DOUBLETEX

Enquêtes


RAPPORT AU
MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE
PAR DOUBLETEX
CONCERNANT
DU TISSU DE COTON À 100 P. 100 DE HAUTE TORSION
LE 21 DÉCEMBRE 1998

TABLE DES MATIÈRES


Demande No : TR-95-013A

Membres du Tribunal : Raynald Guay, membre présidant
Richard Lafontaine, membre
Peter F. Thalheimer, membre


Directeur de la recherche : Réal Roy


Agent de la recherche : Peter Rakowski


Avocat pour le Tribunal : Joël J. Robichaud


Agent à l’inscription
et à la distribution : Claudette Friesen

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat [2] de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu, le 9 juin 1995, de la société Doubletex, une demande de suppression permanente des droits de douane sur les importations du tissu de coton à 100 p. 100, habituellement appelé tissu grège, destiné à être utilisé par les ennoblisseurs seulement pour fabriquer du tissu teint et fini pour l’industrie du prêt-à-porter. Le 27 septembre 1995, après avoir déterminé que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête.

Après l’ouverture de l’enquête, Doubletex a avisé le Tribunal qu’elle tentait de trouver un fournisseur national de tissus identiques ou substituables et a demandé la suspension de l’enquête. Par conséquent, à l’automne de 1995, le Tribunal a convenu de suspendre l’enquête.

En avril 1998, Doubletex a avisé le Tribunal qu’elle ne pouvait pas trouver de fournisseur national de tissus identiques ou substituables et a demandé la réouverture de l’enquête. Le 17 juillet 1998, le Tribunal a publié un avis de réouverture d’enquête qui a été diffusé et publié dans la Partie I de la Gazette du Canada du 25 juillet 1998 [3] . Le produit qui fait l’objet de l’enquête a été décrit dans l’avis comme étant du « tissu de coton à 100 p. 100, écru, blanchi ou préparé pour la teinture seulement, constitué de fils présentant un coefficient de torsion de 1 050 tours par mètre dans la chaîne ou dans la trame, ou dans les deux, destiné à être utilisé par les ennoblisseurs seulement pour fabriquer du tissu teint et fini pour l’industrie du prêt-à-porter » (le tissu en question).

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a envoyé des questionnaires à Doubletex et aux producteurs nationaux potentiels [4] de tissus identiques ou substituables. Des questionnaires ont aussi été envoyés à des utilisateurs et à des importateurs potentiels du tissu en question.

Il a été demandé au ministère du Revenu national (Revenu Canada) de fournir un avis concernant les modifications du Tarif des douanes [5] applicables au tissu en question. De plus, une demande a été adressée au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) pour obtenir des renseignements à jour au sujet des restrictions quantitatives à l’importation imposées sur le tissu en question. Le ministère de l’Industrie a été avisé de la demande et prié de fournir des renseignements pertinents. Le ministère des Finances a aussi été avisé de la demande.

Un rapport d’enquête du personnel, résumant les renseignements reçus des ministères susmentionnés, de Doubletex et des autres parties intéressées, a été remis aux parties qui avaient déposé des actes de comparution dans le cadre de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

Le tissu en question est habituellement appelé tissu grège de coton à 100 p. 100 de haute torsion. Il est importé écru ou blanchi pour la teinture seulement; il doit donc être teint ou fini, ou les deux, avant d’être vendu en tant que produit fini. En 1998, selon Revenu Canada, le tissu en question pouvait être importé dans l’un quelconque de 24 numéros tarifaires du Tarif des douanes. Trois autres dispositions tarifaires, prévoyant des réductions de droits de douane, pouvaient aussi s’appliquer lorsque le tissu en question répond à certains critères sur les plans de la dénomination et de l’utilisation finale. Les taux de droit de ces numéros tarifaires figurent dans le tableau suivant.

TAUX DE DROITS EN 1998

Numéro tarifaire1 NPF TÉU et TACI Mexique et Chili 5208.11.10 En fr. En fr. En fr.
5208.11.20 8 p. 100 En fr. 7,5 p. 100
5208.12.10 En fr. En fr. En fr.
5208.12.20 En fr. En fr. En fr.
5208.12.30 8 p. 100 En fr. 7,5 p. 100
5208.13.10 8 p. 100 En fr. 7,5 p. 100
5208.19.10 En fr. En fr. En fr.
5208.19.20 8 p. 100 En fr. 7,5 p. 100
5208.21.10 En fr. En fr. En fr.
5208.21.90 - 9935.00.002 10 p. 100 En fr. 8,5 p. 100
5208.22.10 En fr. En fr. En fr.
5208.22.90- 9935.00.002 10 p. 100 En fr. 8,5 p. 100
5208.23.00 - 9935.00.002 10 p. 100 En fr. 8,5 p. 100
5208.29.10 En fr. En fr. En fr.
5208.29.90 - 9935.00.002 10 p. 100 En fr. 8,5 p. 100
5209.11.10 En fr. En fr. En fr.
5209.11.20 8 p. 100 En fr. 7,5 p. 100
5209.12.10 8 p. 100 En fr. 7,5 p. 100
5209.19.20 8 p. 100 En fr. 7,5 p. 100
5209.21.10 En fr. En fr. En fr.
5209.21.90 - 9935.00.002 10 p. 100 En fr. 8,5 p. 100
5209.22.00 - 9935.00.002 10 p. 100 En fr. 8,5 p. 100
5209.29.10 En fr. En fr. En fr.
5209.29.90 - 9935.00.002 10 p. 100 En fr. 8,5 p. 100

Nota : taci=Tarif de l’Accord Canada-Israël
1. Source : Revenu Canada.
2. Le numéro tarifaire 9935.00.00 (tissus de coton, contenant au moins 85 p. 100 en poids de coton, à l’exclusion de tissus dits « denim » ou de tissus écrus, du Chapitre 52, devant servir à la fabrication de vêtements ou d’accessoires du vêtement) s’applique aussi aux importations du tissu en question et réduit le taux de droits du tarif NPF de 15 à 10 p. 100. Deux autres dispositions tarifaires réduisant le taux de droits du tarif NPF à 8 p. 100 pourraient aussi s’appliquer lorsque le tissu en question répond à certains critères sur les plans de la dénomination et de l’utilisation finale. Il s’agit des numéros tarifaires 9940.00.00 (tissus Jacquard pour lesquels l’exportateur certifie qu’ils ont été tissés sur un métier de type Jacquard, des Chapitres 51 à 55, devant servir à la fabrication de vêtements) et 9941.00.00 (tissus, autres que les doublures ou les entredoublures, d’un poids n’excédant pas 70 g/m², des Chapitres 51 à 55 ou de la position no 58.03, devant servir à la fabrication de vêtements pour femmes ou fillettes, à l’exclusion de combinaisons et ensembles de ski ou des vêtements de la position no 62.02).

OBSERVATIONS

Doubletex

Doubletex emploie environ 450 personnes et son siège social est situé à Montréal (Québec). Elle est la plus grande entreprise d’ennoblissement de tissus au Canada et importe des tissus grèges de partout dans le monde pour s’en servir dans l’ennoblissement à ses usines situées à Montréal, à Toronto (Ontario), et à Winnipeg (Manitoba). Doubletex a soutenu que Consoltex Inc. (Consoltex) ne vend pas de tissu grège ni de tissu de coton de haute torsion qu’elle tisse au Canada. Doubletex a déclaré que la demande d’allégement tarifaire vise le tissu grège de coton à 100 p. 100, destiné à l’ennoblissement. Elle a aussi soutenu que les tissus grèges destinés à l’ennoblissement et les tissus finis de polyester que produit Consoltex sont des produits tout à fait différents et déclare que les tissus finis de polyester et les tissus finis de coton ne peuvent être substitués les uns aux autres.

En réponse à des arguments présentés par l’Institut canadien des textiles (l’ICT), Doubletex a soutenu que le prix du tissu en question est établi en devise américaine, dont la valeur a apprécié considérablement par rapport à la devise canadienne, et a conclu que la dévaluation des devises asiatiques a eu peu d’incidence, sinon pas du tout, sur les prix des tissus grèges importés au Canada. Doubletex a de plus soutenu qu’elle ne peut exporter aux États-Unis ses tissus finis, fabriqués à partir du tissu en question, parce qu’elle importe le tissu en question de pays assujettis à des contingents des États-Unis [6] .

Doubletex a conclu qu’il n’existe pas de source canadienne de tissus grèges et que ces tissus ne devraient pas bénéficier d’une protection tarifaire. Doubletex a déclaré que l’allégement tarifaire sur des intrants essentiels l’aiderait à augmenter son chiffre d’affaires et à mieux servir ses clients en leur offrant des tissus mode à des prix compétitifs, et lui permettrait d’abaisser ses coûts.

Consoltex

Consoltex a son siège social à Montréal et emploie plus de 500 personnes. Il s’agit du plus gros producteur canadien de tissus synthétiques ou artificiels et elle fabrique du nylon, du polyester, des mélanges de polyester et de coton, de polyester et de nylon, de polyester et de rayonne, de nylon et de coton, d’acétate et de rayonne et d’autres mélanges pour l’industrie du prêt-à-porter ainsi que pour les marchés des produits domestiques, industriels et non vestimentaires. Consoltex a soutenu que, depuis la demande d’allégement en 1995, d’importants changements sont survenus sur le marché national de la production canadienne de tissus de haute torsion et qu’elle a investi dans le matériel et le développement de produits pour fabriquer des tissus faits de fils à haute torsion.

Consoltex a soutenu qu’elle a maintenant établi un approvisionnement fiable de fils à haute torsion, qu’elle produit présentement des tissus synthétiques ou artificiels de haute torsion et qu’elle a investi et investit encore pour promouvoir la production de tissus de haute torsion à partir de fibres synthétiques ou artificielles. Consoltex dit avoir récemment procédé à environ 50 développements de produits et offrir maintenant 7 tissus de haute torsion au stade de la pleine production et des ventes. Elle a aussi soutenu avoir 14 produits au stade de la production limitée et de la production d’échantillons. Consoltex a déclaré que ces produits artificiels ou synthétiques sont tissés, teints et finis à ses usines de tissage et d’ennoblissement et que leurs utilisations finales principales se trouvent dans le secteur des vêtements pour dames, sous forme de pantalons, de vestes, de blazers, de gilets et de jupes. Elle a affirmé que la réponse du marché à l’endroit des tissus susmentionnés a été forte aux États-Unis et plus lente au Canada et que les perspectives d’une croissance rapide des ventes dans ces deux pays sont bonnes.

Par conséquent, Consoltex n’était pas d’accord qu’il y ait un avantage à supprimer les droits tarifaires pour les importateurs au moment où les fabricants nationaux comptent sur la protection accordée par ces droits afin d’investir dans la production canadienne et de la développer.

L’avis de réouverture d’enquête du Tribunal précisait que le tissu en question était destiné à être utilisé par les ennoblisseurs seulement pour fabriquer du tissu teint et fini. Par conséquent, certaines parties ont été préoccupées du fait qu’elles seraient exclues d’un allégement tarifaire, s’il était accordé, étant donné qu’elles importent des tissus de haute torsion, mais confient la teinture en sous-traitance.

À la lumière de ce qui précède, le personnel du Tribunal a demandé un avis de Revenu Canada sur la question de savoir si les importateurs qui confient la teinture en sous-traitance seraient admissibles à un allégement tarifaire sur le tissu en question. Revenu Canada a répondu qu’ils le seraient, sous réserve que l’importateur puisse confirmer l’utilisation finale déterminée. La confirmation au moment de l’importation pourrait prendre la forme d’une preuve documentaire, telle qu’un certificat d’utilisation finale fourni par l’utilisateur final qualifié du tissu en question.

Les Textiles Baker Inc.

La société Les Textiles Baker Inc., de Montréal, ont indiqué que l’allégement tarifaire devrait être limité aux tissus faits uniquement de fils à haute torsion et ne pas être accordé sur tous les tissus classés dans les numéros tarifaires inclus dans l’avis.

Lubertex Inc.

La société Lubertex Inc., de Montréal, a soutenu qu’il devrait y avoir allégement des droits à l’importation imposés sur le tissu en question, mais que l’allégement ne devrait pas se limiter à Doubletex. La société a soutenu qu’elle-même et beaucoup d’autres importateurs sont aussi des ennoblisseurs qui ont recours à des teinturiers et à des imprimeurs rémunérés à la commission pour effectuer une transformation ultérieure. Elle a déclaré que les teinturiers et imprimeurs qui offrent leurs services à la commission ont investi des sommes considérables en machinerie, sont d’importants employeurs et dépendent des importations pour demeurer viables.

La Société montréalaise de tissus Ltée

La Société montréalaise de tissus Ltée, de Montréal, s’est dite préoccupée du fait qu’elle pourrait être exclue de tout allégement tarifaire qui pourrait être accordé à la suite de la présente demande parce qu’elle confie l’ennoblissement de ses tissus à des sous-traitants.

Impressions permanentes de Montréal Ltée

La société Impressions permanentes de Montréal Ltée, de Montréal, a soutenu que, en principe, elle est en faveur de la suppression des droits sur tout tissu importé sous sa forme grège et qui peut être ennobli par des procédés de teinture, d’impression, d’apprêtage ou d’enduction. Cependant, la société a dit ne pas être d’accord sur la suppression des droits sur le tissu grège si cette suppression n’est accordée qu’à Doubletex. Elle a déclaré que Doubletex n’est pas la seule société d’ennoblissement au Canada qui possède du matériel de teinture. Elle a soutenu que d’autres teinturiers sont aussi bien équipés et aimeraient importer des tissus grèges de coton en franchise. Elle a ajouté être en excellente position pour faire concurrence dans le domaine de la teinture et être d’avis que tous les ennoblisseurs devraient pouvoir importer le tissu en question en franchise.

ICT

L’ICT a déclaré que la demande, déposée en 1995, a été fondée sur les occasions perçues par Doubletex dans le « secteur de haute torsion ». Cependant, l’ICT a soutenu qu’un important changement est survenu depuis et que la production de tissus de haute torsion a été rétablie au Canada. L’ICT a soutenu que le Tribunal a reconnu ce fait dans le réexamen no TA-97-001 [7] . L’ICT a soutenu que le bien-fondé de l’allégement tarifaire visé dans la demande s’en trouve en grande partie éliminé.

L’ICT a déclaré que Doubletex est déjà en mesure d’importer le tissu en question à des taux de droits moindres que les utilisateurs des tissus teints et finis du secteur de haute torsion. De plus, l’ICT a soutenu que les taux de droits NPF sur le tissu en question semblent inférieurs à ceux des États-Unis et que, de ce fait, les ennoblisseurs canadiens ne sont pas désavantagés par rapport aux usines américaines lorsqu’ils font concurrence sur le marché des États-Unis.

L’ICT a soutenu que les investissements de Doubletex en vue d’une nouvelle capacité ont été faits pendant que la demande était suspendue et ne dépendaient pas de l’allégement tarifaire demandé en 1995. L’ICT a aussi souligné que, depuis 1995, des dévaluations massives ont frappé les devises en Asie et a dit croire que les prix rendus ont baissé pour Doubletex. L’ICT a soutenu que, étant donné la baisse des prix à l’importation, les contraintes auxquelles les tisserands nationaux font face s’accentuent et la suppression des droits exacerberait une situation grave. Par conséquent, elle a soutenu qu’il ne conviendrait pas d’accorder la demande d’allégement tarifaire.

AUTRES RENSEIGNEMENTS

Le MAECI a informé le Tribunal que le Canada impose des contingents sur les importations de tissus de coton, finis, importés de la République populaire de Chine et de tissus de coton importés de Hong Kong et de Taiwan (grèges et finis). La portée d’application du contingent inclut donc le tissu de coton des numéros tarifaires déjà indiqués. Un accord bilatéral, qui prévoit la restriction susmentionnée, a été passé entre le Canada et la République populaire de Chine et est en vigueur depuis 1987. Des accords bilatéraux entre le Canada et Hong Kong et la Fédération du textile de la Taiwan sont en vigueur depuis 1979.

Revenu Canada a indiqué, en 1995, que l’administration de l’allégement tarifaire n’entraînerait aucun coût en sus de ceux déjà supportés par le ministère si l’allégement tarifaire était accordé sur les tissus en question.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d’évaluer l’incidence économique d’une réduction ou d’une suppression des droits de douanes sur les producteurs nationaux de textiles et les entreprises en aval et, pour ce faire, de tenir compte de tous les facteurs pertinents, notamment la possibilité de substituer des tissus produits au Canada aux tissus importés, la capacité des producteurs nationaux de desservir les industries canadiennes en aval et la compétitivité de ces industries au Canada et à l’étranger. Par conséquent, la décision du Tribunal de recommander l’allégement tarifaire se fonde sur la mesure dans laquelle il estime qu’un tel allégement apporterait un gain économique net pour le Canada.

Ainsi qu’il a déjà été indiqué, l’enquête initiale a été suspendue en 1995, peu après son ouverture, à la demande de Doubletex, qui tentait de trouver un fournisseur national de tissus identiques ou substituables. Après avoir mené certaines négociations infructueuses avec la Compagnie des tissus industriels Dominion, Doubletex a demandé et a obtenu une réouverture de l’enquête en 1998. Ce faisant, Doubletex a allégué qu’il n’y a pas d’approvisionnement de tissus identiques ou substituables au Canada. Cette affirmation est contestée par Consoltex, qui affirme produire des tissus finis qui sont substituables aux tissus produits par Doubletex à partir du tissu en question. Consoltex soutient qu’elle produit présentement des tissus de haute torsion artificiels ou synthétiques qui sont tissés, teints et finis à ses usines de tissage et de finition. Consoltex soutient de plus que, si la demande en question est accordée, il s’ensuivra une compression des prix de ses tissus finis, ce qui, par voie de cause à effet, entraînera une baisse de son bénéfice brut.

Bien que les éléments de preuve montrent clairement l’absence au Canada de production actuelle ou prévue de tissus identiques ou substituables au tissu en question (c.-à-d. du tissu de coton, grège, à 100 p. 100 de haute torsion), ce facteur, à lui seul, ne signifie pas automatiquement que la demande d’allégement tarifaire déposée par Doubletex doive être accueillie.

Pour présenter une recommandation au Ministre, le Tribunal tient compte de son mandat, qui prévoit que de telles recommandations doivent maximiser les gains économiques nets pour le Canada. Dans la présente affaire, Consoltex soutient que l’allégement tarifaire, s’il est accordé, aura une incidence négative sur ses ventes de tissus de haute torsion artificiels ou synthétiques (c.-à-d. de tissus finis). Par conséquent, le Tribunal doit déterminer si Consoltex produit des tissus qui sont substituables aux tissus produits par Doubletex à partir du tissu en question. La question de la substituabilité n’est pas nouvelle et est presque toujours difficile à trancher. Dans les affaires où la question de la substituabilité s’est posée, pour statuer sur la question, le Tribunal a examiné divers facteurs, notamment la qualité, la composition ou la description techniques, le prix, l’acceptation par le marché, la capacité d’approvisionnement et les marchandises en propriété exclusive.

Bien que le Tribunal ait tenu compte de tous les facteurs susmentionnés pour examiner la question de la substituabilité, la considération principale dans la présente affaire a été la description technique des tissus finis produits par Doubletex par rapport aux tissus produits par Consoltex. Dans le passé, le Tribunal a déclaré qu’il a de la difficulté à accepter les affirmations des producteurs de textiles selon lesquelles un tissu peut pleinement être substitué à un nontissé ou un tissu de coton peut être substitué à un tissu composé d’un mélange de polyester. En d’autres mots, la composition et la description techniques doivent généralement être dans la même catégorie pour que des marchandises soient pleinement substituables. Dans la présente affaire, les échantillons de tissus finis qu’a soumis Consoltex diffèrent manifestement, sur les plans de l’apparence et du touché, des tissus produits par Doubletex. Bien que le Tribunal soit disposé à accepter qu’une partie des tissus finis de Consoltex puissent dans une certaine mesure être substitués aux tissus finis que produit Doubletex, aucun élément de preuve au dossier n’appuie la conclusion selon laquelle Consoltex produit une vaste gamme de tissus finis qui puissent être substitués à 100 p. 100 à ceux de Doubletex. Étant donné la composition des tissus que produit Consoltex, le Tribunal est d’avis qu’il est peu probable que les tissus susmentionnés soient substituables aux tissus finis produits à partir du tissu en question au point où Consoltex l’affirme. Par conséquent, et en l’absence de tout élément de preuve du contraire, le Tribunal conclut que les tissus que produit Consoltex ne sont pas pleinement substituables aux tissus finis que produit Doubletex.

Les renseignements soumis indiquent que l’allégement tarifaire apporterait des gains considérables [8] aux ennoblisseurs comme Doubletex. Dans son examen du coût de l’allégement tarifaire, s’il est accordé, le Tribunal est conscient que Consoltex a estimé que l’allégement tarifaire réduirait considérablement ses marges bénéficiaires brutes [9] . Cependant, l’estimé susmentionné se fonde sur l’hypothèse que Consoltex produit des tissus qui sont pleinement substituables au tissu en question. Le Tribunal admet toutefois que l’allégement tarifaire, s’il est accordé, entraînera certains coûts. Le Tribunal est cependant d’avis que les avantages qui reviendront aux ennoblisseurs nationaux, par exemple Doubletex, l’emporteront de beaucoup sur les coûts susmentionnés. Même en admettant l’affirmation de Consoltex, selon laquelle cette dernière produit une vaste gamme de tissus finis qui sont pleinement substituables aux tissus finis faits à partir du tissu en question, les coûts pour Consoltex, si l’allégement tarifaire est accordé, seront tout de même sensiblement inférieurs aux gains estimés pour les ennoblisseurs nationaux.

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal conclut que faire droit à la demande en question apportera un gain économique net au Canada.

RECOMMANDATION

Le Tribunal recommande au Ministre, par la présente, d’accorder l’allégement tarifaire, pour une période indéterminée, sur les importations, en provenance de tous les pays, du tissu de coton à 100 p. 100, écru, blanchi ou préparé pour la teinture seulement, constitué de fils présentant un coefficient de torsion d’au moins 1 050 tours par mètre dans la chaîne ou dans la trame, ou dans les deux, des numéros tarifaires 5208.11, 5208.12, 5208.13, 5208.19, 5208.21, 5208.22, 5208.23, 5208.29, 5209.11, 5209.12, 5209.19, 5209.21, 5209.22 et 5209.29, destiné à être utilisé par les ennoblisseurs seulement pour fabriquer du tissu teint et fini pour l’industrie du prêt-à-porter.

Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre présidant


Richard Lafontaine
_________________________
Richard Lafontaine
Membre


Peter F. Thalheimer
_________________________
Peter F. Thalheimer
Membre


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Les 20 mars et 24 juillet 1996, et le 26 novembre 1997, le Ministre a révisé ledit mandat.

3. Vol. 132, no 30 à la p. 1754.

4. Les sociétés Consoltex Inc. et Compagnie des tissus industriels Dominion.

5. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

6. L’administration américaine traite les tissus finis comme s’ils étaient originaires des pays d’où proviennent les tissus grèges.

7. Rapport au ministre des Finances : réexamen de la recommandation concernant les tissus connus sous le nom de « gabardine armani », le 26 février 1998. Dans la recommandation qu'il a transmise au Ministre, le Tribunal a reconnu que Consoltex avait commencé à développer, à produire et à vendre des tissus utilisant des fils à haute torsion.

8. Les chiffres sont confidentiels et ne peuvent être divulgués.

9. Ibid.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 22 décembre 1998