TRICOTS LIESSE (1983) INC.

Enquêtes


TRICOTS LIESSE (1983) INC.
(FILS DE FILAMENT TEXTURÉS DE NYLON OU POLYESTER)
Demande no TR-2004-001

Recommandation faite
le lundi 9 janvier 2006


TABLE DES MATIÈRES

Membres du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

 

Zdenek Kvarda, membre

 

Meriel V. M. Bradford, membre

   

Directeur de la recherche :

Réal Roy

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseiller pour le Tribunal :

Nick Covelli

   

Greffier adjoint :

Gillian E. Burnett

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

Téléphone : (613) 993-3595
Télécopieur : (613) 990-2439
Courriel :

RAPPORT AU MINISTRE DES FINANCES

INTRODUCTION

1. Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le ministre), aux termes de l'article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , le mandat2 de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés devant servir dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au ministre à propos de ces demandes.

2. Le 17 janvier 2005, conformément au mandat confié par le ministre, le Tribunal a reçu de Tricots Liesse (1983) Inc. (Liesse), de Montréal (Québec), une demande de suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations, en provenance de tous les pays, de fils de filament texturés de nylon, devant servir à la fabrication de tissus pour maillots de bain. Le 29 avril 2005, Liesse a modifié sa demande pour y inclure les fils de filament texturés de polyester. Elle a aussi demandé l'inclusion, dans la description proposée des fils, de deux différentes utilisations finales possibles (devant servir à la fabrication de tissus pour maillots de bain ou à la fabrication de tissus sur métiers circulaires dotés de plus de 100 dispositifs d'entraînement). Liesse a précisé que la deuxième utilisation finale susmentionnée est liée au fait que la fréquence et les conséquences économiques d'un défaut du fil augmentent en fonction du nombre de dispositifs d'entraînement des fils des métiers circulaires.

3. Le 16 août 2005, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d'ouverture d'enquête3 , qui a été diffusé aux parties intéressées connues. Cet avis décrivait les fils faisant l'objet de l'enquête de la façon suivante : « fils de filament synthétiques, uniquement de nylon, texturés, titrant en fils simples 75 décitex ou plus mais n'excédant pas 200 décitex, de la sous-position no 5402.31, devant servir à la fabrication de tissus pour maillots de bain ou à la fabrication de tissus sur métiers circulaires dotés de plus de 100 dispositifs d'entraînement; et fils de filament synthétiques, uniquement de polyester, texturés, titrant en fils simples 150 décitex ou plus mais n'excédant pas 200 décitex, de la sous-position no 5402.33, devant servir à la fabrication de tissus pour maillots de bain ou à la fabrication de tissus sur métiers circulaires dotés de plus de 100 dispositifs d'entraînement » (les fils en question).

4. Dans le cadre de l'enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a fait parvenir des questionnaires aux producteurs nationaux potentiels de fils identiques ou substituables aux fils en question. Une demande de renseignements a également été envoyée aux utilisateurs et aux importateurs potentiels des fils en question. Une lettre a été envoyée à l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC), demandant une description complète des caractéristiques physiques des échantillons présentés par Liesse, une opinion sur la possibilité d'administrer l'allégement tarifaire et un libellé possible pour décrire les fils en question si l'allégement tarifaire était recommandé. Des lettres ont également été envoyées à Commerce international Canada (CICan) et au ministère de l'Industrie (Industrie Canada) pour obtenir des renseignements susceptibles d'aider le Tribunal dans son enquête.

5. Un rapport d'enquête du personnel, résumant les renseignements reçus de l'ASFC, CICan, Liesse, Bermatex Inc. (Bermatex), Les Industries Canatex (Canatex) et Texturon Inc. (Texturon) a été remis aux parties qui avaient déposé des avis de comparution dans le cadre de l'enquête. À la suite de la diffusion du rapport d'enquête du personnel, Bermatex, Canatex et Liesse ont déposé des exposés auprès du Tribunal.

6. Dans le cadre de l'enquête, le personnel s'est rendu aux installations de Liesse, Bermatex, Canatex et Maillot Baltex Inc. pour y prendre connaissance des procédés de production.

7. Aucune audience publique n'a été tenue dans le cadre de la présente enquête4 .

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

8. La demande d'allégement tarifaire vise les fils importés de tous les pays. Trois des quatre échantillons soumis avec la demande d'allégement tarifaire de Liesse étaient des fils simples, texturés, de filaments synthétiques ou artificiels (de nylon), titrant 85, 168 et 185 décitex par fil simple. Le quatrième échantillon était un fil simple, texturé, de filaments synthétiques ou artificiels (de polyester), titrant 178 décitex par fil simple. Liesse se spécialise dans la production de tissus pour maillots de bain fabriqués sur des métiers circulaires dotés de 122 dispositifs d'entraînement, mais produit également des tissus destinés à d'autres utilisations finales. Sa production se compose principalement de tricots jersey et de tricots doubles, et sa gamme de produits inclut les étoffes unies, rayées et jacquard, ainsi que des tissus à motifs et à surfaces à niveaux multiples.

9. Depuis le 1er janvier 2006, les fils en question, classés aux fins de douanes dans les numéros de classement 5402.31.00.29 (nylon) et 5402.33.90.19 (polyester) de l'annexe du Tarif des douanes 5 , sont passibles de droits de douane de 8,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif de la nation la plus favorisée (NPF) et du tarif de préférence général et de 3,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Costa Rica, et entrent en franchise de droits en vertu du tarif des États-Unis, du tarif des pays les moins développés, du tarif du Mexique, du tarif de l'Accord Canada-Israël et du tarif du Chili.

OBSERVATIONS

Branche de production de tricot

Liesse

10. Liesse produit des tricots sur métiers circulaires au Canada depuis 1964. Elle a dit avoir investi, au cours des six dernières années, plus de 25 millions de dollars dans une teinturerie et du matériel de pointe pour étendre sa gamme de produits et répondre aux besoins du marché haut de gamme.

11. Liesse a déclaré que les fils texturés représentent la majeure partie du coût des matières premières des tissus pour maillots de bain et, au troisième trimestre de 2004, son principal fournisseur, établi aux États-Unis, Unifi Inc. (Unifi), a imposé des augmentations de prix des fils sans tenir compte de pressions croissantes exercées sur les utilisateurs de fils et leurs clients en aval. Elle a dit réaliser les deux tiers de ses ventes aux États-Unis et que ses clients des États-Unis exigent des prix moindres pour les tissus à cause de la pression exercée par les importations, non contingentées, de maillots de bain en provenance de la République populaire de Chine (Chine). Elle a dit avoir, à la suite de la pression à la baisse sur le prix des tissus et à la hausse sur le coût des fils texturés, placé des commandes de fils auprès de fournisseurs asiatiques.

12. Liesse a déclaré que les droits de douane imposés sur les fils importés d'Asie constituent une dépense qui s'accumule rapidement. Elle a ajouté que, même si elle exporte une forte proportion de sa production totale de tissus, les droits de douane qu'elle paie sur les fils ne peuvent être recouvrés au moyen du drawback6 .

13. Liesse a prétendu que l'allégement tarifaire sur les fils en question n'aurait pas d'effet important sur les transformateurs nationaux. Elle a dit avoir, au cours des trois dernières années, acheté à des producteurs nationaux moins de 5 p. 100 des fils texturés dont elle a eu besoin. Elle a ajouté que la qualité, sous forme de fils fiables en vue de la production de tissus sans barré7 , ayant posé problème, elle s'était surtout tournée vers des fournisseurs de fils établis aux États-Unis. Elle a aussi déclaré que, même si des fils de même description physique peuvent être obtenus des producteurs nationaux, ces fils sont exceptionnellement enclins à produire des tissus avec barré et ne conviennent pas à la fabrication de tissus pour maillots de bain sur métiers circulaires dotés d'un grand nombre de dispositifs d'entraînement (110 dispositifs ou plus).

14. Liesse a déclaré que l'allégement tarifaire demandé aurait pour avantage de la soulager du fardeau que représentent les droits de douane sur tous les fils synthétiques texturés importés, devant servir à la fabrication de tricots faits sur métiers circulaires de types à haute productivité et à nombreux dispositifs d'entraînement et destinés à servir le marché des maillots de bain. D'après Liesse, des fils provenant des mêmes sources servent (en franchise de droits) à la fabrication des maillots de bain importés (fabriqués en Chine et ailleurs), ce qui menace sa survie indirectement en menaçant directement la survie de ses clients.

15. Dans l'exposé qu'elle a déposé en réponse, Liesse a soutenu que, à la différence de toutes les autres entreprises de tricot, elle utilise des fils surtout sur des machines dotées de plus de 100 dispositifs d'entraînement et se spécialise dans la production de tissus pour maillots de bain. Elle est la source d'une proportion très élevée, sinon la totalité, de la production canadienne de tissus pour maillots de bain.

16. Liesse a soutenu que la productivité augmente de façon marquée lorsque le nombre de dispositifs d'entraînement des fils augmente. L'augmentation du nombre de dispositifs d'entraînement accroît cependant le risque qu'une seule liasse de fils défectueux nuise à la qualité d'une quantité importante de tissu. La qualité des fils texturés est un facteur auquel Liesse est exceptionnellement sensible car une proportion élevée de sa production se compose de tricots fabriqués sur des métiers dotés d'un nombre exceptionnellement élevé de dispositifs d'entraînement et parce que les clients qui achètent des tissus pour maillots de bain et les consommateurs sont extrêmement sensibles à tout défaut du produit.

17. Liesse a fait valoir que ses achats de fils texturés de source nationale ont chuté sous les 100 000 kg en 2000 et sont négligeables depuis lors. D'après Liesse, la raison principale de ce changement est liée à sa volonté d'assurer la qualité. Elle a dit avoir commandé 10 000 kg de fils de Canatex au printemps 2005 dans le but de produire du tissu pour maillots de bain sans barré sur des métiers dotés de 122 dispositifs d'entraînement et que ces fils lui ont été livrés en juin 2005. Toutefois, la majeure partie de ces fils a été retournée à cause de problèmes de barré devenus manifestes dès le début de l'essai de production de tricots.

18. Liesse a soutenu que l'allégement tarifaire proposé porte sur l'une ou l'autre de deux différentes utilisations finales et qu'il est clair, d'après les renseignements au dossier, qu'il n'y a pas eu de quantité notable de ventes faites à partir de la production nationale et destinées à l'une ou à l'autre de ces deux utilisations finales en 2004-2005. L'enquête confirme que l'allégement tarifaire peut être mis en oeuvre relativement à l'une ou l'autre des utilisations finales proposées sans incidence négative sur la production, les ventes ou l'emploi des producteurs nationaux de fils texturés.

19. Liesse a dit être d'accord sur les descriptions physiques des échantillons proposées par l'ASFC. Cette dernière a avisé le Tribunal qu'elle pouvait administrer l'allégement tarifaire sur les fils en question « devant servir à la fabrication de tissus pour maillots de bain ». L'ASFC n'a toutefois pas recommandé l'autre utilisation finale, à savoir, « devant servir à la fabrication de tissus sur métiers circulaires dotés de plus de 100 dispositifs d'entraînement », parce qu'il lui serait presque impossible de vérifier une telle utilisation. Parce que ses dossiers de production sont hautement informatisés, Liesse a soutenu pouvoir répondre à toute exigence raisonnable permettant la vérification par l'ASFC et maintenir une piste de vérification claire et « à l'épreuve de toute erreur » [traduction].

20. D'après Liesse, les questions liées à l'Initiative concernant le bassin des Caraïbes (IBC)8 ne sont pas pertinentes en l'espèce car les tissus pour maillots de bain qu'elle exporte aux États-Unis sont coupés et cousus aux États-Unis.

21. Liesse a ajouté, relativement au programme de 1998-1999 visant le développement de fils pour maillots de bain et auquel participaient Dupont, Bermatex et elle-même, qu'il est clair que ce programme a été truffé de problèmes de qualité et que l'intérêt de chacun de ses participants était de minimiser sa responsabilité à l'égard de tels problèmes.

22. Liesse a soutenu que Canatex ne lui a pas vendu de fils durant la période visée par l'enquête et que la demande d'allégement tarifaire a été établie de manière à ne pas nuire à toute production connue ou aux ventes de fils de Canatex. Au moment de placer une commande de 10 000 kg de fils auprès de Canatex, Liesse lui a donné une nouvelle occasion de faire la preuve qu'elle pouvait répondre au besoin de Liesse. Le résultat de cet épisode a été que les fils livrés au milieu de juin 2005 ont donné naissance à des problèmes inacceptables de barrés dans les tissus, et ce, dès le début de l'essai de production de tricots amorcé dans la semaine suivant la livraison. Liesse a ajouté que puisque Canatex fermerait ses installations de production de fils texturés en décembre 2005, toute crainte imaginable que la mise en oeuvre de l'allégement tarifaire puisse nuire à la production de cette dernière, à ses ventes ou à son emploi devenait dénuée de fondement.

23. D'après Liesse, il est fort improbable qu'un producteur national de fils texturés puisse reconquérir sa clientèle des années 1990 car l'absence de barré serait manifestement un facteur majeur de décision et que le prix national devrait être compétitif. Si un fournisseur national de fils devait réussir à aligner ses prix sur les prix des producteurs concurrents des États-Unis, il lui faudrait encore démontrer qu'il peut faire mieux que les fabricants de fils d'Asie, une région où la qualité des fils, dans au moins un pays, est incontestablement bonne. Compte tenu des renseignements au dossier, relever un tel défi semble impossible, que le taux de droit NPF soit maintenu, éliminé ou doublé.

Branche de production de fils

Bermatex

24. Bermatex, de Montmagny (Québec), fabrique des fils de polyester et de nylon au Canada depuis 1969. Elle a signalé que, depuis ses origines, elle se spécialise dans la fabrication de fils texturés à valeur ajoutée, un secteur d'activité où la qualité du produit et la flexibilité des opérations sont de première importance. La production de ces fils se fait sur de l'équipement de texturation à la fine pointe de la technologie, au moyen de tous les accessoires et de toutes les méthodes de fabrication disponibles, dans le but de satisfaire aux plus hautes normes de qualité.

25. Bermatex a indiqué qu'elle dessert bon nombre de marchés, notamment les suivants : le prêt-à-porter, la lingerie, les bas, les vêtements de performance (tenue de sport fonctionnel), les vêtements de sport (gilet de hockey, soccer, etc.), les survêtements de sport (anorak, pantalon de ski), les molletons polaires, l'ameublement, l'automobile, la restauration et les tissus destinés à des usages médicaux. Elle a fait savoir que ses produits sont également utilisés par l'industrie du maillot de bain, bien que les ventes actuelles de ces produits soient relativement faibles pour des raisons autres que les exigences de qualité.

26. Bermatex s'est opposée à la demande d'allégement tarifaire de Liesse. Elle a dit posséder l'équipement, les connaissances, la capacité de production et les procédés de fabrication nécessaires à la production des fils en question. Elle a dit produire exactement les mêmes fils et posséder cinq unités de texturation par procédé de fausse torsion qui sont en mesure de produire plus de 35 000 kg par semaine de fils de nylon titrant 78f689 ou bien plus de 80 000 kg par semaine de fils de polyester titrant 167f96, selon le cas. Bermatex a fourni deux échantillons de fils de polyester et un échantillon de fils de nylon qu'elle considère comme identiques aux fils en question10 .

27. Selon Bermatex, l'Amérique du Nord, comme le reste du monde, connaît une surcapacité de production de fils texturés et, pour cette raison, la compagnie Unifi, qui approvisionne environ 70 p. 100 du marché nord-américain du textile, vient d'annoncer la fermeture d'une usine de texturation de nylon aux États-Unis.

28. Bermatex a affirmé avoir lancé le développement de fils de nylon texturés à un pli et à deux plis, titrant 78f68, servant à la fabrication de maillots de bain et avoir élaboré, conjointement avec Liesse, des procédés satisfaisants en vue de la qualité et de la teinture de ce produit, en collaboration avec Dupont, qui fournissait un fil de nylon mat et de Lycra. Selon Bermatex, le fil de nylon mat « Easy Dye » de Dupont est une nouvelle fibre qui pose des problèmes techniques à l'étape du développement. Bermatex a souligné que, en 1998, elle n'avait pas moins de 35 plaintes à régler, formulées par Liesse, le tout représentant une somme de plus de 350 000 $, mais qu'à la lumière des analyses des fils et des tricots, il s'est avéré que 80 p. 100 des plaintes formulées par Liesse ne portaient pas sur les fils de Bermatex, d'où la décision de Bermatex d'abandonner la production de nylon titrant 78f68 destinée à Liesse et liée au programme relatif aux maillots de bain. Bermatex a fait valoir que cette mesure avait été nécessaire pour assurer sa survie et que la suppression de ce programme conjoint avec Dupont et Liesse lui avait permis d'éviter des pertes d'environ 400 000 $ en coûts annuels liés aux plaintes et aux défauts de qualité.

29. D'après Bermatex, la position défendue par Liesse visant à limiter l'allégement tarifaire aux métiers circulaires dotés de plus de 100 dispositifs d'entraînement, plutôt que de 50 à 100 de ces dispositifs, comme en exploitent d'autres entreprises de tricot au Canada, n'a pas d'autre objectif que celui d'offrir un avantage uniquement à Liesse. Bermatex a ajouté que cette situation pourrait rapidement devenir problématique et conflictuelle si Liesse optait pour l'utilisation des fils en question dans d'autres applications. Par exemple, le fil de polyester titrant 167f96 visé par la présente demande est le produit le plus utilisé dans la fabrication de tricots « polaires ». Ainsi, tous les autres producteurs canadiens de ces tricots se retrouveraient rapidement dans une situation de concurrence déloyale.

30. En réponse à la critique qu'elle n'est pas en mesure de produire des fils d'une finesse inférieure à 1,5 décitex par filament, Bermatex a fait savoir que, bien au contraire, cette production est en fait sa spécialité. Elle a indiqué que les produits mentionnés dans la présente demande ont une finesse de 1,2 à 2,0 décitex par filament et qu'une importante quantité de sa production se compose de fils inférieurs à 1,0 décitex par filament, par exemple, le nylon titrant 60f68, le nylon titrant 42f48, le polyester titrant 78f100, le polyester titrant 110f144 et le polyester titrant 167f192.

31. Bermatex a précisé que la raison pour laquelle elle vend très peu de fils destinés aux produits mentionnés par Liesse est d'ordre commercial et non d'ordre technique. Elle a soutenu que la possibilité d'obtenir aujourd'hui des fils partiellement orientés (POY) de deux fournisseurs, en l'occurrence Invista (Dupont) et Nylstar, combinée au fait que le produit est mature et techniquement au point, lui permet de satisfaire à toutes les normes de qualité qu'exige Liesse. À l'exception de Taïwan, qui n'est pas un pays producteur à faible coût et qui possède des normes élevées de qualité, Bermatex ne croit pas que Liesse puisse s'approvisionner ailleurs en Asie, étant donné les critères de qualité qu'elle exige.

32. Selon Bermatex, la raison principale invoquée par Liesse dans la présente demande n'est que d'ordre économique, à savoir l'approvisionnement à faible coût depuis certains pays d'Asie, notamment la Thaïlande, pour ce qui est du nylon. Bermatex a déclaré que les risques associés à la demande d'allégement tarifaire de Liesse sont énormes car ils touchent directement sa viabilité. Elle a soutenu qu'une telle demande ne peut qu'atteindre rapidement tous les autres fils texturés importés au Canada. Bermatex a indiqué que, pour ce qui est de beaucoup de produits textiles fabriqués en Chine, par exemple, les coûts liés à la production de ces biens sont sans commune mesure avec les coûts économiques de produire ces biens. Il en est de même pour les fils texturés.

33. Selon Bermatex, elle est un maillon important de la structure de la branche de production canadienne du textile et le dernier fabricant de fils de polyester texturés au Canada. Dans le cas du nylon, selon Bermatex, il ne reste que deux producteurs au pays, dont elle-même. Bermatex a soutenu que l'élimination des droits de douane sur les fils texturés à bon marché provenant d'Asie ne peut qu'une fois de plus diminuer la marge bénéficiaire sur les fils texturés produits au Canada. Elle a ajouté que sa disparition éventuelle en tant que dernier fabricant canadien ne peut que donner lieu à une augmentation des prix des fils texturés au Canada et que ce qui peut paraître une économie à court terme produira l'effet inverse à long terme.

34. Dans son exposé daté du 31 octobre 2005, Bermatex a soutenu que les sociétés nord-américaines ont une expérience de plus de 75 ans en production de fils de nylon de spécialité de qualité élevée, tandis que les producteurs asiatiques ne font encore montre d'aucune expérience dans la fabrication de tels fils. Par conséquent, la demande d'allégement tarifaire de Liesse n'est pas fondée sur la qualité, mais plutôt le prix.

35. D'après Bermatex, environ les deux tiers des ventes de Liesse sont faites aux États-Unis. La quantité de vêtements des États-Unis produits dans les pays du bassin des Caraïbes étant importante, l'exportation, vers les États-Unis, de tissus faits de fils texturés fabriqués en Asie ne respecterait pas les dispositions de l'IBC, et accorder l'allégement tarifaire sur les fils en question ne règlerait pas ce problème.

36. Bermatex a soutenu que, d'après un récent communiqué de presse, Canatex fermerait ses installations de fabrication en décembre 2005. Elle a laissé entendre que, au moyen d'un investissement minime, Liesse pourrait acheter les machines de texturation de nylon à Canatex qui sont, censément, les meilleures sur le marché. Cette intégration complète des opérations donnerait à Liesse non seulement la mainmise sur la qualité de ses fils texturés mais lui permettrait de plus de tirer avantage de l'entrée en franchise de la matière brute (tels que les fils POY). Une telle stratégie comporterait plusieurs avantages, y compris les avantages suivants : (1) éviter la perte de recettes pour le gouvernement fédéral et les difficultés liées à l'administration de l'allégement tarifaire demandé; (2) l'accès en franchise de droits de douane aux fils partiellement orientés; (3) l'utilisation de fils admissibles au traitement des parties à l'ALÉNA; (4) le contrôle de la qualité des fils; (5) la protection tarifaire dont a besoin Bermatex pour survivre et pour préserver à son maximum l'emploi au Canada.

Canatex

37. Fondée en 1939, la société Canatex est présentement le plus gros fabricant de fils de nylon texturés et de fils élasthannes (spandex, lycra/nylon) au Canada; elle offre une gamme complète de produits de spécialité à valeur ajoutée. Elle vend aussi des fils teints, des fils pour couture, etc. Elle exploite une usine à Pintendre (Québec). Canatex a déclaré que son installation de fabrication est souple et qu'elle développe plusieurs produits fabriqués sur demande et adaptés au besoin de ses clients. Elle a dit servir des entreprises de tricot et des tisserands, y compris dans le secteur des tissus d'ameublement, ainsi que des fabricants de bas, de sous-vêtements, de maillots de bain11 , de vêtements de nuit et de vêtements de sport répartis dans l'ensemble du Canada et des États-Unis. Elle a fait savoir qu'elle fermerait ses installations de fabrication avant la fin de décembre 2005 et qu'elle examine présentement des propositions d'achat de ses édifices et de son équipement susceptibles de permettre la poursuite des opérations.

38. Canatex s'est opposée à la demande d'allégement tarifaire de Liesse au motif que cet allégement pourrait entraîner sa fermeture et celle de Bermatex. Elle a affirmé que la survie des branches de production canadiennes de textiles et de vêtements est tributaire du maintien de l'infrastructure d'approvisionnement. Elle a ajouté que la santé des producteurs de fils, des entreprises de tricot et des teinturiers doit être préservée pour assurer la fourniture des intrants nécessaires à la fabrication en aval. Elle a souligné que le fil est un élément critique à cet égard et que, si la chaîne d'approvisionnement est brisée, alors le système intégré, à son tour, s'effondrera. Canatex a ajouté qu'elle produit, et continue de produire et de vendre, des fils identiques aux fils en question. À cet égard, elle a soumis trois échantillons de fils de nylon (fil simple 78/68, 78/68 à deux brins et 78/34 à deux brins)12 .

39. Canatex a déclaré que la production de tissus, y compris les tissus pour maillots de bain, sur métiers circulaires débouchera sur un même résultat quant au poids, à la texture et à la qualité, qu'ils soient produits sur des métiers à 72, 80 ou 96 dispositifs d'entraînement. D'après Canatex, c'est l'indicateur de tension, et non le nombre de dispositifs d'entraînement, du métier qui détermine le résultat du tissu fini. Elle a ajouté que de nombreuses entreprises de tricot au Canada se servent de métiers semblables à ceux de Liesse, des métiers qui peuvent produire des tissus semblables destinés tant à la fabrication de maillots de bain qu'à d'autres utilisations finales.

40. Canatex a affirmé qu'il serait ridicule d'accorder à Liesse un allégement tarifaire sur les fils en question pour la fabrication sur métiers circulaires dotés de plus de 100 dispositifs d'entraînement tout en refusant cet allégement aux autres entreprises canadiennes de tricot qui se servent de métiers dotés de 96 dispositifs d'entraînement pour produire les mêmes tissus. Cela permettrait à Liesse de bénéficier d'un avantage concurrentiel déloyal par rapport aux autres entreprises canadiennes de tricot. Elle a aussi affirmé qu'il ne serait possible d'exercer un contrôle afin de distinguer ceux qui produisent sur des métiers dotés de 100 dispositifs d'entraînement de ceux qui le font sur des métiers dotés de 96 dispositifs d'entraînement ou moins. À cet égard, elle a souligné que Liesse pourrait peut-être fabriquer le même tissu sur des métiers dotés de moins de 100 dispositifs d'entraînement et qu'une telle situation exigerait un contrôle constant.

41. Canatex a dit avoir évité de traiter avec Liesse à cause d'une expérience antérieure qui ne s'était pas déroulée comme prévu. Toutefois, elle a ajouté que Liesse avait communiqué avec elle en juin 2005. Confrontée à un ralentissement de ses ventes, Canatex a décidé de faire affaire avec Liesse, et lui a expliqué qu'un effort d'équipe allait devoir être consenti pour produire des fils adaptés à ses besoins. Toujours d'après Canatex, quelques jours à peine après avoir reçu les fils, Liesse lui a retourné les marchandises pour obtenir un crédit, affirmant qu'elles étaient inacceptables et ne satisfaisaient pas à ses normes. Canatex a signalé que les mêmes fils avaient par la suite été vendus à d'autres clients, sans problème.

42. En ce qui a trait aux allégations de Liesse sur la question de la qualité, Canatex a affirmé que ces allégations sont dénuées de fondement car deux producteurs canadiens et d'autres producteurs américains appliquent des normes de qualité qui égalent et, dans la plupart des cas, dépassent toutes les normes de qualité afférentes aux fils achetés en Asie. Canatex a affirmé que la question de la qualité n'est qu'un écran destiné à masquer la véritable et plus importante raison de la demande d'allégement tarifaire de Liesse, soit le prix. Canatex a ajouté que Liesse devrait être contrainte de produire des états financiers vérifiés pour les trois dernières années, ce qui montrerait que son argument que l'allégement tarifaire est nécessaire à sa survie est invalide.

43. Canatex a fait valoir que la conjoncture actuelle caractérisant les fils de nylon ne représente pas nécessairement la conjoncture future car, de l'avis de plusieurs dirigeants d'entreprise dans ce secteur d'activité, le prix artificiel actuel des fournisseurs asiatiques se fonde sur des initiatives d'exportation, la manipulation des devises et une stratégie de mise en marché préétablie visant à détruire la concurrence nord-américaine. D'après Canatex, cette conjoncture évoluera au fil du temps, mais si des entreprises comme Canatex et Bermatex sont détruites, il sera trop tard. Elle a souligné que, pour assurer la viabilité à long terme sur le marché des États-Unis, il faut qu'une entreprise tienne compte des intrants ALÉNA. À cet égard, Canatex a indiqué que de nombreuses entreprises bénéficient présentement de NPT qui les encouragent à utiliser des fils importés, mais que cette disponibilité est limitée. Canatex a dit croire que, lorsque les NPT ne seront plus disponibles, Liesse et d'autres entreprises canadiennes ne demeureront pas compétitives car elles devront payer des droits de douane de 15 à 20 p. 100 sur les exportations vers les États-Unis.

44. Canatex a aussi expliqué que, si l'allégement tarifaire était accordé, il y aurait des pertes d'emploi au sein de la branche de production canadienne.

45. Dans ses exposés datés des 14 et 21 novembre 2005, Canatex a soutenu que, à la lumière de sa démarche et de sa réaction à la proposition de Canatex de lui fournir des fils, Liesse n'avait jamais vraiment eu l'intention de satisfaire ses besoins en fils en s'approvisionnant auprès d'un fournisseur canadien, mais était uniquement intéressée à obtenir l'allégement tarifaire sans égard au dommage qui serait ainsi porté aux fournisseurs de fils canadiens. Elle a ajouté qu'elle-même et Bermatex disposent des machines, de l'infrastructure et des connaissances nécessaires pour produire des fils de qualité aussi bonne ou meilleure que les fils produits par tout autre producteur dans le monde. Elle a aussi fait valoir que, en apportant des modifications d'ordre mineur à ses machines de texturation, elle était capable de produire des fils semblables aux fils qu'achète Liesse à Unifi.

Importateur et secteur de la distribution

Texturon

46. Texturon est un importateur et distributeur de fils de polyester texturés. Elle importe des fils des États-Unis et d'Asie et approvisionne les branches de production nationale de tricot et de tissage. Fondée en 1971, Texturon texturait des fils de filament de polyester mais, en août 2003, elle a mis fin à cet aspect de son exploitation à cause de la concurrence que lui livraient les fils importés. La même année, elle a été nommée distributeur exclusif au Canada de fils de polyester texturés pour Unifi.

47. Texturon s'est opposée à la demande d'allégement tarifaire de Liesse concernant les fils en question car il existe deux fabricants canadiens, Bermatex et Canatex, qui sont capables de produire de tels fils et en produisent présentement. Elle a affirmé que Bermatex et Canatex possèdent l'équipement et les connaissances leur permettant de fournir des fils de la qualité élevée nécessaire à la fabrication de tissus pour maillots de bain. Elle a aussi indiqué que ces fils peuvent être obtenus de fournisseurs des États-Unis. D'après Texturon, Liesse tente simplement de réduire son coût en évitant de payer des droits de 8 p. 100 sur les fils en question, des droits dont l'application sert à protéger les producteurs actuels de tels fils. D'après Texturon, accorder l'allégement tarifaire équivaudrait à fermer les installations de Bermatex et de Canatex.

AUTRES RENSEIGNEMENTS

48. CICan a informé le Tribunal que, aux termes de l'Accord sur les textiles et les vêtements de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), les restrictions quantitatives du Canada, sur les importations de textiles et de vêtements, ont été supprimées le 1er janvier 2005. Par conséquent, le Canada n'impose pas de restrictions quantitatives sur les fils en question. Industrie Canada a déclaré que la rétroaction de la part de Bermatex et de Canatex est un facteur critique dans l'évaluation des réclamations de Liesse et dans la détermination de toute répercussion négative que pourrait avoir l'allégement tarifaire, s'il était accordé, sur les producteurs canadiens de fils texturés.

49. L'ASFC a déclaré que l'administration de l'allégement tarifaire demandé sur les tissus en question décrits comme « devant servir à la fabrication de tissus pour maillots de bain » n'entraînerait aucun coût en sus de ceux qu'elle supporte déjà. Toutefois, elle a déclaré qu'il serait difficile d'administrer la disposition portant sur l'utilisation finale décrite comme « devant servir à la fabrication de tissus sur métiers circulaires dotés de plus de 100 dispositifs d'entraînement ». À cet égard, l'ASFC a précisé qu'elle examine normalement les questions d'utilisation finale à partir d'une opération consécutive à la vérification et que Liesse ou tout autre importateur devrait maintenir une piste de vérification pour que les fils importés en vertu du nouveau numéro tarifaire soient suivis durant tout le procédé de production, et pour veiller à ce que chacun de ces fils et 99 autres soient utilisés au même moment, sur la même machine, pour fabriquer le même tissu. D'après l'ASFC, une telle vérification serait pratiquement impossible, surtout si l'opération du métier circulaire donné peut se faire sans qu'il y ait plus de 100 dispositifs d'entraînement utilisés.

ANALYSE

50. Aux termes du mandat qu'il a reçu du ministre, le Tribunal est tenu d'évaluer l'incidence d'une réduction ou d'une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et sur les entreprises en aval et, à cette fin, de tenir compte de tous les facteurs économiques pertinents, y compris, s'il y a lieu, une comparaison des prix intérieurs et des prix étrangers et la disponibilité d'intrants substituables en provenance de sources nationales. Par conséquent, la décision du Tribunal de recommander un allégement tarifaire est fondée sur la mesure dans laquelle le Tribunal considère que cet allégement tarifaire apporterait des gains économiques nets maximaux au Canada et pourrait être administré de manière rentable.

Comparaison des prix intérieurs et des prix étrangers

51. Liesse a dit avoir placé des commandes de fils en question auprès des fournisseurs asiatiques parce qu'Unifi avait imposé des augmentations de prix sans tenir compte des pressions croissantes en aval. Le Tribunal fait observer que les États-Unis représentent les deux tiers des ventes de tissus pour maillots de bain de Liesse et que les clients des États-Unis de cette dernière exigent de plus bas prix pour les tissus au vu des importations, hors quota, de maillots de bain en provenance de la Chine. Il fait également observer que le coût rendu13 des fils en question provenant d'Asie, y compris tous les droits de douane, est sensiblement inférieur aux prix de vente14 des fils semblables de production nationale. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que la question du prix est au coeur de la demande d'allégement tarifaire de Liesse et que, même en l'absence d'allégement tarifaire, cette dernière ne cesserait pas d'acheter des fils importés à moindre prix pour acheter les fils qu'offrent Bermatex et Canatex à moins que les fils nationaux ne lui soient offerts à des prix concurrentiels. De plus, il constate que Bermatex n'a pas vendu de fils semblables à Liesse depuis deux ans et que Canatex n'en a pas vendu pendant la période visée par l'enquête.

Disponibilité d'intrants substituables

52. En ce qui a trait à la question de la substituabilité, l'analyse de l'ASFC a établi que les caractéristiques des fils texturés de nylon et de polyester soumis à titre d'échantillon par Bermatex15 et des fils texturés de nylon soumis à titre d'échantillon par Canatex16 sont très semblables aux caractéristiques des fils soumis à titre d'échantillon par Liesse et que ces fils seraient classés dans les mêmes numéros de classement, c.-à-d. nos 5402.31.00.29 et 5402.33.90.19. Liesse a toutefois fait valoir que, même si des fils de même description physique sont disponibles auprès de producteurs nationaux, ces fils sont exceptionnellement enclins à donner un tissu présentant un défaut de barré et ne conviennent pas pour la fabrication de maillots de bain sur métiers circulaires dotés de 122 dispositifs d'entraînement. À cet égard, Bermatex et Canatex ont répondu qu'elles peuvent satisfaire à toutes les exigences de qualité de Liesse.

53. Le Tribunal fait observer que Bermatex a vendu des volumes considérables de fils à Liesse17 , y compris des fils semblables aux fils en question, durant la période de 1999 à 2003. De plus, Bermatex a récemment vendu, à d'autres sociétés, une certaine quantité de fils devant servir à la fabrication de maillots de bain18 . Le Tribunal fait également observer que Canatex a fourni certains fils à Liesse, pour fins d'essai, mais que cette dernière les a jugés inacceptables. En outre, Canatex a fourni certains renseignements pour tenter de faire la preuve que, en apportant certaines modifications d'ordre mineur à ses machines de texturation, elle peut produire des fils semblables aux fils que Liesse achète d'Unifi19 . Ceci amène le Tribunal à croire que Bermatex et Canatex sont capables de répondre aux besoins des entreprises canadiennes en aval sur le marché en général.

54. Les éléments de preuve montrent que les questions de qualité afférentes aux tissus pour maillots de bain ont empêché Liesse et les producteurs nationaux de fils d'établir des liens de travail durables au plan commercial et que les problèmes à cet égard ne sont toujours pas réglés. Il est difficile de savoir clairement si une solution pourrait être mise au point à l'avenir si Liesse travaillait au développement de fils acceptables en collaboration avec les fournisseurs nationaux de fils. À la lumière des éléments de preuve mis à sa disposition, le Tribunal ne peut rendre de décision sur la substituabilité des fils texturés nationaux de polyester et de nylon par rapport aux fils importés qui servent présentement à Liesse dans la fabrication de tissus pour maillots de bain. De plus, même si la production nationale pouvait être en mesure de satisfaire aux exigences de qualité de Liesse, le Tribunal est d'avis que les producteurs nationaux de fils et Liesse n'ont pas mis en place des liens de travail suffisamment étroits pour permettre d'envisager des résultats satisfaisants pour l'une ou l'autre des parties.

Gains économiques nets pour le Canada

55. La décision du Tribunal relative à la recommandation de réduire ou d'éliminer les droits de douane doit être fondée sur la mesure dans laquelle il estime qu'un tel allégement tarifaire apporterait des gains économiques nets maximaux au Canada. Le Tribunal accueille la position de Liesse selon laquelle, étant donné l'importance du marché des États-Unis en ce qui concerne ses opérations, lequel est de plus en plus compétitif, cette dernière a été contrainte de tenter d'obtenir des fils à plus bas prix auprès de fournisseurs asiatiques. Dans ce contexte, il est manifeste que Liesse est confrontée à une concurrence féroce et est vulnérable aux pressions du marché. Dans un tel contexte, Liesse ne peut donc se permettre de transmettre à ses clients les coûts liés aux droits de douane qui sont imposés sur les fils en question.

56. Bermatex, Canatex et Texturon ont soutenu que l'allégement tarifaire, s'il était accordé, le serait au dépens des emplois de la branche de production canadienne. Toutefois, comme il a déjà été souligné, Bermatex n'a pas vendu de fils à Liesse depuis deux ans et, d'après le Tribunal, sa situation ne changera donc pas dans un proche avenir si l'allégement tarifaire était accordé. Selon les éléments de preuve, cette situation ne changera pas non plus à moyen terme. Le Tribunal constate que Bermatex a vendu une certaine quantité de fils devant servir à la fabrication de tissus pour maillots de bain. Ces ventes pourraient bien être menacées si l'allégement tarifaire était accordé sur les fils en question. Toutefois, les volumes en cause sont très restreints par rapport au volume de fils en question qu'importe Liesse. Quant à Canatex, elle a annoncé qu'elle fermerait ses installations de fabrication avant la fin de décembre 200520 . L'allégement tarifaire ne sera donc source d'aucun dommage pour la production de Canatex. En ce qui a trait à l'opposition de Texturon à la demande d'allégement tarifaire de Liesse, le Tribunal fait observer que Texturon a interrompu ses opérations de texturation en août 2003 et qu'elle est devenue un importateur de fils de polyester texturés, et particulièrement de fils en provenance d'Unifi, une entreprise située aux États-Unis et qui est présentement le principal fournisseur de Liesse dans ce pays. Toutefois, Texturon n'a produit aucun élément de preuve qui montre qu'un dommage direct lui serait porté, ou serait porté à d'autres entreprises, si l'allégement tarifaire était accordé. À la lumière des renseignements présentés par Liesse, le Tribunal estime que l'allégement tarifaire entraînerait des gains nets directs importants de plus de 500 000 $. Le calcul des gains potentiels se fonde sur le taux de droits appliqué en 2006, c.-à-d. 8 p. 100 ad valorem.

57. Au début de l'enquête, Liesse a demandé l'inclusion de dispositions visant deux différentes utilisations finales possibles (devant servir à la fabrication de tissus pour maillots de bain ou à la fabrication de tissus sur métiers circulaires dotés de plus de 100 dispositifs d'entraînement) dans la description proposée des fils en question. Elle a précisé que la deuxième utilisation finale est liée au fait que la fréquence et les conséquences économiques des défauts d'un fil augmentent en fonction directe du nombre de dispositifs d'entraînement des fils dont sont dotés les métiers circulaires. Cela peut bien être le cas, mais le Tribunal n'est pas convaincu que l'allégement tarifaire doive être accordé sur la base d'une telle utilisation finale. De plus, les préoccupations exprimées par Bermatex au sujet de la demande d'allégement tarifaire de Liesse étaient fondées principalement sur le dommage qui pourrait être porté advenant la mise en oeuvre d'une disposition visant une utilisation finale définie en fonction des métiers circulaires dotés de 100 dispositifs d'entraînement ou plus. Le Tribunal ajoute que l'ASFC a donné avis qu'il serait difficile d'administrer une mesure ainsi définie. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que, en l'espèce, toute disposition portant sur l'utilisation finale doit se limiter à la fabrication de tissus pour maillots de bain. Cette mesure, si elle est l'unique mesure retenue, garantirait un traitement égal pour tous les producteurs de tissus pour maillots de bain et ne conférerait pas à Liesse un avantage déloyal par rapport aux autres entreprises de tricot qui utilisent des métiers circulaires dotés de moins de 100 dispositifs d'entraînement. L'ASFC a de plus fait savoir que l'administration de l'allégement tarifaire demandé sur les fils en question décrits comme « devant servir à la fabrication de tissus pour maillots de bain » n'entraînerait pas de coûts supplémentaires, en sus des coûts qu'elle supporte déjà.

58. En résumé, le Tribunal conclut que les fils produits par Bermatex et Canatex sont, d'une manière générale, semblables aux fils en question. Cependant, les éléments de preuve n'établissent pas clairement que Liesse pourrait se servir de fils canadiens dans la fabrication de tissus pour maillots de bain si une occasion suffisante était donnée à Bermatex ou à Canatex de développer des fils acceptables. De toute façon, confrontée à une vive concurrence dans le segment des tissus pour maillots de bain aux États-Unis, son principal marché, Liesse doit se procurer les fils en question au prix le plus compétitif possible. À la lumière des éléments de preuve, il est manifeste que les avantages potentiels pour Liesse l'emportent sur les coûts potentiels pour les producteurs nationaux de fils. De plus, puisqu'un tel allégement tarifaire, tel qu'il est recommandé, ne cible que les tissus devant servir à la fabrication de maillots de bain, Bermatex pourrait à l'avenir répondre aux besoins de Liesse liés à d'autres utilisations finales.

RECOMMANDATION

59. À la lumière de ce qui précède, le Tribunal recommande, par la présente, au ministre d'accorder l'allégement tarifaire, pour une période indéterminée, sur les importations, en provenance de tous les pays de fils de filament synthétiques, uniquement de nylon, texturés, titrant en fils simples 75 décitex ou plus mais n'excédant pas 200 décitex, de la sous-position no 5402.31, devant servir à la fabrication de tissus pour maillots de bain; et de fils de filament synthétiques, uniquement de polyester, texturés, titrant en fils simples 150 décitex ou plus mais n'excédant pas 200 décitex, de la sous-position no 5402.33, devant servir à la fabrication de tissus pour maillots de bain.

James A. Ogilvy
James A. Ogilvy
Membre présidant

Zdenek Kvarda
Zdenek Kvarda
Membre

Meriel V. M. Bradford
Meriel V. M. Bradford
Membre

Hélène Nadeau
Hélène Nadeau
Secrétaire


1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

2 . Le mandat a été modifié la dernière fois le 27 octobre 2005.

3 . Gaz. C. 2005.I.2797.

4 . Conformément à l'article 25 des Règles du Tribunal canadien du commerce extérieur, D.O.R.S./91-499, le Tribunal peut décider de tenir une audience sur pièces.

5 . L.C. 1997, c. 36.

6 . L'Accord de libre-échange nord-américain entre le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis mexicains et le gouvernement des États-Unis d'Amérique, 17 décembre 1992, R.T.C. 1994, no 2 (entré en vigueur le 1er janvier 1994) [ALÉNA], prévoit le traitement tarifaire préférentiel de certaines quantités de marchandises textiles, même lorsqu'elles comprennent des intrants qui ne sont pas nord-américains (c.-à-d. non originaires). Ce traitement tarifaire préférentiel prend la forme de niveaux canadiens de préférence tarifaire (NPT). Les NPT autorisent l'importation d'une quantité donnée de certaines marchandises textiles au Canada, aux États-Unis et au Mexique à des taux de droits ALÉNA. Les marchandises qui entrent dans un pays ALÉNA dans des quantités qui dépassent les NPT sont assujetties à un taux de droits NPF plus élevé. Une nouvelle façon de déterminer le drawback des droits, appelée « concept du montant le moins élevé » a été intégrée à l'ALÉNA le 1er janvier 1996 relativement aux échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis et, le 1er janvier 2001, aux échanges entre le Canada et le Mexique. Selon ce système, le drawback, ou remboursement, des droits est égal au moins élevé des deux montants suivants :

a) les droits payés sur les marchandises importées au Canada;

b) les droits payés sur les produits finis lorsqu'ils sont exportés aux États-Unis.

7 . Liesse a indiqué que le « barré » est un défaut irréparable qui tire son nom des barres (c.-à-d. stries ou rayures) indésirables que présente le tissu touché et que la fréquence du barré est plus élevée dans les tricots de fils texturés que les tricots de filés. Elle a affirmé que le barré est particulièrement fréquent dans les tissus teints de couleur foncée unie et que plus le nombre de dispositifs d'entraînement est élevé, plus ce défaut est fréquent et coûteux.

8 . Les États-Unis prévoient l'entrée en franchise et sans contingent à l'égard de vêtements de bonneterie faits dans les pays bénéficiaires de l'IBC à partir de tissus produits dans le bassin des Caraïbes, pourvu que des fils des États-Unis soient utilisés dans la production de ces tissus.

9 . Le chiffre 78 renvoie aux décitex et 68 renvoie au nombre de filaments.

10 . Ces échantillons ont été envoyés à l'ASFC aux fins d'analyse. Dans une lettre datée du 6 octobre 2005, l'ASFC a avisé le Tribunal que les résultats de l'analyse en laboratoire indiquaient que les caractéristiques constatées dans les fils texturés de nylon et de polyester fournis à titre d'échantillons par Bermatex sont très semblables à celles des fils fournis à titre d'échantillons par Liesse et que ces fils sont classés dans les mêmes numéros de classement, c.-à-d. nos 5402.31.00.29 et 5402.33.90.19, respectivement.

11 . Canatex n'a pas pu donner de renseignements commerciaux sur les fils vendus aux fabricants de tissus pour maillots de bain.

12 . Ces échantillons ont été envoyés à l'ASFC aux fins d'analyse. Dans une lettre datée du 6 octobre 2005, l'ASFC a avisé le Tribunal que les résultats de l'analyse en laboratoire indiquaient que les caractéristiques constatées dans les fils de nylon fournis à titre d'échantillons par Canatex étaient très semblables à celles des fils fournis à titre d'échantillons par Liesse et que ces fils sont classés dans le même numéro de classement 5402.31.00.29.

13 . Pièce du Tribunal TR-2004-001-35 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 45.

14 . Ibid. à la p. 47.

15 . Pièce du Tribunal TR-2004-001-28A, dossier administratif, vol. 1 aux pp. 118.2-118.6.

16 . Pièce du Tribunal TR-2004-001-29A, dossier administratif, vol. 1 aux pp. 120.2-120.6.

17 . Pièce du Tribunal TR-2004-001-35 (protégée), dossier administratif, vol. 2 à la p. 48.

18 . Ibid. à la p. 38.

19 . Pièce du Tribunal TR-2004-001-39.2A, dossier administratif, vol. 5 à 2.

20 . Pièce du Tribunal TR-2004-001-39.2, dossier administratif, vol. 5 à 1.