LES INDUSTRIES CANATEX

Enquêtes


RAPPORT AU
MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE PAR
LES INDUSTRIES CANATEX
(DIVISION DE TRICOT RICHELIEU INC.)
CONCERNANT
CERTAINS FILS CONTINUS EN NYLON
LE 24 MARS 1995

TABLE DES MATIERES


Demande no : TR-94-001

Membres du Tribunal : Anthony T. Eyton, membre présidant
Arthur B. Trudeau, membre
Raynald Guay, membre


Directeur de la recherche : Réal Roy


Gestionnaire de la recherche : Douglas Cuffley


Avocat pour le Tribunal : David Attwater


Agent à l’inscription et
à la distribution : Claudette Friesen


Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15 e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 7 novembre 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu de la société Les Industries Canatex (division de Tricot Richelieu Inc.) (Canatex), de Sorel (Québec), une demande de suppression immédiate et permanente des droits de douane sur les importations, en provenance de tous les pays, du fil continu partiellement étiré (POY) constitué de nylon à 100 p. 100, écru ou teint à l’aide de solutions, titrant moins de 50 tex et de type 6 ou 6.6 (le fil en question).

Le 25 novembre 1994, estimant que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête qui a fait l’objet d’une diffusion à grande échelle et a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 3 décembre 1994.

Canatex a soutenu qu’elle ne peut acheter le fil en question à partir de la production intérieure. Le fil en question est utilisé pour produire le fil de nylon texturé, qui sert ensuite à fabriquer des produits comme des articles chaussants, de la dentelle, des vêtements, des enduits et de la lingerie.

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a fait parvenir des questionnaires à un ancien producteur du fil en question, à des utilisateurs connus du fil en question et à un échantillon d’importants utilisateurs de fils de nylon texturés faits à partir du fil en question. Une lettre a été envoyée au ministère du Revenu national pour obtenir des renseignements sur le classement tarifaire du fil en question et un échantillon a été fourni pour être analysé en laboratoire. De plus, une lettre a été envoyée au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour obtenir des renseignements sur les restrictions quantitatives appliquées aux importations du fil en question. Les fonctionnaires des ministères de l’Industrie et des Finances ont également été informés de la demande.

Un rapport d’enquête du personnel, résumant les données fournies par ces ministères, Canatex et les autres entreprises qui ont répondu aux questionnaires, a été remis aux parties qui avaient déposé des actes de comparution dans le cadre de la présente enquête, soit : 1) l’Institut canadien des textiles (l’ICT), l’association de l’industrie; 2) Canatex, le demandeur; et 3) Bermatex Inc. (Bermatex), de Montmagny (Québec), un autre producteur de fils de nylon texturés.

L’ICT a déposé un mémoire auprès du Tribunal, tandis que Canatex et Bermatex ont répondu au questionnaire du Tribunal. Aucune audience publique n’a été tenue aux fins de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

La présente enquête porte sur le fil continu partiellement étiré (POY) constitué de nylon à 100 p. 100, écru ou teint à l’aide de solutions, titrant moins de 50 tex [1] et de type 6 ou 6.6.

Le fil en question est classé aux fins des douanes dans le numéro tarifaire 5402.41.10 de l’annexe I du Tarif des douanes [2] . Il est passible de droits de douane de 10 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF, de 6,5 p. 100 ad valorem et de 8,52 ¢/kg en vertu du TPG et est admis en franchise de droits en vertu du tarif du Mexique. À l’heure actuelle, le fil en question est admis en franchise de droits en vertu du tarif des É.U. sous réserve de l’application du code 9650 du Décret de réduction accélérée des droits de douane.

Le fil en question est fait de polymère de nylon. Le fil de nylon est produit par extrusion de polymère de nylon fondu à travers une filière, un dispositif en métal présentant de petits orifices dont le nombre détermine le nombre de filaments. Les filaments sont ensuite solidifiés par trempe, étirés et enroulés autour d’une bobine. Le fil de nylon peut être entièrement étiré ou plat, c.-à-d. que les molécules de polymère se retrouvent en ligne droite, ou partiellement étiré, comme l’est le fil en question, les molécules étant réparties en zigzag.

Le fil en question est disponible aux États-Unis, au Mexique, en Allemagne, au Royaume-Uni, en Italie, en France, en Turquie, en Israël, en Taiwan et dans d’autres pays d’Asie. Il est offert en deux types, soit les types 6 et 6.6, qui se distinguent par la structure moléculaire du fil et par les divers produits chimiques entrant dans la composition du polymère.

Trois entreprises canadiennes utilisent le fil en question pour fabriquer d’autres produits, c.-à-d. du fil de nylon texturé. Outre Canatex, Bermatex et Shefford Textiles Ltée (Shefford), de Waterloo (Québec), sont des producteurs connus de fils de nylon texturés.

Canatex exploite deux usines situées toutes deux au Québec, l’une à Pintendre et l’autre à Norbertville. Les deux usines se consacrent entièrement à la production de fils de nylon texturés. Elles tournent 24 heures par jour, 7 jours par semaine, et comptent plus de 50 employés au total.

Bermatex et Shefford exploitent chacune une usine. Les ventes de fils de nylon texturés produits à ces deux usines interviennent pour 10 à 20 p. 100, respectivement, du chiffre d’affaires total de ces sociétés.

Le fil de nylon texturé est un fil continu de nylon traité pour lui conférer du volume et le rendre extensible. Les molécules de polymère d’un POY sont réparties en zigzag. Selon le procédé de texturation utilisé par Canatex, le POY est introduit dans un four puis étiré à l’aide de cylindres pour assurer l’alignement des molécules. Le POY est étiré de près du quart de sa longueur initiale. Par exemple, un POY titrant 105 décitex donnera un fil titrant 78 décitex, une fois texturé. Le fil est ensuite refroidi en se déplaçant sur une plaque de refroidissement. Il est soumis à une fausse torsion au moyen de disques de frottement pour lui donner une texture et du volume. Deux fils ou plus peuvent être réunis en traversant un jet d’air qui a pour effet de les entrecroiser. Le fil obtenu est ensuite enroulé sur un fuseau dont le diamètre est préétabli.

Le fil de nylon texturé de milieu de gamme (titrant entre 65 et 160 décitex) produit par Canatex sert principalement (à 50 p. 100) à fabriquer des articles chaussants et des collants auxquels il confère l’extensibilité, la résistance et le maintien de la forme. Il sert aussi à fabriquer une foule d’autres articles, tels que : 1) des vêtements de dessus, des maillots de bain, des vêtements d’entraînement et des vêtements de sport (25 p. 100); 2) de la dentelle pour rideaux et nappes (10 p. 100); 3) de la lingerie, des garnitures et du ruban élastique (5 p. 100); et 4) des enduits, des tricots qui forment l’endos de sièges en vinyle pour conférer à ce dernier les propriétés nécessaires d’extensibilité et de maintien de la forme (10 p. 100). Les fils de 77 décitex (70 deniers) et de 110 décitex (100 deniers) sont les plus recherchés dans cette gamme.

Le fil de nylon texturé de moins de 65 décitex sert principalement à fabriquer des bas-culottes, alors que celui de plus de 160 décitex est surtout employé à des fins industrielles, comme la fabrication de coussins pneumatiques de sécurité pour les automobiles, et sert également à fabriquer d’autres vêtements, comme les culottes de hockey et les tricots chaîne Rachel entrant dans la production de vêtements d’entraînement et de corsages-culottes.

Le volume estimatif total des importations canadiennes du fil en question pour 1994 se situe entre 1,5 et 2,0 millions de kilogrammes, ce qui représente une valeur en douane totale d’environ 7 à 9 millions de dollars. Autrefois, ces importations provenaient largement des États-Unis et, dans une moindre mesure, d’Europe. Il est prévu que ces importations augmenteront de 13 p. 100 entre octobre 1994 et septembre 1995 par rapport à la période de 12 mois précédente. Toutefois, selon les trois producteurs de fils de nylon texturés, il est probable que ces importations proviendront en majeure partie d’Europe puisque la production des États-Unis est insuffisante. Les droits de douane payables sur les importations proposées en provenance de l’Europe totaliseraient entre 0,5 et 1,0 million de dollars.

Le marché canadien estimatif des fils de nylon texturés fabriqués à partir du fil en question représente entre 3,0 et 4,0 millions de kilogrammes. Les producteurs canadiens de fils de nylon texturés interviennent pour près de 50 p. 100 du marché, les importateurs de fils de nylon texturés se partageant le reste.

OBSERVATIONS

Les trois producteurs de fils de nylon texturés ont demandé la suppression des tarifs douaniers. Ils ont soutenu qu’il n’existe aucun produit de substitution pour le fil en question. Le fil en question sert à fabriquer du fil de nylon texturé et, même si d’autres produits peuvent être substituables au fil de nylon texturé, seul le POY de nylon, le fil en question non texturé, peut servir à fabriquer du fil de nylon texturé.

Canatex a demandé que l’allégement tarifaire, s’il est accordé, entre en vigueur rétroactivement à la date de la demande. Elle a soutenu que cela l’aiderait à compenser une hausse de prix imposée récemment par son fournisseur. Le cas échéant, la valeur de l’avantage accordé à Canatex pour la période comprise entre la date de la demande (le 7 novembre 1994) et celle de la recommandation au ministre des Finances (le 24 mars 1995) se situerait entre 150 000 $ et 250 000 $.

DuPont Canada Inc. (DuPont), qui était le seul producteur canadien du fil en question, a mis fin à ses opérations de production en 1988. La société n’était pas une partie à l’enquête du Tribunal et ne s’est pas opposée à la demande d’allégement tarifaire de Canatex. DuPont a toutefois confirmé qu’elle a arrêté de produire le fil en question au Canada en août 1988, ayant converti son matériel pour produire d’autres fils, et qu’elle n’entendait pas produire le fil en question dans un avenir prévisible.

Les utilisateurs de fils de nylon texturés faits à partir du fil en question qui ont répondu au questionnaire du Tribunal ont tous appuyé la demande formulée par Canatex.

L’ICT a soutenu que, s’il est appliqué, l’allégement tarifaire demandé ne devrait être que «temporaire», mais sans couvrir nécessairement une période déterminée. L’ICT s’oppose à toute concession tarifaire unilatérale et permanente à l’égard des textiles. L’ICT a ajouté que le ministère des Finances a suivi une pratique établie depuis longtemps qui consiste à rejeter les demandes concernant l’entrée en vigueur rétroactive de mesures d’allégement tarifaire. Selon l’ICT, les nouveaux codes d’annexe s’appliquent à compter de leur date de mise en œuvre par décret et ne sont, à toutes fins pratiques, jamais rétroactifs.

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a révélé au Tribunal que le Canada impose à l’heure actuelle des contingents sur les importations de fils continus et de filés en nylon en provenance de la République de Corée et de Taiwan dans le cadre d’un plafond global visant ces filés et d’autres filés de fibres chimiques. Les accords régissant ces restrictions sont en place depuis 1979. Les restrictions s’appliquent à un ensemble général de produits et représentent des niveaux beaucoup plus élevés que ceux du marché des fils de nylon texturés de milieu de gamme. Selon les statistiques sur les permis d’importation, le total combiné des importations de fils de nylon en provenance de la République de Corée et de Taiwan est demeuré relativement modeste au cours des dernières années; il est inférieur à 50 000 kilogrammes par année, en moyenne, ce qui correspond à moins de 1 p. 100 des niveaux prévus par les accords.

Selon le ministère du Revenu national, l’administration de l’allégement tarifaire, s’il est accordé, ne lui imposerait pas de coûts s’ajoutant à ceux qu’il supporte déjà.

ANALYSE

Selon les niveaux antérieurs des importations du fil en question et des projections à cet égard fournies par les trois utilisateurs canadiens du fil en question, le principal avantage direct issu de l’allégement tarifaire représenterait entre 0,5 et 1,0 million de dollars par année si le fil en question était assujetti au taux NPF. La suppression des tarifs douaniers entraînerait sans doute une certaine répartition de cet avantage parmi les utilisateurs du fil en question et leurs clients selon le niveau de concurrence, sur le marché intérieur, pour les produits fabriqués à partir du fil en question.

Un avantage secondaire ou indirect possible pour les utilisateurs du fil en question importé des pays non-ALÉNA pourrait être un accroissement de leur part du marché intérieur apparent de fils de nylon texturés produits à partir du fil en question, s’ils décidaient de faire bénéficier leurs clients d’une partie ou de la totalité des économies découlant de la suppression des droits. Ces utilisateurs du fil en question seraient avantagés puisque l’augmentation du volume des ventes pourrait donner lieu à des économies d’échelle qui entraîneraient une baisse des coûts de production et, peut-être, une hausse de leurs bénéfices ou une baisse des prix pour leurs clients.

Étant donné que le fil en question n’est plus produit au Canada et que les importations du fil en question en provenance des États-Unis, le principal fournisseur du fil en question du Canada, entrent au pays en franchise de droits depuis 1990, la suppression des tarifs douaniers sur le fil en question serait sans conséquence sur le plan commercial. En outre, d’après les accords commerciaux que le Canada a conclu avec d’autres pays, cette mesure ne porte pas à conséquence [3] pour le Canada.

La suppression des tarifs douaniers devrait avoir un effet bénéfique sur la compétitivité intérieure de Canatex et d’autres importateurs et producteurs face aux importations de fils de nylon texturés. Cela devrait renforcer la sécurité d’emploi des travailleurs de ce secteur industriel au Canada et pourrait améliorer les perspectives d’emploi pour d’autres dans l’avenir.

Puisque la suppression des tarifs douaniers sur le fil en question conférera un avantage aux trois utilisateurs sous la forme d’une réduction des coûts des intrants et d’un renforcement de leur compétitivité sur le marché canadien face aux importations de fils de nylon texturés et que cette mesure n’entraînera aucun coût pour les producteurs canadiens, il semblerait que la suppression des tarifs douaniers sur le fil en question assurera sans équivoque des gains commerciaux nets au Canada. Le seul coût associé à la suppression des tarifs douaniers serait une perte de recettes pour le gouvernement au chapitre des droits à l’importation du fil en question provenant de pays autres que les États-Unis et le Mexique.

Le Tribunal estime que l’allégement tarifaire permanent constitue la recommandation la plus appropriée. DuPont est la seule entreprise qui dispose du matériel nécessaire à la production du fil en question au Canada. Toutefois, dans le cadre d’un plan visant à rationaliser l’offre et la demande des fils de nylon, elle a arrêté de produire le fil en question au Canada en août 1988. DuPont a remis à neuf son matériel de production à grands frais afin d’accroître sa capacité de fabriquer d’autres produits de nylon pour lesquels son usine de Kingston (Ontario) deviendra l’unique fournisseur à l’échelle mondiale. La société n’entend pas recommencer à produire au Canada le fil en question dans un avenir prévisible. C’est pourquoi DuPont a opté pour la neutralité dans ce dossier. Dans ces circonstances, et parce que le Tribunal reconnaît que la stabilité du climat commercial stimulera l’investissement et la croissance, il estime qu’un allégement tarifaire permanent est justifié.

Quant à la demande de Canatex concernant l’entrée en vigueur rétroactive de l’allégement tarifaire, le Tribunal ne croit pas que des circonstances exceptionnelles liées à la compétitivité justifient une telle recommandation.

RECOMMANDATION

Compte tenu de ce qui précède et des éléments de preuve fournis, le Tribunal recommande, par la présente, au ministre des Finances de supprimer en permanence les droits de douane sur les importations, en provenance de tous les pays, du fil continu partiellement étiré (POY) constitué de nylon à 100 p. 100, écru ou teint à l’aide de solutions, titrant moins de 50 tex et de type 6 ou 6.6.

Anthony T. Eyton
_________________________
Anthony T. Eyton
Membre présidant


Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre


Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre


1. La masse linéique d’un fil détermine sa taille ou sa finesse. Le «tex» est l’unité de mesure standard de la masse linéique exprimée en grammes par 1 000 mètres de longueur. Par exemple, un fil d’un tex a une masse égale à un gramme par 1 000 mètres. L’emploi du système tex de numérotage des fils et de tous les types de fibres doit progressivement remplacer les nombreux systèmes de numérotage utilisés pour le coton, les lainages et le fil peigné, de même que le denier comme système de numérotage ou de titrage. Dans le cas du fil en question, l’industrie utilise couramment le décitex ou le denier. Le décitex est un sous - multiple du tex; il indique la masse en décigrammes par 1 000 mètres. Dix décitex correspondent à un tex. Le denier est une ancienne unité de mesure; un denier à une masse égale à 0,05 gramme par 450 mètres, soit 1,11 décitex. Un fil de nylon texturé courant de 70 deniers équivaut à 78 décitex ou 7,8 tex. Le numéro tarifaire, dans lequel est classé le fil en question, englobe toutes les tailles jusqu’à 50 tex (500 décitex ou 450 deniers).

2. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

3. Toutefois, si l'allégement tarifaire est accordé, cela pourrait éliminer l'avantage tarifaire dont bénéficient à l'heure actuelle les exportateurs régis par le TPG et l'ALÉNA.


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Publication initiale : le 15 octobre 1996