LES MAGASINS CHÂTEAU DU CANADA LTÉE

Enquêtes


RAPPORT AU MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE PAR
LES MAGASINS CHÂTEAU DU CANADA LTÉE
CONCERNANT
LES TRICOTS DE BOUCLÉ ET DE MOHAIR
LE 13 FÉVRIER 1996

TABLE DES MATIERES


Demande no : TR-94-008

Membres du Tribunal : Raynald Guay, membre présidant
Robert C. Coates, c.r., membre
Desmond Hallissey, membre


Directeur de la recherche : Marcel J.W. Brazeau


Gestionnaire de la recherche : John Gibberd


Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater


Agent à l’inscription et
à la distribution : Claudette Friesen

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir un allégement tarifaire sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu, le 15 février 1995, de la société Les magasins Château du Canada Ltée (Le Château) de Montréal (Québec), une demande de suppression des droits de douane sur les importations, en provenance de tous les pays, de tricots de bouclé et de mohair destinés à être utilisés pour produire des hauts, des vestes, des robes et des jupes pour femmes (les tissus en question). Le Château a demandé que les droits de douane soient supprimés pour une période indéfinie ou jusqu’à ce que des producteurs nationaux puissent fournir les tissus en question à temps et à des prix concurrentiels.

Le 7 avril 1995, estimant que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête qui a fait l’objet d’une diffusion à grande échelle dans la Partie I de la Gazette du Canada du 22 avril 1995 [2] .

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a fait parvenir des questionnaires à 25 producteurs potentiels des tissus en question et de tissus identiques ou substituables. Des questionnaires ont également été envoyés à 6 utilisateurs éventuels des tissus en question destinés à être utilisés pour produire des hauts, des vestes, des robes et des jupes pour femmes, ainsi qu’à plusieurs importateurs potentiels des tissus en question. Deux lettres ont été envoyées au ministère du Revenu national (Revenu Canada), soit une lettre en vue d’obtenir un avis sur le classement tarifaire des tissus en question et une autre en vue d’obtenir un avis sur le classement tarifaire des tissus produits par Cannon Knitting Mills Limited (Cannon), un producteur national. Des échantillons des tissus en question et de tissus produits au Canada ont été fournis pour analyse en laboratoire. Des lettres ont également été expédiées à plusieurs autres ministères pour obtenir des renseignements et des avis.

Le 5 juin 1995, le rapport d’enquête du personnel, qui résume les renseignements reçus des ministères susmentionnés, de la société Le Château et d’autres entreprises ayant répondu aux demandes de renseignements, a été remis aux parties qui avaient déposé des actes de comparution dans le cadre de la présente enquête, à savoir Le Château, Bonneterie Paris Star Inc. (Paris Star), Cannon et l’Institut canadien des textiles (l’ICT). L’ICT a déposé un exposé auprès du Tribunal, exposé auquel Le Château a répondu par écrit.

Le 23 juin 1995, le Tribunal a reçu de l’ICT une lettre lui demandant de surseoir à l’enquête pendant 60 jours pour que l’ICT puisse définir avec les parties une ou deux catégories de marchandises qui englobent une portion, au moins, des tissus en question et qui sont acceptables aux producteurs de textiles, administrables par Revenu Canada et avantageux pour les utilisateurs. Avec l’accord de Le Château, le Tribunal a répondu à l’ICT le 13 juillet 1995 pour lui indiquer qu’il avait décidé de surseoir à l’enquête pendant 60 jours afin que l’ICT puisse trouver une solution portant sur une partie de la demande.

Les propositions d’allégement tarifaire de l’ICT ont été reçues par le Tribunal le 27 octobre 1995. Les observations de Le Château sur ces propositions ont été reçues le 8 novembre 1995 et celles de Cannon, le 9 novembre 1995. Par la suite, à la demande du Tribunal, Cannon a apporté de nouvelles clarifications à sa position les 15, 16 et 24 novembre 1995. Paris Star n’a pas fait d’observations sur les propositions.

Aucune audience n’a été tenue dans le cadre de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LES PRODUITS

La demande de Le Château visait les importations de tous les tissus de bouclé et de mohair classés dans le numéro tarifaire 6002.93.00 de l’annexe I du Tarif des douanes [3] . Cependant, Le Château n’a soumis que quatre échantillons des tissus en question qu’elle avait l’intention d’importer. On trouvera dans le tableau suivant un résumé des analyses des tissus en question effectuées par Revenu Canada. Trois des échantillons renferment des fils bouclés, dont deux contiennent plus de 50 p. 100 en poids de fils bouclés; deux des échantillons renferment du mohair, dont un contient plus de 25 p. 100 en poids de mohair. La masse surfacique des échantillons varie entre 260 et 362 g/m2.

RéSUMé DES ANALYSES DES QUATRE éCHANTILLONS
DES TISSUS EN QUESTION EFFECTUéES PAR REVENU CANADA

Pourcentage de composition par le poids

No de l’échantillon

Fils bouclés

Mohair

Masse surfacique

(g/m2)

PO 22329

66

0

286

PO 22330

86

0

260

PO 22332

28

8

362

PO 22333

0

29

338

Source : Rapports de laboratoire de Revenu Canada.

Revenu Canada a fait remarquer que, dans l’avis d’ouverture d’enquête, il est question de tricots de bouclé et de mohair et a indiqué qu’il fallait être en garde contre l’utilisation des termes «bouclé» et «mohair» au cas où une disposition d’allégement tarifaire serait créée pour chacun des tissus en question. Le terme «bouclé» ne doit pas être utilisé dans le libellé d’une disposition d’allégement tarifaire relativement à un tissu qui ne contient pas de fils bouclés, et le terme «mohair» ne doit pas figurer dans une disposition d’allégement tarifaire relativement à des tissus qui ne contiennent pas de mohair. En outre, il serait plus correct de dire des deux tissus qui contiennent du mohair que ce sont des «tissus contenant du mohair» plutôt que des «tissus de mohair». Pour être qualifiés de tissus de mohair, il faudrait qu’ils contiennent un pourcentage prédominant de mohair. Revenu Canada a également indiqué que l’administration de l’allégement tarifaire, s’il était accordé, ne lui imposerait pas de coûts s’ajoutant à ceux qu’il supporte déjà.

Revenu Canada a informé le Tribunal que les tissus en question sont classés dans le numéro tarifaire 6002.93.00. En 1995, ils étaient passibles de droits de douane de 20,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF et du TPG; de 18,0 p. 100 ad valorem en vertu du TPB, de 7,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif des États-Unis et de 20,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique. Aux termes des Négociations commerciales multilatérales récemment conclues, le tarif NPF doit être réduit à 14,0 p. 100 le 1er janvier 2004.

Revenu Canada a également analysé trois échantillons de tissus de bouclé présentés par Cannon. Selon le rapport de laboratoire, bien que les échantillons ne soient pas identiques à ceux de Le Château, les tissus, s’ils étaient importés au Canada, seraient également classés dans le numéro tarifaire 6002.93.00.

Le Château a l’intention d’utiliser les tissus en question pour produire des hauts, des vestes, des robes et des jupes pour femmes. Le Château conçoit les vêtements, dessine les patrons, taille le tissu sur les patrons, achète les accessoires et fournitures requis, et prépare les vignettes et les étiquettes de taille et de prix. Des entrepreneurs de couture prennent livraison des lots de tissus taillés et autres matériels de Le Château et renvoient les vêtements finis à l’entrepôt de Le Château. Après avoir été inspectés, les vêtements sont distribués dans les magasins Le Château au Canada et aux États-Unis. Le Château vend également des vêtements dans les magasins de la société Sears Canada Inc. au Canada et exporte un petit volume de vêtements vers des magasins en dehors de la chaîne Le Château aux États-Unis.

Le marché apparent de tissus de bouclé et de mohair destinés à être utilisés dans la production de hauts, de vestes, de robes et de jupes pour femmes représentait, en 1995, 88 000 mètres d’importations par Le Château et Paris Star, auxquels il faut ajouter la production nationale de Cannon, de Knitronics International Inc. (Knitronics) et de Les Tissus A&G (1982) Inc. (A&G). En outre, Tiger Brand Knitting Company Limited (Tiger Brand) a produit une quantité non divulguée des tissus en question pour sa propre consommation.

Trois des échantillons des tissus en question que Le Château a présentés ont une construction de jauge 3, tandis qu’un d’entre eux a une construction de jauge 7. La majorité des importations de tissus de bouclé et de mohair effectuées par Paris Star ont une construction de jauge qui varie entre 3 et 5. Dans le cas de la production nationale, les trois échantillons soumis par Cannon provenaient de sa famille de tissus de bouclé et, selon les rapports, ont une construction de jauge plus fine que celle des quatre échantillons des tissus en question fournis par Le Château. Knitronics, un fabricant transformateur qui sous-traite la production de ses tissus, a prétendu que le tissu semblable à du bouclé (un effet de bouclé est créé mécaniquement plutôt que par l’utilisation de fils bouclés) qu’elle a récemment produit avait une construction de jauge plus fine que celle des échantillons des tissus en question de Le Château, tout comme un tissu de bouclé produit par Knitronics il y a cinq ans. Le tissu de bouclé produit par A&G a été dit avoir une construction de jauge 18.

OBSERVATIONS

Le Château a demandé que le tarif NPF soit supprimé pour une période indéfinie ou jusqu’à ce que les producteurs nationaux puissent fournir les tissus en question à temps et à des prix concurrentiels. Paris Star appuie cette demande de Le Château. Selon les estimations, ces deux entreprises économiseraient, en 1995, 138 000 $ en droits.

La demande de Le Château s’applique à tous les tissus de bouclé et de mohair; cependant, ses arguments en faveur de l’allégement tarifaire visent l’importation des tissus en question dont quatre échantillons ont été fournis. Le Château soutient qu’il n’est pas facile d’obtenir les tissus en question de la branche de production nationale et qu’aucun tissu substituable ayant les caractéristiques requises et respectant les normes de qualité éprouvées n’existe au pays.

Le Château affirme que les tricoteurs nationaux qui prétendent pouvoir produire des tissus identiques ou substituables sont incapables de livrer les tissus dans les délais requis, étant donné que les fils spéciaux servant à fabriquer ces tissus ne sont pas disponibles au Canada. Le Château soutient que la quantité de chaque modèle de tissu est insuffisante pour que les producteurs nationaux tricotent des tissus à un coût rentable et affirme que les prix relevés pour les tissus acceptables et substituables produits au Canada sont beaucoup plus élevés que le prix franco dédouané des importations.

Le Château soutient que l’allégement tarifaire fera diminuer le coût des vêtements confectionnés au Canada et que, par conséquent, elle s’attend à exporter davantage vers les États-Unis. Par ricochet, cette hausse des exportations accroîtra le volume de la production canadienne. Le Château soutient que le fait d’importer les tissus en question et de produire des vêtements au Canada lui donne un avantage concurrentiel du fait qu’elle peut réagir rapidement à l’évolution du marché.

Le Château prétend que l’allégement tarifaire sur les tissus en question dont quatre échantillons ont été fournis fera diminuer les prix de détail des vêtements et fera économiser près de 280 000 $ aux consommateurs des produits finals. Le Château affirme que les importations des tissus en question créeront près de 30 000 heures- personnes équivalent de travail. Elle fait valoir que grâce à l’allégement tarifaire, les fabricants décideront dans l’avenir d’importer des tissus plutôt que des vêtements et que ces décisions seront plus faciles à prendre.

Paris Star, qui appuie la demande et importe les tissus en question pour les utiliser dans la confection de vêtements pour femmes, soutient que les tissus de bouclé et de mohair ne constituent pas une proposition viable pour les tricoteurs nationaux. Paris Star, qui est aussi tricoteur, déclare qu’elle ne pourrait jamais concurrencer de façon rentable les producteurs de tissus de bouclé axés sur la mode en Europe et en Orient.

Le Château a fourni le nom de cinq tricoteurs nationaux à qui elle avait demandé des propositions de prix pour les tissus en question, mais qui avaient refusé d’en faire. Une sixième entreprise, Les tissus Knitrama Inc. (Knitrama), a fourni des propositions de prix pour les tissus en question. Les prix relevés pour les quatre échantillons étaient plus élevés que le prix franco dédouané des tissus en question de Le Château et seulement un des prix relevés se rapprochait du prix franco dédouané de l’un des tissus en question. Knitrama n’a pas participé à l’enquête du Tribunal.

Une des entreprises qui a refusé de faire des propositions de prix à la suite de la demande de Le Château était la Compagnie des Textiles Silver Ltée (Textiles Silver). Dans une lettre au Tribunal, Textiles Silver a déclaré qu’elle ne produisait pas de tissus de bouclé et de mohair. Elle a ajouté que si Le Château obtient les tissus en question d’ailleurs, elle ne s’y opposait pas et qu’à son avis les tarifs sur des articles inhabituels n’influent pas sur la demande ou la fourniture de ces articles.

Le Château prétend que Knitronics a également refusé de lui faire des propositions de prix. Knitronics s’oppose à la demande d’allégement tarifaire de Le Château parce qu’un allégement tarifaire permettrait à des tissus de bouclé et ressemblant à du bouclé de jauge plus fine d’entrer au pays en franchise. Knitronics a également affirmé qu’il était possible que des tissus soient mal classés à titre de tissus de bouclé et de mohair et que cela constituait un sérieux problème.

Cannon affirme qu’elle produit les tissus en question et s’oppose à la demande d’allégement tarifaire de Le Château. Cannon fait remarquer que la branche de production des textiles est très concurrentielle et qu’un très petit écart de prix peut avoir une influence sur les acheteurs. L’allégement tarifaire pourrait faire diminuer de beaucoup le volume de vente de Cannon, selon l’importance des tissus en question sur le marché au cours de telle ou telle saison. Ce qui, par ricochet, provoquerait d’importants licenciements de personnel et des pertes de salaires correspondantes.

A&G ne s’oppose pas à la demande d’allégement tarifaire sur les importations des quatre échantillons des tissus en question, mais s’oppose à ce que l’allégement tarifaire s’applique uniformément à tous les tissus de bouclé. Cependant, A&G a déclaré qu’elle n’a pas vendu suffisamment de ses tissus de bouclé en acrylique et en coton pour pouvoir s’opposer à la demande en alléguant des pertes de ventes ou de profits.

Dans son exposé du 26 juin 1995, l’ICT s’est opposé à la demande pour le motif que la portée de la demande n’avait pas été définie dans des termes auxquels les producteurs de textiles pouvaient donner une réponse sensée et que Revenu Canada pourrait administrer de façon fiable. Comme la demande est si vague, le Tribunal n’a pas obtenu les renseignements requis pour évaluer le dommage que l’allégement tarifaire causerait aux producteurs. En examinant la portée de la demande, l’ICT se demande si les termes «bouclé» et «mohair» doivent être pris ensemble ou séparément, soulignant que l’un des échantillons des tissus en question ne contient aucun fil bouclé et que deux échantillons ne contiennent pas de mohair. L’ICT suppose que la demande vise deux catégories de tissus, à savoir les tricots de bouclé et les tricots de mohair. L’ICT souligne également qu’il faudrait définir les termes comme «mohair», «tricot de mohair», «fil bouclé» et «tricot de bouclé» et indiquer précisément quel contenu en mohair est requis dans un tissu pour qu’il soit qualifié de tissu de mohair et en fils bouclés pour qu’un tissu soit qualifié de tissu de bouclé.

L’ICT n’accepte pas la méthode que le personnel du Tribunal a utilisée dans son rapport d’enquête pour calculer les avantages et les coûts, faisant remarquer que cette méthode produira inévitablement des avantages nets sauf lorsque les producteurs nationaux détiennent 100 p. 100 du marché. Il ajoute qu’une réduction tarifaire aura un effet négatif proportionnellement plus marqué sur les marges des producteurs nationaux qu’un effet positif sur les marges bénéficiaires brutes d’un utilisateur. La suppression du tarif fait augmenter le volume des importations, tout comme l’établissement des prix promotionnels dans le secteur de la vente au détail fait grimper les ventes. La différence entre les deux, cependant, est que la distorsion du marché liée à l’allégement tarifaire peut se maintenir indéfiniment, le gouvernement continuant de payer la note, tandis que les promotions des ventes au détail doivent tenir compte de la nécessité pour les détaillants d’être rentables. Par conséquent, l’ICT soutient que l’analyse des avantages et des coûts devrait tenir compte du volume des importations artificiellement créé ou, à titre de solution de rechange, la mesure d’allégement tarifaire devrait prendre la forme d’un contingent tarifaire.

L’ICT constate que les deux producteurs nationaux, à savoir Cannon et Knitronics, s’opposent à la demande d’allégement tarifaire. En outre, A&G et Tiger Brand produisent des tissus qui sont visés par la demande. L’ICT fait aussi remarquer que Borg Textiles Inc. produit des tricots de bouclé avec ruban.

Le 27 octobre 1995, le Tribunal a reçu les propositions d’allégement tarifaire suivantes de l’ICT :

1. Tricots contenant au moins 50 p. 100 en poids de fils bouclés*, évalués à pas moins de 15,00 $/kg, du numéro tarifaire 6002.93.00, destinés à être utilisés dans la confection de vestes, de robes, de jupes, de chandails et d’articles semblables pour femmes.

* Définition : fil bouclé, un fil fantaisie d’apparence très inégale caractérisé par des boucles ou de frisettes, fait de trois éléments ou plus incluant deux fils de fond relativement fins et un fil relativement épais qui a été livré à un rythme plus rapide que les fils de fond.

2. Tricots contenant au moins 25 p. 100 en poids de mohair, évalués à pas moins de 17,50 $/kg, du numéro tarifaire 6002.93.00, destinés à être utilisés dans la confection de vestes, de robes, de jupes, de chandails et d’articles semblables pour femmes.

[Traduction]

L’ICT soutient que ces propositions permettront d’accorder un allégement tarifaire sur trois des quatre échantillons des tissus en question. Il craint que les valeurs minimales utilisées dans les définitions de produits ne suscitent un volume inattendu d’importations en franchise qui concurrencent les prix pratiqués par les producteurs nationaux. Pour éviter que cela ne se produise, l’ICT propose de fixer un contingent tarifaire et déclare que le Tribunal devrait inclure le recours à un contingent tarifaire dans sa recommandation au Ministre.

Le 8 novembre 1995, le Tribunal a reçu de Le Château une lettre lui indiquant que celle-ci était heureuse des propositions de l’ICT. Le Château a déclaré que bien que les propositions de l’ICT ne visent que trois des quatre échantillons des tissus en question, elle était plus que disposée à accepter cette limite.

Paris Star n’a pas répondu aux propositions de l’ICT.

Le 9 novembre 1995, Cannon a présenté au Tribunal sa réponse aux propositions de l’ICT et a, à trois reprises par la suite, donné d’autres explications sur sa position. Cannon s’oppose aux propositions de l’ICT parce qu’elles supprimeraient le tarif sur des tissus importés qui sont identiques ou substituables aux tissus qu’elle produit. Cannon a la capacité de produire des tissus de bouclé qui contiennent au moins 50 p. 100 en poids de fils bouclés et dont le prix de gros rendu moyen serait supérieur à 15 $/kg. Elle a également la capacité de produire des tricots de mohair qui contiennent au moins 25 p. 100 en poids de mohair et dont le prix de gros rendu varierait très probablement entre 15 $ et 18 $/kg. Cannon a déjà produit dans le passé des tricots contenant du mohair. En outre, Cannon a produit en 1994 et 1995 un tissu de bouclé dont le contenu en fils bouclés est supérieur à 50 p. 100 et dont le prix de gros rendu moyen est supérieur à 15 $/kg.

Cannon déclare également qu’il serait probablement difficile de contrôler la valeur par kilogramme étant donné que la valeur déclarée ne reflète pas toujours la valeur réelle. Elle est également d’avis que l’octroi de l’allégement tarifaire irait à l’encontre du principe selon lequel, lorsqu’un produit est fabriqué au Canada, il devrait être acheté au Canada. Enfin, Cannon croit que sa production des tissus en question la met dans une situation défavorable du point de vue de la concurrence, puisque les fils sont assujettis à un droit lorsqu’ils sont importés d’un pays non partie à l’ALÉNA.

ANALYSE

Conformément à son mandat, le Tribunal doit mener des enquêtes sur les demandes d’allégement tarifaire et formuler des recommandations qui procureront des gains économiques nets maximaux au Canada. Le Tribunal doit évaluer l’incidence économique de l’allégement tarifaire sur les producteurs nationaux de textiles et les entreprises situées en aval, en tenant compte de tous les facteurs économiques pertinents, notamment de la substituabilité des tissus produits au Canada.

Pour décider que la demande d’allégement tarifaire de Le Château visait deux catégories distinctes de tissus, l’une faite de tricots de bouclé et l’autre, de tricots contenant du mohair, le Tribunal s’est inspiré des analyses de quatre échantillons effectuées par Revenu Canada et a pris en compte le fait que Le Château a accepté les propositions de l’ICT. Ces propositions ont été faites en assumant que Le Château avait fait une demande pour deux catégories de tissus. Le Tribunal examinera chacune de ces catégories à tour de rôle.

La demande d’allégement tarifaire de Le Château concernant les tricots de bouclé a une portée plutôt étendue et ne s’accompagne d’aucune caractéristique technique précisant, par exemple, le titre du fil, la masse surfacique du tissu ou le pourcentage de fils bouclés contenu dans le tissu, qui limiterait la portée de la demande. Vu la grande portée de celle-ci, le Tribunal estime que les tissus de bouclé produits au Canada par A&G et Cannon sont identiques aux tricots de bouclé importés pour lesquels Le Château demande un allégement tarifaire. Le Tribunal estime qu’un allégement tarifaire sur les tricots de bouclé aura une incidence négative sur les producteurs nationaux. Par conséquent, compte tenu des renseignements disponibles, le Tribunal est d’avis qu’il ne convient pas de recommander qu’un allégement tarifaire soit accordé sur les tricots de bouclé.

Le Tribunal a également été saisi de la proposition faite par l’ICT visant à accorder un allégement tarifaire sur les tissus contenant au moins 50 p. 100 en poids de fils bouclés et ayant une valeur d’au moins 15 $/kg. L’ICT a assorti cette proposition d’une définition de l’expression «fil bouclé». La proposition et la définition ont été acceptées par les membres de l’ICT. Le Château est également satisfaite de la proposition et de la définition. Le Château accepte la proposition, même si l’un des échantillons des tissus en question ne serait pas admissible à l’allégement tarifaire, si la proposition était mise en œuvre, du fait qu’il ne contient que 28 p. 100 en poids de fils bouclés et 8 p. 100 en poids de mohair. Cannon n’accepte pas la proposition. Elle a produit en 1994 et 1995 des tricots de bouclé contenant plus de 50 p. 100 en poids de fils bouclés dont le prix de gros rendu était supérieur à 15 $/kg et, dans l’avenir, elle produira également, sur demande, des tissus ayant les mêmes caractéristiques. Le contenu en fils bouclés de ces tissus relève de la même catégorie que celle des tricots de bouclé qui bénéficieraient d’une entrée en franchise en vertu de la proposition de l’ICT. En outre, le prix par kilogramme des tissus de Cannon tomberait dans la même gamme que celui des tissus importés pour lesquels un allégement tarifaire a été accordé. Le Tribunal est, par conséquent, d’avis que ces importations en franchise auront une incidence économique défavorable sur Cannon et que cette incidence l’emportera sur tous les avantages qui pourraient découler de l’allégement tarifaire selon la proposition de l’ICT.

Cannon s’oppose également à la demande en ce qui a trait aux tricots contenant du mohair et n’accepte pas la proposition de l’ICT visant à accorder un allégement tarifaire sur les tricots contenant du mohair. Cannon a déjà produit dans le passé des tricots contenant du mohair et déclare qu’elle produira des tricots contenant du mohair dans l’avenir selon la demande du marché. Ces tissus pourraient avoir un contenu en mohair et un prix par kilogramme qui relèvent des mêmes catégories que celles des tissus importés contenant du mohair, tissus qui bénéficieraient d’une entrée en franchise en vertu de la proposition de l’ICT. Le Tribunal conclut, sur la foi des renseignements disponibles, que les importations de tricots contenant du mohair auront sur Cannon un effet économique négatif supérieur à tous les avantages que pourrait générer un allégement tarifaire fondé sur la demande ou sur la proposition de l’ICT.

Le Tribunal estime que l’octroi de l’allégement tarifaire selon la demande de Le Château ou les propositions de l’ICT ne procureront pas de gains économiques nets maximaux au Canada. Le Tribunal est conscient du fait que la mode des tricots contenant des fils bouclés ou du mohair va et vient plutôt rapidement sur le marché. Le Tribunal fait remarquer que si, à un moment quelconque dans l’avenir, Le Château a besoin d’utiliser dans ses activités de confection de vêtements, des tricots particuliers contenant des fils bouclés ou du mohair qu’elle ne peut trouver de sources canadiennes, elle peut alors faire une demande d’allégement tarifaire sur les importations de tels tissus.

RECOMMANDATION

Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal recommande au Ministre de ne pas accorder l’allégement tarifaire sur les importations de tricots de bouclé, classés dans le numéro tarifaire 6002.93.00, destinés à être utilisés pour produire des hauts, des vestes, des robes et des jupes pour femmes. Le Tribunal recommande également que l’allégement tarifaire ne soit pas accordé sur les importations de tricots contenant du mohair, classés dans le numéro tarifaire 6002.93.00, destinés à être utilisés pour produire des hauts, des vestes, des robes et des jupes pour femmes.

Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre présidant


Robert C. Coates, c.r.
_________________________
Robert C. Coates, c.r.
Membre


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Vol. 129, n o 16 à la p. 1210.

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).


[ Table des matières]

Publication initiale : le 28 août 1996