H.D. BROWN ENTERPRISES LIMITED

Enquêtes


RAPPORT AU
MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE PAR H.D. BROWN ENTERPRISES LIMITED
CONCERNANT
LE TISSU, À ARMURE TOILE, DE POLYESTERS MÉLANGÉS UNIQUEMENT AVEC DU COTON
LE 17 JUILLET 1997

TABLE DES MATIÈRES


Demande No : TR-96-007


Membres du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant
Patricia M. Close, membre
Lyle M. Russell, membre


Directeur de la recherche : Réal Roy


Gestionnaire de la recherche : Anis Mahli


Avocat pour le Tribunal : John L. Syme


Agent à l’inscription et
à la distribution : Claudette Friesen

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat [2] de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu, le 25 octobre 1996, de la société H.D. Brown Enterprises Limited (H.D. Brown), de St. George (Ontario), une demande de suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations du tissu de polyester/coton, devant servir à fabrication de bâches de voiture (le tissu en question).

Le 20 février 1997, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête qui a été diffusé et publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 1er mars 1997 [3] .

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a envoyé un questionnaire aux producteurs potentiels de tissus identiques ou substituables. Un questionnaire a aussi été envoyé aux entreprises identifiées comme importateurs et utilisateurs potentiels du tissu en question. Une lettre a été adressée au ministère du Revenu national (Revenu Canada) pour obtenir des renseignements sur le classement tarifaire du tissu en question, et des échantillons ont été fournis aux fins d’analyse en laboratoire. Des lettres ont également été expédiées à plusieurs autres ministères gouvernementaux en vue d’obtenir des renseignements et des avis.

Un rapport d’enquête du personnel, résumant les renseignements reçus des ministères susmentionnés, de H.D. Brown et des entreprises qui ont répondu aux questionnaires du Tribunal, a été remis aux parties intéressées qui avaient déposé des actes de comparution dans le cadre de la présente enquête. Ces parties sont H.D. Brown, l’Institut canadien des textiles (l’ICT) et Doubletex.

Aucune audience publique n’a été tenue dans le cadre de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

Dans l’avis d’ouverture d’enquête, le tissu en question est décrit comme du tissu, à armure toile, de polyesters mélangés uniquement avec du coton, d’un poids n’excédant pas 105 g/m2, des sous-positions nos 5407.91, 5513.11 [4] et 5513.21, devant servir à la fabrication de bâches de véhicule automobile.

Ayant analysé les échantillons du tissu en question fournis par H.D. Brown, Revenu Canada a conclu que le tissu est fait de fils simples d’un mélange de fibres discontinues de polyester et de fibres de coton. Les fibres discontinues de polyester représentent 65 p. 100 du poids de l’échantillon et les fibres de coton, 35 p. 100 du poids de l’échantillon. Le tissu pèse 100 g/m2 et, aux fins des douanes, le tissu en question est classé dans les sous-positions nos 5407.91 et 5513.21 de l’annexe I du Tarif des douanes [5] .

Le tissu en question est passible de droits de douane en 1997 de 17,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF, de 2,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif des États-Unis et de 15,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique.

Après l’ouverture de l’enquête, H.D. Brown a convenu de restreindre la définition de l’utilisation finale du tissu en question, soit de « bâches de véhicule automobile » à « bâches d’automobile, de mini-fourgonnette et de camion ».

Selon Statistique Canada, en 1996, les importations totales du tissu de polyester/coton, qui est classé dans les sous-positions nos 5407.91, 5513.11 et 5513.21, se sont élevées à 2,7 millions de kg, d’une valeur approximative de 16 millions de dollars. La plus grande proportion de ce volume a été importée pour la fabrication de produits finals autres que des bâches de voiture; la part de H.D. Brown dans ce volume total était négligeable. La majorité de ces importations provenaient des États-Unis, de la République populaire de Chine, du Pakistan, de l’Italie et de l’Indonésie.

OBSERVATIONS

H.D. Brown fait valoir qu’elle est le seul fabricant du produit final mentionné, fait du tissu en question. H.D. Brown utilise le tissu en question dans la fabrication de bâches de voiture (d’automobile, de mini-fourgonnette et de camion) à son usine de production de St. George. Elle produit aussi la même gamme de bâches de voiture en « Tyvac » et « Evolution 4 » (des matériaux faits de polypropylène à 100 p. 100).

H.D. Brown affirme qu’elle a importé le tissu en question pendant près d’une décennie avant de commencer, en 1995, à compléter ses importations du tissu en question par un tissu substituable fabriqué par Doubletex, en raison de problèmes de liquidités, de problèmes de livraison et de la fluctuation des prix au comptant. H.D. Brown indique qu’elle n’a pas acheté de tissu substituable provenant de Consoltex Inc. (Consoltex) ou de la Compagnie des tissus industriels Dominion (CTID), toutes deux de Montréal (Québec), depuis 1995.

H.D. Brown déclare que, bien que les fournisseurs canadiens, dont Doubletex, offrent des tissus substituables, leurs prix cibles ne sont pas concurrentiels avec ceux du tissu en question. Elle soutient en outre que, sans allégement tarifaire, elle devra utiliser un tissu national substituable et les faibles marges de profit qui en résulteront ne justifieront pas le maintien de sa ligne de production de bâches de voiture en polyester/coton.

H.D. Brown conteste l’affirmation de l’ICT selon laquelle les bâches en polyester/coton occupent la partie supérieure du marché des bâches de voiture. H.D. Brown fait valoir que les bâches de voiture faites de nontissés exigent des prix plus élevés sur le marché, parce qu’elles offrent des qualités supérieures de protection, comme un apprêt hydrofuge, un matériau imper-respirant et une stabilité à l’ultraviolet, tandis que les bâches de voiture en polyester/coton sont commercialisées comme un produit bas de gamme, à un premier prix cible, qui ne protège que contre la poussière.

Relativement à l’étendue de la participation de H.D. Brown sur le marché national des bâches de voiture en polyester/coton et aux perspectives d’exportation qu’elle pourrait avoir sur le marché des bâches de voiture aux États-Unis, H.D. Brown fait valoir que les affirmations de l’ICT sur ces questions ne reflètent pas les réalités de ces marchés. H.D. Brown dit continuer de subir, sur le marché national, des pressions imputables aux importations à prix moindre, qui la forcent à diminuer ses prix de vente. De même, H.D. Brown n’exporte pas vers le marché américain, parce que les prix auxquels les grandes surfaces comme Wal-Mart vendent leurs bâches de voiture en polyester/coton, importées de la République populaire de Chine et d’autres pays en développement, excluent toute possibilité pour H.D. Brown de percer sur ce marché.

Relativement à la présentation de Doubletex, H.D. Brown fait valoir que le Tribunal ne devrait pas en tenir compte, parce qu’elle traite de questions hypothétiques et ne renferme pas de données concrètes pour une analyse comparative.

Enfin, H.D. Brown soutient que l’allégement tarifaire lui permettrait d’affronter la concurrence des prix des bâches de voiture en polyester/coton d’origine étrangère, de maintenir sa chaîne de fabrication de bâches de voiture et de ne pas licencier 13 employés situés dans une région déjà affligée d’un taux de chômage élevé.

Doubletex est la plus grande entreprise d’ennoblissement non intégrée au Canada. Doubletex apprête des tissus de polyester/coton importés du monde entier [6] . Le gros de sa production de tissu de polyester/coton est vendue à l’industrie du prêt-à-porter, tandis qu’un faible volume sert à la production de bâches de voiture.

Doubletex s’oppose à la demande d’allégement tarifaire parce qu’elle considère que H.D. Brown est un client important et qu’elle a tout fait en son possible pour répondre à ses besoins. Doubletex ajoute qu’elle particularise le tissu qu’elle vend à H.D. Brown en offrant une largeur spéciale (183 cm) avec un aspect glacé et un apprêt hydrofuge particuliers. Doubletex fait valoir qu’elle est le seul producteur national à produire un tissu substituable pour l’utilisation finale déterminée.

Doubletex dit que la comparaison de prix contenue dans le rapport du personnel est incomplète, parce qu’elle ne tient pas compte des avantages non monétaires qu’elle offre comme les conditions financières et de cycle de commande et la livraison au moment adéquat. Quant à la provision pour pertes d’emploi inscrite dans l’analyse coûts-avantages comprise dans le rapport du personnel, Doubletex indique qu’elle n’a pas tenu compte des affirmations de Doubletex au sujet des pertes d’emploi qu’entraînerait l’allégement tarifaire dans ses propres usines.

Doubletex fait valoir que H.D. Brown ne devrait pas soutenir que l’allégement tarifaire est la seule solution aux problèmes que représente pour elle le fait de n’avoir qu’un seul client. Doubletex ajoute que H.D. Brown doit diversifier sa clientèle au Canada et exporter aux États-Unis.

Doubletex craint que, si le Tribunal accordait l’allégement tarifaire à H.D. Brown, chaque utilisateur canadien de tissu national de polyester/coton aurait alors droit au même traitement. Les coûts qui en résulteraient pour les entreprises canadiennes de tissage et d’ennoblissement, selon Doubletex, entraîneraient la perte de centaines d’emplois et de millions de dollars de chiffre d’affaires.

L’ICT s’oppose à la demande d’allégement tarifaire déposée par H.D. Brown, faisant valoir que trois de ses membres, Consoltex, Doubletex et CTID, se sont dits producteurs de tissus identiques ou substituables au tissu en question.

L’ICT fait valoir que les éléments de preuve à la disposition du Tribunal prouvent que la disponibilité d’un tissu national substituable n’est pas en litige dans cette cause. L’ICT ajoute qu’il y a au moins trois sociétés qui ont fourni à H.D. Brown des tissus pour la production de bâches d’automobile, de mini-fourgonnette et de camion. Doubletex, par exemple, a démontré qu’elle est capable de fabriquer un tissu qui peut livrer une concurrence efficace au tissu en question. Selon l’ICT, la compétitivité est plus qu’une simple comparaison arithmétique des prix livrés. Enfin, l’ICT soutient que, dans la comparaison des prix de vente des tissus de Doubletex avec ceux du tissu en question, le Tribunal doit tenir compte des avantages non monétaires, qui prennent la forme de valeur ajoutée, comme la qualité du tissu, le cycle de commande, les conditions financières et la livraison au moment adéquat.

L’ICT fait valoir que le tissu en question est un tissu de moindre qualité, qui se vend typiquement à moins que les coûts de production et ne doit pas servir de base de comparaison de prix ni de justification d’allégement tarifaire. Quant à Consoltex, l’ICT soutient que le Tribunal ne devrait pas s’attendre à ce que ce producteur assure un approvisionnement continu de tissus de haute qualité à des prix de tissus de moindre qualité.

Relativement au marché intérieur des bâches de voiture, l’ICT ne s’explique pas pourquoi, dans le catalogue de Canadian Tire, les bâches de voiture faites de nontissés commandent des prix supérieurs à celles faites de tissus de polyester/coton.

L’ICT n’est pas d’accord sur le modèle de coûts-avantages utilisé dans le rapport du personnel, parce que : a) il ne tient pas compte des craintes de Consoltex au sujet de la répercussion de l’allégement tarifaire sur le marché des bâches faites avec d’autres tissus; b) il considère comme pure conjecture l’affirmation de H.D. Brown selon laquelle, sans allégement tarifaire, la production canadienne de bâches de voiture en polyester/coton cessera; c) elle ne tient pas dûment compte des données qu’elle dit gonflées sur la rémunération et les bénéfices et les pertes de H.D. Brown.

ANALYSE

Conformément à son mandat, le Tribunal est tenu d’évaluer l’incidence économique d’une réduction ou d’une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et les producteurs en aval, et, à cette fin, de considérer tous les facteurs pertinents, notamment la possibilité de substituer un tissu national au tissu en question, la capacité des producteurs nationaux de desservir les industries en aval au Canada et la compétitivité de ces industries au Canada comme à l’étranger. Par conséquent, la décision du Tribunal de recommander un allégement tarifaire est fondée sur la mesure dans laquelle il considère que cet allégement tarifaire apporterait des gains économiques nets au Canada.

À la lumière des éléments de preuve au dossier, le Tribunal est convaincu qu’un tissu substituable au tissu en question est produit au Canada en quantités suffisantes pour répondre aux besoins de H.D. Brown. De fait, les éléments de preuve révèlent qu’en 1995 et 1996, H.D. Brown a acheté à Doubletex des volumes considérables d’un tissu substituable pour sa production de bâches de voiture.

H.D. Brown reconnaît l’existence d’une production canadienne, mais a néanmoins demandé un allégement tarifaire, déclarant que l’utilisation du tissu national, qui exige un prix supérieur au tissu en question, a des répercussions défavorables sur la rentabilité de la gamme de bâches de voiture en polyester/coton. H.D. Brown a en outre fait valoir que, si l’allégement tarifaire n’est pas accordé, les prix élevés du tissu, d’origine étrangère ou nationale, l’obligeront à éliminer sa chaîne de fabrication de bâches de voiture en polyester/coton parce que leur production au Canada ne sera plus rentable.

Relativement au prix, H.D. Brown a fait valoir que le prix du produit national est beaucoup plus élevé que celui du tissu en question. Une comparaison des données relatives aux prix, fournies par H.D. Brown, révèle toutefois que, malgré une différence marquée entre ces prix, après correction pour tenir compte de la qualité supérieure et des avantages non monétaires dont jouit H.D. Brown en achetant un tissu substituable à Doubletex, la différence de prix est nettement moins marquée en faveur du tissu en question.

Le Tribunal fait observer que, malgré son prix supérieur, H.D. Brown a continué d’acheter à Doubletex des volumes importants d’un tissu substituable. Elle ne continuerait probablement pas cette pratique si le tarif était éliminé. En outre, si ce n’est en affirmant son intention d’éliminer sa chaîne de fabrication de bâches de voiture en polyester/coton si l’allégement tarifaire n’est pas accordé, H.D. Brown n’a pas fourni d’éléments de preuve concrets pour étayer cette assertion.

Pour évaluer les coûts et les gains économiques nets pour le Canada, le Tribunal fait remarquer que les avantages directs estimatifs de l’octroi de l’allégement tarifaire, en fonction des volumes d’importations du tissu en question en 1996, seraient de moins de 85 000 $ par an. Ce chiffre est fondé sur les droits payables, en vertu du tarif NPF, pour le tissu en question, et suppose qu’il n’y aura pas d’autres changements aux volumes et aux prix estimés pour 1997. Cependant, les éléments de preuve indiquent clairement que les coûts qu’engagerait l’industrie textile au Canada, si l’allégement tarifaire était accordé, dépasseraient 85 000 $ par an. Ces coûts, selon l’estimation du Tribunal, prendraient la forme de diminutions des revenus à cause des ventes perdues au profit des fournisseurs étrangers du tissu en question.

En résumé, le Tribunal conclut que l’industrie textile au Canada produit un tissu substituable au tissu en question et que les coûts économiques nets de l’octroi de l’allégement tarifaire l’emporteraient sur les avantages économiques d’accorder l’allégement à H.D. Brown. La suppression ou la réduction de la protection tarifaire qui est donnée actuellement aux producteurs nationaux de tissus substituables de polyester/coton, dans ce cas particulier, pourrait avoir des répercussions défavorables sur leurs débouchés.

Parce que la suppression du tarif entraînerait des coûts tangibles pour l’industrie textile au Canada, le Tribunal croit que l’allégement tarifaire n’apporterait pas de gains économiques nets au Canada. Par conséquent, le Tribunal recommande de ne pas accorder l’allégement tarifaire.

RECOMMANDATION

Compte tenu des renseignements susmentionnés et des éléments de preuve déposés auprès du Tribunal dans le cadre de la présente affaire, le Tribunal recommande au Ministre, par la présente, de ne pas accorder l’allégement tarifaire sur les importations, en provenance de tous les pays, du tissu, à armure toile, de polyesters mélangés uniquement avec du coton, d’un poids n’excédant pas 105 g/m2, devant servir à la fabrication de bâches d’automobile, de mini-fourgonnette et de camion.

Arthur B. Trudeau
_________________________
Arthur B. Trudeau
Membre présidant


Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre


Lyle M. Russell
_________________________
Lyle M. Russell
Membre


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Les 20 mars et 24 juillet 1996, le ministre des Finances a révisé ledit mandat.

3. Vol. 131, no 9 à la p. 683.

4. Le Tribunal a englobé la sous-position no 5513.11 dans le champ de la présente enquête pour l’utilisation finale précisée dans la demande couvrant le tissu grège importé par Doubletex à des fins d’ennoblissement au Canada.

5. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

6. Voir le Rapport au ministre des Finances : Demande d'allégement tarifaire déposée par Lingerie Bright Sleepwear (1991) Inc. concernant le tissu imprimé constitué de mélanges de polyester et de coton, Tribunal canadien du commerce extérieur, demande no TR-95-005, le 6 mars 1996.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 17 juillet 1997