DOUBLETEX

Enquêtes


RAPPORT AU
MINISTRE DES FINANCES
DEMANDES D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE
DÉPOSÉES PAR
DOUBLETEX
CONCERNANT
LES TISSUS ÉCRUS OU BLANCHIS
LE 24 OCTOBRE 1996

TABLE DES MATIERES


Demandes nos : TR-95-057 et TR-95-058

Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
Robert C. Coates, c.r., membre
Lyle M. Russell, membre
Directeur de la recherche : Réal Roy
Gestionnaire de la recherche : Anis Mahli
Avocat pour le Tribunal : Gerry Stobo
Agent à l’inscription
et à la distribution : Claudette Friesen

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat [2] de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu, le 23 octobre 1995, de la société Doubletex de Montréal (Québec), deux demandes de suppression permanente des droits de douane sur les importations de tissus faits à partir de fils simples de filaments de polyester texturés ou non texturés (demande no TR-95-057) et de tissus à armure toile faits de filaments de polyester ou de viscose ou encore de fibres discontinues mélangés avec du lin dans la chaîne ou dans la trame (demande no TR-95-058), destinés à être utilisés uniquement par des entreprises d’ennoblissement afin de produire des tissus teints et finis (les tissus en question). Le 19 juin 1996, après un entretien avec l’Institut canadien des textiles (l’ICT), le président de Doubletex a informé le Tribunal que sa société était disposée à limiter ses demandes aux tissus en question, d'un poids n’excédant pas 300 g/m2, destinés uniquement à la confection de vêtements.

Le 27 mai 1996, estimant que les dossiers des demandes étaient complets, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête qui a fait l’objet d’une diffusion à grande échelle et a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 8 juin 1996 [3] .

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a envoyé des questionnaires à 10 entreprises désignées par l’ICT comme des producteurs nationaux potentiels de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Des questionnaires ont aussi été expédiés aux importateurs et utilisateurs des tissus en question ainsi qu’à 15 confectionneurs de vêtements qui achètent les tissus finis à Doubletex. Une lettre a été adressée au ministère du Revenu national (Revenu Canada) pour obtenir des renseignements sur le classement tarifaire des tissus en question, et des échantillons ont été fournis aux fins d’analyse en laboratoire. Des lettres ont également été envoyées à plusieurs autres ministères gouvernementaux en vue d’obtenir des renseignements et des avis.

L’industrie nationale des textiles ne s’étant pas opposée aux demandes d’allégement tarifaire, un rapport abrégé d’enquête du personnel, résumant les renseignements reçus de Revenu Canada, de Doubletex, de l’ICT et de quatre importateurs de tissus finis, a été remis aux parties qui avaient déposé des actes de comparution dans le cadre de la présente enquête, à savoir : Doubletex, l’ICT, Budmark Textiles International Inc. (Budmark), Contempratex International Ltée (Contempratex), Flamcan Inc. (Flamcan) et Jo-Eltex Int’l Inc. (Jo-Eltex).

RENSEIGNEMENTS SUR LES PRODUITS

Doubletex donne la description suivante des tissus en question : tissus faits à partir de fils simples de filaments de polyester texturés ou non texturés, écrus, blanchis ou prêts à être teints seulement, les fils de chaîne ou de trame (ou les deux) ayant une torsion d’au moins 1 050 tours/mètre (TR-95-057), et tissus à armure toile, faits de filaments de polyester ou de viscose ou encore de fibres discontinues mélangés avec du lin dans la chaîne ou dans la trame, écrus, blanchis ou prêts à être teints seulement, les fils de chaîne ou de trame (ou les deux) ayant une torsion d’au moins 1 050 tours/mètre (TR-95-058), destinés à être utilisés uniquement par des entreprises d’ennoblissement afin de produire des tissus teints et finis.

Revenu Canada a analysé les échantillons des tissus en question fournis par Doubletex et, à la lumière des résultats de ses analyses en laboratoire, a conclu que les tissus en question sont classés dans les numéros tarifaires 5407.51.00, 5407.61.90 et 5407.71.00 (TR-95-057) ainsi que 5515.11.00, 5516.21.00 et 5516.91.00 (TR-95-058) de l’annexe I du Tarif des douanes [4] .

Dans ces numéros tarifaires, les tissus en question sont passibles de droits de douane de 19,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF et du TPG, de 20,2 p. 100 ad valorem en vertu du TPB, de 5,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif des États-Unis et de 17,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique.

Selon les données de Statistique Canada, les importations de tissus classés dans les six numéros tarifaires applicables totalisaient, en 1995, 454 203 mètres, et leur valeur était estimée à environ 3 millions de dollars. Ces données incluent d’autres tissus que les tissus en question.

OBSERVATIONS

Doubletex est la plus grande entreprise non intégrée d’ennoblissement au Canada. Elle produit, à ses deux usines de Montréal et de Toronto (Ontario), des tissus teints faits de fils à haute torsion à partir de tissus grèges importés de partout à travers le monde.

Doubletex déclare que, depuis déjà un certain temps, elle ne peut pas trouver au pays de fournisseurs de tissus grèges faits de fils à haute torsion parce que la plus grande partie de la production nationale n’est pas offerte sur le marché et est généralement apprêtée par les tisseurs eux-mêmes [5] .

Doubletex déclare avoir investi des sommes considérables en matériel de teinture et d’apprêts, et qu’elle prévoit faire d’autres investissements. Elle ajoute que ce nouveau matériel sera utilisé pour desservir le marché des tissus mode faits de fils à haute torsion, puisque celui-ci présente de grandes possibilités.

Enfin, selon Doubletex, l’allégement tarifaire sur les tissus en question contribuerait à sa croissance et lui permettrait de fournir à ses clients des tissus mode à des prix très concurrentiels.

Consoltex Inc. (Consoltex) se présente comme un important fabricant de tissus. Cette société tisse, teint, apprête et vend des tissus faits de fils à haute torsion. Consoltex tisse ses tissus grèges dans deux de ses usines, situées à Sherbrooke et à Cowansville (Québec), et en effectue l’apprêtage dans une troisième, également à Cowansville. Ces trois usines regroupent 492 personnes.

Consoltex nie l’affirmation de Doubletex selon laquelle on ne peut pas obtenir de tissus identiques ou substituables des producteurs canadiens. Elle soutient qu’elle produit d’importantes quantités de tissus identiques ou substituables destinés à la fabrication d’articles de maison ou de vêtements.

Consoltex s’oppose à l’entrée en franchise de droits des tissus en question destinés à la fabrication d’articles de maison; cependant, elle ne s’oppose pas aux demandes d’allégement tarifaire soumises par Doubletex, pourvu que l’allégement vise les importations de tissus grèges, d’un poids n’excédant pas 300 g/m2, qui, une fois apprêtés, serviront à la confection de vêtements.

L’ICT propose que la recommandation du Tribunal au Ministre indique clairement que l’allégement tarifaire vise uniquement les importations de tissus grèges faits de fils à haute torsion, d’un poids n’excédant pas 300 g/m2, destinés à un apprêtage ultérieur par des entreprises d’ennoblissement afin de produire des tissus devant servir uniquement à la fabrication de vêtements. De plus, l’expression «entreprises d’ennoblissement» devrait inclure les producteurs intégrés qui tissent, teignent et apprêtent des tissus destinés à la confection de vêtements.

Quatre importateurs de tissus finis étaient inscrits comme parties intéressées à l’enquête et ont uniquement déposé des actes de comparution, à savoir : Budmark, Contempratex, Flamcan et Jo-Eltex. Ces entreprises soutiennent que, si des tissus identiques ou substituables ne sont pas produits au Canada et si on permet l’entrée en franchise de droits des tissus en question, les tissus finis devraient bénéficier du même traitement.

Le Tribunal a reçu des observations de trois fabricants nationaux de vêtements mode, à savoir : Cie Fabrications Corwik, Creations Joseph Ribkoff International et Algo Industries Ltée (division de vêtements pour dames du Groupe Algo Inc.). Ces fabricants demandent que l’allégement tarifaire s’étende également aux importations de tissus finis, puisqu’ils ne sont pas produits au Canada. De plus, ils soutiennent que l’allégement tarifaire sur les importations de tissus finis favoriserait grandement la confection de vêtements mode au Canada. Enfin, ils déclarent que la valeur ajoutée au Canada par l’accroissement de la confection de vêtements mode serait sensiblement supérieure à la valeur ajoutée provenant uniquement des activités de Doubletex.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d’évaluer l’incidence économique d’une réduction ou d’une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et les entreprises en aval. Le Tribunal doit étudier les demandes d’allégement tarifaire de Doubletex sous deux angles : 1) Existe-t-il des tissus identiques ou substituables produits au Canada ? 2) Quelle est l’incidence de l’octroi de l’allégement tarifaire sur l’industrie nationale ? Avant de déterminer s’il doit recommander ou non l’allégement tarifaire, le Tribunal se doit de considérer les gains économiques nets au Canada qu’entraînerait la suppression des droits de douane.

Les éléments de preuve au dossier montrent clairement qu’il n’existe pas de production nationale de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. De plus, le Tribunal est convaincu que la suppression des droits de douane sur les importations des tissus en question, d’un poids n’excédant pas 300 g/m2, destinés à être utilisés uniquement par des entreprises d’ennoblissement (c.-à-d. des usines intégrées et des usines d’apprêts mandatées ou non mandatées) afin de produire des tissus teints et finis destinés à la confection de vêtements, n’aura aucune incidence néfaste sur l’industrie nationale des tissus.

Les principaux avantages directs de l’allégement tarifaire, en tenant compte des niveaux prévus des importations de ces tissus en question, dépasseraient 50 000 $ par année, si ces tissus étaient passibles de droits de douane en vertu du tarif NPF. Le Tribunal est d’avis que l’allégement tarifaire n’entraînera aucun autre coût économique direct que la perte des recettes en droits de douane, que le gouvernement abandonnerait. En résumé, le Tribunal conclut que l’allégement tarifaire entraînera dans la présente cause un gain économique net.

Dans ce cas encore, les éléments de preuve au dossier montrent clairement qu’il n’existe pas de production nationale de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. De plus, le Tribunal est convaincu que la suppression des droits de douane sur les importations de ces tissus en question, d’un poids n’excédant pas 300 g/m2, destinés à être utilisés uniquement par des entreprises d’ennoblissement (c.-à-d. des usines intégrées et des usines d’apprêts mandatées ou non mandatées) afin de produire des tissus teints et finis destinés à la confection de vêtements, n’aura aucune incidence néfaste sur l’industrie nationale des tissus.

Les principaux avantages directs de l’allégement tarifaire, en tenant compte des niveaux prévus des importations de ces tissus en question, dépasseraient 150 000 $ par année, si ces tissus étaient passibles de droits de douane en vertu du tarif NPF. Le Tribunal est d’avis que l’allégement tarifaire n’entraînera aucun autre coût économique direct que la perte des recettes en droits de douane, que le gouvernement abandonnerait. En résumé, le Tribunal conclut que l’allégement tarifaire entraînera dans la présente cause un gain économique net.

Enfin, quant aux demandes présentées par les importateurs et les utilisateurs de tissus finis qui souhaitent voir l’allégement tarifaire s’étendre à leurs importations, le Tribunal conseille à toute partie admissible qui souhaite obtenir un allégement tarifaire similaire sur les importations de tels tissus finis de déposer auprès du Tribunal, conformément à son mandat, une demande dont le dossier est complet. Ce n’est qu’après avoir reçu une telle demande, et avoir fait enquête, que le Tribunal pourra en déterminer le bien-fondé.

RECOMMANDATION

Compte tenu des renseignements susmentionnés et des éléments de preuve au dossier, le Tribunal recommande au Ministre, par la présente, de supprimer pour une période indéterminée les droits de douane courants sur les importations des tissus suivants faits de fils à haute torsion (fils de chaîne ou de trame, ou les deux, ayant une torsion d’au moins 1 050 tours/mètre), d’un poids n’excédant pas 300 g/m2, destinés à être transformés ultérieurement en tissus teints et finis devant servir à la confection de vêtements [ Une utilisation finale a été incluse dans la recommandation par suite de la recommandation modifiée faite au ministre des Finances que le Tribunal a puliée le 5 novembre 1996.] :

TR-95-057 — tissus grèges faits à partir de filaments de polyester texturés ou non texturés, classés dans les numéros tarifaires 5407.51.00, 5407.61.90 et 5407.71.00.

TR-95-058 — tissus grèges faits à partir de mélanges de filaments de polyester ou de viscose, ou des deux, ou de fibres discontinues, classés dans les numéros tarifaires 5515.11.00, 5516.21.00 et 5516.91.00.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


Robert C. Coates, c.r.
_________________________
Robert C. Coates, c.r.
Membre


Lyle M. Russell
_________________________
Lyle M. Russell
Membre


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Les 20 mars et 24 juillet 1996, le ministre des Finances a révisé ledit mandat.

3. Vol. 130, no 23 à la p. 1636.

4. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

5. Les discussions entre le personnel de la recherche (comptes rendus de trois visites d’installation versés au dossier public de l’enquête) et les responsables de Doubletex, Impressions permanentes de Montréal Ltée et Dominion Industrial Fabrics Company montrent que, bien que Doubletex apprête les tissus en question, une quantité importante de tissus grèges faits de fils à haute torsion, importés ou produits au Canada, est aussi confiée en sous-traitance à des entreprises d’ennoblissement mandatées.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 22 novembre 1996