et à raidir les fils afin qu'ils résistent à l'abrasion pendant le tissage.

8 . L.C. 1997, c. 36.

9 . L'Accord de libre-échange nord-américain, 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA] prévoit le traitement tarifaire préférentiel de certaines quantités de marchandises textiles, même lorsqu'elles comprennent des intrants qui ne sont pas nord-américains (c.-à-d. non originaires). Ce traitement tarifaire préférentiel prend la forme de NPT canadiens. Les NPT autorisent l'importation d'une quantité donnée de certaines marchandises textiles au Canada, aux États-Unis et au Mexique à des taux de droits ALÉNA. Les marchandises qui entrent dans un pays de l'ALÉNA dans des quantités qui dépassent les NPT sont assujetties à un taux de droits NPF plus élevé. Une nouvelle façon de déterminer le drawback des droits, appelée « concept du montant le moins élevé », est apparue avec l'ALÉNA. Selon ce système, le drawback, ou remboursement, des droits est égal au moins élevé des deux montants suivants :

a) les droits payés sur les marchandises importées au Canada;

b) les droits payés sur les produits finis lorsqu'ils sont exportés aux États-Unis.

10 . Il existe un allégement tarifaire indéterminé pour certains fils peignés ou cardés obtenus par filature à anneaux (titrage 31/1 et plus fins) qui servent à la confection de tricots ou de vêtements en maille.

11 . Textiles Cavalier a fermé son usine en juillet 2003.

12 . Le 26 avril 2004, Sunshine a déposé auprès du Tribunal un exposé en réponse qui comprend certains documents (onglets 1, 2 et 3) relatifs à ses tentatives en vue d'obtenir les fils en question auprès de sources canadiennes. Le Tribunal a considéré que ces documents constituent de nouveaux renseignements. Les parties au dossier ont donc eu la possibilité de présenter des observations sur ces nouveaux renseignements. Seule Atlantique a déposé un exposé.

13 . Le coton Pima est un coton fin, de couleur havane pâle, et dont la fibre mesure en moyenne 4 cm. Il tire son nom du comté Pima, en Arizona.

14 . Pièce du Tribunal TR-2003-002-18.01, dossier administratif, vol. 5 aux pp. 12 à 16.

15 . Voir, par exemple, Re demande d'allégement tarifaire déposée par C.S. Brooks (21 janvier 2004), TR-2002-006 à la p. 11 (TCCE); Re demande d'allégement tarifaire déposée par Les vêtements de sports Tribal (18 février 2004), TR-2003-001 à la p. 6 (TCCE).

16 . Sunshine est admissible au remboursement des droits sur les fils en question utilisés pour la fabrication de tissus exportés à l'heure actuelle vers les États-Unis dépassant les NPT. Par conséquent, l'allégement tarifaire correspondant sur les fils en question est, en réalité, inférieur au chiffre mentionné.