LES INDUSTRIES LENROD LTÉE

Enquêtes


RAPPORT AU
MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE
DÉPOSÉE PAR
LES INDUSTRIES LENROD LTÉE
CONCERNANT CERTAINS NONTISSÉS
LE 10 NOVEMBRE 1998

TABLE DES MATIÈRES


Demande No : TR-97-014

Membres du Tribunal : Peter F. Thalheimer, membre présidant
Pierre Gosselin, membre
Patricia M. Close, membre


Directeur de la recherche : Réal E. Roy


Gestionnaire de la recherche : Daryl Poirier


Préposé aux statistiques : Lise Lacombe


Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault


Agent à l’inscription et
à la distribution : Claudette D. Friesen

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat [2] de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Le 13 février 1996, le Tribunal a reçu de la société Les Industries Lenrod Ltée (Lenrod), de Saint-Laurent (Québec), une demande d’allégement tarifaire (demande no TR-95-066) sur les importations, en provenance du Danemark, de nontissés, faits de fibres discontinues de polypropylène mélangées uniquement avec des fibres discontinues de polyester, thermoliés sur un côté et thermoliés ou gaufrés thermiquement sur l’autre côté, devant servir à la fabrication de meubles, de matelas et de supports de matelas.

Le 25 février 1997, après avoir enquêté sur la demande de Lenrod, le Tribunal a remis un rapport au Ministre, dans lequel il a recommandé de ne pas accorder, à ce moment, un allégement tarifaire. Dans son rapport, le Tribunal a fait observer ce qui suit :

Dans la présente conjoncture, le Tribunal doit se préoccuper que les industries du meuble et de la literie puissent compter sur des sources établies et concurrentielles d’approvisionnement pour les tissus en question ou pour tout autre tissu substituable afin de maintenir leur position concurrentielle par rapport à des importations de produits finis. Bien que les producteurs nationaux de tissus censément substituables, dont Texel, semblent pouvoir répondre aux besoins des utilisateurs, le Tribunal est d’avis que s’ils devaient ne pas pouvoir le faire, la position des industries du meuble et de la literie dans le marché serait menacée. Le Tribunal est d’avis que, si les producteurs nationaux ne font pas la preuve qu’ils peuvent produire des tissus identiques ou substituables et les vendre aux industries susmentionnées à des prix concurrentiels dans un délai raisonnable, par exemple d’ici à 12 mois, alors Lenrod pourrait déposer une nouvelle demande auprès du Tribunal [3] .

Le 27 février 1998, le Tribunal a reçu de Lenrod une nouvelle demande de suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations des mêmes nontissés qui faisaient l’objet de sa demande du 13 février 1996 (les nontissés en question).

Le 3 juin 1998, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête qui a fait l’objet de diffusion et a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 13 juin 1998 [4] .

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de recherche du Tribunal a envoyé des questionnaires aux producteurs potentiels des nontissés en question et de nontissés identiques ou substituables aux nontissés en question. Des questionnaires ont aussi été envoyés à un certain nombre d’importateurs potentiels des nontissés en question.

Il n’a pas été demandé au ministère du Revenu national (Revenu Canada) de procéder à une autre analyse en laboratoire des nontissés en question, ce dernier ayant déjà donné, en 1996, son avis sur leur classement tarifaire. Cependant, une lettre a été adressée au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) pour obtenir des renseignements à jour relativement à tout contingent imposé sur les importations des nontissés en question. Des lettres ont également été adressées au ministère de l’Industrie et au ministère des Finances pour les aviser de la demande et leur demander de fournir tout renseignement pertinent.

RENSEIGNEMENTS SUR LES PRODUITS

L’avis d’ouverture d’enquête décrit les nontissés comme étant faits de fibres discontinues de polypropylène mélangées uniquement avec des fibres discontinues de polyester, thermoliés (liage par dépôt continu) sur un côté et thermoliés ou gaufrés thermiquement (liés par impression ou liage par points) sur l’autre côté, qui sont coupés selon les exigences spécifiques des clients en matière de taille, puis réenroulés et emballés, devant servir à la fabrication de meubles, de matelas et de supports de matelas (sommiers).

Les nontissés en question sont classés dans le numéro tarifaire 5603.93.90 du Tarif des douanes [5] , comme Revenu Canada l’a indiqué au Tribunal au moment de la demande initiale de 1996. Le numéro de classement était 5603.93.90.50 en 1997 et est 5603.93.90.40 en 1998. En 1998, les nontissés classés dans le numéro tarifaire 5603.93.90 sont passibles de droits de douane de 16 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF et entrent en franchise en vertu du tarif des États-Unis, du tarif du Chili, du tarif du Mexique et du tarif de l’Accord Canada-Israël.

Les nontissés en question sont coupés par Lenrod, selon les exigences spécifiques des clients en matière de taille, puis ils sont réenroulés et emballés; lesdits nontissés doivent servir à la fabrication de meubles, de matelas et de supports de matelas. Toute sa production provient d’une des deux installations de Lenrod à Saint-Laurent : son installation de 40 000 pi², située au 500, rue Deslauriers, ou celle de 18 000 pi², située au 365, rue Deslauriers.

OBSERVATIONS

Lenrod emploie 42 personnes, dont 28 employés de production. Le nombre d’employés qui participent directement à la production des produits finals fabriqués à partir des nontissés en question n’a pas été communiqué au Tribunal. Lenrod demande l’allégement tarifaire parce que, selon ses dires, aucun nontissé identique ou substituable n’est disponible au pays.

Lenrod a soutenu que, bien que les producteurs nationaux soient en mesure de produire des nontissés aiguilletés, les nontissés en question sont aiguilletés et thermoliés ou gaufrés thermiquement. Lenrod a dit avoir consacré des efforts considérables pour trouver ou établir une relation avec des producteurs nationaux de nontissés identiques ou substituables, mais sans succès. Elle a affirmé qu’il n’y a pas de producteurs nationaux de nontissés identiques ou substituables.

Lenrod a soutenu que, à la suite de la décision du Tribunal de ne pas recommander l’allégement tarifaire, elle a tenu de longues, mais finalement infructueuses, discussions avec la société Texel Inc. (Texel), s’appuyant sur les promesses que cette dernière avait faites au Tribunal dans le cadre de l’enquête initiale tenue en 1996. À cet égard, Lenrod a déposé une lettre de Texel, datée du 8 mai 1997, dans laquelle cette dernière indique qu’elle n’a pas l’intention de se lancer dans la production de nontissés identiques ou substituables. Lenrod a aussi déposé une lettre de la société Jasztex Fibers Inc. (Jasztex), dans laquelle cette dernière déclare ne pas avoir l’intention d’investir dans le matériel spécialisé nécessaire à la production de nontissés identiques ou substituables.

Lenrod a affirmé que seules la société Nolar Industries Limited (Nolar) et La Société montréalaise de tissus Ltée (La Société montréalaise de tissus) ont fait opposition à la demande même si ni l’une ni l’autre ne produit de nontissés. Lenrod a affirmé que Nolar, puisqu’elle n’est pas un producteur, est une tierce partie et que, par conséquent, l’opposition de cette dernière ne devrait pas être considérée.

Lenrod a soutenu que, bien que Nolar dise être engagée dans le processus d’achat d’une machine à gaufrer, le gaufrage n’est pas, en soi, une question pertinente puisque les nontissés en question sont thermoliés et que le gaufrage d’un nontissé thermolié est une opération simple qui s’apparente davantage à la finition qu’à la production. Lenrod a soutenu que, advenant l’achat de la machine susmentionnée, Nolar gaufrera des tissus importés, plutôt que de produire des nontissés identiques ou substituables. Selon Lenrod, Nolar « ressort et dépoussière » [traduction] ses plans chaque fois qu’une demande d’allégement tarifaire est présentée, mais son engagement quant à l’achat d’une machine à gaufrer est minimal. Lenrod a ajouté qu’il est impossible de clairement savoir si la machine que Nolar prévoit acheter est véritablement une machine à gaufrer, puisque le bon de commande déposé en preuve ne fait pas mention de capacité de gaufrage.

Quant à La Société montréalaise de tissus, Lenrod a dit être sans fondement la déclaration selon laquelle les tissus de plate-forme matelassés que La Société montréalaise de tissus importe et vend seraient substituables aux nontissés en question et a ajouté qu’aucun producteur de tissus de plate-forme matelassés n’a fait opposition à la demande.

Lenrod a soutenu que l’allégement tarifaire apporterait un gain économique net pour le Canada. Bien que dans le rapport d’enquête du personnel l’estimation des gains pour Lenrod se fonde sur un pourcentage déterminé de ses importations, Lenrod a déclaré que l’allégement tarifaire favorisera l’accroissement du nombre d’opérations de coupe et de réenroulage au Canada, ce qui aura pour effet d’accroître plus encore lesdits gains. Lenrod a aussi déclaré que, étant donné l’allégement tarifaire, elle importera un pourcentage considérablement plus élevé des nontissés en question en l’état requis pour la coupe et le réenroulage, ce qui augmentera sensiblement l’économie annuelle globale réalisée en termes de droits de douane. Selon Lenrod, cette économie profitera aux utilisateurs finals et, par conséquent, l’allégement tarifaire ne peut que déboucher sur un gain économique net pour le Canada.

Lenrod a affirmé que la déclaration de Nolar selon laquelle l’allégement tarifaire fera perdre à cette dernière un pourcentage important de son volume des ventes « devrait être ignorée, car elle est sujette à caution » [traduction]. Lenrod a soutenu que toute perte de ventes attribuable à l’allégement tarifaire que pourrait subir Nolar ne toucherait que les producteurs des États-Unis, puisqu’il n’y a pas de producteurs canadiens et que, si Nolar perd des ventes, ces ventes reviendront à un transformateur canadien comme Lenrod. Par conséquent, selon Lenrod, l’effet économique net pour le Canada de la perte de ventes de Nolar, le cas échéant, est nul.

Texel, de Saint-Elzéar (Québec), a été le seul producteur national de nontissés à répondre à l’avis d’ouverture d’enquête publié par le Tribunal. Texel a déclaré qu’elle ne fait pas opposition à la demande de Lenrod, mais a dit se préoccuper du fait que l’ampleur de la gamme de nontissés visés dans le numéro tarifaire 5603.93.90 pourrait ouvrir la porte aux importations de nontissés classés dans le même numéro tarifaire que les nontissés en question, mais devant servir à d’autres utilisations finales. Elle a invité le Tribunal, si ce dernier recommande l’allégement tarifaire, à faire preuve de prudence et à veiller à utiliser un numéro de classement spécifique aux nontissés visés dans la demande d’allégement tarifaire.

La société Simmons Canada Inc. (Simmons), de Mississauga (Ontario), est un fabricant national de matelas et de supports de matelas. Simmons a appuyé sans réserve la demande de suppression des droits de douane sur les nontissés en question. L’utilisation qu’elle fait de nontissés « coupés aux dimensions » dans ses opérations de fabrication est importante et, à sa connaissance, elle ne peut s’approvisionner en nontissés fabriqués selon ses exigences auprès d’un producteur canadien de textiles.

La société Palliser Furniture Ltd. (Palliser) a réitéré son appui à la demande d’allégement tarifaire déposée par Lenrod, comme elle l’avait fait dans le cadre de l’enquête précédente du Tribunal, en 1996. Palliser a déclaré que l’allégement tarifaire accordé sur d’autres intrants textiles l’avait aidée à faire concurrence aux importations au Canada et avait amélioré sa position concurrentielle aux États-Unis. Elle a souligné, plus précisément, que ses usines de meubles de cuir rembourrés avaient connu une expansion rapide en raison, notamment, de l’allégement tarifaire.

Nolar, une entreprise exploitée depuis 1974, emploie 16 personnes à son usine de Concord (Ontario). Cinq employés travaillent directement à la production de nontissés coupés aux dimensions qui sont, selon Nolar, substituables aux nontissés en question et destinés aux mêmes utilisations finales.

Nolar fonde son opposition à la demande d’allégement tarifaire sur deux motifs : a) elle affirme concurrencer Lenrod en vendant des nontissés substituables; b) elle affirme avoir prévu l’achat de matériel de production de nontissés gaufrés. Nolar a déclaré que, à titre de transformateur de nontissés qui vend des produits substituables et identiques aux nontissés en question, il n’y a pas de différence perceptible entre les opérations et les services qu’elle offre à ses clients et les opérations et les services qu’offre Lenrod. Nolar a aussi fait opposition à la demande parce qu’elle affirme avoir été sur le point d’acheter, en juin 1998, le matériel de gaufrage nécessaire pour regrouper la fabrication des produits pertinents à ses installations de Concord (Ontario). Nolar a déclaré que la présente enquête a retardé ses projets d’achat, cependant, et que l’octroi de l’allégement tarifaire demandé supprimerait l’attrait que représente pour Nolar l’achat susmentionné.

Selon Nolar, l’allégement tarifaire favoriserait les produits des sociétés qui importent des pays désignés NPF aux dépens de ses propres produits, dont les intrants proviennent des pays parties à l’ALÉNA (le Canada, les États-Unis et le Mexique).

Nolar a soutenu que l’appui donné à Lenrod en 1996 par Simmons et Palliser était très exagéré et n’est plus valide. Nolar a en outre soutenu qu’aucun fait ne corrobore l’affirmation selon laquelle l’allégement tarifaire augmenterait la production et les exportations de ces deux dernières sociétés. Plutôt, selon Nolar, l’allégement tarifaire n’aurait aucune incidence sur elles.

La Société montréalaise de tissus s’est opposée à la présente demande d’allégement tarifaire parce qu’elle vend des produits aux entreprises canadiennes de matelassage qui s’en servent pour faire du tissu de plate-forme matelassé. Elle a déclaré que, puisque le tissu de plate-forme matelassé et le tissu aiguilleté thermolié de plate-forme servent tous deux à la même utilisation finale, ils sont substituables. La Société montréalaise de tissus a soutenu que, si l’allégement tarifaire est accordé sur les nontissés gaufrés en question, le prix des tissus de plate-forme matelassés seraient trop élevés, ce qui entraînerait la perte d’emplois au Canada.

La Société montréalaise de tissus a aussi soutenu que deux producteurs nationaux de nontissés n’ont pas encore éliminé la possibilité de pouvoir produire du tissu gaufré et du tissu de remplissage pour sommiers. De plus, elle a soutenu qu’un autre producteur national se prépare activement à produire des nontissés gaufrés et que La Société montréalaise de tissus discutait avec cette dernière de l’achat desdits nontissés. Par conséquent, La Société montréalaise de tissus a soutenu qu’il n’est pas nécessaire de supprimer des droits lorsque, potentiellement, des entreprises canadiennes sont en mesure de produire de tels nontissés.

AUTRES RENSEIGNEMENTS

MAECI a informé le Tribunal que le Canada n’impose aucun contingent sur les nontissés classés dans le numéro tarifaire 5603.93.90. Ces nontissés ne sont donc pas assujettis à des restrictions quantitatives à l’importation.

Revenu Canada a déclaré en 1996, dans le cadre de la première enquête, que l’administration de l’allégement tarifaire demandé sur les nontissés en question n’entraînerait aucun coût en sus de ceux qu’il a déjà engagés.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d’évaluer l’incidence économique d’une réduction ou d’une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et les producteurs en aval et, pour ce faire, de tenir compte de tous les facteurs pertinents, notamment la possibilité de substituer des intrants textiles produits au Canada aux intrants textiles importés et la capacité des producteurs nationaux de desservir les industries canadiennes en aval.

La présente enquête est la deuxième que mène le Tribunal relativement à une demande d’allégement tarifaire sur les nontissés en question. Lorsqu’il a, au terme de son enquête de 1996, recommandé au Ministre de ne pas accorder l’allégement tarifaire sur les nontissés susmentionnés, le Tribunal a souligné que, si les producteurs nationaux ne pouvaient démontrer qu’ils pouvaient produire des nontisssés identiques ou substituables et les vendre à des prix concurrentiels, dans un délai de un an, alors Lenrod pourrait déposer une nouvelle demande. Les éléments de preuve indiquent que, immédiatement après la recommandation du Tribunal, Lenrod a entrepris des pourparlers avec Texel, le producteur qui semblait, selon Lenrod, le plus susceptible de produire des nontissés qui répondraient à ses besoins, et celui qui avait été mentionné dans le rapport du Tribunal au Ministre. Cependant, ces pourparlers n’ont pas porté fruit, et Texel a maintenant abandonné ses projets de production de tels nontissés. Par conséquent, Lenrod a déposé une nouvelle demande d’allégement tarifaire à la fin du délai de un an, comme le Tribunal l’avait suggéré.

La présente demande vise des nontissés d’un type spécifique, c’est-à-dire, des nontissés aiguilletés thermoliés, ordinaires ou gaufrés. Les éléments de preuve révèlent que les nontissés de ce type, ordinaires ou gaufrés, ne sont pas produits au Canada.

En ce qui concerne la distinction qui peut être faite entre les trois types de nontissés disponibles sur le marché canadien et leur substituabilité, le Tribunal est d’avis que ni les nontissés filés-liés ni les nontissés aiguilletés thermoliés ne sont substituables aux nontissés en question parce que chacun des types de nontissés se vend à différents prix cibles et sert à différentes utilisations finales. Le Tribunal fait observer, à cet égard, qu’aucun producteur de nontissés de quelque type que ce soit n’a déposé d’exposé pour faire opposition à la demande. En fait, pour ce qui est des deux producteurs nationaux de nontissés qui sont intervenus dans le cadre de l’enquête de 1996 pour faire opposition à la demande d’allégement tarifaire déposée par Lenrod, Texel a indiqué dans le cadre de la présente enquête qu’elle ne faisait pas opposition à la demande et Jasztex n’a pas répondu à l’avis d’ouverture d’enquête du Tribunal. En outre, le Tribunal fait observer que Veratec Canada Inc., le producteur national de nontissés filés-liés qui vend à Nolar, n’a pas fait opposition à la demande de Lenrod.

Les deux sociétés qui ont fait opposition à la demande d’allégement tarifaire sont un transformateur de nontissés fabriqués par d’autres producteurs, Nolar, et un importateur-grossiste, La Société montréalaise de tissus.

Les éléments de preuve montrent que Nolar s’approvisionne présentement aux États-Unis en nontissés aiguilletés thermoliés équivalant aux nontissés en question. Elle coupe et apprête les nontissés susmentionnés selon les exigences des clients. Les opérations réalisées par Nolar sont pratiquement identiques à celles qu’effectue Lenrod, sauf que cette dernière importe des marchandises du Danemark au taux de droit NPF de 16 p. 100, tandis que les importations de Nolar, considérées comme étant des marchandises originaires des États-Unis, entrent donc au Canada en franchise.

Nolar a avancé qu’elle perdra un pourcentage élevé de son volume de ventes de nontissés substituables si l’allégement tarifaire est accordé à Lenrod. Le nombre de ses employés qui participent à la production des nontissés susmentionnés diminuerait sensiblement, de même que le nombre d’heures travaillées par année. D’autre part, Nolar affirme qu’elle investira dans du matériel de gaufrage et de perforation, et procurera des emplois supplémentaires pour les Canadiens et les Canadiennes si l’allégement tarifaire n’est pas accordé.

Les arguments de Nolar ne convainquent pas le Tribunal. Nolar est présentement exploitée en tant que concurrent direct de Lenrod, tout en bénéficiant d’un avantage important en termes de droits de douane (entrée en franchise par rapport à 16 p. 100 de droits de douane). Le Tribunal fait observer que tous les accords tarifaires récents concernant le Mexique, le Chili et Israël [6] prévoient l’entrée en franchise des nontissés en question. La suppression du tarif NPF sur les produits susmentionnés donnerait une chance équitable à tous les intervenants sur le marché. Bien qu’elle puisse être forcée de réduire le prix de ses nontissés substituables à cause de l’allégement tarifaire, le Tribunal n’est pas d’avis qu’il s’ensuivra les conséquences désastreuses que prédit Nolar.

Quant au plan de Nolar d’acheter du nouveau matériel de gaufrage et à l’affirmation de cette dernière selon laquelle le matériel permettra des économies qui seront transmises aux fabricants de meubles et amélioreront sa capacité d’exporter aux États-Unis, créant ainsi de nouveaux emplois, le Tribunal est préoccupé du temps qu’il a fallu à Nolar pour trouver le matériel susmentionné ainsi que du fait que le matériel n’a pu être trouvé qu’après le dépôt, par Lenrod, d’une deuxième demande d’allégement tarifaire sur les nontissés en question. Le Tribunal constate que le matériel susmentionné ne produit pas de nontissés, mais ne peut que servir à gaufrer des nontissés provenant, du moins dans un avenir prévisible, de sources extérieures au Canada; le Tribunal fait également observer que Nolar n’a soumis aucun élément de preuve sur le genre d’économies ni sur les possibilités d’exportation attribuables au matériel susmentionné.

Enfin, en ce qui a trait à l’opposition de La Société montréalaise de tissus à l’allégement tarifaire parce que cette dernière vend des tissus aux entreprises canadiennes de matelassage qui s’en servent pour fabriquer des tissus de plate-forme matelassés, le Tribunal fait observer que, mises à part les affirmations de La Société montréalaise de tissus, rien au dossier de la présente enquête n’indique que les tissus de plate-forme matelassés font concurrence aux nontissés en question, que les entreprises de matelassage n’ont déposé aucun exposé en faveur ou contre l’allégement tarifaire et que La Société montréalaise de tissus n’a soumis aucune information relativement aux pertes prévues en termes de volume ou de valeur des ventes qui résulteraient de l’octroi de l’allégement tarifaire.

Les renseignements dont dispose le Tribunal indiquent que l’allégement tarifaire entraînerait des gains pour Lenrod qui dépasseraient 100 000 $ par année. L’allégement tarifaire procurera également des gains aux producteurs nationaux de l’industrie du meuble et de celle de la literie, sous forme de réduction des coûts, améliorant ainsi leur compétitivité et leur permettant de livrer une concurrence plus efficace sur les marchés du Canada et des États-Unis.

Bref, le Tribunal conclut que l’allégement tarifaire demandé par Lenrod entraînera un gain économique net pour le Canada.

RECOMMANDATION

Le Tribunal recommande au Ministre, par la présente, d’accorder l’allégement tarifaire, pour une période indéterminée, sur les importations, en provenance de tous les pays, des nontissés, faits de fibres discontinues de polypropylène mélangées uniquement avec des fibres discontinues de polyester, thermoliés (liage par dépôt continu) sur un côté et thermoliés ou gaufrés thermiquement (liage par impression ou liage par points) sur l’autre côté, qui sont coupés selon les exigences spécifiques des clients en matière de taille, puis réenroulés et emballés, de la sous-position no 5603.93, devant servir à la fabrication de meubles, de matelas et de supports de matelas (sommiers à ressorts).

Peter F. Thalheimer
_________________________
Peter F. Thalheimer
Membre présidant


Pierre Gosselin
_________________________
Pierre Gosselin
Membre


Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Les 20 mars et 24 juillet 1996, et le 26 novembre 1997, le ministre des Finances a révisé ledit mandat.

3. Rapport au ministre des Finances : Demande d’allégement tarifaire déposée par Les Industries Lenrod Ltée concernant des nontissés, demande no TR-95-066, le 25 février 1997 aux p. 10 et 11.

4. Vol. 132, no 24 à la p. 1317.

5. L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.).

6. Le tarif du Mexique pour ce qui a trait au Mexique, le tarif du Chili pour ce qui a trait au Chili et le tarif de l'Accord Canada-Israël pour ce qui a trait à Israël.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 10 novembre 1998