VÊTEMENTS PEERLESS INC.

Enquêtes


RAPPORT AU
MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE
PAR
VÊTEMENTS PEERLESS INC.
CONCERNANT
CERTAINS TISSUS ET TRICOTS CHAÎNE
LE 29 OCTOBRE 1998

TABLE DES MATIÈRES


Demande No : TR-97-006

Membres du Tribunal : Patricia M. Close, membre présidant
Raynald Guay, membre
Anita Szlazak, membre


Directeur de la recherche : Réal Roy


Gestionnaire de la recherche : Paul R. Berlinguette


Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud


Agent à l’inscription et à
la distribution : Claudette D. Friesen



Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat [2] de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes [3] .

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu, le 11 septembre 1997, de la société Vêtements Peerless Inc. (Peerless), de Montréal (Québec), une demande [4] de suppression pour une période indéterminée des droits de douane sur les importations en provenance de tous les pays de certains tissus et tricots chaîne. Le 17 mars 1998, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête qui a fait l’objet d’une large diffusion et a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 28 mars 1998 [5] . Les tissus qui font l’objet de l’enquête, devant servir d’entoilages dans la confection de complets, de vestons et de blazers pour hommes (les tissus en question), ont été décrits dans l’avis ainsi qu’il suit :

tissu peu serré, à armure sergé, fait uniquement de fils de filaments de polyester texturés sans torsion, partiellement enduit d’un adhésif thermofusible du numéro tarifaire 5407.51.90 ou 5903.90.29 [ci-après désigné le tissu B131] [de l’annexe du Tarif des douanes [6] ]; tricot chaîne, fait uniquement de fils de filaments de polyester texturés et non texturés, partiellement enduit d’un adhésif thermofusible du numéro tarifaire 5903.90.29 ou 6002.43.90 [ci-après désigné le tissu 3249]; tricot chaîne, lié par couture, fait uniquement de filaments de polyester et de fibres discontinues de polyester, partiellement enduit d’un adhésif thermofusible du numéro tarifaire 5903.90.29 ou 6002.43.90 [ci-après désigné le tissu V901]; tricot chaîne, lié par couture au moyen de fils de filaments de polyester, contenant un voile de fibres discontinues de polyester dans lequel [sont insérés] dans la trame des fils à âme faits d’un monofilament de nylon enveloppé de fibres discontinues de polyester et recouvert de fibres discontinues de rayonne viscose du numéro tarifaire 6002.43.90 [ci-après désigné le tissu R791].

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de recherche du Tribunal a envoyé des questionnaires aux producteurs potentiels de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Une demande de renseignements a aussi été envoyée aux utilisateurs et à des importateurs potentiels des tissus en question. Une lettre a été adressée au ministère du Revenu national (Revenu Canada) pour obtenir des renseignements sur le classement tarifaire des tissus en question, et des échantillons ont été fournis aux fins d’analyse en laboratoire. Des lettres ont également été envoyées à plusieurs autres ministères gouvernementaux en vue d’obtenir des renseignements et des avis.

Un rapport d’enquête du personnel, résumant les renseignements reçus des ministères susmentionnés, de Peerless et des autres parties intéressées, a été remis aux parties intéressées qui avaient déposé des actes de comparution dans le cadre de la présente enquête, devenant ainsi « parties » à la procédure.

Après la distribution du rapport d’enquête du personnel, les sociétés Canada Hair Cloth Company, division of DHJ Canada, Inc. (CHC), Doublures Canada Pad Inc. (Canada Pad) et Peerless ont déposé des exposés auprès du Tribunal. À la suite d’une demande présentée par Peerless, le Tribunal a accepté d’organiser une audience publique d’une journée pour recueillir des éléments de preuve et entendre les plaidoiries concernant les questions suivantes :

1) la substituabilité des intrants textiles fabriqués par CHC et de ceux importés par Peerless;

2) la capacité de CHC de répondre à la demande du marché canadien de l’entoilage;

3) l’incidence économique qui résulterait de l’allégement tarifaire demandé s’il est accordé.

Dans des lettres datées du 30 juillet et du 9 septembre 1998, l’avocat de Peerless a informé le Tribunal que Peerless, CHC et Canada Pad avaient conclu une entente relativement à la demande d’allégement tarifaire. Aux termes de l’entente susmentionnée, CHC et Canada Pad ont accepté d’appuyer la demande d’allégement tarifaire, ou du moins de ne plus s’y opposer, relativement à trois des tissus visés dans l’enquête, soit les tissus B131, 3249 et V901. En ce qui concerne le tissu R791, Peerless a accepté de retirer sa demande d’allégement tarifaire. Dans le cadre de ladite entente, les parties ont convenu d’un libellé spécifique et ont proposé des numéros tarifaires spécifiques [7] , tels qu’énoncés ci-dessous, pour les tissus utilisés comme entoilages dans la confection de vêtements pour hommes :

Tissu B131

Tissu fait de fils de filaments de polyester texturés, partiellement enduit d’un adhésif thermofusible, d’une élasticité minimale de 4 p. 100 dans la chaîne et de 12 p. 100 dans la trame selon la spécification D3107-75 de l’ASTM, d’un poids excédant 70 g/m², mais n’excédant pas 95 g/m², du numéro tarifaire 5407.51.20;

Tissu fait de fils de filaments de polyester texturés, partiellement enduit d’un adhésif thermofusible, d’une élasticité minimale de 4 p. 100 dans la chaîne et de 12 p. 100 dans la trame selon la spécification D3107-75 de l’ASTM, d’un poids excédant 70 g/m², mais n’excédant pas 95 g/m², du numéro tarifaire 5903.90.22;

Tissu 3249

Tricot chaîne fait de fils de filaments de polyester texturés et non texturés, partiellement enduit d’un adhésif thermofusible, d’une élasticité minimale de 4 p. 100 dans la chaîne et de 12 p. 100 dans la trame selon la spécification D3107-75 de l’ASTM, d’un poids excédant 70 g/m², mais n’excédant pas 95 g/m², du numéro tarifaire 5903.90.23;

Tricot chaîne fait de fils de filaments de polyester texturés et non texturés, partiellement enduit d’un adhésif thermofusible, d’une élasticité minimale de 4 p. 100 dans la chaîne et de 12 p. 100 dans la trame selon la spécification D3107-75 de l’ASTM, d’un poids excédant 70 g/m², mais n’excédant pas 95 g/m², du numéro tarifaire 6002.43.40;

Tissu V901

Tricot chaîne fait de filaments de polyester et de fibres discontinues de polyester, partiellement enduit d’un adhésif thermofusible, d’un poids n’excédant pas 55 g/m², du numéro tarifaire 5903.90.24;

Tricot chaîne fait de filaments de polyester et de fibres discontinues de polyester, partiellement enduit d’un adhésif thermofusible, d’un poids n’excédant pas 55 g/m², du numéro tarifaire 6002.43.50.

À la lumière de ce qui précède, l’audience a été annulée à la demande de Peerless.

RENSEIGNEMENTS SUR LES PRODUITS

Présentement, Peerless importe les tissus en question de l’étranger. Les tissus servent dans la confection de complets, de vestons et de blazers pour hommes. Toutes les opérations de coupe, de couture, de finition et de contrôle de la qualité des produits finals sont exécutées à l’usine de Peerless, à Montréal.

Au 1er janvier 1998, les tissus en question classés dans le numéro de classement 5407.51.90.12 sont passibles de droits de douane de 16,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF et de 12,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique et du tarif du Chili et entrent en franchise en vertu du tarif des États-Unis et du tarif de l’Accord Canada-Israël. Les tissus en question classés dans le numéro de classement 5903.90.29.00 sont passibles de droits de douane de 16,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF, de 10,0 p. 100 ad valorem en vertu du TPG et de 8,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique et du tarif du Chili et entrent en franchise en vertu du tarif des États-Unis, du tarif des pays les moins développés et du tarif de l’Accord Canada-Israël. Les tissus en question classés dans le numéro de classement 6002.43.90.29 sont passibles de droits de douane de 16,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF et de 10,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique et du tarif du Chili et entrent en franchise en vertu du tarif des États-Unis et du tarif de l’Accord Canada-Israël. Le tarif NPF sur les tissus en question susmentionnés fait encore l’objet d’une réduction annuelle et sera de 14,0 p. 100 en 2004.

OBSERVATIONS

Peerless

Peerless confectionne des vêtements pour hommes depuis 1919. Il s’agit d’une société privée qui emploie plus de 2 000 personnes. À la suite de l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis [8] , Peerless s’est établie en tant que société internationale de fabrication et de commercialisation, ayant une présence importante sur le marché des complets de laine pour hommes aux États-Unis.

Avant l’entente qu’elle a conclue avec CHC et Canada Pad, Peerless a soutenu, dans ses exposés auprès du Tribunal, que les éléments de preuve au dossier montrent qu’il n’y a pas de production au Canada de tissus identiques ou substituables, étant donné les faits suivants : 1) aucune déclaration de substituabilité n’a été présentée relativement au tissu V901; 2) les entoilages thermocollants ayant une élasticité chaîne et trame, comme les tissus B131 et 3249, ne sont pas produits au Canada; 3) CHC n’a soumis aucun élément de preuve véritable de substituabilité aux plans commercial et technique relativement au tissu R791.

Peerless a soutenu que la suppression des droits de douane sur les importations des tissus en question réduira les coûts, ce qui lui permettra d’abaisser son prix de gros et de concurrencer plus efficacement les importations de produits finis. Peerless a affirmé que les avantages seront transmis au consommateur. Peerless a aussi affirmé que, avec l’élimination du programme des drawbacks sur les droits, elle sera dans une position défavorable en ce qui a trait aux prix sur le marché américain si l’allégement tarifaire n’est pas accordé et que, de ce fait, ses ventes à l’exportation aux États-Unis en souffriront.

Peerless a soutenu, et CHC l’a admis, que CHC ne fabrique pas une gamme complète d’entoilages et a choisi, plutôt, de compléter sa gamme de produits à partir de la production de sociétés affiliées. Peerless a indiqué qu’il n’existe aucun élément de preuve au dossier que la société Weston Apparel Manufacturing Company, Division of Dylex Limited (Weston), qui appuie la demande d’allégement tarifaire, mais affirme également qu’il existe des substituts canadiens, ait jamais acheté des entoilages thermocollants ayant une élasticité chaîne et trame et que les complets que confectionne Weston ne sont pas de la même qualité et n’a donc pas besoin des mêmes entoilages thermocollants, y compris ceux qui ont une élasticité chaîne et trame. Peerless a soutenu que l’usage d’entoilages de qualité est répandu dans la confection de complets de qualité supérieure, comme ceux que produit Peerless.

Peerless a soutenu que CHC n’a soumis aucun élément de preuve quantifiable concernant l’incidence négative de l’allégement tarifaire demandé parce que cette dernière ne fabrique pas de tissus substituables.

Quant aux renseignements soumis par la société Freudenberg Nonwovens (Freudenberg), un fabricant américain d’entoilages, Peerless a indiqué que ces éléments de preuve ne sont pas pertinents en l’espèce. Peerless a souligné que les renseignements au dossier concernant l’établissement des prix démontrent que les tissus de production nationale ne sont pas substituables aux tissus en question. Peerless a souligné que CHC fait déjà face à la concurrence des importations qui entrent en franchise en provenance des États-Unis, y compris les tissus exportés par Freudenberg, et que, par conséquent, il est extrêmement peu probable qu’elle perde toutes ses ventes en raison de l’allégement tarifaire.

Weston

Weston, de Toronto (Ontario), confectionne des complets, des vestons et des pantalons pour hommes depuis 1979. Elle a dit appuyer la demande d’allégement tarifaire parce que cela serait avantageux pour l’industrie. Weston a indiqué qu’elle achète présentement des tissus tant de CHC que de la société Textiles Kufner Inc. Québec (Kufner) et des tricots chaîne, liés par couture, de Freudenberg. Weston a déclaré qu’il ne se produit pas au Canada de tissus identiques aux tissus en question, mais que des tissus substituables sont disponibles. Elle a soutenu que, à cause des prix élevés, Weston ne se sert pas des tissus de polyester texturés importés par Peerless, mais que, si les droits de douane sur les tissus étaient supprimés, elle envisagerait de changer de source d’approvisionnement. Weston a souligné que les tissus de polyester texturés sont d’une meilleure qualité pour les raisons suivantes : 1) lorsqu’ils sont thermocollés, ils font ressortir la richesse du « toucher » du tissu, c’est-à-dire que la main du tissu est meilleure et qu’ils donnent une sensation d’épaisseur que ne donnent pas certains autres entoilages thermocollants; 2) les marques de pressage sur la surface du tissu extérieur sont plus faciles à éliminer; 3) ils ont des qualités d’élasticité qui les rendent idéals pour servir avec les tissus élastiques, comme les mélanges de Lycra.

CHC, de St. Catharines (Ontario), emploie 58 employés de production et fabrique des tissus indéformables (entoilages de complet) depuis 114 ans. CHC a été achetée par la société Lainière de Picardie (LDP), de France, un important producteur et fournisseur mondial d’entoilages. LDP possède aussi des installations de production en Alabama. CHC a déclaré que, depuis décembre 1997, elle a lancé cinq nouveaux tissus de la gamme de produits de LDP pour desservir les marchés canadien et américain. Elle a ajouté qu’il en est résulté une augmentation de ses ventes nationales et de ses ventes à l’exportation.

CHC a fait opposition à la demande initiale d’allégement tarifaire parce qu’elle entraînerait une perte aux plans de la production, des ventes, de la part du marché et des emplois à son usine de St. Catharines. CHC a soutenu que, étant donné de récents investissements dans ses usines, des transferts de technologie et une gamme de produits améliorée, elle est en mesure de répondre à pratiquement tous les besoins d’entoilages de l’industrie des vêtements pour hommes au Canada. CHC a soutenu qu’elle produit des tissus (échantillons F149, F188, F265 et F59), utilisés comme entoilages thermocollants de devant de vêtements, substituables aux tissus B131 et 3249 importés par Peerless. Elle a aussi soutenu qu’elle produit des tissus (échantillons AF2 et 1640) substituables au tissu R791 importé par Peerless. CHC a déclaré qu’elle ne produit pas de tissu substituable au tissu V901 et n’entend pas en produire dans un proche avenir.

CHC a souligné que, jusques et y compris 1988, elle a vendu de grandes quantités d’entoilages à Peerless, mais que cette dernière a cessé d’acheter des entoilages de production nationale et s’est tournée vers les importations admissibles aux drawbacks des droits [9] . CHC a aussi indiqué que, si les achats importés de Peerless sont exclus du marché, CHC détient une part importante du marché apparent des tissus en question. D’autre part, CHC a déclaré que, bien que Peerless ne soit pas encline à acheter des tissus nationaux, elle espérait rétablir sa relation d’affaires avec cette dernière. Dans un tel contexte, et étant donné le fait que LDP fait des affaires avec Peerless, CHC a invité Peerless à limiter la portée de la description des tissus en question dans l’espoir d’aboutir à une solution qui satisfasse les parties intéressées. Ainsi qu’il a déjà été indiqué, après négociation, une entente de règlement a été conclue avec Peerless relativement à trois des tissus visés dans sa demande d’allégement tarifaire.

Les sociétés Matador Convertisseurs Cie Ltée, de Montréal, et Texel Inc., de Saint-Elzéar (Québec), ont écrit au Tribunal indiquant qu’elles ne faisaient pas opposition à la demande d’allégement tarifaire. Les sociétés Rumpel Felt Co. Ltd., de Kitchener (Ontario), et Union Felt Products Inc., de Downsview (Ontario), ont indiqué qu’elles n’étaient pas concernées par cette enquête.

Canada Pad, de Montréal, se spécialise dans la coupe et la couture d’entoilages pour l’industrie des vêtements pour hommes. Canada Pad a été constituée en société en 1996 à la suite de la vente de l’ancienne division Canada Pad de CHC. Elle emploie 27 personnes et a récemment fait de nouveaux investissements dans du matériel informatisé de marquage, de gradation et de couture.

Canada Pad a déclaré avoir obtenu les droits exclusifs de distribution, sauf certaines exceptions, des entoilages de CHC au Canada. Canada Pad a indiqué que, avec l’appui de LDP, CHC a considérablement amélioré la qualité de sa gamme de produits et a fabriqué de nouveaux produits que Canada Pad lancera sur le marché. Dans un tel contexte, Canada Pad prévoit un taux de croissance de ses ventes à deux chiffres au cours de la présente année.

Bien que Canada Pad ait fait opposition à la demande initiale d’allégement tarifaire parce que les entoilages produits en Allemagne et dans d’autres pays d’Europe de l’Ouest représentent la principale concurrence à laquelle elle doit faire face et, donc, parce que l’élimination des droits de douane mettrait en péril sa nouvelle exploitation et celle de son fournisseur, elle a néanmoins été partie à l’entente conclue relativement à trois des tissus en question.

Freudenberg, de Durham (Caroline du Nord), fabrique des tissus et des tricots chaîne ainsi que des nontissés liés par couture devant servir d’entoilages dans la confection de vêtements pour hommes. Elle a déclaré qu’elle s’oppose à la demande de Peerless parce qu’il existe plusieurs producteurs dans les pays parties à l’ALÉNA qui peuvent approvisionner les fabricants de complets, de vestons et de blazers pour hommes. À cet égard, Freudenberg a indiqué qu’elle s’apprête à lancer sur le marché une gamme de tissus (séries SD, RD et KD) substituables aux tissus importés par Peerless. Elle a aussi souligné qu’elle produit et vend une série 9000 (nontissés liés par couture) substituable aux tissus en question.

La société Textile Handler (Canada) Inc., de Montréal, a déclaré que, bien qu’elle importe les tissus en question en franchise des États-Unis, elle appuie la demande de Peerless parce que l’allégement tarifaire sera avantageux pour les fabricants qui importent les tissus en question en provenance d’autres pays et, de plus, parce que des emplois seront ainsi sauvés dans le contexte de la concurrence mondiale.

Kufner, de Dorval (Québec), a été constituée en société en 1985. Elle importe les tissus en question et les vend à des fabricants de complets, de vestons et de blazers pour hommes. Kufner a appuyé la demande d’allégement tarifaire et a affirmé qu’il n’existe pas d’entoilages de haute qualité de production nationale. Elle a déclaré que l’allégement tarifaire réduirait les coûts, ce qui lui permettrait de transmettre ces économies aux fabricants de vêtements canadiens, rendant ces derniers davantage compétitifs par rapport aux producteurs de vêtements étrangers tant sur le marché national que sur le marché international. Kufner a aussi déclaré que les fabricants de vêtements canadiens exigent les entoilages importés et que ce n’est pas là une question de prix, puisque les tissus en question ne sont pas considérés comme étant substituables sur le marché. Kufner est d’avis que, dans un secteur où des différences minimes, comme celle du « toucher » du tissu ou un petit pli, sont sources de réussite et d’échec, il n’existe pas de tissus substituables aux tissus visés dans la demande d’allégement tarifaire.

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (le Ministère) a informé le Tribunal que le gouvernement impose des contingents sur le tissu fait de filaments de polyester, y compris tout tissu constitué principalement ou uniquement de filaments de polyester, importés de la Pologne, de la République de Corée et de Taïwan. La portée d’application du contingent inclut donc les tissus en question des numéros tarifaires 5407.51.90 et 5903.90.29, lorsque ce dernier tissu contient 50 p. 100 ou plus en poids de matières textiles. Si le Tribunal recommande l’allégement tarifaire, le Ministère pourrait examiner une demande d’entrée en marge du contingent des intrants textiles.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d’évaluer l’incidence économique d’une réduction ou d’une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et les entreprises en aval et, pour ce faire, de tenir compte de tous les facteurs pertinents, notamment la possibilité de substituer des intrants textiles produits au Canada aux intrants textiles importés et la capacité des producteurs nationaux de desservir les industries canadiennes en aval.

Selon Peerless, il n’y a pas de production nationale de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Cette affirmation a initialement été contestée par CHC et Canada Pad, qui ont soutenu que des tissus substituables sont disponibles au Canada. À cet égard, Weston a déclaré qu’aucun tissu identique aux tissus en question n’est produit au Canada, mais que des tissus substituables sont disponibles.

Cependant, à la suite de discussions entre Peerless, CHC et Canada Pad, une entente a été conclue relativement à la demande d’allégement tarifaire. Aux termes de l’entente, CHC et Canada Pad ont accepté d’appuyer la demande d’allégement tarifaire, ou du moins de ne plus s’y opposer, relativement à trois des tissus visés dans l’enquête, soit les tissus B131, 3249 et V901, et un libellé spécifique ainsi que des numéros tarifaires spécifiques ont été proposés. Quant au tissu R791, Peerless a convenu de retirer sa demande d’allégement tarifaire. Étant donné les circonstances, à la suite d’une demande de Peerless, le Tribunal a décidé qu’il n’était plus nécessaire de tenir une audience publique.

Après analyse des éléments de preuve, le Tribunal fait observer que CHC produit les tissus plus conventionnels qui sont élastiques dans un sens, tandis que Peerless utilise habituellement des tissus ayant une élasticité chaîne et trame (tissus B131 et 3249) pour améliorer le « toucher » de ses vêtements. De plus, le Tribunal fait observer que CHC ne produit pas de tissu substituable au tissu V901, et n’entend pas en produire dans un proche avenir. Le Tribunal fait également observer que Peerless a retiré sa demande d’allégement tarifaire concernant le tricot chaîne, lié par couture au moyen de fils de filaments de polyester, contenant un voile de fibres discontinues de polyester dans lequel sont insérés dans la trame des fils à âme faits d’un monofilament de nylon enveloppé de fibres discontinues de polyester et recouvert de fibres discontinues de rayonne viscose du numéro tarifaire 6002.43.90 (tissu R791). CHC a affirmé produire des tissus (échantillons AF2 et 1640) substituables au tissu R791.

Selon les renseignements dont dispose le Tribunal, l’allégement tarifaire entraînerait des avantages annuels, pour Peerless et les autres importateurs, qui dépasseraient nettement 300 000 $. Revenu Canada a indiqué que l’administration de l’allégement tarifaire selon les termes de l’entente conclue entre Peerless, CHC et Canada Pad n’entraînerait aucun coût supplémentaire, en sus de ceux qu’il supporte déjà.

Bien que Freudenberg, un fabricant d’entoilages des États-Unis, se soit opposée à la demande d’allégement tarifaire présentée par Peerless, le Tribunal, lorsqu’il enquête sur les demandes d’allégement tarifaire sur les intrants textiles importés que lui présentent les producteurs canadiens, évalue l’incidence économique sur les producteurs canadiens de textiles et les entreprises en aval. Le Tribunal fait également observer que Freudenberg n’a pas soumis de renseignements détaillés concernant ses projets de commercialisation, au Canada, d’une gamme de tissus prétendument substituables. Étant donné les circonstances, le Tribunal ne trouve aucune raison probante pour conclure que l’entente dont les parties intéressées sont convenues ne se traduira pas par un gain pour le Canada.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que l’allégement tarifaire, selon les termes de l’entente dont les parties intéressées sont convenues, entraînera un gain économique net.

RECOMMANDATION

Le Tribunal recommande au Ministre, par la présente, d’accorder l’allégement tarifaire, pour une période indéterminée, sur les importations, en provenance de tous les pays, des tissus suivants devant servir d’entoilages dans la confection de vêtements pour hommes :

1) tissu fait de fils de filaments de polyester texturés, partiellement enduit d’un adhésif thermofusible, d’une élasticité minimale de 4 p. 100 dans la chaîne et de 12 p. 100 dans la trame selon la spécification D3107-75 de l’ASTM, d’un poids excédant 70 g/m², mais n’excédant pas 95 g/m², de la sous-position no 5407.51 ou 5903.90;

2) tricot chaîne fait de fils de filaments de polyester texturés et non texturés, partiellement enduit d’un adhésif thermofusible, d’une élasticité minimale de 4 p. 100 dans la chaîne et de 12 p. 100 dans la trame selon la spécification D3107-75 de l’ASTM, d’un poids excédant 70 g/m², mais n’excédant pas 95 g/m², de la sous-position no 5903.90 ou 6002.43;

3) tricot chaîne fait de filaments de polyester et de fibres discontinues de polyester, partiellement enduit d’un adhésif thermofusible, d’un poids n’excédant pas 55 g/m², de la sous-position no 5903.90 ou 6002.43.

Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre présidant


Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre


Anita Szlazak
_________________________
Anita Szlazak
Membre


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Les 20 mars et 24 juillet 1996, et le 26 novembre 1997, le ministre des Finances a révisé ledit mandat.

3. Auparavant, les codes tarifaires prévoyant des concessions s ervaient généralement pour l’administration des taux réduits de douane ou l’entrée en franchise de droits d’une vaste gamme de marchandises destinées à des utilisations déterminées. Au 1er janvier 1998, les dispositions qui étaient encore pertinentes ont été converties, en totalité ou en partie, en numéros ordinaires de l’annexe tarifaire aux mêmes taux privilégiés. Par conséquent, lorsqu’une recommandation favorable à un allégement tarifaire est acceptée, un nouveau numéro de l’annexe tarifaire est utilisé pour distinguer le tissu visé des autres tissus.

4. D’autres modifications ont été déposées auprès du Tribunal les 17 février et 5 mars 1998.

5. Vol. 132, no 13 à la p. 701.

6. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

7. Les numéros tarifaires ont été proposés par les parties intéressées; cependant, c’est le Ministre qui établit les nouveaux numéros tarifaires.

8. Recueil des traités du Canada, 1989, no 3 (R.T.C.).

9. Pièce du Tribunal TR-97-006-30.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 30 octobre 1998