ACTON INTERNATIONAL INC.

Enquêtes


RAPPORT AU
MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE
PAR ACTON INTERNATIONAL INC.
CONCERNANT
UN TISSU COMPOSÉ DE
FILS À HAUTE TÉNACITÉ
LE 27 FÉVRIER 1997

TABLE DES MATIÈRES


Demande n° : TR-96-004

Membres du Tribunal : Anthony T. Eyton, membre présidant
Robert C. Coates, c.r., membre,
Desmond Hallissey, membre


Directeur de la recherche : Réal Roy


Gestionnaire de la recherche : Anis Mahli


Avocat pour le Tribunal : David M. Attwater


Agent à l’inscription et
à la distribution : Claudette Friesen

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 février 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat [2] de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu, le 10 juin 1996, de la société Acton International Inc. (Acton), d’Acton Vale (Québec), une demande de suppression permanente des droits de douane sur les importations d’un tissu composé de fils à haute ténacité, destiné à être utilisé comme tissu de stabilisation ou de renforcement dans la fabrication de caoutchouc calandré non vulcanisé, qui est utilisé dans la production de chenilles pour motoneiges et de chenilles industrielles (le tissu en question).

Le 18 octobre 1996, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête qui a fait l’objet d’une diffusion et a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 26 octobre 1996 [3] .

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a envoyé des questionnaires aux producteurs potentiels de tissus identiques ou substituables. Des questionnaires ont également été envoyés aux entreprises désignées comme importateurs et utilisateurs potentiels du tissu en question. Une lettre a été adressée au ministère du Revenu national (Revenu Canada) pour obtenir des renseignements sur le classement tarifaire du tissu en question et des échantillons ont été fournis aux fins d’analyse en laboratoire. Des lettres ont également été envoyées à plusieurs autres ministères en vue d’obtenir des renseignements et des avis.

Un rapport d’enquête du personnel qui résume les renseignements reçus des ministères susmentionnés, d’Acton et des sociétés qui ont répondu aux questionnaires du Tribunal a été remis aux parties qui avaient déposé des avis de comparution dans le cadre de la présente enquête, à savoir Acton, la société Barrday, Inc., (Barrday) et l’Institut canadien des textiles (l’ICT).

Aucune audience publique n’a été tenue dans le cadre de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

Dans l’avis d’ouverture d’enquête, le tissu en question a été défini comme étant un tissu, enduit ou imprégné de caoutchouc butadiène-styrène, de caoutchouc styrène [4] ou de caoutchouc butadiène, obtenu à partir de fils à haute ténacité, composés uniquement de filaments de nylon ou d’un mélange de filaments de polyester et de filaments de nylon, d’un poids inférieur à 1 000 g/m2, destiné à être utilisé comme tissu de stabilisation ou de renforcement dans la fabrication de caoutchouc calandré non vulcanisé, qui est utilisé dans la production de chenilles pour motoneiges et de chenilles industrielles.

Après avoir analysé les échantillons du tissu en question fournis par Acton, Revenu Canada a conclu que, selon les analyses de laboratoire, il s’agissait d’un tissu enduit ou imprégné de caoutchouc butadiène-styrène, obtenu à partir de fils à haute ténacité, composés uniquement de filaments de nylon ou d’un mélange de filaments de polyester et de filaments de nylon et que, aux fins des douanes, le tissu en question est classé dans le numéro tarifaire 5906.99.20 de l’annexe I du Tarif des douanes [5] .

Dans le numéro tarifaire 5906.99.20, le tissu en question est passible, en 1997, de droits de douane de 17,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF, de 11,0 p. 100 ad valorem en vertu du TPG, de 2,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif des États-Unis et de 9,9 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique.

Selon les données de Statistique Canada, en 1995 le total des importations de tissus constitués de fils à haute ténacité, enduits de caoutchouc, classés dans le numéro tarifaire 5906.99.20, s’élevait à 3,6 millions de kilogrammes, en poids, et avait une valeur estimative de 25,3 millions de dollars. Comme la majeure partie de ce volume a été importée pour fabriquer des produits autres que des chenilles pour motoneiges et des chenilles industrielles, la part d’Acton était négligeable. La majorité de ces importations provenaient de l’Europe et des États-Unis.

OBSERVATIONS

Acton enduit le tissu en question exclusivement pour le compte de Camoplast Rockland, Ltd. (Camoplast) qui l’intègre dans les chenilles industrielles et les chenilles pour motoneiges fabriquées à Plattsburgh (New York). Acton fabrique également des bottes en caoutchouc, des souliers et du matériel de fond (c.-à-d. des semelles).

Acton soutient que, jusqu’à la fin de 1992, elle a acheté tout le tissu dont elle avait besoin de l’usine de Dominion Textiles Inc., à Drummondville (Québec). Cependant, lorsque cette usine a été déménagée aux États-Unis en 1993, Acton n’a plus réussi à trouver ce tissu au pays, même de producteurs de tissus industriels à haute ténacité comme Goodyear Canada Inc. et Firestone Textiles Co., une division de Bridgestone/Firestone Canada Inc.

Dans sa réponse aux exposés des autres parties, Acton fait valoir que, selon les renseignements versés au dossier de cette affaire, Barrday n’a pas démontré au Tribunal qu’elle peut fournir un tissu substituable qui soit de qualité à la fois satisfaisante et uniforme, à des prix compétitifs. Acton ajoute que Barrday ne produit qu’un tissu constitué de filaments de nylon, alors que le tissu en question est composé de filaments de nylon ou de filaments de polyester et de filaments de nylon.

Acton soutient que, bien que l’allégement tarifaire lui permettrait d’améliorer sa part de marché et sa compétitivité au pays et à l’étranger, il ne compenserait pas les pertes financières subies en 1996 à la suite des restrictions imposées aux drawbacks sur les droits résultant de la mise en œuvre de l’Accord de libre-échange nord-américain [6] le 1er janvier 1996. Acton soutient en outre que le tissu en question, qui a fait l’objet d’un plein allégement des droits en 1995, n’a profité d’aucun allégement en 1996.

Enfin, Acton souligne que, si le Tribunal ne recommande pas un allégement tarifaire rétroactif au 1er janvier 1996, elle sera incapable de recouvrer les montants perdus en 1996.

La société Soucy International Inc. (Soucy) soutient qu’elle se sert du tissu en question à son usine de Drummondville où elle produit des chenilles pour motoneiges à faible et haute performance. Soucy ajoute qu’environ les deux tiers des 150 000 chenilles pour motoneiges produites pour le marché canadien le sont par Camoplast, le reste étant produit par Soucy. Soucy indique qu’elle achète la plupart de ses tissus aux États-Unis et en Europe.

Soucy déclare qu’en 1993 et 1994, après la fermeture en 1993 de l’usine de Dominion Textiles Inc. de Drummondville, elle a soumis à des essais un tissu censément substituable constitué de fils à haute ténacité, composés uniquement de filaments de nylon, qui est produit au pays par Barrday. Soucy a soutenu que, à cause de problèmes d’allongement, de retrait et de pelage, elle a éventuellement cessé les essais sur ce tissu et commencé à acheter les tissus dont elle avait besoin de fournisseurs étrangers. Soucy ajoute que, bien qu’elle n’ait acheté aucun tissu de Barrday en 1995, elle a de nouveau fait des essais avec le tissu de Barrday en 1996 et a, en général, été satisfaite des résultats obtenus.

Soucy soutient que, même si les résultats préliminaires des essais menés en 1996 étaient satisfaisants, avant de commencer à s’approvisionner en tissu constitué de filaments de nylon auprès de Barrday plutôt qu’à l’étranger, il faudrait que Barrday fournisse, à des prix compétitifs, un tissu substituable qui soit de qualité à la fois satisfaisante et uniforme. Soucy soutient en outre que, pour demeurer concurrentielle face aux fournisseurs nationaux et étrangers de chenilles pour motoneiges, elle doit pouvoir se procurer un tissu fiable dont la réputation est établie depuis longtemps et à des prix compétitifs.

Enfin, Soucy appuie la demande d’allégement tarifaire sur les importations du tissu en question présentée par Acton.

Barrday fabrique des produits finis spéciaux industriels à base de textiles dans son usine de Cambridge (Ontario), notamment des articles de protection, des produits de filtration, des produits pour usage récréatif et des produits industriels. Selon les données de production fournies par Barrday, la production de tissu substituable ne représentait qu’une proportion négligeable de la production totale de l’usine.

Barrday déclare que, le 15 mars 1993, elle a pressenti Camoplast pour déterminer si celle-ci serait intéressée à l’établissement d’une relation d’affaires entre les deux entreprises. Barrday soutient en outre que, comme Camoplast insistait pour qu’elle signe un accord de confidentialité exclusif, elle a plutôt décidé de travailler avec Soucy.

Barrday s’oppose à la demande d’allégement tarifaire déposée par Acton parce qu’elle affirme pouvoir tisser, et tisser actuellement dans son usine de Cambridge, un tissu substituable constitué de fils produits au Canada, le tissu étant traité aux États-Unis. Barrday ajoute qu’elle a les capitaux requis pour donner de l’expansion à sa production et qu’il lui serait donc facile d’ajouter, au besoin, du matériel supplémentaire. Barrday conclut que, avec son matériel de production actuel, elle serait capable de satisfaire une proportion majeure de la demande actuelle des utilisateurs.

Enfin, Barrday demande au Tribunal de rejeter la demande d’allégement tarifaire d’Acton parce que la suppression des droits sur les importations du tissu en question lui causerait du tort.

L’ICT, qui représente la majorité des producteurs nationaux de textiles, mais non Barrday, ne s’oppose pas à la demande d’allégement tarifaire d’Acton.

ANALYSE

Aux termes de son mandat , le Tribunal est tenu d’évaluer l’incidence économique d’une réduction ou d’une élimination des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et les entreprises en aval et, à cette fin, de tenir compte de tous les facteurs pertinents, notamment la possibilité de substituer au tissu en question un tissu produit au pays, de la capacité des producteurs nationaux de tissus de desservir les industries canadiennes en aval et de la compétitivité de ces industries en aval au pays et ?E0… l’étranger. Par conséquent, la considération dont le Tribunal doit tenir compte pour décider de recommander l’allégement tarifaire est la mesure dans laquelle cet allégement procurerait des gains économiques nets au Canada.

Barrday est le seul producteur national de textiles qui s’oppose à la demande d’allégement tarifaire sur le tissu en question parce qu’elle soutient qu’elle tisse actuellement, dans ses installations canadiennes, un tissu substituable composé de fils faits au Canada. Le Tribunal remarque qu’au cours du premier trimestre de 1996, Soucy a soumis à des essais un petit volume du tissu de Barrday et que, même si elle était en général satisfaite des résultats de ces tests [7] , le volume de la production était néanmoins négligeable et le prix auquel Barrday vendait son tissu faisait encore l’objet de discussions. Comme le prix auquel Barrday a vendu son tissu substituable à Soucy à des fins d’essai était nettement plus élevé que celui du tissu en question, Soucy a indiqué qu’elle ne cesserait de s’approvisionner en tissu à l’étranger que si Barrday offrait son tissu à un prix compétitif.

Compte tenu des renseignements fournis par Barrday sur sa production, son chiffre d’affaires et le volume et la valeur de ses ventes aux principaux clients du tissu prétendument substituable pour la période de 1995-1996, le Tribunal n’est pas persuadé que le produit offert par Barrday soit actuellement acceptable par les producteurs de tissus renforcés qui sont utilisés dans la production de chenilles pour motoneiges et de chenilles industrielles.

L’absence de tout élément prouvant concrètement que Barrday a vendu un tissu substituable indique que, nonobstant le fait que Barrday soutienne qu’elle produit un tissu substituable, ce tissu n’a pas obtenu l’acceptation du segment du marché des chenilles pour motoneiges et des chenilles industrielles. En l’absence de telles ventes, il est difficile d’accepter que la suppression des droits sur les importations du tissu en question se traduirait par des pertes pour Barrday. Apparemment, celle-ci ne vend pas ce tissu en ce moment et a peu de clients potentiels pour l’avenir immédiat.

Barrday n’a pas fait la preuve qu’elle est ou qu’elle deviendra un fournisseur régulier de tissu identique ou substituable au tissu en question sur le marché d’utilisation finale spécifié dans la demande d’allégement tarifaire. En outre, Barrday n’a fourni aucun élément de preuve concret permettant de quantifier l’importance de ses coûts ou de ses pertes si l’allégement tarifaire est accordé. Barrday a toutefois fait des déclarations non étayées selon lesquelles la suppression des droits sur le tissu en question lui ferait du tort.

En évaluant les gains économiques nets pour le Canada, le Tribunal fait remarquer que l’allégement tarifaire procurera à Acton et à Soucy d’importants avantages par suite d’une diminution des coûts de production (le montant économisé en droits de douane serait d’environ 450 000 $ en 1997). L’allégement tarifaire devrait compenser certaines des pertes subies par Acton et par Soucy après la fin du régime de remise de droits. Ces économies devraient également aider les utilisateurs du tissu en question et les fabricants de chenilles pour motoneiges et de chenilles industrielles à demeurer concurrentiels face aux importations étrangères, du fait qu’ils pourront offrir des prix compétitifs aux fabricants canadiens de motoneiges. Ces coûts d’intrants compétitifs devraient, par ricochet, rendre les motoneiges et les machines industrielles canadiennes plus attrayantes sur les marchés d’outre-mer.

Étant donné que la suppression des droits procure d’importants avantages à Acton, à Soucy et aux fabricants de chenilles pour motoneiges et de chenilles industrielles sans entraîner de coûts tangibles pour la branche de production nationale, le Tribunal est d’avis que l’allégement tarifaire entraînera des gains économiques nets pour le Canada. Par conséquent, le Tribunal recommande que l’allégement tarifaire soit accordé.

Si l’allégement tarifaire est accordé et si, à une date ultérieure, Barrday réussit à faire accepter son tissu par le marché, cette entreprise pourrait alors décider de demander l’ouverture d’une enquête aux termes du sous-alinéa 19(1) des Lignes directrices relatives à la saisine sur les textiles aux fins de recommander une modification de l’ordonnance du gouverneur en conseil accordant l’allégement tarifaire. Cependant, pour qu’Acton et Soucy ou tout autre producteur désirant utiliser le tissu en question jouissent d’une certaine stabilité au niveau des achats et sur le plan financier, le Tribunal recommande que l’allégement tarifaire soit accordé pour une période indéterminée.

RECOMMANDATION

Compte tenu des renseignements susmentionnés et des éléments de preuve présentés au Tribunal dans la présente affaire, le Tribunal recommande au Ministre, par la présente, de supprimer pour une période indéterminée les droits de douane sur les importations du tissu, enduit ou imprégné de caoutchouc butadiène-styrène ou de caoutchouc butadiène, obtenu à partir de fils à haute ténacité, composés uniquement de filaments de nylon ou d’un mélange de filaments de polyester et de filaments de nylon, d’un poids inférieur à 1 000 g/m2, du numéro tarifaire 5906.99.20, destiné à être utilisé comme tissu de stabilisation ou de renforcement dans la fabrication de caoutchouc calandré non vulcanisé, qui est utilisé dans la production de chenilles pour motoneiges et de chenilles industrielles.

Le Tribunal recommande en outre que l’allégement tarifaire entre en vigueur à la date du présent rapport.

Anthony T. Eyton
_________________________
Anthony T. Eyton
Membre présidant


Robert C. Coates, c.r.
_________________________
Robert C. Coates, c.r.
Membre


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Les 20 mars et 24 juillet 1996, le ministre des Finances a révisé ledit mandat.

3. Vol. 130, no 43 à la p. 3063.

4. Après l’ouverture de l’enquête, sur la recommandation du chimiste du laboratoire de Revenu Canada, Acton a accepté de supprimer l’expression «caoutchouc styrène», étant donné que son inclusion dans la définition du produit n’était pas spécifique au tissu en question.

5. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

6. Signé à Ottawa (Ontario) les 11 et 17 décembre 1992, à Mexico, D.F., les 14 et 17 décembre 1992 et à Washington, D.C., les 8 et 17 décembre 1992 (en vigueur au Canada le 1er janvier 1994).

7. Selon Soucy, de petites modifications au tissu ont été demandées.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 27 février 1997