PARAPAD INC.

Enquêtes


RAPPORT AU MINISTRE DES FINANCES
DEMANDES D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉES PAR
PARAPAD INC.
CONCERNANT
CERTAINS NONTISSÉS ET FEUTRES AIGUILLETÉS,
SYNTHÉTIQUES ET ARTIFICIELS
LE 1er AVRIL 1996

TABLE DES MATIERES


Demande nos : TR-95-007 ET TR-95-008

Membres du Tribunal : Raynald Guay, membre présidant
Robert C. Coates, c.r., membre
Desmond Hallissey, membre


Directeur de la recherche : Réal Roy


Gestionnaire de la recherche : Audrey Chapman


Avocat pour le Tribunal : Shelley Rowe


Agent à l’inscription et
à la distribution : Claudette Friesen

Adressez toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu, le 15 mai 1995, de la société Parapad Inc. (Parapad), de Montréal (Québec), deux demandes de suppression permanente des droits de douane sur les importations de certains nontissés synthétiques et artificiels (demande no TR-95-007) et de certains feutres aiguilletés, synthétiques et artificiels (demande no TR-95-008) devant servir à la production d’épaulettes de haute qualité qui sont utilisées pour fabriquer des vêtements pour hommes et pour femmes (les tissus en question).

Le 17 août 1995, estimant que les dossiers des demandes étaient complets, le Tribunal a publié des avis d’ouverture d’enquête qui ont été diffusés et ont paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 26 août 1995 [2] .

Dans le cadre des enquêtes, le personnel de la recherche du Tribunal a fait parvenir des questionnaires aux producteurs potentiels de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Des questionnaires ont également été envoyés à des utilisateurs connus de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Une lettre a été envoyée au ministère du Revenu national (Revenu Canada) en vue d’obtenir des renseignements sur le classement tarifaire des tissus en question, et des échantillons des tissus en question ont été fournis aux fins d’analyse en laboratoire. Des lettres ont aussi été expédiées à plusieurs autres ministères gouvernementaux pour obtenir des renseignements et des avis.

Un rapport d’enquête du personnel, qui résume les données reçues des ministères, de Parapad et d’autres entreprises ayant répondu aux questionnaires, a été remis aux parties qui avaient déposé des actes de comparution dans le cadre des présentes enquêtes, à savoir : Parapad, l’Institut canadien des textiles (l’ICT), Texel Inc. (Texel), Handler Canada Inc. (Handler), Matador Convertisseurs Cie Ltée (Matador) et Altrim Inc. (Altrim).

Matador, Altrim, Handler et l’ICT ont déposé auprès du Tribunal des exposés auxquels Parapad a répondu.

Le Tribunal a examiné tous les renseignements au dossier et déterminé qu’il avait besoin de certains renseignements supplémentaires pour être en mesure de faire au Ministre une recommandation réfléchie et entièrement fondée. Le 19 janvier 1996, le Tribunal a envoyé des demandes de renseignements supplémentaires à Parapad, à Altrim et à Matador. Les réponses à ces demandes ont par la suite été remises aux parties en vue de leurs exposés finaux.

Aucune audience publique n’a été tenue aux fins des présentes enquêtes.

RENSEIGNEMENTS SUR LES PRODUITS

Dans la demande no TR-95-007, Parapad demande un allégement tarifaire sur certains nontissés et, dans la demande no TR-95-008, sur certains feutres aiguilletés. Parapad utilise ces deux tissus pour fabriquer des épaulettes. Le procédé de production est exécuté dans ses propres installations et comprend les activités suivantes : conception, production de patrons et d’échantillons, préparation, marquage et coupe des tissus, et couture et préparation des épaulettes en produits finis. Les épaulettes sont ensuite inspectées et distribuées.

Altrim, un producteur d’épaulettes qui appuie les demandes, importe des tissus similaires. Cependant, certaines des caractéristiques de ces tissus, telles la teneur en fibres et le poids, diffèrent.

Les nontissés en question sont classés aux fins des douanes dans le numéro de classement 5603.00.99.51 de l’annexe I du Tarif des douanes [3] . Ils sont passibles de droits de douane de 20,3 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF, de 7,4 p. 100 ad valorem en vertu du tarif des É.-U. et de 19,8 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique.

Après avoir analysé un échantillon des nontissés en question, Revenu Canada a proposé la description de produit suivante :

nontissés constitués d’un mélange de fibres discontinues de polyester et de rayonne viscose, présentant une masse surfacique de 87 g/m2 (inférieure à 100 g/m2), devant servir à la production d’épaulettes pour vêtements.

Le marché canadien apparent des nontissés en question et des tissus prétendument substituables était, en 1995, évalué à environ 670 000 mètres linéaires. Cette estimation [4] englobe le total combiné des importations déclarées par les deux utilisateurs connus et la quantité de tissus prétendument substituables vendus par Matador à d’autres producteurs d’épaulettes.

Les feutres aiguilletés en question sont classés aux fins des douanes dans le numéro de classement 5602.10.99.00. Ils sont passibles de droits de douane de 20,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF, de 7,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif des É.-U. et de 20,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique.

Après avoir analysé des échantillons des feutres aiguilletés en question, Revenu Canada a proposé les descriptions de produit suivantes :

feutres aiguilletés contenant 80 p. 100 en poids de fibres discontinues de rayonne viscose et 20 p. 100 en poids de fibres discontinues de polyester, d’une masse surfacique de 155 g/m2, devant servir à la production d’épaulettes;

feutres aiguilletés contenant 88 p. 100 en poids de fibres discontinues de rayonne viscose et 12 p. 100 en poids de fibres discontinues de polyester, d’une masse surfacique de 183 g/m2, devant servir à la production d’épaulettes.

L’industrie nationale des textiles a présenté sa propre analyse des échantillons des tissus en question. Elle est arrivée à des conclusions semblables à celles de Revenu Canada.

Le marché canadien apparent des feutres aiguilletés en question et des tissus prétendument substituables était, en 1995, évalué à environ 675 000 mètres linéaires. Cette estimation [5] englobe le total combiné des importations déclarées par les deux utilisateurs connus et la quantité de tissus prétendument substituables vendus par Matador à d’autres producteurs d’épaulettes.

OBSERVATIONS

Les demandes présentées par Parapad visent à obtenir la suppression permanente des droits de douane en vertu du tarif NPF. Les utilisateurs connus des tissus en question et de tissus similaires économiseraient un montant estimatif inférieur à 60 000 $ par année en droits de douane relativement aux nontissés et aux feutres aiguilletés en question.

Parapad a été constituée en 1948 comme fabricant d’épaulettes et de devants de toile. Parapad affirme être le plus gros fabricant d’épaulettes au Canada et allègue que les tissus en question ne peuvent être obtenus de la production nord-américaine. C’est la raison pour laquelle, selon Parapad, les coûts rendus des tissus en question sont inutilement élevés. Parapad soutient que l’allégement tarifaire lui permettra de demeurer compétitive et rentable et, par ricochet, de donner plus d’extension à ses activités, d’augmenter ses effectifs et de faire une concurrence plus efficace sur les marchés intérieur et étrangers.

Parapad soutient qu’il n’existe aucun substitut acceptable sur le marché intérieur. Les épaulettes fabriquées à partir d’autres tissus ne seraient pas acceptées par les fabricants de vêtements de qualité qui exigent des épaulettes de qualité. Parapad déclare également qu’en raison du prix d’éventuels tissus substituables, les épaulettes produites avec ces tissus seront d’autant plus inacceptables.

Parapad a expliqué que les tissus substituables proposés par Matador ne sont pas acceptables parce qu’ils n’ont ni été éprouvés ni fait l’objet d’essais. Parapad fait ressortir le fait que le nontissé prétendument substituable de Matador est plus de 50 p. 100 plus lourd que les nontissés en question et ne contient pas de viscose.

Parapad continue d’acheter certains nontissés de Matador. Cependant, Parapad soutient que la qualité des nontissés requis pour fabriquer ses épaulettes de qualité est simplement introuvable sur le marché intérieur. Parapad prétend très bien connaître les différences entre des épaulettes de qualité supérieure et de qualité inférieure, comme les divers types d’épaulettes qu’elle produit le prouvent.

En ce qui concerne les feutres aiguilletés, Parapad soutient qu’il existe une grande différence entre les échantillons fournis par Matador et les feutres aiguilletés en question. Parapad souligne que les feutres aiguilletés prétendument substituables de Matador ne sont pas actuellement offerts en poids plus lourds et plus légers, contrairement aux feutres aiguilletés en question. En outre, la proportion relative de viscose et de polyester dans les feutres aiguilletés prétendument substituables est l’inverse de celle des feutres aiguilletés en question.

Altrim a été constituée en société en 1954 et dessert divers fabricants de vêtements pour femmes et pour hommes au Canada et aux États-Unis. Elle produit des épaulettes, des manchons, des pièces de poitrine, des ceintures montées, des attaches et des bordures. Altrim appuie les demandes déposées par Parapad parce qu’elle est, à son avis, confrontée au même problème, à savoir que les tissus en question ou des tissus substituables n’existent pas au Canada. Altrim soutient qu’en raison de leur coût à l’acquitté, les tissus en question sont très chers. Altrim soutient que les producteurs européens se sont accaparés d’une part importante du marché local des épaulettes de qualité en raison d’un coût moins élevé qui leur a donné un avantage et que la suppression du tarif permettra aux producteurs canadiens d 2'épaulettes d’accéder de façon concurrentielle à tout le marché canadien et à beaucoup plus de débouchés à l’exportation.

Altrim soutient que, si le Tribunal recommande d’accorder l’allégement tarifaire, il est de la plus haute importance que la description des tissus en question comprenne plusieurs teneurs en fibres et en poids de manière à prévoir les différences typiques qui existent entre les diverses usines et leurs lignes de produits. Elle soutient que ses nontissés et feutres aiguilletés importés ont les mêmes caractéristiques fondamentales et la même fonction que celles des tissus en question. Altrim déclare que, tant que les producteurs d’épaulettes bénéficient également de l’allégement tarifaire et que leurs importations de tissus sont soumises à un traitement semblable, sa position concurrentielle demeurera la même par rapport à Parapad.

Altrim a fourni un certain nombre de raisons techniques pour lesquelles les tissus en question satisfont à ses exigences de qualité. Elle soutient que, à la fois pour les nontissés et les feutres aiguilletés en question, des caractéristiques telles que la minceur, la douceur, l’uniformité, le liage à la résine, la légèreté et la capacité confirmée de supporter des nettoyages à sec et des pressages fréquents sont très importantes. Altrim avance, en particulier, que le liage à la résine produit la «capacité de reprendre sa forme» réclamée de ses clients. Altrim indique que, de plus en plus fréquemment, un nombre croissant de fabricants de vêtements exigent ces types de tissus pour leurs épaulettes, en raison de la durabilité accrue et de la meilleure apparence qu’ils confèrent à leurs vêtements.

Un simple examen d’un petit échantillon de feutre aiguilleté prétendument substituable fourni par Matador permet à Altrim de déclarer que ce feutre n’a pas assez de corps, résiste mal à l’usure et est trop extensible dans les deux sens.

Si l’allégement tarifaire est accordé pour une plus large gamme de tissus comprenant ceux qu’Altrim importe, celle-ci prévoit qu’elle sera en mesure de reprendre sa part de marché au détriment des épaulettes importées d’Europe. Altrim a expliqué que cette industrie est à forte intensité de main-d’œuvre et que l’expansion des affaires aura une incidence immédiate et significative sur l’emploi. Elle fait aussi valoir que les producteurs canadiens de nontissés profiteront également de l’allégement, car ils vendront plus de tissus de rembourrage et à doublure, étant donné que la majorité de ces types de tissus sont achetés sur le marché intérieur.

L’ICT représente les fabricants canadiens de textiles. Il s’oppose aux demandes pour le motif que des tissus substituables sont produits au Canada.

Matador produit des tissus aiguilletés et des nontissés depuis 1945. Matador soutient que l’allégement tarifaire nuira beaucoup à ses ventes, à ses niveaux d’emploi et à sa rentabilité. Matador affirme qu’elle vend actuellement des tissus similaires à plusieurs producteurs d’épaulettes, y compris Parapad. Matador souligne que d’autres parties intéressées, notamment Altrim et Handler, ont demandé que le Tribunal élargisse la description des tissus pour lesquels l’allégement tarifaire devrait être accordé.

Matador affirme être capable de produire des tissus substituables aux tissus en question et dit être intéressée à le faire. À cet égard, Matador a fourni au Tribunal des échantillons de nouveaux tissus qu’elle a mis au point pour répondre aux besoins des producteurs d’épaulettes comme Parapad et Altrim. Matador allègue que la teneur en fibres des échantillons fournis ressemble de très près à celle des tissus en question. Par exemple, les échantillons ont des caractéristiques semblables à celles des tissus en question du point de vue du toucher, du poids, de la résilience et de la «capacité de reprendre leur forme». La fibre, le substrat et la technologie de production utilisés pour fabriquer les tissus prétendument substituables ressemblent de près à ceux utilisés pour produire les tissus en question. Matador soutient que ses tissus sont l’aboutissement d’une longue recherche, menée à l’échelle mondiale, d’un substrat adéquat et qu’ils ont fait l’objet de plusieurs essais de production maison. Elle affirme aussi que des efforts considérables ont été consacrés à la mise au point de ces tissus prétendument substituables aussi bien aux nontissés qu’aux feutres aiguilletés en question.

Matador indique qu’elle a beaucoup investi dans son usine et son matériel au cours des 10 dernières années pour demeurer compétitive sur le marché mondial. À cet égard, Matador affirme avoir la capacité de produire des tissus substituables aux tissus en question, de poids plus légers ou plus lourds, selon les préférences des clients. Selon Matador, son nouveau matériel lui permet de produire des tissus aiguilletés ayant une masse surfacique aussi faible que 80 à 90 g/m2.

Matador soutient que, lorsque ses clients veulent obtenir un certain «toucher», un certain «gonflant», une certaine «résilience» et une certaine «capacité de reprendre sa forme», ils lui font connaître leurs besoins, lui fournissent des échantillons et joignent leurs efforts à ceux de Matador pour atteindre un objectif commun. Dans ses relations avec Parapad, cependant, Matador déclare que Parapad ne lui a jamais clairement communiqué ses besoins. Les renseignements sur le produit semblent être jalousement surveillés. Matador soutient n’avoir jamais vu une épaulette finie produite à partir des tissus en question. À cet égard, Matador soutient que Parapad n’a pas réellement exprimé le désir de se procurer les tissus en question sur le marché intérieur.

Matador est convaincue qu’il est tout à fait possible que ses clients se prévalent de l’allégement tarifaire demandé et commencent à importer une gamme beaucoup plus large de nontissés qu’ils se seraient autrement procurés chez Matador. Matador déclare que cela aurait très certainement une incidence très défavorable sur ses ventes, sur ses niveaux d’emploi et sur sa rentabilité dans l’avenir.

Texel, un producteur de nontissés et de feutres aiguilletés, soutient que, si l’allégement tarifaire est accordé, il devrait viser uniquement les tissus en question tels qu’ils ont été décrits dans les demandes. Plus précisément, la teneur en fibres de polyester et de viscose doit être respectée.

Fibres Jasztex Inc. (Jasztex), un producteur de nontissés constitués de fibres synthétiques et naturelles, produit des nontissés depuis 11 ans. Jasztex a quatre filatures, toutes situées au Québec. Cette société s’était, à l’origine, opposée aux demandes d’allégement tarifaire; cependant, lorsqu’elle a réalisé que cet allégement serait limité aux fabricants d’épaulettes, elle a cessé de s’y opposer.

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a informé le Tribunal que le Canada n’impose aucun contingent sur les nontissés classés dans le numéro de classement 5603.00.99.51 ou sur les feutres aiguilletés classés dans le numéro de classement 5602.10.99.00. Par conséquent, ces tissus ne sont assujettis à aucune restriction quantitative à l’importation. En outre, ces tissus ne figurent pas sur la Liste de marchandises d’importation contrôlée et, par conséquent, aucune licence d’importation n’est requise.

Revenu Canada a indiqué que l’administration de l’allégement tarifaire, s’il est accordé, ne lui imposerait aucun coût supplémentaire.

ANALYSE

Les arguments présentés par les parties au cours de ces enquêtes s’appliquaient en général aux nontissés et aux feutres aiguilletés en question. L’analyse et les observations du Tribunal portent donc sur les deux tissus en question, sauf indication contraire.

Le mandat requiert du Tribunal qu’il évalue l’incidence économique d’une r 9‚duction ou d’une élimination des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et les entreprises situées en aval et, ce faisant, qu’il tienne compte de tous les facteurs qui entrent en ligne de compte, notamment de la possibilité de substituer des intrants textiles produits au Canada aux intrants textiles importés, de la capacité des producteurs nationaux de desservir les industries canadiennes en aval et de la concurrence des prix intérieurs et des prix étrangers.

Selon Parapad et Altrim, il n’existe aucune production nationale de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Matador a rejeté cette affirmation et soutient qu’elle est capable de produire des tissus substituables aux tissus en question. Texel et Jasztex, deux producteurs nationaux de nontissés et de feutres aiguilletés, ont indiqué qu’elles ne s’opposaient pas aux demandes d’allégement tarifaire dans la mesure où la recommandation du Tribunal ne visait que les tissus et l’utilisation finale précisés dans les demandes.

La question de la «substituabilité des tissus» est d’une importance cruciale, puisque la principale raison pour laquelle Parapad demande un allégement tarifaire est que les épaulettes produites avec les tissus en question sont «uniques» et se situent dans le segment du marché du «prix élevé» pour lequel il n’existe aucune production canadienne.

Dès le début des enquêtes, Matador a fourni au Tribunal pour examen des échantillons de ses tissus prétendument substituables. Le Tribunal a envoyé ces échantillons à Parapad. Parapad a alors produit et envoyé au Tribunal des échantillons d’épaulettes qui utilisent les tissus en question ainsi que les tissus prétendument substituables. Du point de vue des caractéristiques du «toucher», de la «capacité de reprendre sa forme» et de l’«apparence» considérées par Parapad comme étant les principaux facteurs susceptibles de déterminer la substituabilité, le Tribunal estime qu’il est difficile de déceler des différences importantes entre les tissus en question et les tissus prétendument substituables fournis par Matador, même si les tissus prétendument substituables n’ont ni les mêmes teneurs en fibres ni les mêmes poids que les tissus en question. À plusieurs reprises, Matador a indiqué qu’elle pouvait modifier la teneur en fibres et le poids pour satisfaire aux besoins de ses clients. En outre, si le Tribunal accepte l’idée avancée par Altrim selon laquelle, au cas où l’allégement tarifaire est recommandé, différents poids et teneurs en fibres devraient être envisagés dans une définition élargie, il est également sensé de considérer des tissus produits au pays qui ont des teneurs en fibres et des poids différents, puisque tous ces tissus se font concurrence dans les mêmes segments du marché.

Le Tribunal accorde beaucoup d’importance aux efforts déployés par Matador et à sa volonté manifeste de produire un tissu substituable acceptable pour Parapad. Selon les éléments de preuve fournis, il ne semble pas que Parapad ait offert son entière collaboration à Matador, ce qui est peut-être la raison pour laquelle, de l’avis de Parapad, les échantillons fournis par Matador sont encore jugés insatisfaisants. Le Tribunal reconnaît que les circonstances entourant ces enquêtes sont uniques, en ce sens que les producteurs nationaux ne produisent pas à l’heure actuelle de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Cependant, le Tribunal est persuadé que les producteurs nationaux ont les connaissances techniques et le matériel de production ainsi que les installations nécessaires pour produire des tissus substituables aux tissus en question.

Le Tribunal rejette l’argument avancé par Parapad selon lequel les tissus produits au Canada sont inacceptables parce qu’ils n’ont pas fait l’objet d’essais. Le Tribunal croit fermement que, si les utilisateurs et producteurs nationaux arrivaient à collaborer et à travailler ensemble, ils pourraient produire des tissus acceptables. Les éléments de preuve fournis au Tribunal indiquent que des entreprises telles que Matador et The Rumpel Felt Co. Ltd. (Rumpel Felt) ont démontré qu’elles avaient les compétences voulues pour produire des tissus similaires, en dépit de la non-participation des utilisateurs-clients.

Jasztex, qui au départ s’opposait aux demandes d’allégement tarifaire, mais qui a par la suite retiré son opposition, a déclaré que les tissus en question sont relativement génériques et sont semblables à de nombreux feutres aiguilletés actuellement produits. Jasztex déclare que la principale différence est dans le fini des tissus qui exige une préparation soignée mais qui, à son avis, pourrait être réalisée par de nombreux finisseurs de tissus nationaux.

Le Tribunal croit que les fabricants nationaux d’épaulettes qui utilisent les tissus en question sont relativement concurrentiels sous le régime tarifaire actuel. En outre, compte tenu des nouveaux tissus produits par Matador et des capacités de producteurs tels que Texel et Rumpel Felt, le Tribunal estime qu’un approvisionnement national de nontissés et de feutres aiguilletés substituables est imminent. Le Tribunal est d’avis que Matador sera en mesure d’ajuster le prix de vente de ses tissus prétendument substituables parce que, par exemple, Altrim a affirmé qu’elle évaluerait les avantages d’un temps de livraison rapide et des besoins d’entreposage limités d’un fournisseur local à environ 7 à 10 p. 100. En outre, Altrim déclare qu’en raison des coûts d’expédition élevés, un producteur national peut majorer de 15 à 20 p. 100 le prix européen sans cesser d’être concurrentiel. Enfin, si la quantité de tissus achetés au pays augmente, la progression possible des efficiences et des économies pourrait, à long terme, faire baisser les prix des tissus produits au Canada.

Tenant compte du niveau passé des importations des tissus en question et des projections faites par les utilisateurs des tissus en question, l’allégement tarifaire aurait comme principal avantage direct d’entraîner une économie de moins de 60 000 $ par an, si les tissus en question étaient passibles de droits en vertu du tarif NPF et en supposant que les estimations de volumes et de prix des importations pour 1995 ne subissent aucun nouveau changement.

Dans l’ensemble, le Tribunal est d’avis que les coûts supportés par l’industrie nationale des textiles, dans le cas où l’allégement tarifaire est accordé, seraient supérieurs aux avantages que les producteurs d’épaulettes retireraient d’un allégement tarifaire pour l’un des tissus en question ou pour les deux. Ces coûts, selon les estimations de Matador, incluraient les prix réduits des nontissés actuels vendus aux fabricants d’épaulettes au Canada ainsi que les occasions perdues sur le marché.

En résumé, le Tribunal conclut que l’industrie nationale des textiles produit, ou est capable de produire, du moment qu’elle peut compter sur la collaboration adéquate des utilisateurs, des tissus substituables aux tissus en question et que les coûts économiques nets de l’allégement tarifaire seraient, à long terme, supérieurs aux avantages économiques qui en résulteraient pour les fabricants d’épaulettes. Le temps et les efforts que Matador a consacrés à la mise au point de ses tissus substituables sont tangibles. En outre, la perspective d 2'une croissance des ventes de l’industrie nationale de ces nouveaux nontissés et feutres aiguilletés est un fait encourageant. Le Tribunal croit que ces coûts et les ventes possibles à venir l’emportent sur les avantages qui résulteraient pour les fabricants d’épaulettes si l’allégement tarifaire était accordé. Le fait de supprimer ou de réduire la protection tarifaire actuellement offerte aux producteurs nationaux de tissus concurrentiels dans le cas présent risquerait de limiter la capacité des producteurs nationaux de textiles d’élargir sensiblement leur marché au Canada.

RECOMMANDATION

Compte tenu des renseignements fournis ci-dessus et des éléments de preuve présentés au Tribunal dans la présente affaire, le Tribunal recommande au Ministre, par la présente, de ne pas accorder l’allégement tarifaire sur les importations des tissus en question visés par les demandes nos TR-95-007 et TR-95-008.

Si, après avoir mené des consultations adéquates et obtenu la collaboration de l’industrie nationale, Parapad est incapable d’obtenir un produit acceptable des producteurs nationaux, elle peut déposer une nouvelle demande d’allégement tarifaire auprès du Tribunal.

Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre présidant


Robert C. Coates, c.r.
_________________________
Robert C. Coates, c.r.
Membre


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Vol. 129, no 34 aux pp. 2931 et 2932.

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. L’estimation du marché des nontissés en question et des tissus prétendument substituables comprend toute une gamme de tissus dont les teneurs en fibres et les poids varient. Par exemple, les tissus importés par Altrim contiennent 100 p. 100 en poids de fibres discontinues de polyester et leurs masses surfaciques varient entre 60 et 100 g/m².

5. L’estimation du marché des feutres aiguilletés en question et des tissus prétendument substituables comprend toute une gamme de tissus dont les teneurs en fibres et les poids varient. Par exemple, les tissus importés par Altrim contiennent 70 p. 100 en poids de fibres discontinues de rayonne viscose et 30 p. 100 en poids de fibres discontinues de polyester et leurs masses surfaciques varient entre 120 et 175 g/m².


[ Table des matières]

Publication initiale : le 28 août 1996