C.S. BROOKS INC.

Enquêtes


RAPPORT AU MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D'ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE PAR C.S. BROOKS INC.
CONCERNANT CERTAINS TISSUS EN POLYESTER/COTON
LE 21 JANVIER 2004


TABLE DES MATIÈRES

Demande no TR-2002-006

Membres du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

 

Pierre Gosselin, membre

 

Ellen Fry, membre

   

Directeur de la recherche :

Réal Roy

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Agent de la recherche :

Josée St-Amand

   

Conseiller pour le Tribunal :

Eric Wildhaber

   

Agent du greffe :

Karine Turgeon

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le ministre), aux termes de l'article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , le mandat2 de faire enquête sur les demandes présentées par des producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés devant servir dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler au ministre des recommandations concernant ces demandes.

Le 13 décembre 2002, le Tribunal a reçu de C.S. Brooks Inc. (Brooks), de Magog (Québec), une demande de suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations de certains tissus en polyester/coton devant servir à la confection de produits de literie et d'ameublement de maison.

Le 10 avril 2003, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d'ouverture d'enquête3 , qui a été transmis aux parties intéressées connues. Les tissus qui font l'objet de l'enquête sont décrits dans cet avis comme des « tissus unis, non blanchis ou blanchis, contenant au moins 65 p. 100 selon le poids de fibres de polyester mélangées uniquement avec du coton, d'un poids n'excédant pas 170 g/m2, de la sous-position no 5407.91 ou no 5513.11, destinés à être teints ou imprimés, devant servir à la confection de produits de literie et d'ameublement de maison » (les tissus en question).

Dans le cadre de l'enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a fait parvenir des questionnaires aux producteurs potentiels de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Une demande d'information a également été expédiée aux utilisateurs et aux importateurs potentiels des tissus en question. Une lettre a été envoyée à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) demandant une description complète des caractéristiques physiques de l'échantillon présenté par Brooks ainsi qu'une opinion sur la possibilité d'administrer l'allégement tarifaire et un libellé possible pour décrire les tissus en question, si l'allégement tarifaire était recommandé. Des lettres ont également été envoyées au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) et au ministère de l'Industrie (Industrie Canada) pour obtenir des renseignements susceptibles d'aider le Tribunal dans son enquête.

Un rapport d'enquête du personnel, résumant les renseignements reçus de l'ADRC, du MAECI, de Brooks, des répondants aux questionnaires et des autres parties intéressées a été remis aux parties qui avaient déposé des avis de comparution dans le cadre de l'enquête. À la suite de la diffusion du rapport d'enquête du personnel, le 17 juin 2003, Les Tissages Sherbrooke Inc. (TSI) a demandé d'autres renseignements à propos de la demande d'allégement tarifaire de Brooks. Le 1er août 2003, le Tribunal a enjoint à Brooks de fournir des renseignements sur les sources et l'utilisation des tissus en polyester/coton servant à la confection de produits de literie4 . Le 22 septembre 2003, TSI a présenté une proposition « non négociable »5 [traduction] afin de résoudre la demande d'allégement tarifaire de Brooks et, le même jour, Brooks a répété que sa description révisée des tissus en question6 , faite en réponse aux préoccupations exprimées par d'autres fabricants de textiles, devrait être utilisée. Le 9 octobre 2003, la possibilité de déposer des exposés finals sur le libellé de rechange proposé par Brooks et par TSI pour la description des tissus en question advenant une recommandation d'allégement tarifaire par le Tribunal a été donnée à Consoltex Inc. (Consoltex), à DIFCO Industrial Fabrics Inc. (DIFCO) et à Sunshine Mills Inc. (Sunshine).

Étant donné qu'il y avait suffisamment de renseignements au dossier, le Tribunal a décidé qu'il n'y avait pas lieu de tenir d'audience publique en l'espèce.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

Bien que la demande d'allégement tarifaire vise les tissus importés de tous les pays, Brooks importe les tissus en question d'Inde, du Pakistan et de la République populaire de Chine (Chine). L'échantillon déposé avec la demande d'allégement tarifaire de Brooks était un tissu blanchi, uni en polyester/coton, fait à 69 p. 100 de polyester (35 p. 100 de filaments et 34 p. 100 de fibres discontinues) et à 31 p. 100 de coton. Le tissu avait un poids de 89 g/m2.

Les tissus en question servent à la confection de produits de literie et d'ameublement de maison. Au cours du processus de fabrication, les tissus en question sont blanchis, le cas échéant, teints ou imprimés, et finis à l'aide d'apprêts qui les rendent infroissables. Les tissus, une fois taillés et cousus, sont transformés en produits de literie et d'ameublement de maison.

À compter du 1er janvier 2004, les tissus en question, classés aux fins de douane dans les numéros de classement 5407.91.90.91, 5513.11.90.13 ou 5513.11.90.23 de l'annexe du Tarif des douanes 7 , sont présentement passibles de droits de douane de 14 p. 100 ad valorem en vertu du tarif de la nation la plus favorisée (NPF) et du tarif du Costa Rica, et entrent en franchise de droits en vertu du tarif des États-Unis, du tarif des pays les moins avancés, du tarif du Mexique, du tarif de l'Accord Canada-Israël et du tarif du Chili.

OBSERVATIONS

Branche de production de produits de literie et d'ameublement de maison

Brooks

Brooks confectionne des produits de literie et d'ameublement de maison depuis 1990. Brooks emploie quelque 800 personnes dans ses installations de Magog, où des tissus sont blanchis, teints ou imprimés, puis servent à la confection d'un large éventail de produits de literie et d'ameublement de maison, notamment des draps, des édredons, des taies d'oreiller, des couvre-oreillers, des volants de lit, des draperies, des cantonnières, des nappes rondes, des housses de couette et des oreillers. Brooks confectionne ses produits finis pour les exporter aux États-Unis et pour l'agent qui a l'exclusivité des ventes au Canada, Springs Canada Inc., sous les noms de Texmade, Wabasso, Wamsutta et Springmaid.

Brooks a mentionné que, jusqu'en septembre 2002, elle exploitait aussi, à Sherbrooke (Québec), une usine de fabrication de tissus grèges, qui satisfaisait à la plus grande partie des besoins de ses installations de Magog. Brooks a ajouté toutefois que, lorsque les installations de Sherbrooke sont devenues moins concurrentielles sur le plan des coûts, elle a augmenté ses achats de tissus à l'étranger pour compléter ceux que lui fournissaient les installations de Sherbrooke. Les installations de Sherbrooke ont maintenant été vendues et Brooks dit avoir l'intention de continuer à se procurer certains tissus de ces installations, exploitées maintenant sous le nom de TSI.

Brooks a soutenu qu'il n'est pas possible de se procurer de tissus identiques ou substituables auprès de fabricants canadiens de textiles. À ce sujet, Brooks a affirmé que, de tout temps, elle s'est procuré les tissus en question auprès de sources étrangères et que, pour autant qu'elle le sache, les nouveaux propriétaires de TSI ne fabriqueront pas de tissus identiques ou substituables, car il est impossible d'en produire au Canada à coût concurrentiel.

Brooks a allégué que le marché, en particulier le large segment du marché servi par les détaillants de masse, exige que les produits soient faits d'un tissu renfermant de 65 p. 100 à 70 p. 100 de polyester et de 35 p. 100 à 30 p. 100 de coton. Brooks a souligné que, sur le plan commercial, les tissus en question sont aussi différents de tout tissu substituable puisque le prix international de ces tissus est bien plus faible que celui des mélanges polyester/coton riches en coton, qu'ils soient produits au Canada ou à l'étranger. Selon Brooks, ce faible prix se répercute sur les produits finis. Brooks a affirmé avoir besoin des tissus en question pour rester concurrentielle, surtout dans le marché des détaillants de masse, où les détaillants exigent des produits confectionnés dans les tissus en question à un certain prix reconnu.

Brooks a mentionné que la suppression des droits de douane sur les importations des tissus en question lui permettrait de réduire ses coûts de façon marquée et que, de cette façon, elle pourrait continuer à faire concurrence aux importateurs de produits finis qui ont l'avantage de pouvoir utiliser une main-d'oeuvre à très bon marché dans le pays d'origine. Brooks a ajouté que l'allégement tarifaire lui permettrait d'épargner de l'argent qui pourrait servir à l'automatisation de différents processus, ce qui réduirait davantage le coût de ses produits finis.

Dans ses exposés8 , Brooks a dit que, selon les éléments de preuve, il ne se produit ni ne se vend au Canada de tissus identiques aux tissus en question. À ce propos, Brooks a indiqué que DIFCO et Consoltex n'ont pas prouvé qu'elles fournissent ces tissus dans le marché canadien aux fabricants de produits de literie et d'ameublement de maison, ni qu'elles en fabriquent ou ont l'intention de le faire. Brooks a ajouté que Sunshine ne produit pas de tissus identiques, puisque le seul échantillon fait surtout de polyester en renferme 62 p. 100, et non 65 p. 100 comme l'exige la définition des tissus en question. Brooks a allégué de plus qu'il est évident d'après les éléments de preuve d'autres utilisateurs canadiens des tissus en question, Baker Textiles Inc. (Baker), GIII Limited (GIII) et Lenrod Industries Limited (Lenrod), qu'il est impossible de se procurer des tissus identiques auprès de fabricants canadiens de textiles.

Brooks a également fait valoir qu'aucun fabricant canadien ne produit ni ne vend de tissus substituables aux tissus en question au Canada. À cet égard, Brooks a allégué que les tissus faits entièrement de coton et faits à 50 p. 100 de polyester et à 50 p. 100 de coton (50P/50C) que produit TSI ou Sunshine ne sont pas substituables aux tissus en question. Brooks a fait valoir que les tissus 50P/50C ne satisfont pas aux exigences du marché pour les produits, dont les prix peuvent faire concurrence à ceux de produits finis importés confectionnés dans les tissus en question. Brooks a soutenu que TSI n'a pas dit vouloir ou pouvoir fabriquer des tissus substituables aux tissus en question. À propos de l'allégation de TSI selon laquelle Brooks est admissible au drawback sur les droits pour les tissus en question qui servent à la confection de produits finis exportés vers les États-Unis, Brooks a soutenu que ce n'est pas le cas.

Brooks a fait valoir que le marché haut de gamme au Canada n'est pas assez grand pour que ses installations de Magog soient utilisées à pleine capacité. Pour maintenir les économies d'échelle et la viabilité économique de ses installations, Brooks doit donc confectionner des produits pour le marché bas de gamme, pour des détaillants comme Zellers et Wal-Mart, ce qu'elle ne peut faire de façon concurrentielle qu'en utilisant les tissus en question. Brooks a ajouté qu'une très forte proportion des importations de marchandises finies de Chine, d'Inde, du Pakistan et, plus récemment, du Bangladesh, sont destinées au marché de masse et sont confectionnées, en tout ou en partie, dans les tissus en question. Brooks a allégué de plus que l'élimination des contingents sur les importations de textiles et de vêtements, à partir du 1er janvier 2005, est un facteur important9 .

Brooks a fait valoir que l'allégement tarifaire ne modifierait pas ses achats actuels de volumes importants de tissus 50P/50C et de tissus de meilleure qualité qu'elle se procure auprès de TSI pour ses produits haut de gamme. Brooks a allégué que les produits « lit en sac » (« bed in a bag ») alimentent la demande des détaillants du marché de masse pour des produits confectionnés dans les tissus en question. Brooks a soutenu ne pas pouvoir faire concurrence dans ce segment du marché à fort volume en utilisant des tissus 50P/50C ou entièrement faits de coton fabriqués par TSI ou d'autres fabricants canadiens de textiles. Brooks a fait valoir que, en pourcentage du prix de vente des produits finis, les droits sur les tissus en question sont importants dans le marché de masse où le prix est un facteur essentiel. Des ventes peuvent être conclues ou perdues par suite de très petites différences de prix. Selon Brooks, les produits de literie faits de tissus 50P/50C sont vendus à un prix plus élevé que les produits de literie confectionnés dans les tissus en question. D'après Brooks, que certains éléments d'un produit « lit en sac », en général les draps et les taies d'oreiller, soient confectionnés dans les tissus 50P/50C ne doit pas faire oublier que la majorité des autres composantes sont confectionnées dans les tissus en question. Cela, Brooks a-t-elle allégué, lui permet d'être très concurrentielle dans le marché de masse.

Brooks a fait valoir que TSI a admis ne plus produire de tissus identiques ou substituables aux tissus en question et ne pas avoir l'intention de le faire parce que ce n'est pas économiquement viable. Plutôt, TSI concentre maintenant sa production sur les tissus 50P/50C et d'autres tissus riches en coton et a, par conséquent, abandonné le marché de masse. Il est impossible de ce fait que des importations des tissus en question destinées à être utilisées dans le marché de masse nuisent à TSI. Brooks a allégué que, en l'absence d'allégement tarifaire, elle pourrait être obligée de réduire ou d'arrêter complètement ses activités à Magog, ce qui aurait des effets négatifs sur les ventes des tissus autres que les tissus en question que TSI vend à Brooks.

En réponse aux préoccupations exprimées par Consoltex et DIFCO, Brooks a proposé que la description des tissus en question et la disposition relative à l'utilisation finale soient modifiées de la façon suivante : 1) limiter le poids à 100 g/m2 ou moins; 2) limiter la largeur à 183 cm ou plus; 3) limiter l'utilisation finale aux produits de literie. La description proposée des tissus en question, dans sa version révisée, serait la suivante :

Tissus unis, non blanchis ou blanchis, contenant au moins 65 p. 100 selon le poids de fibres de polyester mélangées uniquement avec du coton, d'un poids n'excédant pas 100 g/m2 et d'au moins 183 cm de largeur, de la sous-position no 5407.91 ou no 5513.11, destinés à être teints ou imprimés, devant servir à la confection des produits de literie suivants : édredons, couettes, draps, taies d'oreiller, couvre-oreillers et volants de lit.

[Traduction]

En ce qui a trait à la proposition « non négociable » de TSI10 , Brooks a soutenu que TSI admet par cette proposition ne pas fabriquer de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Brooks a également soutenu que des importations en franchise de droits des tissus en question lorsque ceux-ci servent à la confection de draps ne nuiraient pas à TSI et que, par conséquent, l'allégement tarifaire devrait également s'appliquer à cette utilisation finale. Brooks a toutefois indiqué que, si le Tribunal s'oppose à l'inclusion de tissus destinés à cette utilisation finale, elle est prête à accepter cette restriction. Brooks a fait valoir qu'utiliser la définition ci-dessus permettrait de tenir compte de ses besoins et de ceux de fabricants canadiens comme DIFCO.

Baker

Baker, de Montréal (Québec), est une entreprise familiale qui existe depuis 50 ans. La société Baker est un distributeur en gros de tissus façonnés qui a appuyé la demande d'allégement tarifaire parce que des tissus identiques ou substituables ne sont fabriqués ni au Canada ni aux États-Unis. Selon elle, ce genre de tissus ne pourrait pas être fabriqué à prix concurrentiel en Amérique du Nord. Baker a ajouté que les tissus en question sont des tissus bas de gamme non dispendieux provenant presque exclusivement de pays comme la Chine, l'Inde et le Pakistan.

GIII

GIII, de Winnipeg (Manitoba), a été constituée en personne morale en 1968. La société confectionne, entre autres, des édredons et des oreillers. GIII a appuyé la demande d'allégement tarifaire de Brooks parce qu'il est impossible de se procurer des tissus identiques ou substituables dans le marché canadien. GIII a ajouté que ses produits doivent faire concurrence aux produits finis importés à très faible prix de Chine, d'Inde et du Pakistan. Elle a mentionné prévoir que les avantages découlant de l'allégement tarifaire lui permettraient de confectionner des produits finals à des prix plus concurrentiels et de regagner par conséquent des ventes qu'elle a perdues au profit de marchandises importées.

Lenrod

Lenrod, de Ville Mont-Royal (Québec), est une division canadienne de Leggett & Platt Ltd., de Carthage (Missouri), une société indépendante de premier rang qui fabrique une variété de produits, notamment des éléments qui entrent dans la confection de produits de literie et d'ameublement de maison. Lenrod importe les tissus en question et les transforme en les taillant en longueur et en largeur conformément aux exigences de ses clients. Les clients de Lenrod taillent et cousent ensuite ces tissus pour en faire des produits de literie et d'ameublement de maison qui sont par la suite distribués aux détaillants.

Lenrod a appuyé la demande d'allégement tarifaire de Brooks parce qu'il serait possible de confectionner des produits finals canadiens de façon plus concurrentielle, ce dont profiteraient plusieurs fabricants canadiens et, donc, l'économie canadienne. Lenrod a soutenu qu'aucune usine canadienne ne produit de tissus identiques ou substituables. Lenrod a ajouté que ce n'est pas rentable pour les usines canadiennes de produire ces tissus.

Lenrod a affirmé que le marché, en particulier le grand segment du marché servi par les détaillants de masse, exige que les produits finals soient confectionnés dans les tissus en question. Selon Lenrod, le mélange riche en polyester qui est particulier aux tissus en question fait qu'il est possible de le distinguer des autres mélanges et les tissus en question sont différents sur le plan commercial parce qu'ils sont moins coûteux que les mélanges riches en coton. Selon Lenrod, le prix plus bas des tissus en question se répercute sur le prix des produits de literie et d'ameublement de maison.

Lenrod a mentionné que les avantages de l'allégement tarifaire, si celui-ci est accordé à tous les fabricants canadiens et non seulement aux teinturiers et aux imprimeurs, seraient importants. Les avantages permettraient aux fabricants canadiens de produire des marchandises qui pourraient faire concurrence à des produits finis confectionnés dans des pays où la main-d'oeuvre est bon marché, ce qui assurerait un plus grand nombre d'emplois et entraînerait une augmentation des dépenses d'amélioration des immobilisations au Canada.

Lenrod a demandé d'élargir la portée de la demande d'allégement tarifaire : 1) en enlevant les mots « destinés à être teints ou imprimés » de la description du produit, de manière à inclure tous les fabricants canadiens de produits de literie et d'ameublement de maison; 2) en modifiant le mélange des fibres et en changeant la formulation « contenant au moins 65 p. 100 selon le poids de fibres de polyester mélangées uniquement avec du coton » pour « contenant entre 50 p. 100 et 70 p. 100 de polyester et entre 30 p. 100 et 45 p. 100 de coton »; 3) en faisant passer le poids de 170 g/m2 à 245 g/m11 .

Branche de production de textiles

Consoltex

Consoltex, de Montréal, est un producteur important de tissus faits de fibres synthétiques ou artificielles utilisées dans les industries du vêtement et de l'ameublement de maison. Consoltex a mentionné que sa division de l'ameublement offre un large éventail de tissus qui servent à la confection de parures de fenêtres (rideaux, draperies, cantonnières et stores), de produits de literie (p. ex. édredons, housses de couette, coussins et couvre-oreillers), de rideaux de douche, de nappes, etc. Ces produits sont vendus au marché résidentiel par l'entremise de magasins de détail à succursales ainsi qu'à des commerces spécialisés et au marché institutionnel (hôpitaux, restaurants et hôtels).

Consoltex s'est opposée à la demande d'allégement tarifaire parce qu'elle produit et vend des tissus qui sont soit similaires ou substituables aux tissus en question, ou font directement concurrence aux tissus en question, qui sont utilisés dans les produits de literie et d'ameublement de maison. À ce sujet, Consoltex a fourni plusieurs échantillons de tissus12 utilisés dans des produits de literie et d'ameublement de maison.

Consoltex a affirmé que, à l'exception des tissus servant à faire des draps qu'en fait elle ne fabrique pas, tout son éventail de tissus fait concurrence aux tissus en question lorsqu'ils sont utilisés dans toutes sortes de produits d'ameublement de maison. Consoltex a ajouté que, pour ce qui est des draps, le consommateur peut préférer les tissus entièrement faits de coton ou de polyester/coton aux tissus de polyester ou de polyester et rayonne. Consoltex a ajouté que, par contre, pour ce qui est des rideaux, des édredons et de tout article de literie et d'ameublement, les consommateurs ne manifestent absolument pas de préférence pour un contenu en fibres ou pour les spécifications du tissu, sauf que celui-ci doit être lavable, grand teint et résistant aux déchirures.

En se fondant sur sa connaissance du secteur de l'ameublement et des tissus utilisés dans ce marché, Consoltex a affirmé que les tissus en question ne peuvent pas servir à la confection d'édredons, de couvre-lits ou de housses de couette, parce qu'ils ne sont pas assez résistants pour satisfaire aux spécifications relatives aux déchirures pour ces utilisations finales. En outre, les tissus en question ne sont pas suffisamment opaques pour ces utilisations. Consoltex a mentionné que les tissus en question pourraient servir à la confection de draps utilitaires bas de gamme, mais non pour les draps de qualité moyenne ou haut de gamme, car le nombre de fils au pouce est insuffisant. Selon Consoltex, les tissus en question pourraient aussi servir pour des rideaux ou comme doublure de couvre-lits ou d'édredons. À ce sujet, Consoltex a affirmé que les tissus en question font concurrence à ses tissus substituables faits de certains fils de polyester qui donnent à ces tissus l'allure et le toucher du coton et servent surtout à la confection de rideaux.

Consoltex a affirmé que les tissus importés de pays où la main-d'oeuvre est bon marché, comme la Chine, l'Inde et le Pakistan, sont déjà avantagés par rapport aux tissus fabriqués au Canada. Consoltex a ajouté que, pour elle, du fait qu'elle est fournisseur d'un « pays développé », la façon de rester en affaires, c'est de se distinguer des autres et d'offrir un produit haut de gamme, plutôt que d'essayer de faire concurrence aux producteurs étrangers dont les coûts sont faibles.

Nonobstant ce qui précède, Consoltex a dit qu'elle pourrait appuyer une disposition relative à l'utilisation finale limitée aux ensembles de draps (draps plats, draps-housses et taies d'oreiller), parce que celle-ci est une utilisation finale pour laquelle ses tissus ne servent pas. Dans son exposé du 16 octobre 2003, Consoltex a réaffirmé ne pas produire ni vendre de tissus, y compris de tissus pesant moins de 100 g/m2 et ayant plus de 180 cm de largeur, servant à la confection de produits de literie, comme les édredons, les housses de couette, les couvre-oreillers et les volants de lit. Le seul compromis acceptable pour Consoltex serait, par conséquent, l'entrée en franchise de droits des tissus servant à la fabrication de draps plats, de draps-housses et de taies d'oreiller.

DIFCO

DIFCO, de Magog, est une société à intégration verticale qui emploie 400 personnes environ dans son usine de production de tissus. DIFCO a dit produire de nombreux tissus, grèges et blanchis, en se servant de fils de polyester, de coton et de mélanges de polyester et de coton, dont le poids va de 70 g/m2 à 500 g/m2 et dont la largeur varie entre 84 cm et 280 cm.

DIFCO s'est opposée à la demande d'allégement tarifaire parce qu'elle produit et vend des types équivalents de tissus de polyester et de coton à armure toile, blanchis ou non blanchis, d'un poids n'excédant pas 170 g/m2, destinés à la confection de produits de literie et d'ameublement de maison. À ce propos, DIFCO a fourni trois échantillons de tissus polyester/coton13 utilisés pour la confection de produits de literie et d'ameublement de maison. DIFCO a dit pouvoir produire des tissus identiques aux tissus en question dans les 6 à 10 semaines qui suivent la réception d'une commande sans avoir besoin d'effectuer d'investissements supplémentaires, étant donné qu'elle a sur les lieux l'équipement de production nécessaire.

DIFCO a mentionné qu'il serait justifié de prétendre que l'allégement tarifaire aurait des avantages, comme le fait Brooks, si la demande d'allégement tarifaire reposait uniquement sur le poids, la largeur et l'armure de l'échantillon de tissu (armure toile, 89 g/m2, 241 cm de largeur, polyester/coton, blanchi) présenté par Brooks avec sa demande, et non sur la description plus générale des tissus en question.

DIFCO a affirmé craindre que des tissus destinés à d'autres usages finals soient importés de l'étranger en franchise de droits, dans cette catégorie de poids (n'excédant pas 170 g/m2) et dans toutes les combinaisons de mélanges de polyester et de coton, et peut-être entièrement de polyester. Cela, selon DIFCO, aurait un effet dévastateur sur ses affaires.

DIFCO a toutefois indiqué qu'elle retirerait son opposition à la demande d'allégement tarifaire si le poids des tissus en question était restreint à « pas plus de 100 g/m2 » [traduction] et la largeur des tissus en question était limitée à 183 cm ou plus. Dans son exposé du 15 octobre 2003, DIFCO a accepté le libellé de rechange proposé par Brooks pour la description des tissus en question, mais a laissé la question du type de produits de literie visés par l'allégement tarifaire à toutes les parties concernées.

TSI

TSI est un fabricant de tissus grèges qui servent à la confection de produits de literie et d'ameublement de maison. TSI a mentionné que, sous l'égide de Dominion Textile, son usine a produit jusqu'en 1986 des tissus faits à 70 p. 100 de polyester et à 30 p. 100 de coton (70P/30C)14 , qui ont par la suite été remplacés par des tissus « équivalents » de 50P/50C, que les consommateurs préfèrent.

TSI s'est opposée à la demande d'allégement tarifaire parce qu'elle considère que les tissus en question sont « équivalents » aux tissus 50P/50C15 qu'elle fabrique. Selon TSI, l'allégement tarifaire ferait disparaître la production de ces tissus et aurait un effet négatif sur d'autres tissus qu'elle fabrique.

Selon TSI, dans le marché actuel, le fait qu'un tissu soit 70P/30C plutôt que 50P/50C ne fait aucune différence. D'après TSI, la contexture du tissu (p. ex. 180 ou 200 fils au pouce) est un élément plus important de la décision d'achat du consommateur que ne l'est son pourcentage de polyester.

TSI a mentionné qu'il est possible de se procurer en Amérique du Nord des tissus identiques ou substituables aux tissus en question, puisque des usines de textiles des États-Unis produisent et vendent, sur demande, de la mousseline 70P/30C16 . TSI a affirmé que, pendant un certain nombre d'années, les mousselines 50P/50C et les mousselines 70P/30C ont été utilisées de façon interchangeable et que la seule raison pour laquelle les mousselines 70P/30C ont pris de l'importance, c'est le prix de vente inférieur, droits de douane inclus, des tissus importés de pays où la main-d'oeuvre est bon marché. TSI a affirmé que les tissus en question provenant de pays comme la Chine et le Pakistan arrivent au Canada à meilleur prix que les tissus de production nationale. TSI a ajouté que, si l'allégement tarifaire était accordé, une partie de ses activités serait en péril parce qu'elle ne pourrait pas faire concurrence.

Dans ses exposés17 , TSI a mentionné que la demande d'allégement tarifaire de Brooks devrait être rejetée du fait que Brooks substitue des tissus 65P/35C ou 70P/30C importés aux tissus 50P/50C de production nationale pour les mêmes produits et les mêmes utilisations finales, et que ces tissus se font concurrence. Selon Brooks, il y a substitution complète des tissus dans les produits « lit en sac » et la différence de prix entre un tissu 50P/50C et un tissu 65P/35C n'a absolument aucune importance. TSI a fait valoir que la demande d'allégement tarifaire de Brooks semble motivée par les produits « lit en sac », en particulier les exportations, et qu'elle n'a donc pas trait aux produits d'ameublement de maison. TSI a allégué que 70 p. 100 des tissus en question seraient utilisés pour les produits « lit en sac ». TSI a fait valoir que Brooks est admissible au drawback sur les droits pour les tissus en question qui sont utilisés pour la confection de produits finis exportés vers les États-Unis. TSI a également soutenu que Sunshine produit au Canada des tissus de polyester/coton identiques.

TSI a fait valoir qu'une partie importante de sa production de tissus 50P/50C a cessé au cours de la dernière année parce que son principal client, Brooks, achetait de plus en plus ses tissus dans des pays asiatiques. TSI a mentionné que le prix des tissus en question provenant du Pakistan est si faible que les fournisseurs nationaux ne peuvent pas concurrencer en se fondant uniquement sur le prix, avec ou sans les droits de douane. TSI a prétendu qu'il n'y a pas de différenciation des tissus (65P/35C ou 50P/50C) dans le marché bas de gamme du produit « lit en sac », étant donné que ces tissus coexistent et sont interchangeables. D'après TSI, l'affirmation selon laquelle les tissus 50P/50C ou 52P/48C sont des tissus haut de gamme est sans fondement.

TSI a soutenu que le Tribunal devait rejeter les suggestions faites par certaines parties selon lesquelles la portée de la demande de Brooks devrait être élargie ou restreinte. TSI a ajouté que supprimer les droits de douane sur les tissus de polyester/coton inciterait simplement à procéder à d'autres substitutions et favoriserait l'effritement des prix, ce qui aurait des répercussions sur sa situation financière précaire et ferait disparaître une production canadienne de textiles extrêmement fragile.

Enfin, les 22 et 23 septembre 2003, TSI a présenté une proposition « non négociable » pour résoudre la demande de Brooks. TSI a fait valoir que les draps et les taies d'oreiller sont la partie la plus essentielle de ses affaires et que la protection tarifaire doit être maintenue à tout prix sur ces produits. Elle a accepté l'allégement tarifaire pour les produits suivants :

Les tissus unis, non blanchis ou blanchis, contenant au moins 65 p. 100 selon le poids de fibres de polyester mélangées uniquement avec du coton, d'un poids n'excédant pas 170 g/m2, de la sous-position no 5407.91 ou no 5513.11, destinés à être teints ou imprimés, devant servir à la confection des produits de literie suivants : les édredons, les couvre-oreillers, les volants de lit et les oreillers.

Sunshine

Sunshine fabrique des tissus grèges entièrement faits de coton ou d'un mélange de polyester et de coton depuis plus d'un an à ses installations de Tracadie-Sheila (Nouveau-Brunswick). Sunshine a mentionné que ses tissus sont fabriqués sur un équipement de pointe et que tout le traitement des tissus est effectué dans ses propres installations. Sunshine a affirmé que ces tissus seraient classés dans la sous-position no 5407.91 ou no 5513.11.

Sunshine s'est opposée à la demande d'allégement tarifaire de Brooks parce qu'elle produit des tissus identiques ou substituables aux tissus en question. À ce propos, Sunshine a fourni six échantillons de tissus18 qu'elle offre à des clients qui les utilisent pour confectionner des produits de literie et d'ameublement de maison.

Sunshine a mentionné que, si l'allégement tarifaire était accordé, cela lui nuirait, puisqu'elle produit des tissus de la plus haute qualité et elle les vend à un certain nombre de clients des États-Unis, à des prix très concurrentiels. Sunshine a affirmé que l'importation des tissus en question en franchise de droits de pays où la main-d'oeuvre est bon marché désavantagerait ses produits et pourrait entraîner la perte d'emplois canadiens. Sunshine a dit être une jeune entreprise qui fournit de l'emploi à plus d'une centaine de personnes dans une région éloignée.

Dans son exposé du 15 octobre 2003, Sunshine a affirmé que, bien qu'elle produit en ce moment une petite quantité de tissus similaires aux tissus en question, cela n'empêche pas ou ne réduit pas les possibilités qu'elle en produise des quantités importantes dans un avenir proche. Sunshine a dit pouvoir produire des tissus faits de divers mélanges de polyester et de coton, et que la suppression des barrières tarifaires dans la gamme basse du marché compromettrait gravement sa capacité de maximiser l'utilisation de sa capacité de production.

AUTRES RENSEIGNEMENTS

Le MAECI a informé le Tribunal que le Canada impose actuellement des contingents sur les tissus faits de filaments de polyester (catégorie 35,0) importés de la République de Corée (Corée), de Pologne et du Taipei chinois. Ces contingents s'appliquent par conséquent aux tissus en question de la sous-position no 5407.91. Le Canada maintient aussi des contingents sur les tissus de fibres discontinues de polyester/coton (catégorie 36,0) importés de Chine, de Hong Kong, de Corée et du Taipei chinois. Ces contingents s'appliquent par conséquent aux tissus en question des sous-positions nos 5407.91 et 5513.11. Aucun renseignement n'a été reçu d'Industrie Canada.

L'ADRC a indiqué que, si l'allégement tarifaire était accordé, son administration n'entraînerait aucun coût supplémentaire en sus de ceux qu'elle supporte déjà.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d'évaluer l'incidence économique d'une réduction ou d'une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et sur les entreprises en aval et, à cette fin, de tenir compte de tous les facteurs pertinents, notamment de la possibilité de substituer un tissu importé à un tissu national et de la capacité des producteurs nationaux de servir les industries canadiennes en aval. Par conséquent, la décision du Tribunal de recommander ou non un allégement tarifaire est fondée sur la mesure dans laquelle le Tribunal considère que cet allégement tarifaire apporterait des gains économiques nets au Canada.

Essentiellement, Brooks, Baker, GIII et Lenrod ont prétendu qu'il n'est pas possible de se procurer des tissus identiques ou substituables auprès des fabricants canadiens de textiles. En réponse aux préoccupations exprimées par certaines des parties qui s'opposent à sa demande, Brooks a consenti à limiter le poids, à insérer une limite de largeur et à restreindre la disposition relative à l'utilisation finale aux produits de literie seulement. D'après Consoltex, le seul compromis acceptable serait une entrée en franchise de droits des tissus servant à la confection de draps plats, de draps-housses et de taies d'oreiller. DIFCO s'est dite d'accord avec le libellé de rechange proposé par Brooks pour la description des tissus en question, mais a laissé à toutes les parties concernées la tâche de déterminer le type de produits de literie auxquels l'allégement tarifaire s'appliquerait. Bien qu'elle ne se soit pas prononcée en ce qui concerne les questions de largeur et de poids, TSI a soutenu que la protection tarifaire doit être maintenue sur les draps et les taies d'oreiller. Sunshine s'est opposée complètement à la demande d'allégement tarifaire.

Pour déterminer s'il est possible de se procurer des tissus identiques ou substituables auprès de fabricants canadiens de textiles, le Tribunal s'est servi de la description des tissus en question révisée par Brooks, qui dit ce qui suit :

Tissus unis, non blanchis ou blanchis, contenant au moins 65 p. 100 selon le poids de fibres de polyester mélangées uniquement avec du coton, d'un poids n'excédant pas 100 g/m2 et d'au moins 183 cm de largeur, de la sous-position no 5407.91 ou no 5513.11, destinés à être teints ou imprimés, devant servir à la confection des produits de literie suivants : édredons, couettes, draps, taies d'oreiller, couvre-oreillers et volants de lit.

[Traduction]

Le Tribunal souligne que DIFCO s'est dite d'accord avec les révisions de Brooks et ne s'oppose plus à la demande d'allégement tarifaire.

En réponse aux préoccupations exprimées par Consoltex, le Tribunal a concentré son attention sur les quatre échantillons de tissus19 qui, selon les affirmations précises de Consoltex, servent à la confection de produits de literie. Trois tissus (Mirella, Maximus et Maximus Floral) parmi ceux-ci sont faits à 66 p. 100 de polyester et à 34 p. 100 de rayonne, tandis que le tissu Kojo Stripe est entièrement de polyester. Aucun des quatre tissus ne renferme de coton. Ces tissus ne correspondent donc pas à la définition des tissus en question. Le Tribunal a affirmé par le passé que, pour que des tissus soient pleinement substituables, leur composition et leur description techniques doivent être, en général, de même catégorie. Le Tribunal remarque de plus que le prix rendu des tissus en question20 en provenance du Pakistan est, à l'heure actuelle, beaucoup plus faible que le prix de vente canadien de 3,25 $ à 3,90 $/m2 des tissus de literie de Consoltex21 , même lorsque les droits sont pleinement appliqués. Le Tribunal est par conséquent persuadé que, même en l'absence d'allégement tarifaire, Brooks ne cesserait pas d'acheter les tissus en question à bas prix pour se mettre à acheter les tissus à prix élevé offerts par Consoltex. Consoltex ne perdra donc vraisemblablement pas de ventes si l'allégement tarifaire est accordé. Quoi qu'il en soit, les tissus de literie de Consoltex ne représentent pas une partie importante de ses ventes totales dans le secteur des produits de literie et d'ameublement de maison, la plus grande partie de ces ventes se faisant dans le marché d'exportation22 . Le Tribunal est par conséquent d'avis que les risques que pourrait courir Consoltex seront minimes.

En ce qui concerne les échantillons de tissus fournis par Sunshine, le Tribunal remarque que, d'après l'analyse effectuée par l'ADRC, ils ne correspondent pas à la définition des tissus en question, puisqu'ils ne renferment pas 65 p. 100 ou plus de fibres de polyester. De légères modifications de la composition de certains de ces tissus les feraient toutefois entrer dans la définition des tissus en question. Le Tribunal accepte de plus les témoignages selon lesquels certains tissus 50P/50C peuvent être substitués aux tissus en question pour les utilisations en question. Cela amène le Tribunal à croire que Sunshine a une certaine capacité de fabriquer un produit substituable. Par contre, Sunshine n'est exploitée que depuis peu et a établi une clientèle aux États-Unis. Elle n'a pas, en l'espèce, fourni d'éléments de preuve permettant de conclure qu'elle est sur le point de fabriquer ou qu'elle peut fournir au marché canadien des quantités commerciales de tissus qui seraient acceptables par Brooks et par d'autres acheteurs éventuels. Comme l'a affirmé le Tribunal dans des affaires antérieures, il incombe aux producteurs nationaux de fournir des éléments de preuve, et non seulement des affirmations ou des allégations, de leur capacité de fabriquer des produits identiques ou substituables. Le Tribunal conclut par conséquent que Sunshine n'a pas prouvé, à la satisfaction du Tribunal, qu'elle pourra dans un avenir proche offrir des tissus identiques ou substituables à Brooks et à d'autres acheteurs éventuels.

Comme cela a été dit ci-dessus, TSI a présenté une proposition pour résoudre la demande de Brooks, mais a allégué que la protection doit être maintenue sur les draps et les taies d'oreiller, étant donné que ces produits constituent la partie la plus essentielle de ses affaires. Les questions de largeur et de poids ne préoccupaient pas beaucoup TSI. Le Tribunal constate que TSI a fourni suffisamment d'éléments de preuve montrant que sa production de tissus 50P/50C utilisée pour la confection de draps et de taies d'oreiller pourrait être en danger si l'allégement tarifaire était accordé. À ce sujet, Brooks a affirmé être disposée à accepter une description du produit final qui exclurait les draps de la disposition sur l'utilisation finale. Brooks a mentionné de plus que certains éléments du produit « lit en sac », en général les draps et les taies d'oreiller, sont faits de tissus 50P/50C23 . Brooks a dit ne pas utiliser à l'heure actuelle les tissus en question pour confectionner des draps et des taies d'oreiller et n'a pas fourni de projections indiquant à quel moment, ou en quelle quantité, elle pourrait commencer à se servir des tissus en question à cette fin. Puisque TSI peut fournir des tissus 50P/50C et a montré, à la satisfaction du Tribunal, qu'elle offre en ce moment ces tissus sur le marché canadien, le Tribunal est d'avis que l'allégement tarifaire devrait être accordé pour les tissus en question si la description révisée proposée par Brooks est adoptée, sauf en ce qui concerne l'utilisation pour la confection de draps et de taies d'oreiller. Le Tribunal remarque que TSI a fait de grands efforts pour composer avec la demande de Brooks et que Brooks a également fait des compromis et reconnu la nécessité pour TSI de protéger sa confection de draps contre l'allégement tarifaire.

D'après les renseignements fournis au Tribunal, l'allégement tarifaire entraînera des avantages annuels de 1 million de dollars environ pour Brooks et d'autres utilisateurs des tissus en question. Brooks et les autres utilisateurs bénéficieront aussi de l'allégement tarifaire sous forme de réduction des coûts, ce qui leur permettra de mieux se positionner par rapport aux importations de produits finis provenant du Bangladesh, de Chine, d'Inde et du Pakistan. Les consommateurs pourront aussi bénéficier de l'allégement tarifaire sous forme de réduction des prix. Si ce n'est des recettes correspondant aux droits de douane qu'abandonnera le gouvernement, le Tribunal ne croit pas qu'il y aura des coûts commerciaux directs associés à la suppression des droits de douanes sur l'importation des tissus en question, tels qu'ils ont été redéfinis. En résumé, le Tribunal conclut que l'allégement tarifaire demandé par Brooks apportera des gains économiques nets au Canada.

RECOMMANDATION

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal recommande par la présente au ministre d'accorder un allégement tarifaire, pour une période indéterminée, sur les importations en provenance de tous les pays de tissus unis, non blanchis ou blanchis, contenant au moins 65 p. 100 selon le poids de fibres de polyester mélangées uniquement avec du coton, d'un poids n'excédant pas 100 g/m2 et de 183 cm au moins de largeur, de la sous-position no 5407.91 ou no 5513.11, destinés à être teints ou imprimés, devant servir à la confection des produits de literie suivants : édredons, couettes, couvre-oreillers et volants de lit.

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre présidant

Pierre Gosselin
Pierre Gosselin
Membre

Ellen Fry
Ellen Fry
Membre


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

2 . Le mandat a été modifié pour la dernière fois le 4 juillet 2002.

3 . Gaz. C. 2003.I.1115.

4 . Ces renseignements ont été fournis le 12 août 2003.

5 . Pièce du Tribunal TR-2002-006-30, dossier administratif, vol. 1 à la p. 196.

6 . Pièce du Tribunal TR-2002-006-31, dossier administratif, vol. 1 à la p. 198.

7 . L.C. 1997, c. 36.

8 . Exposés du 15 juillet, du 1er août , des 5 et 22 septembre, et du 20 octobre 2003.

9 . Aux termes des engagements de l'Organisation mondiale du commerce pris dans le cadre du Cycle d'Uruguay, le Canada est partie à l'Accord sur les textiles et les vêtements, qui supprime, sur une période de 10 ans se terminant le 1er janvier 2005, le système de restrictions quantitatives (contingents) sur les importations de textiles et de vêtements.

10 . Pièce du Tribunal TR-2002-006-30, dossier administratif, vol. 1 à la p. 196.

11 . Dans une lettre datée du 15 mai 2003, le Tribunal a avisé Lenrod qu'il avait décidé de ne pas élargir la portée de l'enquête. Le Tribunal a précisé aussi que Lenrod pouvait déposer une demande distincte d'allégement tarifaire conformément au Guide de la saisine sur les textiles.

12 . Parmi les 23 échantillons de Consoltex, les 4 tissus faits de divers mélanges de polyester et de coton ont été envoyés au laboratoire de l'ADRC pour analyse.

13 . Ces échantillons ont été envoyés au laboratoire de l'ADRC pour analyse.

14 . Selon une conversation téléphonique avec le personnel du Tribunal tenue le 16 mai 2003.

15 . TSI a fourni un échantillon de ces tissus, qui a été envoyé au laboratoire de l'ADRC pour analyse.

16 . « Mousseline » est un terme général s'appliquant à un large éventail de tissus de coton ou de polyester/coton à armure toile, allant de tissus transparents légers aux tissus pour chemiserie et aux toiles pour draps de lit, plus lourds.

17 . Exposés du 25 juin, des 15 et 22 août, et des 22 et 23 septembre 2003.

18 . Ces échantillons ont été envoyés au laboratoire de l'ADRC pour analyse.

19 . Mirella, objet déposé comme pièce TR-2002-006-11.3U; Maximus, objet déposé comme pièce TR-2002-006-11.3V; Maximus Floral, objet déposé comme pièce TR-2002-006-11.3W; Kojo Stripe, objet déposé comme pièce TR-2002-006-11.3Z.

20 . Protected Staff Report, pièce du Tribunal TR-2002-006-20 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 24.

21 . Pièce du Tribunal TR-2002-006-11.3X, dossier administratif, vol. 3 à la p. 92.

22 . Pièce du Tribunal TR-2002-006-12.3 (protégée), dossier administratif, vol. 4 aux pp. 44-45.

23 . Pièce du Tribunal TR-2002-006-26.1, dossier administratif, vol. 5 à la p. 34.