VÊTEMENTS PEERLESS INC.

Enquêtes


VÊTEMENTS PEERLESS INC.
(CERTAINES ÉTOFFES THERMOFUSIBLES NON-TISSÉES)
Demande no TR-2003-003

Recommandation faite
le lundi 30 août 2004


TABLE DES MATIÈRES

Membres du Tribunal :

Zdenek Kvarda, membre présidant

 

Patricia M. Close, membre

 

Ellen Fry, membre

   

Directeur de la recherche :

Réal Roy

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseiller pour le Tribunal :

Nick Covelli

   

Greffier adjoint :

Gillian E. Burnett

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

RAPPORT AU MINISTRE DES FINANCES

INTRODUCTION

1. Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le ministre), aux termes de l'article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , le mandat2 de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés devant servir dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au ministre à propos de ces demandes.

2. Le 18 février 2004, conformément au mandat confié par le ministre, le Tribunal a reçu de Vêtements Peerless Inc. (Peerless), de Montréal (Québec), une demande de suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations, en provenance de tous les pays, de certaines étoffes thermofusibles non-tissées devant servir à la fabrication de vestons (y compris les vestons de complet), de blazers et de vestes (gilets) pour hommes et pour garçons. Peerless a aussi demandé l'application immédiate de l'allégement tarifaire.

3. Le 21 avril 2004, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d'ouverture d'enquête3 , qui a été diffusé aux parties intéressées connues. Cet avis décrivait les étoffes faisant l'objet de l'enquête de la façon suivante : « non-tissés de fibres discontinues de nylon ou de fibres discontinues de nylon mélangées avec des fibres discontinues de polyester, enduites partiellement d'adhésif à faible point de fusion, d'un poids supérieur à 25 g/m2 mais n'excédant pas 70 g/m2, devant servir à la fabrication de vestons (y compris les vestons de complet), de blazers et de vestes (gilets) pour hommes et pour garçons » (les étoffes en question).

4. Dans le cadre de l'enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a fait parvenir des questionnaires aux producteurs potentiels d'étoffes identiques ou substituables aux étoffes en question. Une demande de renseignements a également été envoyée aux utilisateurs et importateurs potentiels des étoffes en question. Une lettre a été envoyée à l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), demandant une description complète des caractéristiques physiques des échantillons présentés par Peerless, une opinion sur la possibilité d'administrer l'allégement tarifaire demandé et un libellé possible pour décrire les étoffes en question, si l'allégement tarifaire était recommandé. Des lettres ont également été envoyées au ministère du Commerce international (MCI) et au ministère de l'Industrie pour obtenir des renseignements susceptibles d'aider le Tribunal dans son enquête.

5. Un rapport d'enquête du personnel n'a pas été nécessaire aux fins de la présente enquête, étant donné que les producteurs potentiels d'étoffes identiques ou substituables aux étoffes en question n'avaient pas fait opposition à la demande.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

6. Peerless importe les étoffes en question d'Allemagne. Peerless a présenté trois échantillons d'étoffes avec sa demande d'allégement tarifaire. Deux de ces échantillons étaient composés de fibres discontinues de nylon et de polyester et pesaient 31 g/m2 et 49 g/m2. Le troisième échantillon était composé de fibres discontinues de nylon et pesait 32 g/m2. Un côté de chacun de ces échantillons était partiellement enduit de mouchetures transparentes et incolores d'une matière plastique à faible point de fusion.

7. Les étoffes en question servent d'entoilage thermofusible pour les revers, les ourlets, les poignets et les petites pièces destinés à la confection de vêtements de coupe élégante pour hommes et pour garçons.

8. Dans le cadre du procédé de production de Peerless, différents intrants textiles devant servir à la fabrication de vestons (y compris les vestons de complet), de blazers et de vestes (gilets) pour hommes et pour garçons sont étendus, coupés, cousus et pressés. Elle n'en confie aucune étape en sous-traitance.

9. Depuis le 1er janvier 2004, les étoffes en question, classées aux fins de douane dans le numéro de classement 5603.92.90.20 de l'annexe du Tarif des douanes 4 , sont passibles de droits de douane de 14 p. 100 ad valorem en vertu du tarif de la nation la plus favorisée (NPF) et de 10 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Costa Rica et entrent en franchise de droits en vertu du tarif des États-Unis, du tarif des pays les moins développés, du tarif du Mexique, du tarif de l'accord Canada-Israël et du tarif du Chili.

OBSERVATIONS

Position de la branche de production de vêtements

Peerless

10. Peerless fabrique des vêtements pour hommes depuis 1919. Il s'agit d'une entreprise privée qui emploie plus de 2 000 personnes. Depuis l'adoption de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, Peerless s'est établie comme entreprise manufacturière et de commercialisation d'envergure internationale ayant une présence importante sur le marché des États-Unis. À ce titre, Peerless a signé des accords d'exclusivité de licence de fabrication et de commercialisation de vêtements de marques reconnues, comme Chaps de Ralph Lauren, Ralph de Ralph Lauren et DKNY (Donna Karan New York).

11. Selon Peerless, aucun fabricant canadien de textiles ne produit ni ne vend d'étoffes identiques ou substituables aux étoffes en question.

12. Peerless a mentionné qu'il était courant auparavant d'utiliser surtout des étoffes non-tissées liées thermiquement ou chimiquement à base de polyester, ce qui donnait un toucher ferme, mais pourtant résilient. Peerless a affirmé que, le marché de la mode exigeant des vêtements plus légers et plus doux, le secteur de la fabrication de vêtements pour hommes doit adopter des étoffes non-tissées plus raffinées composées surtout de fibres de nylon, et n'avoir recours qu'à la technologie du thermoliage utilisant des polyamides. À ce sujet, Peerless a ajouté que les fibres de nylon sont plus douces et plus « gonflantes » que les fibres de polyester et que leur utilisation généreuse donne aux étoffes thermofusibles non-tissées un toucher plus doux. En outre, la technologie servant à lier les fibres entre elles au moyen d'un processus thermique plutôt que par vaporisation d'une résine chimique donne aux étoffes non-tissées un toucher très textile, sans effet de « papier ». Ce qui, selon Peerless, confère aux parties renforcées (p. ex. les revers, les rabats, les ourlets et les poignets) un bon toucher riche, sans enlever le toucher riche et textile du tissu extérieur.

13. Peerless a affirmé que la concurrence dans le secteur du vêtement pour hommes est d'envergure mondiale et très féroce. Elle a ajouté que la suppression des droits de douane sur les importations des étoffes en question lui permettrait de demeurer concurrentielle sur ce marché et peut-être d'augmenter sa part sur les marchés national et étrangers. Peerless a aussi soutenu que l'allégement tarifaire l'aiderait à maintenir son niveau actuel d'emploi. Elle a précisé que toute économie des coûts serait répercutée sur le consommateur.

14. Peerless a souligné que ses décisions d'affaires sont fondées sur le marché. Elle a affirmé que, si le marché exige des vêtements qui présentent les caractéristiques issues des étoffes en question, elle doit produire de tels vêtements ou subir un recul de ses ventes. Elle a dit devoir atteindre certains paramètres de coût et de majoration pour maintenir son prix reconnu final. Peerless a ajouté que, si elle était incapable de satisfaire la demande du marché pour de tels vêtements, cette demande serait comblée à partir des importations de marchandises finies en provenance de l'étranger.

15. Peerless a précisé qu'elle ne peut plus, à cause de l'Accord de libre-échange nord-américain 5 , obtenir un drawback des droits6 sur les intrants importés dont elle se sert dans la confection de ses vêtements exportés aux États-Unis sous le régime des NPT canadiens et que, par conséquent, les droits imposés sur les étoffes en question ont une profonde incidence sur sa position dans le marché des États-Unis. L'allégement tarifaire l'aiderait donc à compenser la suppression du drawback des droits.

Coppley Apparel Group

16. Coppley Apparel Group, de Hamilton (Ontario), producteur de complets, de vestons et de pantalons de coupe élégante pour hommes qui emploie plus de 500 personnes, a appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless. Selon cette société, les avantages qui devraient découler de cet allégement lui permettront de rester concurrentielle, et peut-être d'augmenter sa part sur un marché très concurrentiel, et l'aideront à maintenir son niveau actuel d'emploi.

Position de la banche de production de textiles

Canada Hair Cloth Company

17. Canada Hair Cloth Company (CHC), de St. Catharines (Ontario), fabrique des toiles et des tissus fusibles pour la branche canadienne de production de vêtements pour hommes et pour garçons depuis plus de 120 ans. En réponse au questionnaire du Tribunal à l'intention du producteur national, CHC a appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless, mais a précisé que l'éventail des poids était trop large et a donc demandé que le maximum soit établi à « pas plus de 55 g/m2 » [traduction] au lieu de 70 g/m2. Cependant, le 3 juin 2004, CHC a fait savoir au Tribunal qu'elle avait modifié sa position et qu'elle appuyait la demande d'allégement tarifaire de Peerless telle qu'elle était décrite dans l'avis d'ouverture d'enquête.

Texel Inc.

18. Texel Inc., de Saint-Elzéar de Beauce (Québec), a été fondée en 1967. Il s'agit d'un des plus grands manufacturiers canadiens d'étoffes non-tissées aiguilletées, destinées au secteur des vêtements et de la chaussure ainsi qu'à d'autres secteurs techniques. Elle a dit ne pas produire d'étoffes identiques ou substituables aux étoffes en question.

Position des distributeurs

Parapad Inc.

19. Parapad Inc., de Montréal (Québec), un grand distributeur d'entoilages pour vêtements pour hommes et pour dames, a été fondée en 1948. Cette société dit être le plus grand fabricant d'épaulettes au Canada. Parapad Inc. a appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless. Elle a affirmé qu'il est impossible de se procurer auprès de sources canadiennes des étoffes non-tissées identiques ou substituables et que l'allégement tarifaire sur les étoffes en question permettrait à la branche de production nationale de vêtements pour hommes de rester concurrentielle sur le marché et d'augmenter ses niveaux de production, ce qui aiderait Parapad Inc. à maintenir ses niveaux de production et d'emploi.

Veratex Lining Ltd.

20. Veratex Lining Ltd., de Montréal (Québec), est une société qui importe et distribue des étoffes thermofusibles non-tissées aux manufacturiers canadiens de vêtements pour hommes et pour dames. Elle a appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless et a affirmé qu'il faudrait élargir la portée de cette demande et inclure les étoffes thermofusibles non-tissées entièrement faites de fibres discontinues de polyester et ajouter les vêtements pour dames à la disposition relative à l'utilisation finale7 .

AUTRES RENSEIGNEMENTS

21. Le MCI a informé le Tribunal que le Canada n'impose pas de contingents sur les étoffes en question. L'ASFC a indiqué que l'administration de l'allégement tarifaire, s'il est accordé, n'entraînera pas de coûts supplémentaires en sus des coûts qu'elle supporte déjà.

ANALYSE

22. Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d'évaluer l'incidence d'une réduction ou d'une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et sur les entreprises en aval et, à cette fin, de tenir compte de tous les facteurs pertinents, y compris la possibilité de substituer un tissu importé à un tissu national, et de la capacité des producteurs nationaux de servir les industries canadiennes en aval. Par conséquent, la décision du Tribunal de recommander un allégement tarifaire est fondée sur la mesure dans laquelle le Tribunal considère que cet allégement tarifaire apporterait des gains économiques nets au Canada.

23. Peerless a soutenu qu'il n'y a pas de production nationale d'étoffes identiques ou substituables aux étoffes en question. Les producteurs nationaux d'étoffes n'ont pas contesté cette affirmation. Par conséquent, à l'exception des recettes correspondant aux droits de douane qu'abandonnera le gouvernement, le Tribunal ne croit pas qu'il y aura des coûts commerciaux directs associés à la suppression des droits de douane sur les importations des étoffes en question. À la lumière des renseignements mis à la disposition du Tribunal, l'allégement tarifaire entraînerait pour les utilisateurs des étoffes en question des avantages annuels d'une valeur dépassant 50 000 $. De plus, l'allégement tarifaire entraînerait des avantages pour les utilisateurs sous forme d'augmentation possible des ventes et de stabilité des emplois, ainsi que de réduction des coûts, ce qui pourrait se traduire par des avantages pour le consommateur sous forme de plus bas prix. En résumé, le Tribunal conclut que l'allégement tarifaire demandé par Peerless apporterait des gains économiques nets au Canada.

24. Peerless a demandé l'application « immédiate » de l'allégement tarifaire. D'après les éléments de preuve déposés auprès du Tribunal pour justifier une telle demande, les étoffes en question servent présentement à la fabrication de vestons (y compris des vestons de complet), de blazers et des vestes (gilets) pour hommes et pour garçons. Le Tribunal est d'avis que l'application de l'allégement tarifaire dans les plus brefs délais est justifiée.

RECOMMANDATION

25. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal recommande, par la présente, au ministre d'accorder l'allégement tarifaire, pour une période indéterminée, sur les importations, en provenance de tous les pays, de non-tissés de fibres discontinues de nylon ou de fibres discontinues de nylon mélangées avec des fibres discontinues de polyester, enduites partiellement d'adhésif à faible point de fusion, d'un poids supérieur à 25 g/m2 mais n'excédant pas 70 g/m2, de la sous-position no 5603.92, devant servir à la fabrication de vestons (y compris les vestons de complet), de blazers et de vestes (gilets) pour hommes et pour garçons. L'allégement tarifaire devrait être accordé dans les plus brefs délais.

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre présidant

Patricia M. Close
Patricia M. Close
Membre

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

2 . Le mandat a été modifié la dernière fois le 13 janvier 2004.

3 . Gaz. C. 2004.I.1335.

4 . L.C. 1997, c. 36.

5 . 32 I.L.M. 289 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA].

6 . L'ALÉNA prévoit le traitement tarifaire préférentiel pour certaines quantités de vêtements, même si ceux-ci sont fabriqués en partie dans des tissus qui ne sont pas nord-américains (c.-à-d. non originaires). Ce traitement tarifaire préférentiel prend la forme de niveaux canadiens de préférence tarifaire (NPT). Les NPT autorisent l'importation d'une quantité donnée de certaines marchandises au Canada, aux États-Unis et au Mexique à des taux de droits ALÉNA. Les marchandises qui entrent dans un pays ALÉNA dans des quantités qui dépassent les NPT sont assujetties au taux de droits NPF plus élevé. Une nouvelle façon de déterminer le drawback des droits, appelée « concept du montant le moins élevé », est apparue avec l'ALÉNA. Selon ce système, le drawback, ou remboursement, des droits est égal au moins élevé des deux montants suivants :

a) les droits payés sur les marchandises importées au Canada;

b) les droits payés sur les produits finis lorsqu'ils sont exportés aux États-Unis.

7 . Dans une lettre datée du 26 mai 2004, le Tribunal a avisé Veratex qu'il avait décidé de ne pas élargir la portée de l'enquête, parce que cela retarderait indûment la conclusion de la demande déposée par Peerless. Le Tribunal a également mentionné que Veratex pouvait déposer une demande d'allégement tarifaire distincte conformément au Guide de la saisine sur les textiles.