PALLISER FURNITURE LTD.

Enquêtes


RAPPORT AU MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE PAR
PALLISER FURNITURE LTD.
CONCERNANT CERTAINES SANGLES
DE CAOUTCHOUC TISSÉES
LE 23 AOÛT 1995

TABLE DES MATIERES


Demande no : TR-94-010

Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
Desmond Hallissey, membre
Lyle M. Russell, membre


Directeur de la recherche : Marcel J.W. Brazeau


Gestionnaires de la recherche : John O’Neill
Douglas Cuffley


Avocat pour le Tribunal : Heather A. Grant


Agent à l’inscription et
à la distribution : Claudette Friesen

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat de faire enquête sur les demandes présentées par des producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu, le 28 février 1995, de la société Palliser Furniture Ltd. (Palliser), de Winnipeg (Manitoba), une demande de suppression permanente des droits de douane sur les importations de sangles tissées de 2 po de largeur, constituées de caoutchouc à 28 p. 100 et de polypropylène à 72 p. 100, présentant un taux d’allongement de 100 p. 100 et une charge de rupture de 330 kg, et de sangles tissées de 3 po de largeur, constituées de caoutchouc à 35 p. 100 et de polypropylène à 65 p. 100, présentant un taux d’allongement de 90 p. 100 et une charge de rupture de 350 kg, destinées à être utilisées pour fabriquer des meubles rembourrés en cuir (les tissus en question).

Le 12 avril 1995, estimant que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête qui a fait l’objet d’une diffusion à grande échelle et a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 22 avril 1995.

Palliser prétend qu’elle ne peut acheter de tissus identiques ou substituables à partir de la production nationale. Les tissus en question sont utilisés au lieu des ressorts dans la fabrication de meubles. Selon Palliser, ces tissus donnent aux sièges une durabilité supérieure et un confort plus grand. Ils reprennent leur forme d’origine sans s’affaisser, tandis que les ressorts s’affaissent après des utilisations répétées.

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a fait parvenir des questionnaires aux producteurs nationaux potentiels de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Des questionnaires ont également été envoyés aux utilisateurs connus et potentiels des tissus en question destinés à être utilisés pour fabriquer des meubles rembourrés en cuir ainsi qu’à des importateurs connus et potentiels des tissus en question. Une lettre a été envoyée au ministère du Revenu national (Revenu Canada) pour obtenir des renseignements sur le classement tarifaire des tissus en question, et des échantillons ont été fournis aux fins d’analyse en laboratoire. Des lettres ont également été expédiées à plusieurs autres ministères pour obtenir des renseignements et des avis.

Un rapport d’enquête du personnel, résumant les données fournies par les ministères susmentionnés, Palliser et les autres entreprises qui ont répondu aux questionnaires, a été remis aux parties qui avaient déposé des actes de comparution dans le cadre de la présente enquête, soit : 1) Palliser, le demandeur; 2) Fornirama Inc. (Fornirama) de Montréal (Québec), un autre producteur de meubles rembourrés en cuir; 3) Les Distributions Rondex Ltée (Rondex) de Montréal, un importateur et distributeur des tissus en question; 4) l’Institut canadien des textiles (l’ICT), l’association d’industries; et 5) trois producteurs de textiles, à savoir Narroflex, division of Wentworth Textiles Inc. (Narroflex) de Stoney Creek (Ontario), Belding Corticelli de Montréal et Trade Flex Inc. de Stoney Creek.

Par suite de la publication du rapport d’enquête du personnel, Palliser a été la seule partie à déposer un exposé auprès du Tribunal. Bien que l’ICT ait déposé un acte de comparution, il n’a déposé ni exposé préliminaire ni exposé définitif dans le cadre de la présente enquête. Aucune audience publique n’a été tenue aux fins de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

Les tissus en question sont fabriqués en Italie et sont donc passibles de droits de douane en vertu du tarif NPF lorsqu’ils sont importés au Canada. Ils sont classés aux fins des douanes dans le numéro tarifaire 5806.20.00.29 de l’annexe I du Tarif des douanes [2] . Les tissus en question sont passibles de droits de douane de 20,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF.

Les tissus en question sont utilisés par Palliser pour fabriquer des meubles rembourrés en cuir. Ils sont fixés sur une carcasse de meuble en bois, le cuir est taillé et cousu, puis le meuble est rembourré.

Quoique la présente enquête se limite à l’allégement tarifaire sur les tissus en question destinés à être utilisés pour produire des meubles rembourrés en cuir, certains producteurs de meubles semblent utiliser également les tissus en question pour fabriquer des meubles rembourrés en tissu, bien qu’aucun de ces producteurs de meubles n’ait décidé de présenter des observations au Tribunal concernant la demande d’allégement tarifaire.

Le volume estimatif total des importations canadiennes des tissus en question pour 1994 se situait entre 10 000 et 20 000 kg, ce qui représente une valeur en douane totale d’environ 80 000 $ à 160 000 $. Selon les estimations, les droits de douane payables sur les importations en provenance de l’Italie se situent entre 16 000 $ et 32 000 $.

OBSERVATIONS

Le Tribunal a envoyé des questionnaires à sept utilisateurs potentiels, autres que Palliser, des tissus en question destinés à être utilisés pour produire des meubles rembourrés en cuir. Quatre de ces fabricants n’utilisent pas les tissus en question ou en éliminent progressivement l’utilisation pour revenir aux ressorts dans leur production de meubles rembourrés en cuir. Un des autres utilisateurs, Meubles RE-NO, utilise les tissus en question, mais n’a pas répondu au questionnaire du Tribunal. Une autre entreprise, Dutailier Inc., utilise les tissus en question et a exprimé son appui à la demande d’allégement tarifaire déposée par Palliser, mais n’a pas répondu au questionnaire du Tribunal. La septième entreprise, Fornirama, a déposé sa réponse au questionnaire auprès du Tribunal. Par conséquent, l’industrie qui utilise les tissus en question est représentée par Palliser et Fornirama. Ces deux utilisateurs soutiennent que des tissus identiques ou substituables ne sont pas produits au Canada et demandent la suppression du tarif.

Palliser prétend que l’allégement tarifaire demandé lui permettra d’utiliser les tissus en question dans une plus grande partie de sa production et que les économies de coûts amélioreront sa compétitivité et accroîtront sa part du marché par rapport aux meubles importés tant au Canada qu’aux États-Unis.

Fornirama a déclaré que l’allégement tarifaire l’aiderait à conserver sa position concurrentielle face aux importations de meubles rembourrés en cuir, particulièrement les importations en provenance des États-Unis, qui ont un taux de droit de douane inférieur pour des sangles similaires et d’autres produits auxiliaires.

Des questionnaires ont ét?E9‚ envoyés à plusieurs producteurs nationaux potentiels de tissus étroits. LaGran Canada Inc. (LaGran) a fait parvenir une lettre dans laquelle elle indiquait qu’elle ne pouvait pas s’engager à fournir des tissus identiques aux tissus en question, même si la chose est techniquement faisable. Selon LaGran, ces tissus exigent une série de production spéciale et un volume de commandes minimal que le marché ne pourrait assurer. Narroflex est la seule entreprise qui a répondu au questionnaire. Elle fabriquait une sangle similaire de 2 po de largeur, mais elle n’en a pas produit depuis 1992 parce qu’elle n’a pas reçu de commande ou de demande de renseignements visant cette sangle. Même si Narroflex a cessé de produire ce tissu, elle s’oppose à la demande d’allégement tarifaire parce qu’elle croit que l’industrie canadienne peut produire des tissus identiques ou substituables à un prix concurrentiel et que cette dernière peut approvisionner le marché. Narroflex a déclaré que le fait d’accorder la demande d’allégement tarifaire créerait un dangereux précédent qui pourrait avoir des conséquences néfastes sur la rentabilité de la production de tissus étroits au Canada. Elle a en outre soutenu que, selon les quelques renseignements dont elle disposait, le coût des sangles de caoutchouc ne semblait pas constituer une grande partie du coût d’un meuble. Par conséquent, la suppression des droits de douane sur les tissus en question ne suffirait vraisemblablement pas, en elle-même, à améliorer la compétitivité de Palliser face aux importations de meubles rembourrés en cuir.

En réponse aux exposés écrits déposés par les parties intéressées, Palliser a présenté des observations sur les commentaires de Narroflex indiqués ci-dessus. Palliser a contesté l’opinion exprimée par Narroflex qui soutenait que l’industrie du tissu étroit déjà en place au Canada pouvait fournir des tissus identiques ou substituables. Elle a en outre fait valoir qu’aucune entreprise de cette industrie ne fabrique actuellement un produit similaire. Pour ce qui est du commentaire selon lequel le droit de douane imposé sur les tissus en question ne constitue pas une grande partie du coût d’un meuble, Palliser soutient que l’accroissement de la compétitivité est fonction de certains facteurs comme la conception, l’amélioration du produit, le service et la réduction des coûts. La réduction des coûts peut rarement être obtenue par des changements importants et spectaculaires. Si des gains de rendement peuvent être enregistrés ou des économies réalisées dans un certain nombre de domaines plus petits, il en découlera des répercussions importantes sur sa compétitivité. Palliser est aussi d’avis que l’allégement tarifaire sera un facteur qui lui permettra de continuer l’agrandissement de ses installations de fabrication et contribuera à accroître les possibilités d’emploi pour les Canadiens.

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a informé le Tribunal que le Canada n’a pas de contingents de sangles tissées étroites qui sont classées dans le numéro tarifaire 5806.20.00.29. Cependant, les tissus classés dans ce numéro tarifaire se trouvent sur la Liste de marchandises d’importation contrôlée et tout importateur qui désire importer ces tissus, sauf ceux originaires des États-Unis ou du Mexique, doit obtenir une licence d’importation conformément à la Loi sur les licences d’exportation et d’importation [3] .

Selon Revenu Canada, l’administration de l’allégement tarifaire, s’il est accordé, ne lui imposerait pas de coûts s’ajoutant à ceux qu’il supporte déjà.

ANALYSE

Selon les niveaux antérieurs des importations des tissus en question et les projections à cet égard fournies par les utilisateurs des tissus en question, les principaux avantages directs issus de l’allégement tarifaire se situeraient entre 20 000 $ et 30 000 $ par année.

L’avantage secondaire, ou indirect, possible pour les utilisateurs des tissus en question pourrait être une augmentation de la part du marché du meuble que les utilisateurs détiennent au Canada. Ces utilisateurs des tissus en question tireraient des bénéfices parce que des volumes de ventes croissants mènent à des économies d’échelle qui pourraient entraîner une diminution des coûts de production et, possiblement, à une hausse de leurs profits ou à une baisse des prix à la consommation.

Étant donné que des tissus identiques ou substituables ne sont plus produits au Canada et que les producteurs nationaux potentiels de ces tissus ne fournissent pas actuellement de sangles de caoutchouc ni à Palliser ni à Fornirama, l’élimination du tarif sur les tissus en question n’entraîne aucun coût commercial. Il n’y a en outre aucune ramification connue pour le Canada dans un accord commercial avec d’autres pays.

Bien que Narroflex déclare que l’industrie canadienne peut produire des tissus identiques ou substituables à un prix concurrentiel et qu’elle peut approvisionner le marché, le Tribunal ne peut donner beaucoup de poids à cette déclaration si elle n’est pas prouvée par des prix, une capacité de production possible et une volonté des producteurs canadiens de fournir ces tissus.

L’élimination du tarif pourrait avoir des répercussions favorables sur la compétitivité de Palliser sur le marché national et sur celle d’autres fabricants de meubles rembourrés en cuir par rapport aux importations de meubles. Cette mesure devrait améliorer la sécurité d’emploi des personnes qui travaillent déjà dans ce secteur de l’industrie au Canada et pourrait offrir davantage de possibilités d’emploi pour d’autres dans l’avenir.

Comme l’élimination du tarif sur les tissus en question profitera à tous les utilisateurs en leur permettant de réduire les coûts des intrants et en accroissant leur position concurrentielle sur le marché canadien par rapport aux importations de meubles et qu’elle n’entraînera aucun coût pour aucun producteur canadien, cette élimination semble constituer un gain commercial net incontestable pour le Canada. Le seul coût associé à l’élimination du tarif serait la perte des revenus subie par les droits imposés sur les importations des tissus en question.

Par conséquent, le Tribunal croit que l’allégement tarifaire permanent est la recommandation appropriée dans les circonstances. Il reconnaît aussi qu’un allégement permanent des droits contribuera à la stabilité de l’environnement de l’entreprise, ce qui, en retour, favorisera les investissements et la croissance.

Enfin, l’importateur et distributeur des tissus en question au Canada, Rondex, a demandé que, l’allégement tarifaire, s’il est accordé, ne soit pas limité à l’utilisation finale de la production de meubles rembourrés en cuir. Il devrait plutôt s’appliquer à la production de tous les meubles rembourrés. Il n’y a eu aucune objection à l’endroit de cette demande. En fait, Palliser a indiqué qu’elle appuyait la demande de Rondex quand elle a répondu aux commentaires des autres parties. Le Tribunal ne voit donc aucune objection à accorder l’allégement tarifaire sur les importations des tissus en question destinés à être utilisés dans la production de tous les meubles rembourrés.

RECOMMANDATION

Compte tenu de ce qui précède et des éléments de preuve dont le Tribunal a été saisi dans cette affaire, le Tribunal recommande au Ministre, par la présente, de supprimer de façon permanente tous les droits de douane sur les importations de sangles tissées contenant du fil de caoutchouc qui sont classées dans le numéro tarifaire 5806.20.00, destinées à être utilisées pour fabriquer des meubles rembourrés.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


Lyle M. Russell
_________________________
Lyle M. Russell
Membre


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. L.R.C. (1985), ch. E - 19.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 28 août 1996