FANTASTIC-T KNITTER INC., B.C. GARMENT FACTORY LTD. ET GLOBAL GARMENT FACTORY LTD.

Enquêtes


RAPPORT AU
MINISTRE DES FINANCES
DEMANDES D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉES PAR
FANTASTIC-T KNITTER INC. ET PAR B.C. GARMENT FACTORY LTD. ET
GLOBAL GARMENT FACTORY LTD.
CONCERNANT
CERTAINS TRICOTS CIRCULAIRES

TABLE DES MATIERES


Demandes nos : TR-95-015 à TR-95-032, TR-95-038 à TR-95-042, TR-95-046, TR-95-048 à TR-95-050 et TR-95-055

Membres du Tribunal : Raynald Guay, membre présidant
Desmond Hallissey, membre
Lyle M. Russell, membre


Directeur de la recherche : Réal Roy


Gestionnaire de la recherche : Daryl Poirier


Préposé aux statistiques : Po-Yee Lee


Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater


Agent à l’inscription
et à la distribution : Claudette Friesen

Adressez toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat [2] de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat que lui a confié le Ministre, le Tribunal a reçu, le 28 juin, les 2 et 10 août, le 8 septembre et le 18 octobre 1995, des sociétés Fantastic-T Knitter Inc. (Fantastic-T), et B.C. Garment Factory Ltd. et Global Garment Factory Ltd. (collectivement nommées B.C. Garment), de Vancouver (Colombie-Britannique), un total de 28 demandes de suppression permanente des droits de douane sur les importations de divers tricots. Aux fins de la présente enquête, le Tribunal a donné la description suivante de ces tissus :

1. tricot à mailles cueillies, réalisé sur une seule fonture ou sur deux fontures (y compris le tricot interlock), mesurant entre 40 po (environ 101 cm) et 74 po (environ 188 cm) au large, fait à partir de fibres de coton peignées produites par filature à anneaux, pouvant contenir en poids moins de 5 p. 100 de fils d’élastomères (spandex), les fils de coton titrant en fils simples au moins 160 décitex et au plus 350 décitex, et le tissu ayant une masse surfacique de plus de 100 g/m2 et d’au plus 300 g/m2, classé dans le numéro tarifaire 6002.92.90 de l’annexe I du Tarif des douanes [3] ;

2. tricot à mailles cueillies, réalisé sur une seule fonture ou sur deux fontures (y compris le tricot interlock), mesurant entre 74 po (environ 188 cm) et 78 po (environ 198 cm) au large, fait à partir de fibres de coton peignées produites par filature à anneaux, contenant des fils d’insertion constitués de fibres de coton ou d’un mélange de fibres de coton et de fibres discontinues de polyester, pouvant être brossé sur une face, pouvant contenir en poids moins de 5 p. 100 de fils d’élastomères (spandex), les fils du tissu de fond titrant en fils simples au moins 160 décitex et au plus 200 décitex et les fils d’insertion titrant en fils simples au moins 150 décitex et au plus 900 décitex, et le tissu ayant une masse surfacique de plus de 200 g/m2 et d’au plus 300 g/m2, classé dans le numéro tarifaire 6002.92.90;

3. tricot à mailles cueillies, réalisé sur une seule fonture ou sur deux fontures (y compris le tricot interlock), mesurant entre 52 po (environ 132 cm) et 60 po (environ 152 cm) au large, fait à partir de fibres de coton peignées produites par filature à anneaux, contenant en poids 5 p. 100 ou plus de fils d’élastomères (spandex), les fils de coton titrant en fils simples au moins 160 décitex et au plus 350 décitex, et le tissu ayant une masse surfacique de plus de 100 g/m2 et d’au plus 300 g/m2, classé dans le numéro tarifaire 6002.30.90;

4. tricot à mailles cueillies, réalisé sur une seule fonture ou sur deux fontures (y compris le tricot interlock), mesurant 60 po (environ 152 cm) au large, fait à partir de fibres de coton peignées produites par filature à anneaux, contenant des fils d’insertion constitués de fibres de coton ou d’un mélange de fibres de coton et de fibres discontinues de polyester, pouvant être brossé sur une face, contenant en poids 5 p. 100 ou plus de fils d’élastomères (spandex), les fils du tissu de fond titrant en fils simples au moins 160 décitex et au plus 200 décitex et les fils d’insertion titrant en fils simples au moins 150 décitex et au plus 900 décitex, et le tissu ayant une masse surfacique de plus de 200 g/m2 et d’au plus 300 g/m2, classé dans le numéro tarifaire 6002.30.90;

5. velours coupé, réalisé sur une seule fonture, mesurant 66 po (environ 167 cm) au large, contenant en poids 75 p. 100 ou plus de fibres de coton peignées produites par filature à anneaux et 20 p. 100 ou plus de filaments de polyester, et le tissu ayant une masse surfacique de plus de 200 g/m2 et d’au plus 300 g/m2, classé dans le numéro tarifaire 6001.91.00.

Ces tissus sont destinés à être utilisés dans la confection de chemises, de chandails et de pantalons pour hommes et pour garçons, et de blouses, de pantalons, de tee-shirts et de hauts pour femmes et pour filles (les tissus en question).

Le 5 décembre 1995, estimant que les dossiers des demandes étaient complets, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête sur la pertinence de la réduction ou de la suppression des droits de douane sur les tissus en question. Cet avis a fait l’objet d’une diffusion à grande échelle et a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 16 décembre 1995 [4] .

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a fait parvenir des questionnaires à 45 producteurs potentiels de tissus identiques ou substituables. Des questionnaires ont également été envoyés à 20 fabricants de chemises, de chandails et de pantalons de tricots pour hommes et pour garçons, et de blouses, de pantalons, de tee-shirts et de hauts de tricots pour femmes et pour filles, ainsi qu’à plusieurs importateurs potentiels des tissus en question.

Un avis a été demandé au ministère du Revenu national (Revenu Canada) concernant le classement tarifaire des tissus en question, et des échantillons lui ont été fournis pour analyse en laboratoire. Revenu Canada a indiqué que, si l’allégement tarifaire était accordé, son administration ne lui imposerait aucun coût s’ajoutant à ceux qu’il supporte déjà. Le ministère de l’Industrie (Industrie Canada) a fourni des renseignements sur le marché canadien apparent des tricots en grande largeur et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a indiqué que les tissus en question n’étaient assujettis à aucune restriction quantitative à l’importation.

Le 21 février 1996, un rapport d’enquête du personnel a été remis aux parties qui avaient déposé des actes de comparution dans le cadre de la présente enquête. Ce rapport résumait les données reçues des ministères, de Fantastic-T, de B.C. Garment, des entreprises ayant répondu aux questionnaires ainsi que de plusieurs parties intéressées.

Les parties suivantes ont déposé des exposés auprès du Tribunal : Corporation House Ltd., au nom de l’Institut canadien des textiles (l’ICT); Agmont Inc. (Agmont); et Ladner Downs, au nom de Fountain Set Textiles (B.C.) Limited, Golden Lion Garment Factory Ltd., Hang Tung Garment Factory (Canada) Ltd., K.P. Collection Ltd., Maple Leaf Fashions Inc., Oceanic Sportswear (1995) Ltd., Sunflower Fashions Ltd., Topline Garments Ltd., Triumph Fashions Ltd. et Welcan Knitters Garment Factory Ltd.

B.C. Garment et Ladner Downs, au nom de Fantastic-T, ont répondu à ces exposés ainsi qu’au rapport d’enquête du personnel. Aucune audience publique n’a été tenue dans le cadre de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LES PRODUITS

Les tissus en question sont fabriqués sur des métiers circulaires à une seule fonture ou à deux fontures (y compris le tricot interlock). Ces métiers produisent des tissus de largeurs très diverses, en fonction de plusieurs variables comme le diamètre du cylindre du métier, le calibre ou la jauge du cylindre (nombre d’aiguilles par pouce), le type de fil d’intrant utilisé (c.-à-d. la teneur en fibres et le titre) et la maille utilisée dans la construction du tissu.

Fantastic-T et B.C. Garment utilisent les tissus en question pour confectionner des chemises, des chandails et des pantalons pour hommes et pour garçons, ainsi que des blouses, des pantalons, des tee-shirts et des hauts pour femmes et pour filles.

CLASSEMENT TARIFAIRE

Fantastic-T et B.C. Garment ont indiqué dans leurs exposés que les tissus en question étaient classés dans le numéro tarifaire 6001.92.90, qui désigne les tricots de coton réalisés sur une seule fonture ou sur deux fontures. Cependant, l’analyse en laboratoire de Revenu Canada a déterminé que plusieurs des tissus contenaient en poids 5 p. 100 ou plus de fils d’élastomères ou de fils de caoutchouc et étaient, par conséquent, classés dans le numéro tarifaire 6001.30.90. De plus, il a été déterminé qu’un des tissus était un velours et était donc classé dans le numéro tarifaire 6001.91.00.

Revenu Canada a non seulement donné des renseignements sur le classement tarifaire des tissus en question, mais a aussi signalé au Tribunal que de nombreuses divergences existaient entre ses conclusions et les descriptions des tissus en question présentées par Fantastic-T et B.C. Garment. Ces divergences portent aussi bien sur les écarts de poids des tissus et leur teneur en fibres que sur la fausse désignation des tissus réalisés sur deux fontures présentés comme des tissus réalisés sur une seule fonture. Revenu Canada a également établi que tous les tissus en question, y compris ceux qui sont prétendument construits à partir de fils ayant une torsion en «S», sont construits à partir de fils ayant une torsion en «Z».

En 1996, les tissus classés dans le numéro tarifaire 6001.91.00 sont passibles de droits de douane de 19,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF, de 12,0 p. 100 ad valorem en vertu du TPG, de 5,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif des É.-U. et de 10,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique.

Lorsqu’ils sont classés dans le numéro tarifaire 6002.30.90, les tissus sont passibles de droits de douane de 19,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF et du TPG, de 5,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif des É.-U. et de 17,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique.

Les tissus classés dans le numéro tarifaire 6002.92.90 sont passibles de droits de douane de 19,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF et du TPG, de 18,0 p. 100 ad valorem en vertu du TPB, de 5,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif des É.-U. et de 17,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique.

OBSERVATIONS

Fantastic-T et B.C. Garment exportent la majeure partie de leur production de vêtements finis aux États-Unis. Cela étant, Fantastic-T a soutenu qu’en raison de l’élimination progressive du Programme de drawbacks sur les droits pour les tissus importés, l’allégement tarifaire était requis pour l’aider à demeurer concurrentielle sur les marchés mondiaux. De son côté, B.C. Garment a déclaré que, si l’allégement tarifaire n’était pas accordé, ses vêtements finis ne seraient plus concurrentiels aux États-Unis à cause de l’augmentation du coût des intrants liés à l’expiration du Programme de drawbacks sur les droits.

B.C. Garment

B.C. Garment n’a pas contesté le fait que les tissus pour lesquels elle demande un allégement tarifaire pourraient être produits au Canada. Cependant, elle a prétendu que le prix et la qualité des tissus canadiens n’étaient pas concurrentiels à ceux des tissus importés, que les producteurs canadiens n’étaient pas disposés à changer et qu’ils offraient un service de piètre qualité [5] .

Dans son exposé, B.C. Garment a mis en question la capacité de certains producteurs canadiens de tricots de répondre à ses exigences concernant les tricots et a estimé que l’exposé présenté par Industrie Canada au Tribunal favorisait très nettement les fabricants nationaux de tricots en grande largeur. D’autre part, elle a estimé que les observations faites par une employée de Fairweather donnaient une idée juste des différences de qualité entre les tissus réalisés avec des fils cardés et ceux fabriqués avec des fils peignés, et de la non-substituabilité fondamentale d’un tissu à un autre sur les marchés de détail.

B.C. Garment a soutenu que l’allégement tarifaire ne nuirait pas aux producteurs nationaux de tricots, puisque l’allégement pourrait être conditionnel à l’exportation des vêtements confectionnés avec les tissus en question. Ainsi, la situation qui existait avant 1996 serait rétablie. Puisque les dispositions relatives au drawback sur les droits n’avaient pas eu d’incidence négative sur les producteurs de tricots avant 1996, un allégement tarifaire qui ne serait accordé qu’aux producteurs exportant des vêtements finis en dehors du Canada ne les toucherait pas.

En réponse à l’exposé d’Agmont, B.C. Garment a soutenu que les craintes exprimées par Agmont concernant un abandon massif des tissus produits au pays au profit de tissus importés, dans le cas où l’allégement tarifaire serait accordé, étaient sans fondement. Elle a précisé qu’il suffisait que l’allégement tarifaire vise seulement les tissus importés destinés à être utilisés uniquement dans des marchandises exportées. À cet égard, elle a souligné que l’énorme augmentation de 600 p. 100 des exportations par les producteurs canadiens de tricots [6] vers les États-Unis au cours des quatre dernières années prouvait que l’entrée en franchise des importations de tissus de B.C. Garment au cours de cette période n’avait pas nui aux producteurs nationaux de tricots.

B.C. Garment a rejeté les spéculations d’Agmont selon lesquelles les tissus réalisés à partir de fils cardés seraient étiquetés à titre de tissus faits à partir de fils peignés pour pouvoir entrer en franchise au Canada. Elle a fait remarquer qu’elle ne courrait pas le risque de perdre ses affaires au Canada en faisant de fausses déclarations sur la composition du tissu. Quoi qu’il en soit, elle a soutenu qu’il était relativement facile de distinguer les tissus faits de fils peignés de ceux faits de fils cardés.

Contrairement à Agmont qui soutenait que l’élimination du drawback sur les droits ne ferait pas augmenter les coûts de B.C. Garment de 10 p. 100, B.C. Garment a affirmé, de son côté, que le chiffre de 10 p. 100 était une estimation prudente de sa part. Ses coûts seraient, en fait, de 16 p. 100 plus élevés, puisque les droits de douane sur les tissus en question seraient de 16 p. 100 en 1998.

Fantastic-T

Fantastic-T a d’abord soutenu que les tissus de coton cardés et les tissus de coton peignés ne sont pas substituables les uns aux autres. Même s’ils l’étaient, ni les uns ni les autres de ces tissus ne peuvent être obtenus des producteurs nationaux à un prix qui concurrence celui des fournisseurs asiatiques de Fantastic-T. Deuxièmement, elle a soutenu que l’industrie nationale ne souffrirait pas de l’allégement tarifaire étant donné que les possibilités de fraude ont été surestimées. Fantastic-T a, en effet, rejeté l’idée avancée par les producteurs nationaux de tricots voulant que des fraudes généralisées et impossibles à prévenir se produisent si l’allégement tarifaire était accordé. Elle a affirmé que Revenu Canada était capable de prévenir toutes les désignations frauduleuses de ce genre ou tout autre contournement possible des douanes. Puisque Revenu Canada n’a exprimé aucune inquiétude concernant l’administration de l’allégement tarifaire demandé, le Tribunal ne doit tenir aucun compte des inquiétudes exprimées par l’industrie nationale sur ce point.

En outre, Fantastic-T a soutenu qu’il était peu probable que les utilisateurs actuels de tissus cardés laissent tomber ces tissus cardés à faible prix au profit de tissus peignés importés plus coûteux. Elle a fait valoir que non seulement il était peu probable que les acheteurs nationaux de tricots fabriqués au pays se mettent à acheter des tissus importés constitués de fils de coton peignés, mais que tout changement qui se produirait, quel qu’il soit, aurait une incidence minimale. Une grande partie de la production nationale de tricots est composée de tissus qui ne sont pas visés par la présente enquête, de tissus qui sont exportés du Canada et, par conséquent, qui ne seraient pas touchés par l’allégement tarifaire sur les tissus en question et de tissus qui sont consommés à l’interne par des usines intégrées de tissus et de vêtements. Selon les estimations de Fantastic-T, le montant restant de la production nationale pouvant être considéré à risque représenterait moins de 25 p. 100 du total de la production de l’industrie nationale de tricots circulaires. Par conséquent, même si les utilisateurs nationaux de tissus cardés abandonnaient la totalité de ces tissus au profit de tissus importés, la perte éventuelle subie par l’industrie nationale de tricots serait loin de la «dévastation totale» prévue par l’industrie nationale.

Par ailleurs, Fantastic-T a souligné que les importations de tricots en provenance des États-Unis étaient plus importantes en volume et moins importantes en valeur que les importations de l’Extrême-Orient et que, par conséquent, les États-Unis étaient le principal concurrent de l’industrie nationale pour ce qui est des tricots de coton. Si les utilisateurs nationaux de tissus cardés se tournaient vers d’autres fournisseurs, ce ne pourrait être que vers des producteurs américains de tricots qui vendent un produit à des prix beaucoup plus bas, que l’allégement tarifaire soit ou non accordé comme il est demandé.

Fantastic-T a soutenu que les mesures de sauvegarde existant actuellement au Canada protégeaient les producteurs nationaux de tricots contre toute augmentation subite des importations. Elle a souligné que l’industrie nationale des tricots peut faire appel à des mesures de sauvegarde existantes, rapides et efficaces, au cas où les importations de tissus de coton peignés enregistreraient une augmentation aussi forte que celle prévue par l’industrie nationale. Si l’industrie nationale des tricots ne pouvait prouver que ces importations lui causent directement un dommage, ses prévisions de malheur imminent s’avéreraient, du même coup, non fondées.

Troisièmement, l’élimination du drawback sur les droits a une incidence économique réelle et importante sur Fantastic-T. Elle provoquera des pertes financières que l’entreprise ne pourra supporter à moyen terme. Fantastic-T a présenté des calculs servant à indiquer que l’élimination du drawback sur les droits a fait augmenter considérablement ses coûts d’intrants. Pour demeurer compétitive par rapport à ses concurrents asiatiques, Fantastic-T ne peut répercuter ces augmentations de coûts sur ses clients et perd, par conséquent, de l’argent sur pratiquement chacun des vêtements qu’elle vend actuellement. Par conséquent, elle doit ou bien réduire ses coûts d’intrants en obtenant l’allégement tarifaire demandé, ou bien déménager ses installations de production à un endroit où elle peut être compétitive sur le plan des coûts [7] .

Enfin, Fantastic-T a fait valoir que l’octroi de l’allégement tarifaire était conforme aux obligations du Canada dans le cadre de l’Accord de libre-échange nord-américain [8] (l’ALÉNA). Fantastic-T a reconnu que le genre d’allégement conditionnel demandé par B.C. Garment ne serait clairement pas conforme aux obligations du Canada prévues à l’alinéa 303(1)b) de l’ALÉNA. Néanmoins, Fantastic-T a soutenu qu’un allégement tarifaire qui n’était pas fondé sur le rendement pouvait être accordé sans nuire aux producteurs nationaux de tricots.

L’élimination du drawback sur les droits aux termes de l’article 303 de l’ALÉNA a, selon Fantastic-T, été l’un des facteurs qui a poussé le Ministre à ordonner au Tribunal d’enquêter sur les demandes d’allégement tarifaire. Dans son mandat, le Ministre a explicitement ordonné au Tribunal de tenir compte «de l’effet de l’élimination du drawback total [sur les] droits accordé aux fabricants sur les intrants provenant de pays non parties à l’ALÉNA après 1996, dans le cas des exportations vers les États-Unis».

Fountain Set Textiles (B.C.) Limited, Golden Lion Garment Factory Ltd., Hang Tung Garment Factory (Canada) Ltd., K.P. Collection Ltd., Maple Leaf Fashions Inc., Oceanic Sportswear (1995) Ltd., Sunflower Fashions Ltd., Topline Garments Ltd., Triumph Fashions Ltd. et Welcan Knitters Garment Factory Ltd.

Un importateur de tissus et neuf fabricants de vêtements de la Colombie-Britannique autres que Fantastic-T et B.C. Garment (le Groupe) ont déposé des exposés auprès du Tribunal dans le cadre de la présente enquête. Les neuf fabricants importent des tricots ou ach?E8Štent des tricots importés destinés à être utilisés dans les vêtements qu’ils produisent en Colombie-Britannique pour exportation aux États-Unis. Les clients des importateurs de tissus en Colombie-Britannique produisent des vêtements principalement pour l’exportation. Les dix parties intéressées ont, en général, appuyé toutes les allégations de Fantastic-T et de B.C. Garment et demandé un allégement tarifaire similaire pour les tissus qu’elles importent.

Le Groupe, Fantastic-T et B.C. Garment ont prétendu que, si aucun allégement tarifaire n’était accordé, ils diminueraient, voire même retireraient, leurs investissements au Canada. Ils ne donneraient vraisemblablement pas suite à leurs plans d’expansion de leur capacité de production au Canada et les possibilités d’emploi actuelles aussi bien que futures seraient menacées.

Ils ont, en outre, soutenu que la suppression des droits de douane aurait des retombées bénéfiques. Cela stabiliserait le niveau des investissements et de l’emploi consacrés actuellement à la production et à l’exportation de vêtements aux États-Unis, et créerait également un climat favorable à de nouveaux investissements et à des possibilités d’emploi.

Le Groupe a soutenu que moins de 50 p. 100 des producteurs nationaux de tricots avaient répondu aux questionnaires du Tribunal, ce qui est en soi un fait important indiquant que les éventuelles retombées n 9‚gatives de la suppression des droits de douane, selon les producteurs nationaux de tricots qui y ont répondu, étaient nettement exagérées. En outre, un grand nombre des réponses fournies par l’industrie avaient été inadéquates en ce sens qu’elles ne renfermaient aucun élément de preuve appuyant les affirmations générales sur la substituabilité des tissus.

Le Groupe a affirmé que le facteur le plus important dans le domaine de la substituabilité était l’utilisation de fils cardés plutôt que peignés dans la construction des tissus. À cet égard, il a soutenu que la très grande majorité des tissus produits au pays l’étaient à partir de fils cardés et que les deux types de fils n’étaient pas substituables les uns aux autres. Les éléments de preuve présentés par Mme Doris DeSouza, de Fairweather, ont été cités à l’appui de cette position.

Le Groupe a fait valoir que la production nationale de fils peignés était très restreinte (ce qui a également été confirmé par Mme Doris DeSouza) et que l’utilisation de fils peignés importés augmentait le coût des tissus produits au pays d’un montant correspondant à celui du tarif NPF, soit 10 p. 100. Par conséquent, les producteurs nationaux de tricots devraient chercher à obtenir la suppression des droits de douane sur les fils peignés importés puisqu’il n’existe aucune production nationale de ces fils. Cela atténuerait tous les effets négatifs que l’allégement tarifaire demandé pourrait avoir.

Un grand nombre des représentants du Groupe ont soutenu qu’ils ne pourraient plus se procurer leurs tissus en Asie, s’ils devaient faire face à des droits de près de 20 p. 100 sur leurs intrants, et continuer d’être capables de fabriquer au Canada de façon concurrentielle.

En ce qui concerne les questions de teinture et d’apprêtage, le Groupe a souligné que la sous-traitance est très répandue au Canada. Cette situation doit être comparée à celle, pleinement intégrée, qui existe en Asie, où la teinture et l’apprêtage sont effectués dans le cadre d’un même procédé continu par la même usine. La sous-traitance aboutit non seulement à des produits de qualité variable, mais augmente aussi considérablement la durée et les coûts de fabrication. De plus, la question de la responsabilité, en cas de problèmes de qualité, ne crée aucune difficulté dans une exploitation intégrée, comparativement aux problèmes d’attribution de responsabilité lorsque les produits sont fabriqués en sous-traitance.

Le Groupe a également fait remarquer que les producteurs nationaux de tricots établissent des prix pour différentes couleurs (p. ex. blanc, moyen, foncé, spécialité), alors que les fournisseurs asiatiques indiquent un seul prix, quelle que soit la teinte commandée. Le «prix moyen de la couleur» utilisé en Asie a permis aux membres du Groupe de donner des prix aux clients avant que les exigences précises de couleur ne soient connues. Cela a 9‚galement permis au Groupe de réduire ses coûts d’intrants ainsi que ses prix F.A.B. plus efficacement qu’ils ne pourraient le faire avec des prix canadiens fondés sur les différentes teintes.

Tout en reconnaissant que les tissus moins larges sont la norme dans l’industrie nord-américaine, les membres du Groupe ont soutenu que cette norme était dépassée et n’était pas aussi efficace par rapport aux coûts que la norme asiatique qui prévoyait des tissus plus larges.

Le Groupe a soutenu que l’avantage que procurait la suppression des droits américains en vertu de l’ALÉNA sur les importations de vêtements en provenance du Canada était plus que compensé par les coûts beaucoup plus bas de la main-d’œuvre et des autres intrants dans les pays asiatiques. De plus, les tarifs NPF américains sur les produits concurrents diminuent, et les contingents américains sont graduellement éliminés en application des obligations imposées par l’Organisation mondiale du commerce. Par conséquent, il est probable que la concurrence, sur le marché américain, des importations non canadiennes augmentera sensiblement à court terme. Or, une augmentation des prix F.A.B. du Groupe d’environ 10 p. 100 (attribuable aux droits sur les intrants textiles) pourrait être dévastatrice.

En ce qui concerne l’affirmation de l’ICT selon laquelle les autres utilisateurs canadiens des tissus en question destinés à être utilisés dans la confection de vêtements vendus sur le marché intérieur abandonneraient les tissus fabriqués au pays au profit des tissus importés, le Groupe a fait remarquer que ni les producteurs de tricots ni l’ICT n’avaient présenté d’éléments prouvant qu’un tel changement était possible. Plutôt, selon le Groupe, seul un petit groupe de fabricants (incluant le Groupe) qui occupe un créneau de production pour exportation aux États-Unis était intéressé à obtenir une réduction des tarifs pertinents.

Le Groupe a estimé que la position d’Industrie Canada favorisait la région centrale du Canada en général et l’industrie nationale des tricots en particulier, et que cette position devait, pour cette raison, être rejetée par le Tribunal.

De l’avis du Groupe, les réductions de prix des producteurs nationaux de tricots rendraient leurs produits plus concurrentiels sur les marchés d’exportation, ce qui pourrait faire augmenter les ventes à l’exportation. En outre, les réductions de prix attireraient d’autres investissements dans le secteur de la confection des vêtements au Canada et feraient, par conséquent, croître les ventes nationales.

L’industrie nationale des tricots a presque unanimement soutenu qu’elle fabriquait, ou était capable de fabriquer, des tissus identiques ou substituables aux tissus pour lesquels un allégement tarifaire avait été demandé. La suppression des taux de droits de 19 p. 100 pour 1996 exigerait de sa part une réduction des prix d’une ampleur qu’elle ne pourrait supporter, compte tenu des marges bénéficiaires très serrées de l’industrie. Selon l’industrie, l’octroi d?92'un allégement tarifaire aurait une lourde incidence sur ses ventes de tissus identiques et substituables, l’obligeant à mettre des employés à pied et à fermer un grand nombre de ses installations de production.

L’ICT

L’ICT a soutenu que, dans chacune des cinq catégories établies par le Tribunal pour définir la portée de la présente enquête, des tissus sont fabriqués au Canada. Par conséquent, la portée de cette enquête est telle qu’elle met en danger les investissements, la production, les ventes, la rentabilité et les emplois dans l’ensemble de l’industrie des tricots circulaires au Canada.

L’ICT a prétendu que le Programme de drawbacks sur les droits était conçu pour supprimer le double paiement de droits (c.-à-d. sur les intrants au moment de leur entrée au Canada et sur les composantes de marchandises au moment de leur entrée sur le marché d’exportation). Par conséquent, lorsque les marchandises exportées ne seront plus frappées de droits, comme le seront bientôt les marchandises en tricots en vertu de l’ALÉNA, il n’y aura plus de «double paiement». En outre, la période de transition au cours de laquelle un remboursement intégral des droits demeurait possible visait à donner aux producteurs de l’ALÉNA qui utilisent des intrants importés tout le temps nécessaire pour effectuer leur approvisionnement auprès des fournisseurs de l’ALÉNA. Fantastic-T et B.C. Garment ont plutôt choisi de continuer à s’approvisionner auprès des fournisseurs non parties à l’ALÉNA.

L’accès de Fantastic-T et de B.C. Garment au marché américain, comme le révèle le prix franco de droits des vêtements exportés, s’est amélioré à la suite de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis [9] (l’ALÉ) et de l’ALÉNA, chaque année entre 1988 et 1995. Cet accès continuera de s’améliorer en 1996, 1997 et 1998 dans tous les cas où la valeur ajoutée canadienne au niveau de la fabrication des vêtements est relativement élevée.

L’ICT a fait remarquer les écarts de prix entre des tissus très semblables importés par Fantastic-T et B.C. Garment et a avancé que ces écarts étaient «inexplicables», «non rationnels» et «non justifiés». Il a également indiqué que les inconsistances internes des prix des tissus en question soulevaient des questions concernant la fiabilité des renseignements sur les prix en général.

L’ICT a contesté l’affirmation de Fantastic-T et B.C. Garment selon laquelle le facteur de gaspillage était important lorsqu’on utilisait des tissus moins larges, soutenant que, si l’utilisation des tissus plus larges générait d’importantes économies, les fabricants de vêtements dans l’ensemble de l’Amérique du Nord auraient exigé de tels tissus de leurs fournisseurs. Or, tel n’était pas le cas. L’ICT a également rejeté les allégations concernant le «toucher» des tissus fabriqués au pays, l’uniformité de la teinture effectuée par les usines canadiennes, les délais de livraison des usines canadiennes et la capacité actuelle de production de tricots au Canada. Dans tous les cas, l’ICT a soutenu que ces allégations ne reposaient sur aucun élément de preuve.

En résumé, l’ICT a conclu que le coût de tout changement tarifaire l’emportait de très loin sur tout avantage éventuel.

Agmont

Agmont a souligné que, bien que certains producteurs de tricots n’aient pas répondu à la demande de renseignements du Tribunal, la plupart des principaux producteurs de tricots, représentant la majorité de l’industrie, avaient répondu.

Selon Agmont, la plus importante considération à retenir dans l’évaluation des demandes d’allégement tarifaire était celle de savoir si les fabricants nationaux de vêtements utiliseraient des tissus importés si un accès en franchise était accordé. Elle estime que, si la réduction tarifaire passait de 19 p. 100 à zéro, les fabricants de vêtements qui sont venus de l’étranger s’installer au Canada mais qui ont conservé des liens très étroits avec les producteurs de tissus dans leur pays d’origine achèteraient beaucoup plus de tissus étrangers. Pour être en mesure de concurrencer ces fabricants, d’autres fabricants nationaux de vêtements seraient obligés de s’inscrire dans la même tendance.

Ces décisions auraient de profondes répercussions et porteraient même un coup mortel à l’industrie canadienne des producteurs de tricots. Cela donnerait à Fantastic-T et à B.C. Garment un nouvel avantage concurrentiel par rapport aux clients américains de l’industrie nationale pour leurs tissus. En outre, Fantastic-T et B.C. Garment obtiendraient un avantage par rapport aux clients canadiens des producteurs nationaux de tricots qui exportent environ 20 p. 100 de leur production aux États-Unis. Par conséquent, près de 36 p. 100 de la production de l’industrie nationale des tricots qui aboutit sur le marché américain subirait les effets négatifs de l’allégement tarifaire s’il était accordé à Fantastic-T et à B.C. Garment.

Fantastic-T et B.C. Garment utiliseraient les niveaux de préférence tarifaire (NPT) limités qui, selon les fabricants canadiens de vêtements, seront rapidement épuisés. Par conséquent, dans l’avenir, les clients de l’industrie des tricots qui utilisaient des tissus fabriqués au pays ne pouvant bénéficier des dispositions prévues à l’ALÉNA se verraient refuser l’accès aux NPT et ne pourraient accroître leurs exportations. Ces NPT sur les vêtements sont requis pour contrebalancer la perte de part du marché intérieur des fabricants de vêtements et des producteurs de tricots au profit des importations en provenance des États-Unis et du reste du monde. Si Fantastic-T et B.C. Garment utilisaient les NPT, un plus grand nombre d’emplois seraient perdus plutôt que gagnés, puisque les pertes se produiraient à la fois dans le secteur des vêtements et dans celui des textiles.

Agmont estime qu’il est tout à fait possible que les tissus fabriqués avec des fils de coton cardés, mais étiquetés comme étant faits de fils de coton peignés, seraient exportés au Canada. Par conséquent, la production canadienne de tissus faits de fils cardés ainsi que la production de tissus réalisés avec des fils peignés pourraient être touchées si de telles importations faussement étiquetées entraient au Canada.

De l’avis d’Agmont, l’ALÉNA est fondé sur le principe selon lequel seules les composantes nord-américaines devraient bén 9‚ficier pleinement de l’accord afin d’encourager la production nord-américaine. Dans ce contexte, il existe une énorme capacité non utilisée de l’industrie nationale des tricots, et les produits fabriqués au pays sont d’aussi bonne qualité que ceux qui sortent des meilleures usines ailleurs dans le monde. Qu’il y ait ou non une production de tissus faits avec des fils peignés au Canada n’est pas important. Il existe une énorme production de fils peignés disponible dans les pays parties à l’ALÉNA.

La suppression unilatérale immédiate des tarifs sans accès aux marchés des concurrents aurait un effet dévastateur sur l’industrie des tricots. Les tarifs imposés sur les tricots étaient déjà en train d’être réduits de 44 p. 100 à la suite d’une enquête approfondie et de recommandations faites au gouvernement par le Tribunal [10] .

Si les droits frappant les tissus de coton passaient de 19 p. 100 à zéro du jour au lendemain, il se produirait un déplacement marqué en faveur des tissus importés. Les marges bénéficiaires étaient si minces pour les producteurs nationaux de tricots que l’industrie ne pouvait même pas supporter une diminution des prix de 5 p. 100 [11] .

ANALYSE

Comme cela a été indiqué au début du présent rapport, l’enquête du Tribunal porte sur les 28 demandes d’allégement tarifaire présentées par Fantastic-T et B.C. Garment. Chacun des tissus en question différait des autres à certains égards, que ce soit par la largeur du tissu, la teneur en fibres, le numéro du fil, l’apprêtage ou le type de métier à tricoter utilisé dans sa construction. L’élément commun à tous les tissus en question était la présence, dans la construction, de fils de coton peignés plutôt que cardés. De l’avis du Tribunal, il n’était donc pas requis de fournir une description distincte de chaque tissu à partir de facteurs qui apparaissaient secondaires aux caractéristiques essentielles des tissus.

Par conséquent, le Tribunal a réparti les tissus en question en cinq catégories de produits différentes. Ces cinq catégories regroupaient essentiellement les tissus classés dans trois numéros tarifaires différents et, dans deux de ces numéros tarifaires, établissaient une distinction entre les tissus contenant des fils d’insertion de ceux qui n’en renfermaient pas. Une des cinq catégories désignait un tissu spécifique.

Les demandes présentées par B.C. Garment et celles soumises par Fantastic-T comportaient chacune des éléments ou arguments communs en faveur de la suppression des droits de douane sur chacun des tissus en question. Ni Fantastic-T ni B.C. Garment n’avançait d’arguments différents portant spécifiquement sur chacun des tissus en particulier pour lesquels elles demandaient un allégement tarifaire. C’est plutôt la question de la capacité fondamentale de l’industrie nationale des tricots d’offrir des tissus de coton comparables à des prix concurrentiels qui était le point central des exposés présentés par toutes les parties intéressées, incluant l’industrie nationale des tricots.

Par conséquent, à travers le présent rapport, le Tribunal n’a pas fait directement allusion à chacun des tissus en question, mais les a traités collectivement comme des tricots constitués de fils de coton peignés. Le Tribunal était néanmoins disposé à accepter et à examiner tout exposé portant sur un tissu spécifique dans l’une ou l’autre des cinq catégories de produits ou ciblant un ou plusieurs des groupes de produits particuliers. Cependant, aucun exposé du genre ne lui a été présenté.

Fantastic-T a soutenu que, puisque certains des tissus produits par l’industrie des tricots comprenaient des tissus qui ne sont pas identiques ou substituables aux tissus en question, moins de 25 p. 100 de la production totale de l’industrie nationale pouvait être considérée à risque au cas où l’allégement tarifaire était accordé comme il a été demandé.

La plupart des données que le Tribunal a reçues provenaient d’entreprises produisant des tricots sur des métiers circulaires. Une grande proportion de l’industrie des tricots en grande largeur, notamment les producteurs de tricots à chaîne et de tricots molletonnés, avait du début été exclue de l’enquête du Tribunal. Ainsi, bien que les producteurs de tricots interrogés produisent sans aucun doute certaines des marchandises non visées par l’enquête comme les tissus de polyester/coton et les tissus artificiels et synthétiques, un grand nombre des tissus qu’ils produisent seraient visés par la présente enquête. En outre, contrairement à ce que Fantastic-T a affirmé, les données sur la production des usines intégrées de tissus et de vêtements ne font pas partie des données se rapportant à l’industrie des tissus en grande largeur, de sorte qu’il n’y a pas eu lieu de supprimer les données sur cette production.

La suppression des droits de douane frapperait donc surtout les producteurs de tricots que le Tribunal a interrogés et n’aurait pas d’incidence sur l’ensemble de ce secteur industriel comme l’a laissé entendre Fantastic-T.

Comme cela a été indiqué, tous les arguments avancés par Fantastic-T et B.C. Garment pour justifier la suppression des droits de douane sur les tissus en question ont été rejetés par les producteurs nationaux de tricots. Cependant, deux des arguments centraux des demandes et les plus contestés par les parties intéressées étaient les suivants :

1) la substituabilité des tissus produits avec des fils de coton cardés aux tissus faits avec des fils de coton peignés;

2) la compétitivité des tissus produits au pays face à des tissus importés au niveau du prix.

L’all?E9‚gation faite par Fantastic-T et B.C. Garment selon laquelle les tissus faits avec des fils cardés n’étaient pas substituables à des tissus produits avec des fils peignés a été appuyée par une personne interrogée de l’industrie de la vente au détail [12] . Mme DeSouza a souligné que, bien que la production intérieure de fils peignés soit très limitée, il était facile de trouver des tissus fabriqués au pays avec des fils peignés. Ses observations sur la substituabilité des tissus produits avec des fils peignés aux tissus faits avec des fils cardés portaient sur les différents prix cibles auxquels les vêtements confectionnés avec des tissus utilisant les deux types de fils étaient vendus.

De l’avis de Mme DeSouza, les tissus faits avec des fils de coton peignés produits par filature à anneaux sont vendus à un prix considérablement plus élevé que les tissus faits avec des fils de coton cardés produits par filature à fibres libérées et ne seraient donc utilisés que dans des vêtements qui seraient, eux aussi, vendus à des prix cibles plus élevés. Par conséquent, les tissus fabriqués avec ces deux types de fils ne se concurrencent pas sur les mêmes marchés finals et ne sont donc pas substituables en ce sens-là.

Tout en acceptant que les tissus moins coûteux produits avec des fils de coton cardés ne soient peut-être pas substituables à des tissus de grande qualité produits avec des fils de coton peignés de qualité supérieure, le Tribunal croit qu’il existe une gamme de qualités et de prix où les tissus faits de fils peignés et les tissus faits des fils cardés sont substituables les uns aux autres.

Toute la question de la substituabilité dépend d’un certain nombre de facteurs qui remontent, en dernière analyse, aux perceptions du consommateur du «rapport qualité-prix». En examinant la question qui consiste à déterminer si un tissu est substituable à un autre tissu ayant des caractéristiques physiques similaires, l’écart de prix entre les deux joue un grand rôle. Toute réduction importante de cet écart due à une diminution du prix des tissus plus coûteux (c.-à-d. des tissus peignés) rendrait en général ces derniers plus intéressants pour les fabricants qui achètent normalement des tissus moins coûteux (c.-à-d. des tissus cardés). Si des tissus importés produits avec des fils peignés pouvaient être substitués, à des prix relativement bas, à des tissus produits au pays avec des fils cardés, les fabricants nationaux de vêtements qui choisiraient cette option seraient nettement avantagés sur le plan du marketing par rapport à leurs concurrents qui continueraient d’acheter des tissus produits avec des fils cardés. Donc, l’allégement tarifaire donnerait également aux tissus importés un avantage au niveau des prix par rapport aux tissus produits au pays avec des fils peignés importés.

Les éléments de preuve soumis par Fantastic-T et B.C. Garment à l’appui de la proposition selon laquelle les vêtements vendus à des prix cibles plus élevés seraient vraisemblablement faits avec des tissus constitués de fils plus coûteux étaient quelque peu ambigus, sinon contradictoires.

Par exemple, tous les tissus en question utilisés par Fantastic-T et B.C. Garment sont constitués de fils de coton peignés similaires produits par filature à anneaux. Néanmoins, il a été établi que les tissus en question utilisés par l’un des demandeurs étaient généralement plus chers que les tissus en question utilisés par l’autre demandeur. De plus, les prix de gros des vêtements vendus par ce dernier étaient en général plus élevés, et de loin, que les prix de gros des vêtements vendus par le premier demandeur.

En d’autres termes, les vêtements vendus à des prix supérieurs par un demandeur étaient confectionnés avec des tissus moins coûteux que ceux utilisés par l’autre demandeur, dont les vêtements se vendaient à des prix plus bas. De l’avis du Tribunal, ce manque apparent de corrélation entre le coût des intrants textiles et le prix de vente des vêtements a affaibli l’argument avancé par Fantastic-T et B.C. Garment selon lequel les tissus produits avec des fils de coton peignés et ceux faits avec des fils de coton cardés relevaient naturellement de marchés finals différents. Dans l’exemple susmentionné, des tissus similaires sur le plan technique produits avec des fils de coton peignés étaient utilisés dans des vêtements vendus sur deux marchés finals à des prix cibles très différents.

Les éléments de preuve montrent que les écarts considérables de la majoration par rapport au coût des tissus touchée par Fantastic-T et B.C. Garment ne semblent pas avoir empêché le demandeur ayant la majoration la moins forte d’être concurrentiel sur le marché américain. En 1994-1995, cet écart était d’environ 60 p. 100, selon un échantillonnage de vêtements produits par Fantastic-T et B.C. Garment avec des tissus ayant des caractéristiques physiques similaires.

L’application du tarif de 19 p. 100 en 1996 aurait clairement une incidence différente sur la compétitivité de Fantastic-T et de B.C. Garment sur le marché américain. Le demandeur ayant la majoration la plus forte se retrouverait avec une majoration résiduelle par rapport au coût des tissus encore supérieure à celle touchée par l’autre demandeur avant l’application du tarif de 19 p. 100.

Fantastic-T et B.C. Garment ont soutenu que l’allégement tarifaire était tout aussi nécessaire pour assurer leur réussite continue sur le marché américain et leur viabilité à titre de producteurs au Canada. Le Tribunal a conclu que les éléments de preuve n’étaient pas entièrement cohérents sur ce point. Même s’il est possible que la viabilité du demandeur ayant la majoration la moins forte puisse être menacée si l’allégement tarifaire n’est pas accordé, les éléments de preuve montrent que le demandeur ayant la majoration la plus forte est beaucoup mieux placé pour supporter l’application de ce tarif.

Fantastic-T et B.C. Garment ont toutes deux obtenu, dans le passé, le remboursement total des droits payables sur leurs importations de tissus utilisés dans la production de vêtements exportés du Canada. Elles ont également bénéficié d’un accès au marché américain aux taux de droits prescrits par l’ALÉNA qui sont considérablement moins élevés que les taux de droits NPF [13] . Fantastic-T et B.C. Garment continueront à bénéficier des taux de droits prescrits par l’ALÉNA pour leurs exportations aux États-Unis et à recevoir, jusqu’à la fin de 1997, un remboursement partiel des droits qui leur sont payables. Une fois que ces remboursements expireront à la fin de 1997, les vêtements exportés par Fantastic-T et B.C. Garment entreront sur le marché américain en franchise. Cela se compare aux droits américains qui ont varié de 6,6 à 8,4 p. 100 en 1994 et de 11,6 à 14,7 p. 100 en 1991, au moment où Fantastic-T et B.C. Garment commençaient à produire au Canada. En 1996, les taux varient entre 3,3 et 4,2 p. 100.

Par conséquent, la perte de drawback sur les droits sur leurs intrants textiles aura été partiellement compensée par des taux de droits considérablement réduits (et qui seront bientôt supprimés) applicables à leurs exportations aux États-Unis aux termes aussi bien de l’ALÉ que de l’ALÉNA.

TAUX DE DROITS EN VERTU DE L’ALÉ ET DE L’ALÉNA

IMPORTATIONS AMÉRICAINES DE VÊTEMENTS DE TRICOT DE COTON

ALÉ

ALÉNA

Numéro tarifaire

Désignation

1991
(%)

1994
(%)

1996
(%)

1998
(%)

6103.42.10

Pantalons pour hommes et pour garçons

11,9

6,8

3,4

0

6104.62.20

Pantalons pour femmes et pour filles

11,6

6,6

3,3

0

6105.10.00

Chemises pour hommes et pour garçons

14,7

8,4

4,2

0

6106.10.00

Blouses pour femmes et pour filles

14,7

8,4

4,2

0

6109.10.00

Tee-shirts et hauts pour femmes et pour filles

14,7

8,4

4,2

0

6110.20.20

Chandails pour hommes et pour garçons

14,4

8,2

4,1

0

Comme on le constate au tableau ci-dessus, les taux de droits applicables en 1991 aux vêtements importés aux États-Unis en provenance du Canada étaient pratiquement deux fois plus élevés que ceux de 1994 et trois fois plus élevés que ceux de 1996. En 1998, ces taux auront été réduits à zéro.

Pour mesurer l’effet net de ces réductions tarifaires et des réductions tarifaires NPF sur les importations de tissus au Canada, le Tribunal a calculé les coûts en droits de 1991 qui auraient été appliqués et les coûts en droits de 1998 qui s’appliqueraient au même chiffre d’affaires que celui que Fantastic-T et B.C. Garment ont déclaré pour 1994-1995. L’année de référence 1991 a été utilisée puisque Fantastic-T et B.C. Garment ont commencé à produire au Canada et à exporter aux États-Unis cette année-là.

Les données indiquent que la position concurrentielle de Fantastic-T et de B.C. Garment sur le marché américain en 1998 sera bien supérieure à ce qu’elle était en 1991. En 1991, après avoir reçu un drawback total de 25 p. 100 sur les droits applicables à ce moment-là sur leurs importations de tissus au Canada, Fantastic-T et B.C. Garment auraient été confrontées à des droits s’élevant à plus de 3,5 millions de dollars sur leurs exportations aux États-Unis si elles avaient réalisé le même chiffre d’affaires qu’en 1994-1995. Et, sur un chiffre d’affaires semblable en 1998, sans l’avantage d’un drawback sur les droits ou d’une suppression des droits de douane existants, leur coût en droits net serait inférieur à 1,5 million de dollars (16 p. 100 de droits sur les tissus importés au Canada, et aucun droit sur les exportations aux États-Unis).

Par conséquent, la position concurrentielle de Fantastic-T et de B.C. Garment sur le marché américain se serait améliorée d’environ 2 millions de dollars au cours de la période allant de 1991 à 1998, en raison de la réduction et, en bout de ligne, de la suppression des droits applicables à leurs exportations aux États-Unis et de la diminution des droits applicables aux intrants textiles importés au Canada.

Le Tribunal reconnaît que 1995-1996 représente une période de transition pour Fantastic-T et B.C. Garment et d’autres parties intéressées qui appuient les demandes de suppression des droits. En 1995, les exportateurs de vêtements pouvaient réclamer le remboursement total des droits payés (20,5 p. 100 en vertu du tarif NPF) sur les intrants textiles utilis?E9‚s dans la fabrication de ces vêtements. En 1996, ces mêmes exportateurs peuvent se faire rembourser le «moins élevé» des deux montants suivants : les droits NPF versés (19 p. 100) sur les tissus importés au Canada ou les droits prescrits par l’ALÉNA qui sont versés (3,25 à 4,20 p. 100) sur l’importation de vêtements finis aux États-Unis [14] . Le montant du remboursement des droits variera, bien entendu, selon la valeur en douane des tissus importés au Canada et la valeur en douane des vêtements exportés aux États-Unis. Le plus souvent, le montant des droits remboursés en 1996 sera inférieur au montant des droits remboursés en 1995.

Par conséquent, au cours de cette période de transition en 1996, les exportateurs de vêtements constateront vraisemblablement une augmentation du montant des droits auquel ils sont passibles, selon le montant de la valeur canadienne ajoutée à leurs exportations. Ces droits devraient de nouveau diminuer en 1997 et en 1998, lorsque les droits américains à l’importation sur les vêtements canadiens seront réduits à zéro en vertu de l’ALÉNA et que les droits à l’importation NPF canadiens sur les tissus en question tomberont à 16 p. 100. Malgré l’augmentation des droits survenue au cours de la période de transition de 1996, les droits applicables auraient diminué d’environ 60 p. 100 au cours de l’ensemble de la période allant de 1991 à 1998.

En ce qui concerne la capacité de l’industrie nationale de produire des tissus identiques ou substituables, B.C. Garment a déclaré ce qui suit : [traduction] «Nous n’avons jamais indiqué que les tissus pour lesquels nous demandons un allégement ne peuvent être produits au Canada [15] ». Elle a également affirmé que [traduction] «[m]ême si les usines canadiennes peuvent nous approvisionner en tissus de même qualité, elles ne peuvent ni ne veulent nous donner le prix que nous payons pour ces tissus en Orient [16] ». Dans l’exposé public présenté par Ladner Downs au nom de Fantastic-T, il y est déclaré que [traduction] «la production intérieure actuelle de tissus de coton peignés représente clairement une petite proportion de la production intérieure des tricots de coton [17] ».

Par conséquent, le Tribunal a conclu que la capacité physique ou technique, ou les deux à la fois, des usines nationales de produire des tissus de coton peignés n’était pas en question. La principale question que soulèvent ces demandes d’allégement tarifaire est plutôt celle du prix.

Les éléments de preuve montrent que, même si Fantastic-T et B.C. Garment ont reçu des prix de plusieurs importants producteurs nationaux de tricots, elles n’ont communiqué qu’avec une fraction de l’industrie nationale des tricots circulaires. Néanmoins, les prix soumis au Tribunal par plusieurs producteurs nationaux de tricots indiquent que les prix intérieurs étaient inférieurs aux prix à l’importation dans un nombre limité de cas, mais plus élevés que les prix à l’importation dans un plus grand nombre de cas. Le plus souvent, les prix présentés par les producteurs nationaux de tricots portaient sur des tissus identiques aux tissus en question. Dans d’autres cas, les prix concernaient des tissus prétendument substituables, mais non identiques, aux tissus en question. Dans ces cas, les tissus produits au pays utilisaient souvent des fils de coton cardés plutôt que peignés.

Il est difficile de comparer de façon précise les prix des tissus importés et des tissus fabriqués au pays parce que les désignations des tissus ne permettent pas de déterminer la profondeur ou l’intensité de la teinture effectuée sur les tissus en question. Néanmoins, plusieurs producteurs nationaux de tricots ont fourni une gamme de prix de tissus portant sur toute la gamme de teintures, soit les nuances claire, moyenne et foncée. Comme l’indiquent ces éléments de preuve, la teinture est un élément qui peut faire augmenter le prix du tissu fini de façon considérable, selon la nuance de la teinture requise, et c’est ce qui explique qu’il soit difficile d’établir des comparaisons de prix exactes.

En ce qui concerne le prix des intrants textiles, le Tribunal a fait remarquer que les prix préférentiels que B.C. Garment payait pour ses importations des tissus en question (comparés aux prix payés par Fantastic-T) étaient attribuables à l’important volume d’achats de l’ensemble du groupe d’entreprises auquel B.C. Garment appartient [18] . Parallèlement, B.C. Garment a indiqué que, même si Fantastic-T achetait, elle aussi, ses tissus en Extrême-Orient, cette dernière payait des prix plus élevés en raison des économies d’échelle moins élevées que Fantastic-T était capable de réaliser, n’ayant d’installations de production qu’au Canada. Autrement dit, les prix des tissus sont fonction de l’importance de la commande qui a été placée.

Malgré ces observations, B.C. Garment semblait soutenir que les usines nationales devraient pouvoir offrir des prix comparables à ceux des fournisseurs extrême-orientaux de B.C. Garment, même si les commandes qu’elle passerait auprès des producteurs nationaux de tricots seraient, en volume, bien inférieures aux commandes que le «groupe» de B.C. Garment passait auprès de ses fournisseurs en Extrême-Orient.

Sur la question de la compétitivité des prix, par conséquent, le Tribunal estime que B.C. Garment applique aux usines canadiennes de tricots des normes différentes de celles qu’elle utilise pour évaluer les usines de tricots en Orient.

Parallèlement, le Tribunal reconnaît que, selon le mandat qu’il a reçu du Ministre, il doit tenir compte de la capacité des producteurs canadiens d’offrir des marchandises produites au pays à des prix concurrentiels par rapport à ceux des importations. Ce faisant, cependant, le Tribunal doit aussi examiner les avantages économiques nets pour le Canada lorsqu’il évalue une demande d’allégement tarifaire.

Le Tribunal ne trouve pas crédible l’argument présenté par Ladner Downs selon lequel toute réduction de prix imposée par les producteurs nationaux de tricots entraînerait une augmentation des ventes sur les marchés intérieur et d’exportation. D’abord, les producteurs nationaux de tricots sont déjà très concurrentiels sur les marchés d’exportation, puisqu’ils ont accru le volume de leurs exportations de 600 p. 100 au cours des quatre dernières années. Deuxièmement, selon le Tribunal, ce qui résulterait plus vraisemblablement d’une réduction de prix assez importante serait la fermeture de petites entreprises moins viables financièrement, puisque les producteurs nationaux de tricots se disputeraient le petit marché intérieur qui leur resterait. Jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre soit atteint et qu’un nombre réduit de producteurs de tricots demeure pour desservir ce plus petit marché, la situation de l’industrie nationale des tricots circulaires serait au mieux incertaine et, au pire, gravement perturbatrice.

Bien qu’il soit difficile de quantifier exactement quel effet l’allégement tarifaire, s’il était accordé, aurait sur l’industrie nationale des tricots, cet effet serait, de l’avis du Tribunal, clairement négatif. La suppression des droits actuels, au taux de 19 p. 100, réduirait le prix franco dédouané des tissus en question d’environ 16 p. 100.

Si la suppression des droits demandée pouvait être limitée à Fantastic-T et à B.C. Garment, ou même à tous les fabricants qui importent des tissus destinés à être intégrés dans des vêtements subséquemment exportés du Canada, l’effet sur l’industrie nationale des tricots serait vraisemblablement minimal [19] . Cependant, étant donné que les règles prescrites par l’ALÉNA ne permettent pas de lier les réductions tarifaires au rendement des exportations, l’avantage d’une telle suppression des droits devrait être offert à tous les fabricants, que les vêtements finis soient exportés du Canada ou vendus sur le marché canadien. Les producteurs de vêtements qui achètent actuellement des tricots produits au pays auraient donc l’option d’acheter des tissus importés de qualité identique ou supérieure, à des prix pouvant avoir été réduits de 16 p. 100 par suite de la suppression des droits. La mesure dans laquelle ces producteurs de vêtements se tourneraient vers des tissus importés dépendrait de la mesure dans laquelle ces intrants textiles moins coûteux leur permettraient de vendre des vêtements à leurs clients habituels à des prix cibles égaux ou inférieurs aux prix cibles auxquels ils étaient vendus lorsqu’ils utilisaient des tissus produits au pays constitués de fils de coton soit peignés, soit cardés.

Selon les témoignages de Fantastic-T et de B.C. Garment, les tissus produits au pays avec des fils de coton peignés ne peuvent concurrencer, au niveau du prix, les tissus importés faits avec des fils de coton peignés. Par conséquent, une réduction possible de prix de 16 p. 100 pour ces tissus importés pourrait avoir un effet dévastateur sur les producteurs nationaux de tricots qui fabriquent des tissus avec des fils de coton peignés. Pour conserver le même niveau de compétitivité que celui des importations et maintenir le volume de leurs ventes à leurs clients actuels, les producteurs nationaux de tricots devraient réduire leurs prix sur ces tissus jusqu’à concurrence de 16 p. 100. Si les réductions de prix se produisaient à l’extrémité élevée de l’échelle, elles mettraient à rude épreuve la viabilité des producteurs nationaux de tricots qui ont déclaré qu’ils ne pourraient absorber des réductions de prix de cette ampleur. Ou encore, les producteurs nationaux de tricots auraient le choix de maintenir leurs prix aux niveaux courants, ou de diminuer leurs prix de moins de 16 p. 100, et subir toutes les diminutions de chiffre d’affaires qu’une telle décision entraînerait.

L’une et l’autre de ces options nuirait à la santé financière et à la stabilité de l’industrie nationale. Dans le premier scénario, le volume serait maintenu, mais les marges bénéficiaires seraient faibles ou inexistantes, compromettant gravement la capacité à long terme de ces entreprises de survivre et de réinvestir. Dans le deuxième scénario, la diminution du volume entraînerait une sous-utilisation de la capacité et des économies d’échelle réduites. Les coûts fixes devraient néanmoins être absorbés par des volumes unitaires de production moins élevés, réduisant encore davantage la rentabilité. Dans une situation où une capacité de production excédentaire existe déjà à cause de la stagnation du marché de la vente au détail des vêtements, toute nouvelle réduction de l’utilisation de la capacité ne ferait qu’aggraver la situation du marché déjà peu favorable. Ni l’un ni l’autre de ces scénarios ne pourrait régler à long terme la situation compétitive des producteurs nationaux de tricots.

Fantastic-T et B.C. Garment allèguent que la production nationale de tissus faits avec des fils de coton peignés est négligeable comparativement à la production nationale de tissus produits avec des fils de coton cardés. Par conséquent, ce qui menacerait réellement l’industrie nationale des tricots, c’est si les prix réduits des tissus importés faits avec des fils de coton peignés les rendaient plus directement concurrentiels par rapport aux tissus produits au pays avec des fils de coton cardés.

Si l’on suppose que le prix des tissus importés produits avec des fils de coton peignés serait encore plus élevé que celui des tissus produits au pays avec des fils de coton cardés, et par conséquent ne leur ferait pas directement concurrence, l’incidence sur l’industrie nationale des tricots circulaires serait bien moindre, et peut-être inexistante.

Même si Fantastic-T soutient que ce scénario est le seul qui tienne [20] , l’information présentée ne permet pas au Tribunal de tirer la même conclusion. Le Tribunal estime plus raisonnable de conclure que tout écart de prix entre les tissus importés constitués de fils de coton peignés et les tissus produits au pays avec des fils de coton cardés serait réduit de beaucoup, sinon supprimé, au cas où le prix des premiers tissus diminuerait de 16 p. 100 par suite de la suppression des droits.

Par conséquent, la question consiste réellement à déterminer dans quelle mesure l’écart de prix entre les tissus importés constitués de fils de coton peignés et les tissus produits au pays avec des fils de coton cardés est supérieur ou inférieur à 16 p. 100.

Fantastic-T et B.C. Garment ont systématiquement soutenu que le prix des tissus produits au pays n’était pas compétitif par rapport à celui des tissus importés comparables. En d’autres termes, le prix des tissus importés constitués de fils de coton peignés est nettement plus bas que celui des tissus produits au pays avec des fils de coton peignés. Les renseignements sur les prix présentés au Tribunal ont corroboré cet argument et montré que le prix des tissus produits au pays avec des fils de coton peignés était parfois beaucoup plus élevé que celui des tissus importés comparables constitués de fils de coton peignés.

En fait, les éléments de preuve indiquent que les prix de plusieurs tissus importés constitués de fils de coton peignés étaient même moins élevés que ceux de plusieurs tissus produits au pays avec des fils de coton cardés. Une réduction de 16 p. 100 des prix de ces tissus importés les rendraient probablement concurrentiels au niveau du prix avec une gamme encore plus large de tissus produits au pays avec des fils de coton cardés. Par conséquent, le Tribunal est persuadé que la suppression des droits nuirait non seulement à la production nationale de tissus constitués de fils de coton peignés mais également à la production nationale de tissus réalisés avec des fils de coton cardés. Puisque la production nationale de tricots est concentrée dans le dernier secteur, le Tribunal est d’avis que l’allégement tarifaire aurait des répercussions considérables sur l’industrie nationale des tricots même s’il ne visait que les tissus réalisés avec des fils de coton peignés.

Fantastic-T et B.C. Garment ont déjà tiré des avantages économiques considérables de leurs exportations de vêtements aux États-Unis dans le cadre de l’ALÉNA. Ces avantages économiques seront encore plus importants lorsque les droits américains aux termes de l’ALÉNA seront réduits à zéro en 1998 et à mesure que les taux de droits canadiens sur les tricots importés diminuent. Compte tenu de ces deux événements, le coût en droits net supporté par Fantastic-T et B.C. Garment sur leurs exportations aux États-Unis aura diminué d’environ 60 p. 100 entre 1991 et 1998. Il ne fait aucun doute que cette amélioration de la situation économique irait en se renforçant si l’allégement tarifaire était accordé. Dans ces circonstances, le coût en droits net pour Fantastic-T et B.C. Garment aura baissé de 100 p. 100 entre 1991 et 1998.

Les avantages que Fantastic-T et B.C. Garment ainsi que d’autres importateurs réels ou potentiels retireraient si leurs demandes étaient accueillies doivent être soupesés par rapport aux coûts que l’industrie nationale des tricots aurait à supporter. L’allégement tarifaire supprimerait, certes, pour Fantastic-T et B.C. Garment un fardeau qu’elles supportent actuellement, même s’il va en diminuant, mais imposerait un nouveau fardeau, peut-être dévastateur, sur les producteurs nationaux de tricots. Il pourrait, par conséquent, être soutenu qu’il s’agit de choisir l’une des deux alternatives suivantes : 1) mettre en œuvre une mesure qui renforcerait la compétitivité déjà améliorée d’une partie, et imposerait simultanément une nouvelle série de conditions risquant fort de menacer la viabilité économique de l’autre partie; 2) maintenir le statu quo, qui supprimerait la menace pesant sur la viabilité d’une des parties, mais qui n’imposerait aucune série de conditions nouvelles ou imprévues à l’autre partie.

Le Tribunal a souligné que le Groupe a soutenu qu’une augmentation des prix F.A.B. des vêtements jusqu’à concurrence de 10 p. 100, imputable aux droits frappant ses importations de tissus, serait catastrophique pour sa compétitivité sur le marché américain. Si cet argument est accepté, les marges bénéficiaires de l’industrie des vêtements doivent être assez minces pour qu’aucune augmentation des coûts d’intrants, si faible soit-elle, ne puisse être absorbée par la structure des prix en vigueur de ces entreprises.

Cette position contrastait nettement avec celle du Groupe selon laquelle les réductions des prix imposés par les producteurs nationaux de tricots en réaction à la suppression des droits de 19 p. 100 sur les tissus en question procureraient certains avantages aux producteurs canadiens de tricots. Cela laisse entendre que, pour atteindre le seuil de rentabilité, les producteurs nationaux de tricots touchent actuellement une majoration de 16 p. 100 en sus du coût total. Le Tribunal trouve difficile d’accepter qu’une telle variation de rentabilité puisse exister, du point de vue des prix, entre sociétés dans deux secteurs différents mais étroitement reliés et hautement compétitifs de l’industrie. Comme cela a déjà été indiqué dans le présent rapport, Agmont a soutenu que les marges bénéficiaires des producteurs nationaux de tricots étaient si minces que l’industrie ne pouvait même pas supporter une chute de 5 p. 100 des prix. De plus, les données sur les prix et les coûts présentés par plusieurs producteurs nationaux de tricots indiquent que la majoration par rapport au coût sur plusieurs tissus variait d’un pourcentage aussi bas que 3,2 p. 100 et aussi élevé que 17,0 p. 100, la majoration moyenne étant de 7,9 p. 100.

Même si l’on concluait, à l’encontre des éléments de preuve, que la majoration moyenne des producteurs nationaux de tricots par rapport au coût se situait à l’extrémité élevée de l’échelle (17 p. 100), une réduction de prix de 16 p. 100 aurait de toute évidence des répercussions désastreuses pour les producteurs nationaux de tricots.

De l’avis du Tribunal, la viabilité des producteurs nationaux de tricots subirait des effets nuisibles des réductions tarifaires qui les obligeraient à effectuer une réduction de leurs prix pouvant atteindre 16 p. 100. Le Tribunal conclut, par conséquent, que l’allégement tarifaire ne procurerait pas d’avantages économiques nets maximaux au Canada. La suppression des droits sur les tissus en question ouvrirait la porte à divers scénarios, tous négatifs, susceptibles de nuire à la compétitivité des producteurs nationaux de tricots. Le maintien des droits, par contre, aurait des effets neutres sur toutes les parties, en ce sens qu’il préserverait le statu quo de 1996 et n’imposerait pas une nouvelle série de conditions régissant la concurrence entre soit Fantastic-T et B.C. Garment, soit les producteurs nationaux de tricots.

RECOMMANDATION

Compte tenu des renseignements susmentionnés et des éléments de preuve déposés auprès du Tribunal dans le cadre de la présente affaire, le Tribunal recommande au Ministre de ne pas accorder l’allégement tarifaire sur les tissus en question.

Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre présidant


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


Lyle M. Russell
_________________________
Lyle M. Russell
Membre


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Le 20 mars 1996, le ministre des Finances a révisé ledit mandat.

3. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

4. Vol. 129, no 50 à la p. 4250.

5. Pièce du Tribunal TR-95-015-69 à la p. 2, dossier administratif, vol. 5.

6. Pièce du Tribunal TR-95-015-64 à la p. 1, dossier administratif, vol. 5.

7. Pièce du Tribunal TR-95-015-71 à la p. 32, dossier administratif, vol. 5.

8. Signé à Ottawa (Ontario), les 11 et 17 décembre 1992, à Mexico, D.F., les 14 et 17 décembre 1992 et à Washington, D.C., les 8 et 17 décembre 1992 (en vigueur au Canada le ler janvier 1994).

9. Recueil des traités du Canada , 1989, no 3 (R.T.C.), signé le 2 janvier 1988.

10. Une enquête visant les tarifs sur les textiles , saisine no MN-89-001, février 1990.

11. Pièce du Tribunal TR-95-015-64 à la p. 4, dossier administratif, vol. 5.

12. En réponse à une demande du personnel du Tribunal, M me Doris DeSouza, gestionnaire de l'assurance de la qualité chez Fairweather, a fait des observations sur la substituabilité des tricots faits avec des fils cardés et ceux qui sont produits avec des fils peignés.

13. Fantastic - T et B.C. Garment exportent des vêtements finis aux États - Unis dans le cadre du régime NPT. Les NPT sont des limites quantitatives sur l'exportation en vertu desquelles les exportations de vêtements canadiens qui ne satisfont pas à toutes les exigences des règles d'origine prévues à l'ALÉNA peuvent néanmoins profiter des avantages d'accès prescrits par l'ALÉNA.

14. Article 303 de l'ALÉNA.

15. Pièce du Tribunal TR-95-015-69 à la p. 1, dossier administratif, vol. 5.

16. Ibid . à la p. 13.

17. Pièce du Tribunal TR-95-015-71 à la p. 6, dossier administratif, vol. 5.

18. Pièce du Tribunal TR-95-015-69 à la p. 14, dossier administratif, vol. 5.

19. Néanmoins, il a également été soutenu que, si ces exportations bénéficient du traitement préférentiel, les ventes des producteurs canadiens de tissus aux producteurs canadiens de vêtements qui exportent aux États - Unis pourraient en souffrir. Les NPT disponibles seraient également réduits pour d'autres exportateurs canadiens de vêtements.

20. Pièce du Tribunal TR-95-015-71 à la p. 35, dossier administratif, vol. 5.


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Publication initiale : le 15 octobre 1996