FREED & FREED INTERNATIONAL LTD. AND FEN-NELLI FASHIONS INC.

Enquêtes


RAPPORT AU
MINISTRE DES FINANCES
DEMANDES D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉES PAR
FREED & FREED INTERNATIONAL LTD.
ET FEN-NELLI FASHIONS INC.
CONCERNANT
CERTAINS TISSUS CONSTITUÉS DE LAINE OU DE POILS FINS, OU DES DEUX À LA FOIS, OU DE MÉLANGES DE CEUX-CI AVEC DES FIBRES SYNTHÉTIQUES DISCONTINUES

TABLE DES MATIERES


LE 27 AOÛT 1996

Demandes nos : TR-95-010 et TR-95-034

Membres du Tribunal : Raynald Guay, membre présidant
Robert C. Coates, c.r., membre
Desmond Hallissey, membre


Directeur de la recherche : Réal Roy


Gestionnaire de la recherche : Audrey Chapman


Avocat pour le Tribunal : Gerry Stobo


Agent à l’inscription et
à la distribution : Claudette Friesen

Adressez toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat [2] de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu des sociétés Freed & Freed International Ltd. (Freed & Freed), de Winnipeg (Manitoba), le 1er juin 1995, E. & J. Manufacturing Ltd. (E. & J. Manufacturing), de Montréal (Québec), le 12 juillet 1995, et Fen-nelli Fashions Inc. (Fen-nelli), de Montréal, le 13 juillet 1995, des demandes de suppression permanente des droits de douane sur les importations, en provenance de tous les pays, de tissus de fils cardés, constitués uniquement de laine ou de poils fins, ou contenant au moins 75 p. 100 en poids de laine ou de poils fins mélangés avec des fibres synthétiques discontinues, d’un poids supérieur à 300 g/m2 mais n’excédant pas 500 g/m2, destinés à être utilisés dans la fabrication de manteaux pour femmes et pour hommes (les tissus en question).

Le 31 octobre 1995, estimant que les dossiers des demandes étaient complets, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête qui a été diffusé et a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 11 novembre 1995 [3] . La demande déposée par la société E. & J. Manufacturing a par la suite été retirée le 23 novembre 1995.

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a envoyé des questionnaires aux producteurs potentiels ainsi qu’aux utilisateurs de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Une lettre a été adressée au ministère du Revenu national (Revenu Canada) pour obtenir des renseignements sur le classement tarifaire des tissus en question, et des échantillons ont été fournis aux fins d’analyse en laboratoire. Des lettres ont aussi été envoyées à plusieurs autres ministères gouvernementaux pour obtenir des renseignements et des avis.

Le rapport d’enquête du personnel, résumant les renseignements reçus des ministères susmentionnés, de Freed & Freed, de Fen-nelli et d’autres entreprises qui ont répondu aux questionnaires, a été remis aux parties qui avaient déposé des actes de comparution dans le cadre de la présente enquête, à savoir : Freed & Freed; Fen-nelli; l’Institut canadien des textiles (l’ICT); CookshireTex Inc. (CookshireTex); Lainages Victor Ltée (Victor); S. Cohen Inc. (Cohen); Les Vêtements Adorable Junior Inc.; Hannah Ladies’ Wear Ltd. (Hannah); Vêtements Cardinal Inc. (Cardinal); Shiff & Co. Inc. (Shiff).

Après que les pièces et le rapport d’enquête du personnel ont été remis aux parties, CookshireTex, Victor, Cardinal, Shiff et l’ICT ont déposé auprès du Tribunal des exposés auxquels Freed & Freed et Fen-nelli ont répondu. Le président de la Northern Textile Association (la NTA) des États-Unis a écrit au Ministre pour exprimer l’opposition de son association aux demandes d’allégement tarifaire sur les tissus en question. Copie de cette lettre a été remise au Tribunal pour information.

Le 29 novembre 1995, le Tribunal a reçu un avis de motion déposé par M. Peter E. Kirby, l’avocat représentant CookshireTex. Cette motion demandait l’allégement suivant :

a) Une ordonnance du Tribunal annulant la demande no TR-95-010;

b) Une ordonnance du Tribunal poursuivant la demande no TR-95-034 relativement uniquement aux marchandises en question suivantes :

«1. la laine cardée à 100 p. 100, teinte, d’un poids variant entre 21 et 23 oz linéaires (c.-à-d. environ 570 g/mètre linéaire);

2. les tissus de velours de laine cardée à 100 p. 100 d’un poids de 560 g/m?E8Štre linéaire».

c) Une ordonnance du Tribunal prolongeant la période au cours de laquelle CookshireTex Inc. peut déposer sa réponse à la demande d’allégement tarifaire jusqu’à 10 jours après l’ordonnance rendue par le Tribunal dans la présente motion.

[Traduction]

Le 5 janvier 1996, le Tribunal a envoyé aux avocats et aux parties une lettre dans laquelle il leur demandait de faire des observations sur l’avis de motion. Deux parties ont fait des observations : M. Dennis Bishop, le représentant de Freed & Freed, et M. Patt MacPherson, le représentant de l’ICT et de Victor.

Le Tribunal a rendu sa décision sur l’avis de motion le 27 février 1996. Il a informé les parties que la description des tissus faisant l’objet de l’enquête avait été modifiée de manière à inclure un prix cible de 8,00 $/mètre linéaire ou plus (environ 5,26 $/m2, en supposant une largeur de tissu moyenne de 1,52 m). Cependant, le Tribunal a rejeté la motion demandant qu’une ordonnance mette fin à l’enquête sur les demandes nos TR-95-010 et TR-95-034.

Aucune audience publique n’a été tenue dans le cadre de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LES PRODUITS

Les tissus visés par la demande d’allégement tarifaire déposée par Freed & Freed (TR-95-010) sont classés dans les numéros de classement 5111.19.00.10 [4] et 5111.30.92.00 [5] de l’annexe I du Tarif des douanes [6] . Ils sont, à l’heure actuelle, passibles de droits de douane de 19,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF, de 12,0 p. 100 ad valorem en vertu du TPG, de 5,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif des É.-U. et de 8,2 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique. Les tissus classés dans le numéro de classement 5111.19.00.10 sont également passibles de droits de douane de 18,0 p. 100 ad valorem mais ils ne doivent pas excéder 1,32 $/kg en vertu du TPB.

Les tissus visés par la demande d’allégement tarifaire déposée par Fen-nelli (TR-95-034) sont classés dans le numéro de classement 5111.30.92.00. Ces tissus constituent une sous-catégorie des tissus visés par la demande no TR-95-010 et, pour cette raison, le Tribunal a décidé de réunir les deux demandes et de mener une enquête conjointe.

Les sociétés Freed & Freed et Fen-nelli déclarent qu’elles utilisent les tissus en question pour produire des manteaux de qualité pour femmes. Freed & Freed déclare qu’elle utilise également les tissus en question pour produire des manteaux pour hommes. Freed & Freed et Fen-nelli font une distinction entre les manteaux de qualité moyenne ou supérieure et ceux de qualité inférieure. Dans la demande no TR-95-010, les tissus en question sont destinés à être utilisés dans la fabrication de manteaux longs et courts de qualité supérieure pour femmes et pour hommes, tandis que dans la demande no TR-95-034, les tissus en question sont destinés à être utilisés dans la confection de manteaux de laine pour femmes, de tissu fin et à prix moyen. Dans les deux demandes, on soutient qu’il n’existe aucun substitut acceptable de qualité comparable sur le marché intérieur.

Revenu Canada a proposé la désignation de produits suivante au cas où l’allégement tarifaire serait accordé :

Tissus, de fils cardés, constitués uniquement de laine ou de poils fins, ou contenant au moins 75 p. 100 en poids de laine ou de poils fins mélangés avec des fibres synthétiques discontinues, d’un poids supérieur à 300 g/m2 mais n’excédant pas 500 g/m2, des sous-positions nos 5111.19 et 5111.30, destinés à être utilisés dans la confection de vêtements d’extérieur de la position no 62.02.

[Traduction]

La définition proposée fixe une limite supérieure et inférieure au poids des tissus pouvant bénéficier d’un allégement tarifaire. Il est intéressant de souligner que, à l’heure actuelle, les codes tarifaires qui s’appliquent aux tissus en question ne comportent aucune limite de poids supérieure, mais uniquement une limite inférieure. À cet égard, plusieurs utilisateurs des tissus en question ont précisé qu’ils importent des tissus qui, croient-ils, ont un poids légèrement supérieur à 500 g/m2 et que ces tissus devraient être inclus dans les tissus en question parce que, selon eux, ces tissus ne sont pas disponibles au Canada.

De plus, la définition proposée par Revenu Canada comporte un renvoi à la production de vêtements d’extérieur visés par la position no 62.02. Cet élément restreindrait l’utilisation finale à la confection de manteaux pour femmes, en dépit du fait que l’une des demandes cherche explicitement à obtenir un allégement tarifaire pour les tissus en question utilisés dans la confection de manteaux tant pour femmes que pour hommes.

Les résultats de l’analyse en laboratoire effectuée par Revenu Canada, concernant les spécifications techniques des échantillons fournis par Freed & Freed et Fen-nelli, ont été soumis au Tribunal le 16 octobre 1995. Revenu Canada a également présenté au Tribunal les résultats de son analyse en laboratoire des tissus soumis par Hannah.

Deux producteurs canadiens, CookshireTex et Victor, ont aussi présenté des échantillons de tissus au Tribunal. Ils prétendent que leurs tissus sont identiques et substituables aux tissus en question. Le Tribunal a donc envoyé ces échantillons à Revenu Canada pour analyse le 19 mars 1996 et a reçu les résultats du laboratoire le 21 mai 1996.

Selon les indications fournies par les parties intéressées, les importations des tissus en question totalisaient 300 000 mètres linéaires en 1995, et avaient une valeur en douane d’environ 5 millions de dollars [7] . Une importante proportion de ces importations sont originaires d’Italie.

Le marché canadien apparent des tissus en question et des tissus prétendument identiques et substituables, qui sont destinés à être utilisés dans la confection de manteaux pour femmes et pour hommes, était évalué, en 1995, à 410 239 mètres linéaires. Ces estimations sont fondées sur les achats combinés de tissus importés déclarés par Freed & Freed et Fen-nelli et par d’autres utilisateurs et importateurs ayant répondu aux questionnaires du Tribunal, ainsi que sur le volume des ventes intérieures de tissus prétendument identiques et substituables. À l’heure actuelle, les importations représentent une grande part de ce marché. Cependant, les producteurs canadiens soutiennent que, en raison de l’introduction récente de la laine fine et des mélanges de laine produits au pays, les ventes intérieures de tissus prétendument identiques et substituables devraient exploser dans les prochaines années.

OBSERVATIONS

La société Freed & Freed a été établie à la fin des années 20 et fabrique actuellement des vêtements d’extérieur pour femmes et pour hommes ainsi que des coordonnés, surtout sous le nom commercial «London Fog»; elle est le plus gros fabricant national de vêtements d’extérieur pour femmes. Elle est exploitée au Canada par des Canadiens.

Freed & Freed reconnaît qu’il existe une production canadienne de tissus de laine cardée; cependant, les tissus canadiens sont de moins bonne qualité que les tissus en question et conviennent à la confection de manteaux de laine de qualité inférieure. Freed & Freed soutient que les tissus produits par CookshireTex et par Victor ne sont pas substituables à ceux qu’elle utilise pour fabriquer ses vêtements d’extérieur de qualité supérieure. Freed & Freed déclare que son examen des échantillons fournis par les producteurs nationaux confirme cette conclusion. Par ailleurs, d’autres utilisateurs intéressés comme Cardinal, Shiff et Hannah ont tous convenu que les tissus en question ne peuvent être obtenus de la production canadienne.

Freed & Freed souligne qu’il n’existe pas au Canada de tissus constitués de poils fins à 100 p. 100 et de laine mélangée avec plus de 10 p. 100 de poils fins. Elle allègue que ces tissus sont nécessaires pour confectionner des vêtements d’extérieur de qualité supérieure qui se distinguent des manteaux de laine de qualité inférieure. De plus, les techniques d’apprêt utilisées par les usines italiennes confèrent à la surface des tissus une brillance qui se retrouve jusque dans les vêtements finis. Au terme d’une évolution de plus de 100 ans, les usines européennes se sont taillées la réputation de produire les tissus de la meilleure qualité au monde. Ce n’est pas parce qu’une usine utilise du matériel similaire et emploie des consultants européens pour obtenir des conseils sur la façon d’améliorer la production que ses tissus seront nécessairement de la même qualité. Freed & Freed soutient aussi que les investissements massifs effectués par les producteurs nationaux pour moderniser leur matériel n’entraînent pas nécessairement une augmentation immédiate de qualité comparable.

Freed & Freed soutient qu’il n’est pas surprenant que les vêtements d’extérieur faits de tissus de laine cardée provenant du Canada soient vendus dans les mêmes grands magasins que les vêtements de qualité supérieure. À son avis, les grands magasins comme Eaton’s et La Baie ne peuvent plus se permettre d’avoir une seule clientèle. S’ils veulent survivre, ils doivent offrir une gamme de marchandises susceptibles d’intéresser un éventail beaucoup plus large de clients.

Freed & Freed fait valoir que, comme les coûts du tissu dépassent de beaucoup les coûts de la main-d’œuvre dans la production de ses manteaux, l’allégement tarifaire de 19 p. 100 (en 1996) sur les tissus en question se répercuterait directement sur le prix de vente final au client.

En outre, Freed & Freed soutient que les industries de soutien nationales, par exemple les producteurs de doublures et les fournisseurs de bordures et de matériel isolant, profiteraient également d’une augmentation des ventes à leurs clients, les fabricants de manteaux. Freed & Freed estime qu’elle achète un volume important de doublures, de bordures, de matériel isolant, d’épaulettes, etc., des fournisseurs nationaux.

Freed & Freed affirme qu’à l’heure actuelle, elle-même, Fen-nelli et tous les autres fabricants de vêtements d’extérieur de qualité supérieure au Canada s’approvisionnent en intrants textiles à l’extérieur du Canada et devront continuer à le faire, que l’allégement tarifaire soit ou non accordé. Les tissus en question ne sont pas disponibles au Canada et, par conséquent, les producteurs nationaux n’effectuent pas actuellement ces ventes et ne les effectueront pas dans l’avenir à moins qu’ils ne se mettent à produire des tissus substituables. Par conséquent, Freed & Freed ne croit pas que l’allégement tarifaire aura une aussi grande incidence que le prétendent les producteurs nationaux.

Freed & Freed propose que le produit soit défini de façon plus étroite, ce qui ne serait qu’équitable pour les producteurs nationaux de tissus de laine cardée et réduirait leur opposition à la demande. À cet égard, Freed & Freed convient que l’industrie textile canadienne produit effectivement des tissus de laine et de mélanges de laine et de fibres synthétiques discontinues, bien qu’ils soient de qualité inférieure à celle des importations, et que Revenu Canada ne pourrait permettre l’entrée en franchise de tissus de qualité supérieure et refuser cette entrée à des tissus de qualité inférieure qui causeront un dommage à la production nationale de ces types de tissus de laine cardée. Cependant, elle soutient que les éléments de preuve montrent que l’industrie canadienne ne produit pas de tissus contenant 100 p. 100 de poils fins ou des mélanges de laine et de poils fins comprenant plus de 10 p. 100 en poids de poils fins. Freed & Freed affirme que l’unique échantillon de tissu présenté par les producteurs nationaux dans la catégorie des poils fins ne suffit pas à prouver l’existence d’une production nationale et encore moins leur capacité d’approvisionner et de desservir le marché où les tissus de poils fins sont en demande. Par conséquent, Freed & Freed suggère que la recommandation du Tribunal ne vise que les tissus contenant 100 p. 100 en poids de poils fins ou les tissus contenant au moins 75 p. 100 en poids de laine et de poils fins, mais pas moins de 10 p. 100 en poids de poils fins mélangés avec des fibres synthétiques discontinues.

La société Fen-nelli a été établie en 1991, principalement comme fabricant de manteaux pour femmes. La demande présentée par Fen-nelli ne porte que sur les tissus de laine vierge à 100 p. 100. Fen-nelli allègue que les tissus en question ne peuvent être obtenus de la production nationale et qu’il n’existe aucun substitut acceptable qui soit comparable du point de vue de la qualité et du poids, et qui aurait le même attrait que le produit naturel, tissé fin, de prix moyen, comme les tissus de laine à 100 p. 100 qu’elle importe. Dans le passé, elle s’approvisionnait auprès d’un producteur canadien, Satexil Inc. Fen-nelli fait remarquer, cependant, que cette société a fait faillite en 1993 et que, depuis, elle a dû acheter des produits importés.

Fen-nelli fait valoir que ni Victor ni CookshireTex n’a prouvé qu’elle était capable de desservir les fabricants canadiens de manteaux de qualité supérieure, pour femmes et pour hommes, faits de tissus de laine vierge à 100 p. 100. Fen-nelli insiste sur le fait qu’aucune donnée n’a été fournie au Tribunal sur les ventes de tissus substituables. Elle souligne que la question de savoir si Victor et CookshireTex deviendront réellement des fournisseurs de tissus identiques ou substituables est discutée depuis plus de trois ans. Fen-nelli demande combien de temps encore les fabricants de manteaux devront attendre avant que les producteurs nationaux leur fournissent des tissus de laine vierge à 100 p. 100 de qualité supérieure, possédant le tombant, l’apprêt et le toucher requis qui caractérisent les tissus en question largement disponibles auprès des producteurs italiens.

Fen-nelli prétend que l’allégement tarifaire demandé sera le catalyseur qu’il lui faut pour augmenter ses installations et sa gamme de produits, ce qui lui permettra de créer des emplois, de faire des économies, et ainsi de concurrencer les vêtements finis qui sont importés à bas prix. À cet égard, Fen-nelli signale que ses principaux concurrents sont les importateurs de marchandises finies peu dispendieuses provenant de marchés étrangers et que l’allégement tarifaire aidera donc à établir des règles de jeu équitables et facilitera la mise en œuvre de ses plans actuels d’expansion, tout en lui permettant de créer un marché d’exportation viable.

Fen-nelli achète actuellement certains tissus de laine cardée aux producteurs nationaux. Cependant, elle soutient qu’elle ne peut obtenir de la production canadienne un tissu de laine vierge à 100 p. 100 de qualité supérieure.

La société Hannah, de Toronto (Ontario), est en affaires depuis 1944 et produit des manteaux pour femmes de qualité supérieure depuis 51 ans. Elle produit aussi des blousons pour femmes, qu’elle confectionne avec les mêmes tissus que les manteaux et qui sont classés comme vêtements d’extérieur.

Hannah soutient qu’il n’existe plus d’usines canadiennes capables de fournir les tissus ayant la qualité et les motifs exigés par ses clients. Elle appuie les demandes d’allégement tarifaire, soutenant qu’un tel allégement l’aiderait à élargir sa clientèle et ramènerait le prix de vente au détail final de ses vêtements à un niveau plus concurrentiel. Étant obligée d’effectuer ses achats à l’étranger, les prix de Hannah ne cessent d’augmenter et sa marge bénéficiaire, de diminuer. Hannah soutient que, puisque le dollar canadien n’a aucune stabilité sur les marchés étrangers et que le coût de la main-d’œuvre continue d’augmenter, l’existence même des fabricants nationaux de manteaux de qualité supérieure au Canada est en jeu.

La société Cardinal, de Montréal, est un fabricant canadien de manteaux et de blazers de qualité supérieure pour hommes et pour femmes. L’entreprise a été fondée en 1958. Elle vend ses produits au secteur de la vente au détail partout au Canada ainsi que dans d’autres pays, surtout aux États-Unis. Cardinal appuie les demandes d’allégement tarifaire parce qu’à son avis il n’existe aucun producteur national qui fabrique actuellement ou qui soit même capable de fabriquer des tissus identiques ou substituables aux tissus de qualité supérieure dont elle se sert dans sa production.

Cardinal déclare que, même s’il est vrai que la description technique des tissus qu’elle utilise est semblable à celle des tissus en question selon les indications fournies dans l’avis d’ouverture d’enquête, ces tissus ne sont ni identiques ni substituables aux tissus en question en ce sens qu’ils sont d’une qualité supérieure.

Cardinal déclare qu’elle se spécialise dans la confection de manteaux, de vestes et de blazers de qualité supérieure. Elle vend ses manteaux aux détaillants haut de gamme, sous des marques de commerce exclusives, et leur prix moyen de vente au détaillant, à la livraison, est relativement élevé.

Cardinal affirme que les tissus qu’elle importe ne font pas directement concurrence à ceux que fabrique Victor. De plus, elle fait remarquer qu’aucun des gros clients des producteurs nationaux n’a manifesté de l’intérêt pour la présente enquête. Cardinal en déduit donc que les producteurs nationaux ne seraient pas confrontés à une concurrence accrue de la part des fournisseurs étrangers de tissus de qualité supérieure.

La société Shiff, de Montréal, est un producteur canadien de manteaux pour femmes. La société a été créée en 1919 et vend sa production aux détaillants canadiens. Shiff exportait autrefois une partie de sa production aux États-Unis mais ne le fait plus, soutenant que ses prix à l’exportation n’étaient plus concurrentiels par rapport à ceux des manteaux confectionnés aux États-Unis.

Shiff appuie les demandes d’allégement tarifaire parce qu’à son avis il est impossible d’obtenir de la production canadienne des tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Shiff affirme que, si des tissus de ce genre étaient offerts par la production nationale, elle les achèterait.

Shiff allègue que ses fournisseurs étrangers offrent des services et un choix que les fournisseurs nationaux ne peuvent tout simplement pas concurrencer. Par exemple, non seulement les fournisseurs étrangers sont-ils capables de répondre à temps à ses besoins particuliers, mais vont au-devant de ceux-ci en offrant un vaste choix de nouveaux styles et de motifs de couleur. Ils ne se contentent pas de suivre les tendances, ils en créent de nouvelles.

Cardinal et Shiff soutiennent que le Tribunal doit considérer attentivement les répercussions des limites imposées par l’Accord de libre-échange nord-américain [8] (l’ALÉNA) sur les drawbacks. Elles affirment que les drawbacks sur les droits seront réduits à zéro en 1998 et soulignent que cela [traduction] «constitue peut-être la plus grande préoccupation des fabricants de manteaux canadiens aujourd’hui».

La société Cohen, de Montréal, a été fondée en 1923. Elle emploie actuellement plus de 100 personnes. Cohen soutient qu’elle est l’un des principaux fabricants canadiens de vêtements de confection soignée pour hommes et le plus gros fabricant de manteaux sur mesure au Canada. Cohen produit également des complets, des vestes de sport, des blazers, des smokings, des gilets, des pantalons et des bermudas sur mesure.

Cohen appuie les demandes d’allégement tarifaire et cherche à obtenir la suppression permanente de tous les droits sur les tissus en question. Elle affirme qu 2'elle n’a pas réussi à trouver des tissus identiques et substituables ou même similaires au cours des deux dernières années. Elle soutient que le matériel d’apprêt requis pour produire la diversité des finis nécessaires n’existe pas au Canada. En outre, les fils fins requis pour ces tissus sont introuvables au Canada et proviennent depuis toujours d’Europe. Cohen déclare que, depuis quelques saisons, elle a examiné les échantillons des fournisseurs canadiens potentiels et qu’ils ne lui ont rien montré de similaire aux tissus qu’elle importe.

L’ICT représente les fabricants canadiens de textiles. Il s’oppose aux demandes pour le motif que des tissus substituables sont produits au Canada. L’ICT et Victor ont présenté un exposé conjoint. L’ICT et Victor s’opposent aux demandes d’allégement tarifaire parce que, ?E0… leur avis, celui-ci causerait un grave dommage aux investissements, à la production et aux emplois nationaux.

La société Victor, de Saint-Victor (Québec), a été fondée en 1947. Au fil des ans, elle est passée de la fabrication de fils sur le système laine cardée, à des activités de tissage, de teinture et d’apprêt. Victor est une exploitation intégrée dont les activités commencent par l’achat de laine et de fibres synthétiques. Elle fabrique les fils et produit ensuite les tissus à partir de ses propres fils. Victor teint et apprête également les tissus.

Victor soutient qu’elle produit et vend aujourd’hui un grand nombre de tissus de laine cardée fins, y compris des velours et de la flanelle destinés à être utilisés dans la confection de manteaux pour hommes et pour femmes. Victor produit toute une gamme de tissus, contenant entre 30 p. 100 et 100 p. 100 de laine. Les fils utilisés sont des fils cardés produits sur le système laine cardée et présentent un titre qui peut être fin ou gros. Le poids des tissus varie entre 220 et plus de 1 000 g/m2, mais plus de 90 p. 100 de sa production est constituée de tissus d’un poids allant de 300 à 500 g/m2. La largeur des tissus varie normalement entre 150 et 154 cm.

Victor s’oppose, pour diverses raisons, aux demandes de suppression permanente des droits de douane sur les importations des tissus en question. Elle soutient d’abord que l?92'entrée en franchise des tissus en question fera baisser le prix et les marges auxquels elle peut vendre ses tissus au Canada à un point où le rendement des capitaux investis serait sérieusement compromis et où la production de tissus pour manteaux pour femmes et pour hommes serait anéantie. De plus, Victor prévoit que le volume des ventes diminuera de façon marquée si les droits de douane sont supprimés, à cause de la concurrence accrue des fournisseurs de tissus étrangers. Enfin, les investissements effectués au cours des trois dernières années pour mettre au point de nouveaux tissus et acquérir du nouveau matériel auront été en vain si sa clientèle obtient un accès en franchise à ces tissus d’autres pays.

Victor soutient qu’elle a fait d’énormes efforts pour mettre au point des tissus destinés au segment du marché qui présente la demande à venir la plus prometteuse. Ces tissus sont principalement ceux dont le prix est supérieur à 8 $/mètre linéaire. Elle allègue que l’importance de ce segment augmente. S’appuyant sur les prévisions de ventes, Victor déclare que l’importance relative des tissus dans ce segment sera encore plus grande du point de vue des recettes et de la marge brute parce que leur prix est plus élevé que celui du tissu melton qui constituait l’essentiel de ses affaires. Par conséquent, Victor soutient que la suppression des droits sur les tissus de laine cardée importés faits de laine et de mélanges de laine et dont le prix est d’au moins 8 $/mètre linéaire compromettrait l’avenir de son entreprise.

Victor prétend qu’elle sera assujettie à diverses pressions économiques si l’allégement tarifaire est accordé. Elle allègue que le volume de ses ventes aux fabricants nationaux actuels diminuerait et que l’importation de tissus offerts à des prix réduits nuirait à ces fabricants. Victor affirme qu’elle serait obligée de réduire ses prix et ses marges pour faire face aux prix cibles bas des tissus importés. Enfin, Victor prétend que cela entraînerait une diminution de l’emploi et, par ricochet, de la production.

Victor fait valoir que ses ventes de tissus prétendument identiques et substituables en 1995 représentent le volume de vente d’une gamme de produits qui en est à ses débuts. Selon Victor, le volume de ses ventes de tissus de laine de qualité supérieure et de velours de laine augmentera sensiblement d’ici quelques années. Par conséquent, la principale incidence négative de l’allégement tarifaire serait de lui faire perdre des ventes à venir dans cet important secteur en croissance du marché des tissus de laine cardée. À cet égard, Victor estime que les ventes futures de melton, de tissus fantaisie et d’autres tissus de laine cardée de qualité inférieure diminueront avec le temps. À ce jour, ces autres tissus ont constitué l’essentiel de ses affaires, mais Victor soutient que cet état de fait change déjà.

En résumé, Victor allègue que des tissus identiques ou substituables peuvent être obtenus de sources canadiennes. Elle soutient que son équipe de recherche et développement travaille constamment à la mise au point de nouveaux tissus afin de répondre à la demande des clients. Depuis la fermeture de Satexil Inc., Victor affirme qu’elle est en mesure de fabriquer des tissus de qualité supérieure, comme le prouvent les échantillons de tissus présentés au Tribunal.

Enfin, l’ICT et Victor conviennent que le code 4225 de l’annexe II du Tarif des douanes mérite d’être considéré s’il s’agit de procurer un certain allégement tarifaire, puisqu’il vise les tissus évalués à 16,74 $/m2 ou plus (environ 25,00 $/mètre linéaire). L’ICT et Victor indiquent que le code 4225 pourrait être élargi de manière à inclure les manteaux pour femmes (il n’inclut pour le moment que les manteaux de coupe élégante pour hommes) pour satisfaire Freed & Freed et Fen-nelli dans une certaine mesure, sans causer de dommage à Victor. On insiste sur le fait que cette proposition présuppose que le prix ne sera pas réduit et que des dispositions rigoureuses et fiables seront prises en vue d’indexer le prix cible annuellement en fonction de l’inflation.

La société CookshireTex, de Cookshire (Québec), a été créée en 1943 et est un producteur de tissus à intégration verticale. Elle produit des fils à partir de matières premières comme la laine, les fibres synthétiques ou les poils fins. Par la suite, elle fabrique les tissus qu’elle teint et apprête. Au fil des ans, grâce à des investissements réguliers, CookshireTex a augmenté sa capacité de production ainsi que ses compétences. En effet, à l’origine, elle ne produisait que du melton et de la flanelle alors qu’aujourd’hui, elle offre toute une gamme de tissus de laine cardée, notamment des velours, des tissus de laine à 100 p. 100, des tissus faits de mélanges de laine et de poils fins et des tissus constitués de mélanges de laine ou de poils fins et de fibres synthétiques.

CookshireTex s’oppose aux demandes d’allégement tarifaire. Elle allègue que des tissus identiques ou substituables peuvent être obtenus de la production canadienne. Elle déclare que les échantillons de tissus qu’elle a présentés prouvent qu’elle a les compétences et la capacité voulues pour produire des tissus identiques ou substituables de même qualité. À l’appui de cette affirmation, CookshireTex soutient que la plupart des manteaux faits avec ses tissus sont vendus dans les grands magasins traditionnels comme Eaton’s, La Baie et Sears et dans des chaînes de boutiques comme Le Château et Roots. Aux États-Unis, les manteaux faits avec des tissus de CookshireTex sont vendus par Bloomingdales, J.C. Penney et le groupe The Gap. CookshireTex soutient que ses clients vendent leurs manteaux aux principaux détaillants haut de gamme du marché en concurrence directe avec Freed & Freed.

Au début des années 90, CookshireTex a constaté que le marché des tissus de laine cardée au Canada changeait radicalement. Délaissant le melton, les consommateurs montrent une préférence pour les tissus de laine cardée de qualité supérieure. CookshireTex indique qu’ayant constaté cette évolution du marché, elle a commencé à mettre en œuvre des plans pour conserver sa place sur le marché canadien. Ces plans comprenaient des investissements importants dans son usine et son matériel afin de produire des tissus de laine fine et de velours de laine. Jusqu’à la fin de 1992, Satexil Inc. dominait le segment haut de gamme du marché des tissus au Canada. La fermeture de cette usine a créé sur le marché un vide que CookshireTex se préparait déjà à combler. À cet égard, CookshireTex soutient qu’en 1992, elle a lancé une nouvelle gamme de tissus de velours de laine à 100 p. 100 pour desservir le segment haut de gamme du marché des tissus de laine cardée.

CookshireTex allègue qu’une réduction des droits aura une incidence proportionnellement plus grande sur la capacité des fournisseurs nationaux de tissus de demeurer concurrentiels. La suppression des droits NPF de 19 p. 100 entraînerait une importante réduction des prix de ces importations ce qui, par ricochet, aurait d’énormes répercussions sur la compétitivité de CookshireTex alors qu’elle a fait de gros investissements pour accroître sa présence sur le marché des tissus de laine cardée de qualité supérieure.

En outre, CookshireTex soutient qu’il est erroné de penser que les réductions de prix opérées dans un segment du marché (c.-à-d. les velours de laine) n’ont d’effet que sur ce segment-là. Les divers segments du marché des tissus sont interreliés et les prix établis dans un segment influent sur les prix et la demande dans un autre. Une réduction de la teneur en droits des velours de laine fera baisser le prix de ces mélanges. L’écart de prix entre les velours de laine et les tissus melton diminuerait, et la demande pour le melton tombera. CookshireTex allègue qu’il faudra ou bien que le prix des tissus melton tombe de manière à rétablir l’écart de prix et à maintenir la demande, ou bien que la demande de tissus melton diminue et que celle des tissus de velours de laine augmente.

La NTA a écrit au Ministre pour lui exprimer ses inquiétudes et lui indiquer qu’elle s’opposait aux demandes d’allégement tarifaire sur les tissus de laine cardée. La NTA représente les fabricants de tissus de laine cardée dans l’ensemble des États-Unis et du Canada. Elle s’oppose aux demandes pour le motif que l’allégement tarifaire accroîtrait l’accès à des tissus provenant de pays non parties à l’ALÉNA et causerait un nouveau dommage aux fabricants américains et canadiens qui produisent ces mêmes tissus.

La NTA soutient que les usines aux États-Unis et au Canada qui fabriquent des tissus de laine cardée destinés à la fabrication de vêtements d’extérieur pour hommes et pour femmes ont été gravement touchées par les importations de tissus, en particulier par l’afflux massif de vêtements de laine faits à l’étranger. La NTA souligne que l’ALÉNA a été établi pour favoriser le commerce entre les pays de l’Amérique du Nord et elle appuie la poursuite de cet objectif. Cependant, la NTA soutient qu’elle ne voit pas pourquoi il serait nécessaire que les tissus provenant de pays non parties à l’ALÉNA accèdent plus facilement à ce marché régional.

La NTA rappelle au Ministre que l’industrie américaine des vêtements faits sur mesure a déjà été durement frappée par les vêtements faits au Canada avec des tissus provenant de pays non parties à l’ALÉNA. En résumé, la NTA déclare que cet allégement tarifaire contrevient à l’esprit et à l’objet de l’ALÉNA et espère que le Ministre n’accordera pas l’allégement tarifaire fondé sur cette demande «injuste» et «aux effets destructeurs».

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a informé le Tribunal que le Canada n’impose aucun contingent sur les tissus classés dans les numéros de classement 5111.19.00.10 et 5111.30.92.00. Cependant, les tissus classés dans ces deux numéros sont inclus dans le numéro 25 de la Liste des marchandises d’importation contrôlée. Par conséquent, les importateurs canadiens désirant importer ces produits sont tenus, aux termes de la Loi sur les licences d’exportation et d’importation [9] , de faire une demande de licence d’importation.

Revenu Canada a indiqué que l’administration de l’allégement tarifaire, s’il était accordé, ne lui imposerait pas de coûts s’ajoutant à ceux qu’il supporte déjà. Revenu Canada a également déclaré que, si le Tribunal recommandait un allégement tarifaire, une modification de certains codes tarifaires pourrait être envisagée.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d’évaluer l’incidence économique d’une réduction ou d’une élimination des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et les entreprises situées en aval et, pour ce faire, de tenir compte de tous les facteurs économiques qui entrent en ligne de compte, notamment la possibilité de substituer des intrants textiles produits au Canada aux intrants importés, la capacité des producteurs nationaux de desservir les industries canadiennes situées en aval, la comparaison des prix nationaux et des prix étrangers et la mesure dans laquelle les dispositions tarifaires en vigueur et celles qui sont demandées pour les textiles visés exercent une influence sensible sur les décisions d’investissement ou d’exploitation des producteurs nationaux.

Selon les sociétés Freed & Freed et Fen-nelli, les manteaux produits avec les tissus en question sont d’une qualité supérieure et se situent dans le segment «à prix élevé» du marché pour lequel il n’existe aucune source canadienne d’intrants textiles. Elles prétendent que les tissus de laine cardée produits au pays ne peuvent être utilisés que pour la confection de manteaux de qualité inférieure.

Le Tribunal estime qu’il existe divers degrés de «qualité» perçue de tissus de laine, de poils fins et de mélanges de laine qui sont tous visés par la description technique des tissus en question. Par exemple, on trouve des tissus melton, des tissus constitués de mélanges de laine et de nylon, des tissus constitués principalement de laine et de poils fins mélangés de nylon, des tissus de laine vierge à 100 p. 100 et des tissus de poils fins à 100 p. 100. Il va de soi que le type et le numéro du fil, la construction des tissus et les diverses techniques d’apprêt ajoutent aux tissus diverses caractéristiques qui leur donnent une apparence, un toucher et un tombant différents. Bien que ces différents degrés de qualité soient assez difficiles à définir avec précision, le Tribunal croit qu’ils existent réellement. Il en veut pour preuve le grand écart de prix existant entre les différents tissus de laine cardée. Les tissus melton, par exemple, occupent l’extrémité inférieure de l’échelle des prix, les tissus de laine mélangée avec des fibres synthétiques discontinues occupent une position intermédiaire et sont suivis des tissus de laine vierge à 100 p. 100 ou des tissus constitués de mélanges de laine et de poils fins qui forment une troisième grande catégorie de prix. Enfin, les tissus de poils fins à 100 p. 100, comme le cachemire, se situent à l’extrémité supérieure de l’échelle des prix. Il appert de l’examen des échantillons de tissus fournis par Freed & Freed et Fen-nelli et par les parties intéressées à cette gamme de tissus, que les tissus produits au pays sont substituables à un bon nombre des tissus en question.

L’acceptation par le marché est un autre indicateur de la substituabilité examinée par le Tribunal. Aux premières étapes de l’enquête, E. & J. Manufacturing a retiré sa demande d’allégement tarifaire, soutenant qu’elle achète actuellement du tissu d’un fournisseur canadien et qu’elle était très satisfaite de la qualité du tissu de laine cardée fourni. Par ailleurs, les éléments prouvant une augmentation des ventes de tissus de laine cardée prétendument identiques ou substituables par des producteurs canadiens sont un autre signe indiquant que les tissus de laine cardée plus fins qu’ils fabriquent actuellement sont acceptés par le marché.

Un des importants facteurs retenus par le Tribunal dans la présente enquête, en plus de l’existence de tissus substituables, est la capacité de l’industrie textile nationale de fournir ces tissus. Des éléments de preuve indiquent que le marché des manteaux au Canada délaisse les tissus melton de qualité inférieure au profit de tissus, plus fins et de qualité supérieure, de laine, de velours et de mélanges de laine et de poils fins. Les producteurs nationaux de tissus de laine cardée, comme CookshireTex et Victor, ont reconnu cette évolution du marché et y ont réagi en mettant en œuvre, et ce avec détermination, des plans dans le but d’accroître leur capacité et leurs compétences pour être en mesure de produire des tissus de laine et de mélanges de laine de qualité supérieure.

Les éléments de preuve dans ces affaires indiquent clairement que CookshireTex et Victor ont commencé à mettre au point et à produire des tissus de laine cardée d’une qualité supérieure à celle qu’elles produisaient dans le passé. Les éléments de preuve montrent que la grande majorité des tissus prétendument identiques ou substituables actuellement produits au Canada sont des tissus constitués de mélanges de laine et de fibres synthétiques discontinues. Le volume de production de tissus de laine vierge à 100 p. 100 et de tissus contenant des poils fins est très limité. Le Tribunal croit que les producteurs nationaux fabriquent actuellement ou seront bientôt en mesure de fabriquer une gamme de tissus de laine de qualité supérieure visée par la présente enquête, mais qu’ils ne fabriquent pas actuellement et ne seront pas dans un proche avenir en mesure de fabriquer et de fournir des quantités commerciales de tissus de qualité très fine faits uniquement ou principalement de laine vierge ou de poils fins.

À cet égard, le Tribunal accepte les arguments présentés par Freed & Freed et Fen-nelli et par d’autres importateurs selon lesquels les tissus de laine et de poils fins de très grande qualité, qui se situent à l’extrémité supérieure de l’échelle des prix des tissus de laine cardée, ne sont pas disponibles au Canada. Le Tribunal est persuadé par l’information fournie par Cardinal, par exemple, selon laquelle certains de ses besoins spécifiques de tissus de laine et de poils fins de très grande qualité ne peuvent être satisfaits à partir de la production canadienne. Le prix cible des tissus en question est considérablement plus élevé que celui des tissus offerts au Canada. Il est peu probable que la production canadienne de tissus identiques ou substituables commencera dans un avenir prévisible, puisque CookshireTex et Victor ont indiqué qu’elles commenceront par concentrer leurs efforts sur le développement et le perfectionnement d’autres tissus de laine fine, de velours et de mélanges de laine avant d’accroître leur capacité de production du cachemire à 100 p. 100, par exemple.

Les prix des tissus prétendument identiques ou substituables doivent aussi être considérés par le Tribunal dans son évaluation de l’incidence économique de l’allégement tarifaire. Les éléments de preuve montrent que le prix canadien des tissus identiques ou substituables est comparable au prix franco dédouané d’un grand nombre des tissus en question. Le Tribunal reprend à son compte l’observation faite par CookshireTex selon laquelle la suppression des droits NPF de 19 p. 100 entraînerait une réduction du prix de ces importations ce qui, par ricochet, porterait un dur coup à la compétitivité des producteurs nationaux sur ce marché. Cela modifierait sensiblement leur position concurrentielle, alors qu’ils ont beaucoup investi pour assurer leur présence sur le marché des tissus de laine cardée de qualité supérieure. En outre, Freed & Freed a également reconnu qu’un dommage serait causé à la production nationale de tissus de laine cardée de qualité inférieure si les tissus en question bénéficiaient d’une entrée en franchise.

Dans l’ensemble, le Tribunal est d’avis que les coûts que l’industrie textile nationale aurait à supporter, si l’allégement tarifaire était accordé, dépasseraient de beaucoup les avantages que cet allégement procurerait aux producteurs de manteaux pour femmes et pour hommes. Ces coûts, selon les estimations établies par CookshireTex et par Victor, prendraient la forme d’une réduction du prix des tissus de laine et de mélanges de laine destinés aux fabricants canadiens de tissus de laine cardée. Fait plus important, l’allégement tarifaire nuirait au développement et à la croissance du marché des tissus de laine et de mélanges de laine de qualité supérieure dans l’avenir et ferait, par conséquent, perdre des possibilités commerciales. Le marché abandonnant peu à peu les tissus melton, le Tribunal est persuadé que les producteurs nationaux doivent se transformer et offrir des tissus de laine cardée de qualité supérieure aux fabricants de manteaux au Canada, ce que certains fabricants de textiles ont précisément commencé à faire.

Le Tribunal estime que l’industrie nationale est actuellement dans une position vulnérable. Sa décision d’effectuer d’importants investissements a été prise en tenant compte du régime tarifaire actuel. Le Tribunal croit que, s’il recommandait un changement au régime tarifaire à un moment aussi critique du développement de nouvelles occasions et d’occasions de remplacement sur le marché, l’industrie nationale serait incapable de concurrencer les tissus en question, compte tenu surtout du prix auquel un grand nombre de ces tissus entrent au Canada. La suppression intégrale du tarif en l’espèce pourrait causer un tort irréversible à la capacité des producteurs canadiens de croître et de réussir sur ce nouveau marché au Canada.

Cependant, le Tribunal conclut aussi qu’il n’existe actuellement aucune production nationale de certains tissus de laine, de poils fins et de mélanges de laine et de poils fins de qualité supérieure qui se situent à l’extrémité supérieure de l’échelle des prix. Après avoir soigneusement examiné et analysé les avantages potentiels pour les utilisateurs, comparativement aux coûts estimatifs que les producteurs nationaux auraient à supporter, le Tribunal croit qu’un allégement tarifaire partiel est justifié pour cette gamme de tissus bien précise. La question à laquelle le Tribunal est confronté est donc la suivante : Comment définir les tissus pour lesquels un allégement tarifaire est justifié, par rapport à ceux pour lesquels il ne l’est pas?

L’ICT a proposé une définition des tissus que le Tribunal estime trop étroite. Le Tribunal a trouvé des indications utiles sur cette question dans le code 4225 où l’on trouve une définition des tissus utilisés dans la fabrication de manteaux de coupe élégante pour hommes, puisque les tissus mentionnés dans le code 4225 et les tissus en question sont similaires à bien des égards. Le code 4225 prévoit une entrée en franchise des tissus, contenant au moins 95 p. 100 en poids de fils cardés, de laine vierge ou de poils d’animaux fins, évalués à 16,74 $/m2 ou plus, des numéros tarifaires 5111.11.90 ou 5111.19.00, devant servir à la fabrication de manteaux de coupe élégante pour hommes autres que les duffle-coats et les cabans. S’appuyant sur une analyse de tous les facteurs pertinents, le Tribunal conclut qu’une valeur de 13,16 $/m2 (20,00 $/mètre linéaire, en supposant un tissu d’une largeur de 1,52 m) est un prix cible approprié. Bien que l’établissement d’un tel prix aux fins d’un allégement tarifaire ne relève pas d’une science exacte, celui-ci a été fixé à un niveau plus élevé que celui des tissus de laine cardée actuellement produits au Canada. En choisissant ce montant, on continue d’assurer la protection tarifaire requise par les producteurs nationaux de tissus de laine cardée, tout en offrant un certain allégement tarifaire aux importateurs des tissus en question.

Le Tribunal convient également que le prix cible devrait être indexé annuellement afin que le prix soit protégé par rapport à l’inflation.

RECOMMANDATION

Compte tenu des renseignements qui précèdent et des éléments de preuve présentés au Tribunal dans la présente affaire, le Tribunal recommande au Ministre, par la présente :

1) qu’un allégement tarifaire soit accordé sur les tissus, contenant au moins 95 p. 100 en poids de fils cardés, de laine vierge ou de poils fins, mélangés avec des fibres synthétiques discontinues, d’un poids supérieur à 300 g/m2 mais n’excédant pas 500 g/m2, évalués à 13,16 $/m2 ou plus (20,00 $/mètre linéaire ou plus, en supposant un tissu d’une largeur de 1,52 m), prix indexé annuellement en fonction de l’inflation, des sous-positions nos 5111.19 et 5111.30, destinés à être utilisés dans la confection de manteaux pour femmes et pour hommes des positions nos 62.01 et 62.02;

2) qu’aucun autre allégement tarifaire demandé pour les tissus visés par les demandes nos TR-95-010 et TR-95-034 ne soit accordé.

Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre présidant


Robert C. Coates, c.r.
_________________________
Robert C. Coates, c.r.
Membre


Desmond Hallissey
_________________________
Desmond Hallissey
Membre


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Les 20 mars et 24 juillet 1996, le ministre des Finances a révisé ledit mandat.

3. Vol. 129, no 45 à la p. 3851.

4. Tissus de laine cardée ou de poils fins cardés, contenant au moins 85 p. 100 en poids de laine ou de poils fins, pour les vêtements.

5. Tissus de laine cardée ou de poils fins cardés, mélangés principalement ou uniquement avec des fibres synthétiques ou artificielles discontinues, d’un poids n’excédant pas 300 g/m 2 .

6. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

7. Selon les données publiées par Statistique Canada, la valeur des importations des tissus en question représente environ 30 p. 100 de la valeur totale des importations classées dans les numéros de classement 5111.19.00.10 et 5111.30.92.00.

8. Signé à Ottawa (Ontario) les 11 et 17 décembre 1992, à Mexico, D.F., les 14 et 17 décembre 1992 et à Washington, D.C., les 8 et 17 décembre 1992 (en vigueur au Canada le 1 er janvier 1994).

9. L.R.C. (1985), ch. E-19.


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Publication initiale : le 15 octobre 1996