TEXTILE HANDLER (CANADA) INC.

Enquêtes


RAPPORT AU
MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE PAR
TEXTILE HANDLER (CANADA) INC.
CONCERNANT
CERTAINS NONTISSÉS THERMOLIÉS
LE 23 OCTOBRE 1996

TABLE DES MATIERES


Demande no : TR-95-054

Membres du Tribunal : Raynald Guay, membre présidant
Charles A. Gracey, membre
Desmond Hallissey, membre

Directeur de la recherche : Réal Roy

Gestionnaire de la recherche : Audrey Chapman

Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud

Agent à l’inscription et
à la distribution : Claudette Friesen

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat [2] de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu, le 8 octobre 1995, de la société Textile Handler (Canada) Inc. (Handler), de Montréal (Québec), une demande de suppression permanente des droits de douane sur les importations, en provenance de tous les pays, de nontissés, constitués uniquement de fibres discontinues de polyester ou de mélanges de fibres discontinues de polyester et de fibres discontinues de rayonne viscose, ne contenant pas moins de 50 p. 100 en poids de polyester, liés par effet thermique, partiellement enduits sur un côté de gouttelettes translucides d’un adhésif thermofusible, destinés à être utilisés pour fabriquer des entoilages thermocollants et des épaulettes (les tissus en question).

Le 18 janvier 1996, estimant que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête qui a été diffusé et publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 27 janvier 1996 [3] .

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a fait parvenir des questionnaires aux producteurs potentiels de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Des questionnaires ont aussi été envoyés aux utilisateurs connus des tissus en question. Une lettre a été adressée au ministère du Revenu national (Revenu Canada) pour obtenir des renseignements sur le classement tarifaire des tissus en question, et des échantillons ont été fournis aux fins d’analyse en laboratoire. Des lettres ont également été expédiées à plusieurs autres ministères gouvernementaux en vue d’obtenir des renseignements et des avis.

Un rapport d’enquête du personnel, résumant les renseignements reçus des ministères susmentionnés, de Handler et d’autres entreprises qui ont répondu aux questionnaires, a été remis aux parties qui avaient déposé des actes de comparution dans le cadre de la présente enquête, à savoir : Handler; l’Institut canadien des textiles (l’ICT); Canada Hair Cloth Co. Limited (CHC); Matador Convertisseurs Cie Ltée (Matador); Veratex Lining Ltd. (Veratex); Kufner Textiles Inc.; Altrim Inc. (Altrim); Freudenberg Nontissés Inc. (Freudenberg); Vêtements Peerless Inc. (Peerless); Parapad Inc.; Les Entoilages Interforme Inc.

Après que les pièces ont été remises aux parties, seule l’ICT a déposé auprès du Tribunal un exposé, auquel Handler a répondu.

Aucune audience publique n’a été tenue dans le cadre de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LES PRODUITS

La demande de Handler vise une large gamme de tissus, soit des nontissés constitués d’un mélange de fibres discontinues de polyester à 50 p. 100 et de fibres discontinues de rayonne viscose aux nontissés constitués de fibres discontinues de polyester à 100 p. 100. En 1996, les tissus en question sont classés dans le numéro de classement 5603.92.90.20. Ils sont passibles de droits de douane de 18,8 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF et du TPG, de 4,9 p. 100 ad valorem en vertu du tarif des États-Unis et de 17,3 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique. Les tissus en question pourront être importés des États-Unis en franchise en 1998. Toutefois, le tarif NPF ne diminuera qu’à 14,0 p. 100 d’ici à l’année 2004.

La désignation du produit proposée par Revenu Canada a été intégrée à celle utilisée dans l’avis d’ouverture d’enquête :

Nontissés, constitués uniquement de fibres discontinues de polyester ou de mélanges de fibres discontinues de polyester et de fibres discontinues de rayonne viscose, ne contenant pas moins de 50 p. 100 en poids de polyester, liés par effet thermique, partiellement enduits sur un côté de gouttelettes translucides d’un adhésif thermofusible, destinés à être utilisés pour fabriquer des entoilages thermocollants et des épaulettes [4] .Il est mentionné dans l’exposé déposé par Freudenberg que la désignation du produit donnée par Handler porte quelque peu à confusion. Freudenberg avance que les tissus en question sont en réalité le produit fini, des entoilages thermocollants, prêts à servir dans la confection et la production de cols, de manchettes, de vêtements et d’autres articles du domaine vestimentaire. À cet égard, Freudenberg fait remarquer que les tissus en question ne sont pas destinés à être utilisés dans la fabrication d’entoilages thermocollants, mais qu’ils sont plutôt des entoilages thermocollants [5] .Le Tribunal a reçu de Revenu Canada, le 18 décembre 1995, les résultats de l’analyse en laboratoire des échantillons fournis par Handler. Les deux échantillons de tissus sont des nontissés thermoliés constitués de polyester à 100 p. 100. Handler affirme que ce ne sont là que des échantillons des produits qu’elle importe et maintient que la demande doit inclure tous les entoilages thermocollants, contenant de 50 à 100 p. 100 en poids de polyester [6] .CHC, un producteur national, a fourni au Tribunal des échantillons de tissus identiques ou substituables, pour qu’ils soient envoyés à Revenu Canada pour analyse. Le 17 mai 1996, Revenu Canada a fourni au Tribunal la description du produit et les résultats de l’analyse en laboratoire des échantillons.

OBSERVATIONS

Handler transforme de gros rouleaux de tissus en question en pièces d’entoilage thermocollant destinées à être utilisées par l’industrie du prêt-à-porter. Elle importe tous les tissus en question de la société Handler Textiles U.S.A., du New Jersey. La gamme des différents tissus d’entoilage disponibles est très étendue. Lors de la visite de l’usine par le Tribunal, Handler a fourni un cahier d’échantillons comprenant un vaste choix de tissus d’entoilage tissés et non tissés, de différents poids, teneurs en fibres, constructions et types d’application de l’adhésif.

Handler déclare qu’il n’existe aucun producteur national de tissus identiques ou substituables qui répond à ses besoins pour la fabrication de produits thermocollants. Handler allègue que les tissus en question sont de nature très spécifique puisqu’ils sont partiellement enduits sur un côté de gouttelettes translucides d’un adhésif thermofusible. Handler souligne qu’elle n’a pas pu obtenir de tissus identiques ou substituables des producteurs nationaux. Handler a confirmé que tous ses tissus, y compris ceux constitués de polyester à 100 p. 100 et les mélanges de fibres discontinues de polyester et de fibres discontinues de rayonne viscose, sont de fait thermoliés.

Au début de l’enquête, Handler a avancé qu’elle avait eu des entretiens avec CHC et invité cette dernière à lui montrer sa gamme de produits. Handler a décrit ses besoins et indiqué le prix qu’elle paie pour les tissus en question. Handler a affirmé que, au 24 juin 1996, CHC n’avait pas donné suite à cette invitation. Ce manque d’intérêt pousse Handler à croire que CHC est une petite entreprise concurrente qui n’est pas en mesure de fournir les entoilages thermocollants non tissés dont Handler a besoin.

Handler allègue que la réduction de droits de douane l’aidera à faire concurrence aux importateurs de pièces d’entoilage thermocollant prêtes à l’emploi. Elle aidera également à compenser toute hausse du coût de la main-d’œuvre et des frais généraux, tout en maintenant ou en abaissant ses prix. L’industrie textile ne jouit que d’une marge de manœuvre très serrée et est très vulnérable; Handler allègue qu’elle en est encore à se remettre de la récession et que l’industrie textile souffre toujours de l’incertitude économique. Handler soutient de plus que l’avantage de l’allégement tarifaire durant deux ans n’est pas «faible». Elle déclare que ce type d’avantage n’entraîne qu’un coût minime pour le gouvernement tout en stimulant l’économie canadienne. Plus particulièrement, cet avantage apporte une aide fort nécessaire aux fournisseurs de l’industrie du prêt-à-porter comme Handler. Handler est d’avis que cet avantage n’est pas superflu, puisque de nombreux utilisateurs en bénéficieront durant deux ans sans diminution des ventes pour CHC.

Handler a demandé que l’allégement tarifaire, s’il est accordé, soit rétroactif à la date où il a été estimé que le dossier de la demande était complet. Handler avance que, si elle mérite cet allégement tarifaire, elle le méritait à la date à laquelle elle l’a demandé. Handler souligne qu’il peut s’écouler un très long délai entre la date à laquelle le Tribunal formule ses recommandations et celle de la mise en œuvre réelle d’un décret. Handler se demande pourquoi une société serait privée de l’allégement tarifaire durant cette longue période en raison de circonstances indépendantes de sa volonté.

Peerless, de Montréal, est le plus grand fabricant au Canada de vêtements de confection soignée pour hommes. Peerless a été créée en 1919. Il s’agit d’une société privée qui emploie plus de 2 000 personnes. Peerless, une société internationale de fabrication et de commercialisation, fournit une vaste gamme de vêtements de confection soignée à tous les grands segments du marché aux États-Unis. Sa gamme de produits comprend les complets, les vestons sport, les blazers, les smokings, les pantalons, les gilets et les bermudas faits sur mesure pour hommes.

Peerless appuie la demande d’allégement tarifaire présentée par Handler et demande également la suppression immédiate et permanente des droits de douane sur les tissus en question.

Peerless soutient qu’elle se sert des tissus en question comme composants de ses complets, vestons sport, pantalons et gilets. Peerless allègue que les tissus en question sont un élément capital de sa réussite et que le processus technique qui a contribué au succès de Peerless exige l’utilisation des tissus en question. Peerless est d’avis qu’il n’existe aucun tissu national substituable acceptable qui soit de la même qualité que ceux obtenus des fournisseurs actuels. Peerless déclare avoir été incapable de trouver des tissus identiques ou substituables au cours des deux dernières années.

Peerless soutient que l’allégement tarifaire réduirait les coûts, ce qui lui permettrait d’abaisser ses prix de gros. Peerless déclare que, avec l’élimination du régime de drawbacks en application de l’Accord de libre échange nord-américain [7] (l’ALÉNA) des intrants de tierce partie sur les exportations aux États-Unis, l’allégement tarifaire aurait des incidences directes sur ses ventes à l’exportation aux États-Unis.

Veratex, de Montréal, est en affaires depuis 1981. Elle importe les tissus en question des États-Unis. Veratex découpe les tissus en question à la forme des cols, des manchettes, des parementures et des devants de vêtements. Elle fixe ensuite, par liage thermique, les pièces d’entoilage coupées aux pièces de vêtement. Veratex vend également des tissus au mètre aux fabricants de vêtements qui les coupent selon les besoins spécifiques de leur procédé de confection de vêtements.

Veratex appuie la demande d’allégement tarifaire et déclare qu’on ne peut pas obtenir de tissus identiques ou substituables des producteurs canadiens. Veratex importe des nontissés thermoliés, partiellement enduits sur un côté de gouttelettes translucides d’un adhésif thermofusible. Les tissus sont constitués de polyester à 100 p. 100, de mélanges de polyester à 70 p. 100 et de nylon à 30 p. 100, de nylon à 100 p. 100, de mélanges de nylon à 85 p. 100 et de polyester à 15 p. 100, et de mélanges de nylon à 70 p. 100 et de polyester à 30 p. 100. Le poids de ces tissus varie de 24 à 90 g/m2.

Veratex soutient que l’allégement tarifaire lui permettrait d’abaisser ses prix aux confectionneurs canadiens de vêtements, qui, à leur tour, deviendraient plus compétitifs sur le marché global. Elle allègue que l’allégement tarifaire améliorerait également la position concurrentielle des confectionneurs canadiens de vêtements dans le secteur des vêtements importés.

Altrim, de Montréal, a été établie en 1954. Elle a comme clients des fabricants de vêtements pour dames et pour hommes au Canada et aux États-Unis. Altrim soutient qu’elle produit des épaulettes, des têtes de manches, des plastrons, des ceintures montées, des galons et des bordures. Elle vend des entoilages thermocollants et également découpe ces entoilages et les fixe aux tissus de ses clients selon leurs spécifications. Tous les procédés de production sont exécutés aux installations de la société Altrim à Montréal. Les entoilages thermocollants sont taillés puis fixés, par liage thermique, aux tissus des clients au moyen d’une presse de thermoliage.

Altrim appuie également la demande d’allégement tarifaire. Elle affirme qu’il n’existe aucun producteur canadien de tissus identiques ou substituables. Présentement, Altrim importe les tissus en question en provenance des États-Unis et de l’Allemagne. Elle décrit les entoilages thermocollants comme des produits fabriqués en faisant passer des nontissés ou d’autres tissus dans un système qui les enduit d’une poudre qui est par la suite chauffée pour que celle-ci adhère au support textile. Les nontissés qu’importe Altrim sont à la fois thermoliés et liés chimiquement.

Altrim soutient que l’allégement tarifaire serait avantageux pour les confectionneurs canadiens de vêtements puisque leurs produits seraient plus compétitifs au Canada et sur les marchés d’exportation. En tant que fournisseur des confectionneurs de vêtements, Altrim allègue que sa réussite commerciale dépend de la réussite de ces derniers.

Freudenberg, de Montréal, distribue à la fois des tissus de renfort «à coudre» et «thermocollants», communément appelés «à coudre», «thermocollants», «entoilages» et «thermoliés». Freudenberg appuie la demande d’allégement tarifaire présentée par Handler.

Le siège de Freudenberg pour l’Amérique du Nord est situé à Chelmsford (Massachusetts). Les tissus en question sont fabriqués dans diverses usines aux États-Unis. Freudenberg produisait des tissus identiques ou substituables à Cornwall (Ontario) jusqu’à il y a environ cinq ans; toutefois, elle importe maintenant les tissus en question des États-Unis. Freudenberg soutient qu’elle a fait figure de pionnier dans l’utilisation des nontissés dans l’industrie du prêt-à-porter. Freudenberg croit qu’il n’existe aucun fabricant canadien de tissus identiques ou substituables depuis qu’elle a cessé de produire ces nontissés au Canada.

Freudenberg importe des nontissés de diverses teneurs en fibres, y compris des tissus de polyester à 100 p. 100, de polyamide à 100 p. 100, de mélanges de polyester et de polyamide et de mélanges de polyester et de rayonne. Ces tissus sont thermoliés et contrecollés par liage. Une proportion élevée de ceux-ci sont thermoliés.

L’ICT représente les fabricants canadiens de produits textiles. Il s’oppose à la demande d’allégement tarifaire, soutenant que des tissus identiques ou substituables sont produits au Canada. Dans l’exposé qu’il a présenté après avoir reçu du Tribunal le rapport d’enquête du personnel, l’ICT a fait observer que, si les tissus en question proviennent principalement des États-Unis, Handler et les autres utilisateurs des tissus en question n’ont que de «faibles» motifs pour appuyer toute demande d’allégement tarifaire. L’ICT fait remarquer que les tarifs sur les importations en provenance des États-Unis seront réduits de moitié l’an prochain puis supprimés en 1998. Par conséquent, tout avantage découlant de l’allégement tarifaire disparaîtra en 1998.

L’ICT souligne qu’accorder un allégement tarifaire créerait une anomalie tarifaire selon laquelle les producteurs de tissus identiques ou substituables au Canada devraient verser les droits habituels sur les intrants, en vertu du tarif NPF ou en vertu du tarif des États-Unis, tout en devant faire face à la concurrence en franchise de droits pour ses produits ouvrés davantage.

L’ICT soutient en outre que les droits NPF ne devraient en aucune circonstance être retirés, puisque aucun élément de preuve n’a été présenté en faveur de l’allégement tarifaire pour ce qui est des marchandises non assujetties à l’ALÉNA.

CHC, de St. Catharines (Ontario), fabrique des textiles indéformables depuis 112 ans. Elle fabrique des entoilages pour l’industrie du prêt-à-porter. Ses produits comprennent une gamme complète d’entoilages tissés, d’entoilages à insertion de trame et d’entoilages non tissés, des nontissés saturés et thermoliés. Ces entoilages sont tous fabriqués au Canada et vendus au Canada, aux États-Unis et sur le marché international.

CHC déclare qu’elle produit présentement des tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Par exemple, elle fabrique des entoilages dont la teneur en fibres varie de 100 p. 100 de polyester à 50 p. 100 de polyester et 50 p. 100 de viscose ou encore à 50 p. 100 de polyester et 50 p. 100 de nylon, d’un poids variant entre 0,94 et 1,60 onces la verge carrée. CHC considère que ses tissus sont identiques et substituables aux tissus en question parce qu’ils servent aux mêmes applications, sont fabriqués selon les mêmes procédés, ont les mêmes poids, teneurs en fibres et autres caractéristiques, et se comportent de la même façon que les tissus auxquels ils font concurrence.

CHC importe présentement le support textile des États-Unis. Une pâte de polyamide est ensuite appliquée au tissu en de nombreuses gouttelettes pour transformer le tissu en un entoilage thermocollant. Elle applique également une gouttelette de polyamide sec et une couche agglomérée de polyamide, de polyester ou de polyéthylène. Le tissu fait ensuite l’objet d’une inspection et d’un contrôle de la qualité.

Les sociétés Canada Pad, de Montréal, et Canatex/National Pad, de Downsview (Ontario), se chargent des volets vente et commercialisation des produits de CHC.

CHC allègue que les tissus en question font directement concurrence à ses entoilages non tissés, ainsi qu’à ses entoilages à insertion de trame, produits au Canada. Elle déclare que le marché des entoilages est un marché dynamique, les nontissés thermoliés étant également substituables à d’autres nontissés thermocollants classiques et à des entoilages à insertion de trame.

CHC fait remarquer que Handler se procure les tissus en question de sources situées aux États-Unis et que, aux termes de l’ALÉNA, ces tissus seront importés en franchise de droits d’ici deux ans, mais que l’allégement tarifaire, s’il est accordé, entraînera l’importation en franchise en provenance de toutes les sources. CHC soutient que les conséquences sur les prix d’une telle liberté d’accès sont susceptibles d’être plus négatives que positives. L’accès à l’importation en franchise en provenance de sources NPF perturbera l’approvisionnement habituel en provenance des sources situées aux États-Unis en faveur de sources moins coûteuses, ce qui aura une incidence défavorable sur l’ensemble du marché des entoilages, incluant CHC, Handler et d’autres concurrents. CHC soutient que la concurrence des importations en franchise en provenance de sources NPF pourrait être profondément perturbatrice et défavorable pour les producteurs canadiens de tissus identiques ou substituables.

Matador, de Montréal, est un fabricant de nontissés constitués de fibres discontinues de polyester à 100 p. 100 ou de mélanges de fibres de polyester et de viscose, ou des deux à la fois. Au début de l’enquête, Matador a retiré son opposition à la demande d’allégement tarifaire. Toutefois, elle soutient que, si le Tribunal élargi la définition pour inclure les tissus d’un poids supérieur à 70 g/m2, elle s’opposera alors à cette demande.

Consoltex Inc., de Montréal, a écrit au Tribunal et déclaré qu’elle n’avait aucun intérêt dans cette enquête.

Jasztex Fibers Inc., de Saint-Léonard (Québec), fabrique des ouatines de polyester non tissées, thermoliées et liées chimiquement, d’un poids supérieur à 65 g/m2, destinées à l’industrie de l’aiguilletage. Elle soutient qu’elle ne produit aucun tissu enduit d’adhésif thermofusible destiné à la fabrication d’épaulettes ou d’entoilages thermocollants. Par conséquent, elle déclare que, dans les limites de l’exigence de l’utilisation finale spécifique et du procédé de liage, elle ne s’oppose pas à la demande d’allégement tarifaire telle que l’a soumise Handler.

Western Fibres Limited, de Vancouver (Colombie-Britannique), a soutenu qu’elle ne s’oppose pas à la demande d’allégement tarifaire telle que l’a soumise Handler. Elle produit une vaste gamme de tissus thermoliés de rembourrage mince, moyen et épais, mais aucun n’est enduit sur un côté de gouttelettes translucides d’un adhésif thermofusible. Elle souligne que, si l’allégement tarifaire est recommandé, le Tribunal devra veiller à ce que la désignation du produit ne comprenne que les tissus en question.

Union Felt Products Inc., de Downsview, a indiqué qu’elle ne s’oppose pas à la demande d’allégement tarifaire telle que l’a soumise Handler.

Le Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a informé le Tribunal que le Canada n’impose aucun contingent sur les nontissés classés dans le numéro de classement 5603.92.90.20. Les tissus en question ne sont donc assujettis à aucune restriction quantitative à l’importation. De plus, les tissus en question ne sont pas inclus dans la Liste de marchandises d’importation contrôlée et aucun permis d’importation n’est par conséquent exigé.

Revenu Canada a indiqué que l’administration de l’allégement tarifaire, si celui-ci était accordé, ne lui imposerait aucun coût s’ajoutant à ceux qu’il supporte déjà.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d’évaluer l’incidence économique d’une réduction ou d’une élimination des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et les entreprises en aval et, pour ce faire, de tenir compte de tous les facteurs pertinents, notamment la possibilité de substituer des intrants textiles produits au Canada aux intrants importés, la capacité des producteurs nationaux de desservir les industries canadiennes en aval et une comparaison des prix intérieurs et des prix à l’importation.

La question de «substituabilité des tissus» est importante dans la présente cause, puisque le motif principal de la demande d’allégement tarifaire de Handler est lié à son affirmation qu’elle ne peut se procurer de tissus identiques ou substituables produits au Canada. L’un des premiers facteurs examinés par le Tribunal dans la détermination de la substituabilité des tissus nationaux et des tissus importés touche la désignation technique des tissus. L’analyse en laboratoire effectuée par Revenu Canada a conclu que deux des quatre échantillons soumis par CHC avaient généralement la même construction et la même teneur en fibres que les deux échantillons soumis par Handler. Spécifiquement, les quatre tissus sont des nontissés, constitués de fibres discontinues de polyester à 100 p. 100, liés par effet thermique. Ces échantillons ont été partiellement enduits sur un côté de gouttelettes translucides d’un adhésif thermofusible. Le poids est la seule caractéristique technique qui varie d’un échantillon à l’autre. Les deux échantillons soumis par Handler sont d’un poids de 28 et de 35 g/m2 respectivement, alors que les poids des échantillons soumis par CHC sont de 43 et de 50 g/m2.

CHC a soutenu qu’elle produit présentement des entoilages thermocollants non tissés d’un poids variant entre 0,94 et 1,60 onces la verge carrée (entre 31 et 54 g/m2). À l’appui de cette affirmation, le Tribunal a reçu un cahier d’échantillons de CHC qui montre la vaste gamme d’entoilages thermocollants non tissés qu’elle produit.

Handler n’a pas soulevé la question du poids des tissus en question. Handler a fait remarquer que les deux échantillons soumis au Tribunal pour fins d’analyse ne sont que des exemples parmi la gamme plus étendue des tissus en question qu’elle importe (c.-à-d. qu’elle importe les tissus en question faits de mélanges de polyester et de viscose classés dans le numéro tarifaire 5603.92.90, qui inclut les tissus d’un poids supérieur à 25 g/m2 mais n’excédant pas 70 g/m2). Cependant, Handler a soutenu que, en moyenne, le poids des tissus en question varie d’environ 30 g/m2, ce qui se situe dans la partie inférieure de la catégorie de poids définie par le numéro tarifaire qui vise les tissus en question. D’autres utilisateurs ont déclaré au Tribunal que le poids des entoilages thermocollants non tissés qu’ils importent varie. Par exemple, Peerless a soutenu que les entoilages thermocollants non tissés dont elle se sert dans la confection de complets pour hommes se situe également dans la partie inférieure de la catégorie de poids définie par le numéro tarifaire 5603.92.90. Veratex avance qu’elle importe des entoilages thermocollants non tissés dont le poids varie de 24 à 90 g/m2. Altrim importe des entoilages thermocollants non tissés classés dans le numéro tarifaire visant les tissus d’un poids inférieur à 25 g/m2 et dans le numéro tarifaire visant les tissus d’un poids supérieur à 25 g/m2 mais n’excédant pas 70 g/m2. Il ressort donc, d’une façon générale, que la majorité des tissus en question importés par Handler et les autres utilisateurs intéressés semblent être plus légers que les tissus présentement fournis par CHC.

Bien que Handler et les autres utilisateurs n’aient pas soutenu avec vigueur que le poids des tissus en question qu’ils importent revêt une importance critique, le Tribunal est d’avis que les tissus plus légers qui sont importés confèrent de fait une certaine texture, un certain toucher et un certain tombant aux vêtements finis que ne pourrait permettre l’emploi d’un tissu plus lourd. Les éléments de preuve au dossier indiquent que, présentement, CHC fabrique des entoilages thermocollants non tissés, liés thermiquement, enduits de gouttelettes translucides d’un adhésif thermofusible, disponibles en deux poids, 43 et 50 g/m2.

Leur acceptation par le marché constitue un autre facteur que le Tribunal doit considérer dans la détermination de la substituabilité des tissus de la production nationale et des tissus importés. Les éléments de preuve dans la présente cause indiquent que CHC vend ses tissus identiques ou substituables à des clients bien connus et établis dans le commerce des entoilages, soit comme utilisateurs soit comme distributeurs. Ces ventes sont faites à un prix moyen qui se situe, bien que dans sa partie supérieure, dans la fourchette des prix moyens franco dédouanés des importations.

Le Tribunal conclut que l’industrie nationale des textiles produit, ou est capable de produire, des tissus substituables. Cependant, les éléments de preuve dont dispose le Tribunal montrent que Handler et les autres utilisateurs désignés dans le présent rapport préfèrent acheter des produits importés pour des motifs autres que le prix. À cet égard, le Tribunal se demande pourquoi CHC n’a pas donné suite à la communication avec Handler en février 1996.

La question que doit trancher le Tribunal devient donc une question d’avantage économique. Sur la foi des éléments de preuve, le Tribunal a uniquement considéré la possibilité d’accorder un allégement en ce qui concerne le tarif des États-Unis, puisque aucun élément de preuve n’a été fourni pour justifier une recommandation d’allégement du tarif NPF. À cet égard, les principaux avantages directs de l’octroi de l’allégement tarifaire, estimés sur le niveau et la provenance des importations des tissus en question et des prévisions de Handler et d’autres utilisateurs connus des tissus en question, atteindraient environ 170 000 $ en 1996 et 250 000 $ en 1997 [8] . Cependant, comme le mentionne le rapport d’enquête du personnel et le souligne l’ICT et CHC, le tarif sur les importations en provenance des États-Unis sera réduit de moitié l’an prochain et supprimé en 1998. Par conséquent, tout avantage résultant de l’allégement tarifaire disparaîtra en 1998.

Le Tribunal reconnaît et accepte que CHC peut avoir à supporter certains coûts si l’allégement tarifaire est accordé. Toutefois, comme Handler et les autres utilisateurs qui ont été identifiés dans la présente enquête ne sont pas des clients de CHC et que cette dernière a affirmé qu’elle se prépare à faire concurrence aux importations en franchise de droits en provenance des États-Unis par suite de l’ALÉNA, le Tribunal est d’avis que l’avantage net associé à l’octroi de l’allégement tarifaire l’emporte sur les coûts que CHC pourrait avoir à supporter.

Le Tribunal est d’avis que l’accélération du calendrier d’élimination du tarif pour les importations en provenance des États-Unis donnerait l’allégement tarifaire demandé et un avantage plus rapide aux utilisateurs des tissus en question sans augmenter substantiellement les coûts pour CHC.

Quant à la question de l’utilisation finale, le Tribunal accepte les divers arguments avancés par Handler et les autres parties que la mention de l’utilisation finale pour les épaulettes devrait être supprimée de la désignation des tissus en question. Il semble qu’une très petite quantité, s’il en est, des tissus en question servent à la production d’épaulettes. Altrim, un important fabricant d’épaulettes, a soutenu que les tissus thermocollants pré-enduits ne servent «que très rarement» à la fabrication d’épaulettes.

Quant à la demande de Handler d’un allégement tarifaire avec effet rétroactif, le Tribunal est d’avis qu’il n’existe pas de circonstances de concurrence extraordinaire qui justifient une telle recommandation.

RECOMMANDATION

Compte tenu des renseignements susmentionnés et des éléments de preuve déposés auprès du Tribunal dans la présente affaire, le Tribunal recommande au Ministre, par la présente, de réduire à zéro le tarif sur les importations suivantes en provenance des États-Unis :

Entoilages thermocollants non tissés, constitués uniquement de fibres discontinues de polyester ou de mélanges de fibres discontinues de polyester et de fibres discontinues de rayonne viscose, ne contenant pas moins de 50 p. 100 en poids de polyester, liés par effet thermique, partiellement enduits sur un côté de gouttelettes translucides d’un adhésif thermofusible, classés dans la sous-position no 5603.92, d’un poids supérieur à 25 g/m2 mais n’excédant pas 70 g/m2, destinés à être utilisés dans la fabrication de vêtements.

Le Tribunal recommande en outre au Ministre de ne pas accorder l’allégement tarifaire sur les importations susmentionnées en provenance de tous les autres pays.

Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre présidant


Charles A. Gracey
_________________________
Charles A. Gracey
Membre


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Les 20 mars et 24 juillet 1996, le ministre des Finances a révisé ledit mandat.

3. Vol. 130, no 4 à la p. 370.

4. Le 11 avril 1996, Handler a écrit au Tribunal pour lui demander que l’utilisation finale visant les épaulettes soit exclue. Cette demande a été appuyée par d’autres parties, à savoir, spécifiquement, CHC et Altrim.

5. Divers autres utilisateurs des tissus en question ont fait remarquer que ces derniers sont de fait des entoilages thermocollants. Il a été proposé que la mention de l’utilisation finale renvoie à des «pièces d’entoilage thermocollant pour l’industrie du vêtement et du prêt-à-porter» plutôt que «destinés à être utilisés dans la fabrication d’entoilages thermocollants».

6. Ni Handler ni Revenu Canada n’a spécifiquement fait mention d’une catégorie de poids pour les tissus en question. À cet égard, l’analyse en laboratoire de Revenu Canada montre que les deux tissus soumis par Handler correspondent à la désignation des poids de la sous-position no 5603.92 (c.-à-d. d’un poids supérieur à 25 g/m2 mais n’excédant pas 70 g/m2 ).

7. Signé à Ottawa (Ontario), les 11 et 17 décembre 1992, à Mexico, D.F., les 14 et 17 décembre 1992, et à Washington, D.C., les 8 et 17 décembre 1992 (en vigueur au Canada le 1er janvier 1994).

8. En supposant un allégement tarifaire en vigueur du 1er septembre 1996 au 31 décembre 1997, le gain économique total de l'allégement est évalué à environ 420 000 $ (170 000 $ en 1996 et 250 000 $ en 1997).


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Publication initiale : le 28 octobre 1996