LES VÊTEMENTS DE SPORTS TRIBAL INC.

Enquêtes


RAPPORT AU
MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE PAR LES VÊTEMENTS DE SPORTS TRIBAL INC. CONCERNANT CERTAINS TISSUS DE COTON
LE 24 AOÛT 1999

TABLE DES MATIÈRES


Demande no : TR-98-019

Membre du Tribunal : Arthur B. Trudeau, membre présidant


Directeur de la recherche : Réal Roy


Recherchiste : Peter Rakowksi


Préposé aux statistiques : Lise Lacombe


Avocat pour le Tribunal : Michèle Hurteau


Agent à l’inscription et

à la distribution : Claudette Friesen

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) [1] a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [2] le mandat de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication, et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu, le 11 mars 1999, de la société Les vêtements de sports Tribal Inc. (Tribal), de Montréal (Québec), une demande de suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations de certains tissus faits d’un mélange de coton et de spandex, devant servir à la confection de pantalons, de jupes et de shorts pour femmes. Tribal a aussi demandé que sa demande soit traitée dans les plus brefs délais étant donné les circonstances exceptionnelles.

Le 13 avril 1999, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête dans lequel les tissus visés par la demande d’allégement tarifaire sont décrits comme étant « des tissus de coton, à armure sergé dont le rapport d’armure est de 3, contenant 96 p. 100 ou plus en poids de coton et 4 p. 100 ou moins en poids de bandes d’élastomères, teints, d’un poids excédant 200 g/m2, devant servir à la confection de pantalons, de jupes et de shorts pour femmes ».

Le 23 avril 1999, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête modifié dans lequel le libellé de la description des tissus visés par la demande d’allégement tarifaire avait été remplacé par « des tissus de coton, à armure sergé dont le rapport d’armure est de 3, contenant 98 p. 100 en poids de coton et 2 p. 100 en poids de bandes d’élastomères, teints, d’un poids excédant 200 g/m2, devant servir à la confection de pantalons, de jupes et de shorts pour femmes » (les tissus en question). L’avis a fait l’objet de diffusion et a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 24 avril 1999 [3] . Dans le cadre de l’enquête, le personnel du Tribunal a envoyé des questionnaires aux producteurs potentiels de tissus identiques ou substituables. Des questionnaires ont également été envoyés aux utilisateurs et aux importateurs potentiels des tissus en question. Une lettre a été envoyée au ministère du Revenu national (Revenu Canada) pour obtenir des renseignements sur le classement tarifaire des tissus en question, et un échantillon a été fourni aux fins d’analyse en laboratoire. En outre, une lettre a été envoyée au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international pour obtenir des renseignements à jour sur les restrictions quantitatives à l’importation frappant les tissus en question. Une lettre a été envoyée au ministère de l’Industrie pour l’aviser de la demande et lui demander de fournir les renseignements et avis pertinents. Le ministère des Finances a aussi été avisé de la demande.L’avis d’ouverture d’enquête a en outre indiqué que le Tribunal était prêt à accélérer sa procédure d’enquête, à moins que les observations reçues des parties intéressées ne démontrent que les délais normalement accordés étaient justifiés dans la présente affaire. Le 26 avril 1999, le Tribunal a reçu une lettre envoyée au nom de la société Doubletex, un producteur de tissus censément identiques ou substituables aux tissus en question, dans laquelle il était déclaré que Doubletex faisait opposition à la fois à la demande d’allégement tarifaire et à la demande de procédure d’enquête accélérée. Le 4 mai 1999, Doubletex a soumis une réponse au questionnaire du Tribunal à l’intention du producteur national et a fait parvenir des échantillons des tissus censément substituables aux tissus en question. À la lumière des éléments susmentionnés, le Tribunal a décidé que le calendrier de la procédure accélérée ne s’appliquerait pas et a établi un nouveau calendrier pour le reste de l’enquête.Un rapport d’enquête du personnel, résumant les renseignements reçus des ministères susmentionnés, de Tribal et des autres parties intéressées, a été remis aux parties qui avaient déposé un avis de comparution dans le cadre de la présente enquête.Aucune audience publique n’a été tenue dans le cadre de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

Les tissus en question sont des tissus à armure sergé dont le rapport d’armure est de 3, contenant 98 p. 100 de coton et 2 p. 100 de spandex [4] , et servent à la confection de pantalons, de jupes et de shorts pour femmes. Selon Tribal, l’ajout du spandex confère au tissu de coton traditionnel une extensibilité élastique supplémentaire et donne un tissu moderne, facile à porter et à entretenir.

Revenu Canada a avisé le Tribunal que les tissus en question sont classés dans le numéro tarifaire 5209.32.00 de l’annexe du Tarif des douanes [5] et sont présentement passibles de droits de douane de 14,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF, de 7,0 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Chili et de 6,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique et entrent en franchise en vertu du tarif des États-Unis et du tarif de l’Accord Canada-Israël.

Bien qu’ils soient correctement classés dans le numéro tarifaire 5209.32.00, les tissus en question peuvent être importés à un moindre taux de droits dans le numéro tarifaire 9935.00.00, c.-à-d. à titre de tissus de coton (à l’exclusion de tissus dits « denim » ou de tissus écrus), contenant au moins 85 p. 100 en poids de coton, du Chapitre 52, devant servir à la fabrication de vêtements ou d’accessoires du vêtement. À compter du 1er janvier 1999, les tissus classés dans le numéro tarifaire 9935.00.00 sont passibles de droits de douane de 10 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF, de 8 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique et entrent en franchise en vertu du tarif du Chili, du tarif des États-Unis et du tarif de l’Accord Canada-Israël.

OBSERVATIONS

Tribal

Tribal, située à Montréal, est en affaires depuis 30 ans et fabrique des pantalons, des vestons, des jupes et des shorts pour femmes. Selon Tribal, il n’y a pas de production au Canada de tissus identiques ou substituables.

Tribal a soutenu qu’il existe plus de 2 000 fabricants de vêtements au Canada, la majorité d’entre eux employant moins de 20 personnes. Tribal a aussi soutenu que plusieurs fabricants canadiens ciblent le segment des prix modérés du marché et que, pour livrer concurrence aux autres fabricants de vêtements et aux importateurs de vêtements finis dans ce même segment du marché, elle a fourni un effort considérable pour se tailler une place unique sur le marché du vêtement mode pour femmes.

Tribal a soutenu qu’il n’y a pas de production canadienne de tissus substituables, et encore moins de tissus à des prix concurrentiels qui peuvent répondre aux tendances de la mode printemps-été. Tribal a souligné que, bien que la question de la substituabilité soit difficile à cerner, il existe habituellement certains facteurs permettant de comparer les tissus nationaux et importés. Tribal a souligné que les tissus en question sont des tissus spéciaux, à armure sergé dont le rapport d’armure est de 3, contenant 98 p. 100 de coton et 2 p. 100 de spandex. Tribal a soutenu que les tissus de source nationale offerts en vente sont faits soit d’un mélange de polyester et de spandex, soit d’un mélange de coton et de polyester, et sont vendus dans divers segments du marché. Tribal a soutenu que, bien que les tissus susmentionnés puissent être acceptables en vue de certaines applications, ils n’ont pas l’aspect naturel, le port, le toucher, le drapé et le confort que Tribal recherche pour sa gamme de vêtements pour femmes et ils se situent dans une catégorie de produits différente de celle des tissus en question.

Tribal a soutenu qu’il est hautement improbable que les vêtements faits de tissus en polyester et spandex, en coton et polyester ou en coton à 100 p. 100 fassent directement concurrence aux tissus en question dans les mêmes circuits de distribution. Tribal a contesté énergiquement l’affirmation des fabricants nationaux selon laquelle le consommateur, sans parler d’un détaillant soucieux de la qualité et des coûts, ne voit pas la différence entre les vêtements confectionnés à partir des tissus susmentionnés et les vêtements confectionnés par Tribal à partir des tissus en question.

Tribal s’est dite surprise que Doubletex, un ennoblisseur qui importe des tissus écrus (grèges), fasse opposition à la demande alors que la société Consoltex Inc. (Consoltex), un producteur entièrement intégré de tissus, ne l’a pas fait. Selon Tribal, les tissus de coton et le tissu « Viscount » de polyester et de coton de Doubletex ne sont pas identiques ou substituables aux tissus en question, et sont beaucoup moins compétitifs au plan commercial ou acceptés sur le marché. Tribal a en outre soutenu que les caractéristiques d’extensibilité, de confort et d’ajustement que confère un tissu constitué d’un mélange de coton et de spandex suscitent une acceptation générale. La tendance dans le sens de telles caractéristiques, selon Tribal, est indéniable et se poursuivra jusque dans la saison printemps-été 2000, quoi que puisse en dire la branche de production nationale de textiles.

En ce qui concerne les tissus censément identiques que Doubletex serait en train de mettre en valeur, Tribal y voit une admission qu’il n’est pas possible de substituer les tissus de coton et les tissus faits d’un mélange de polyester et de coton de Doubletex aux tissus en question. Tribal a soutenu que les tissus écrus importés par Doubletex ne doivent même pas être considérés comme étant des intrants textiles nationaux au sens de la saisine tarifaire sur les textiles. Tribal a ajouté que Doubletex s’est heurtée à des problèmes techniques dans la production du tissu expérimental, des problèmes peut-être encore non pleinement résolus, ce qui laisse planer le doute sur la capacité de Doubletex de livrer un tissu acceptable à ses clients.

Tribal a contesté l’affirmation de Doubletex selon laquelle cette dernière ajoute une valeur considérable à la production de vêtements. Tribal a soutenu que la valeur ajoutée par Doubletex n’est pas différente de celle ajoutée par tout autre fabricant de tissus et de vêtements et que, d’après l’expérience en approvisionnement et en achat de Tribal, la valeur ajoutée par Doubletex est considérablement inférieure à ce que cette dernière prétend.

Tribal a soutenu que le Tribunal doit prendre soin de tenir compte, dans son analyse, de la disponibilité commerciale d’intrants textiles directement concurrents et de l’acceptation des produits sur le marché. Tribal a de plus soutenu qu’il ne semblait pas que l’évaluation des occasions éventuelles et des développements, ou mises en valeur, possibles découlant de nouveaux investissements, contrairement à ce qu’affirme Doubletex, ait un grand poids dans l’analyse du Tribunal.

Les avantages qui découleront de la suppression des droits de douanes, selon Tribal, sont directement mesurables en termes de la diminution du prix franco dédouané des tissus en question non seulement pour Tribal mais aussi pour d’autres utilisateurs potentiels de tissus similaires. De plus, Tribal a soutenu que l’octroi de l’allégement tarifaire demandé entraînerait une augmentation du volume de production confiée à des sous-traitants et du volume des ventes d’autres produits compris dans la gamme de vêtements pour femmes de Tribal. Elle a de plus indiqué que des gains indirects découleraient des retombées commerciales, à cause de l’amélioration de l’efficience, des plus grandes séries de production et de la diminution des coûts unitaires.

Tribal a en outre soutenu que, pour maximiser les gains économiques, l’allégement tarifaire devait être accordé sur les tissus en question ou, à titre de solution de rechange, sur les tissus en question et sur les tissus écrus importés par Doubletex.

Les Modes Lana Lee Inc.

La société Les Modes Lana Lee Inc. a fait savoir qu’elle n’a pas répondu au questionnaire parce qu’elle n’utilise les tissus en question que de manière sporadique. Cependant, elle a déclaré être en faveur de la suppression des droits sur tout tissu recherché qui n’est pas produit au Canada. Elle a en outre soutenu que la question de la substituabilité n’est pas pertinente en l’espèce, puisque les fabricants doivent répondre aux exigences des consommateurs et des détaillants ou perdre des ventes au profit des importations. Elle a dit avoir toujours eu pour principe d’accorder la préférence aux usines canadiennes lorsqu’elle place une commande et que, si ces dernières pouvaient produire un tissu contenant 98 p. 100 de coton et 2 p. 100 de spandex à un niveau de qualité et à un prix suffisamment proches de ceux des tissus produits en Asie, les usines canadiennes remporteraient les commandes.

Hemisphere Productions Inc.

La société Hemisphere Productions Inc. n’a pas répondu au questionnaire du Tribunal, mais elle a indiqué qu’elle ne faisait pas opposition à la demande d’allégement tarifaire. Elle a déclaré que tout allégement tarifaire sur les tissus en question serait avantageux pour la branche de production de vêtements parce qu’il aiderait cette dernière à être davantage concurrentielle sur les marchés à l’exportation ou lui permettrait d’introduire des vêtements de mode à des prix abordables sur le marché national.

Doubletex

Doubletex est la plus grande entreprise d’ennoblissement de tissus au Canada. Elle importe une vaste gamme de tissus écrus de toutes les parties du monde et les transforme à l’une de ses trois usines, situées à Montréal, Toronto (Ontario) et Winnipeg (Manitoba). Les tissus finis que produit Doubletex sont souvent faits sur mesure selon les besoins particuliers de ses clients de l’industrie du vêtement et d’articles d’ameublement tant au Canada qu’aux États-Unis. La transformation de tissus d’une haute technicité constitue une proportion croissante de son activité, y compris les tissus synthétiques ou artificiels et les tissus mélangés faits de fils à haute torsion et les tissus extensibles.

Doubletex a fait opposition à la demande et a soutenu qu’elle produit présentement des tissus substituables, comme des tissus de coton, qui ont le même touché doux et le même aspect drapé que les tissus en question, et le tissu « Viscount », un tissu extensible ou confort destiné aux mêmes utilisations finales que celles qui ont été précisées dans la demande. Doubletex a aussi soutenu qu’elle travaille, depuis un an, à la mise en valeur d’un tissu fait d’un mélange de coton et de spandex et que ledit tissu sera prêt pour sa mise en vente d’ici quelques jours. Doubletex a en outre fait valoir qu’elle a, depuis un an, investi des montants considérables en matériel précisément destiné à ce genre de tissu ainsi qu’en recherche et en développement. Elle a en outre soutenu que ledit nouveau tissu et les tissus en question sont identiques en termes d’aspect, de portabilité et de prix. Doubletex a aussi soutenu que, d’après son expérience, les clients délaisseront ses tissus pour se tourner vers des tissus importés même si les importations coûtent considérablement plus cher que les tissus nationaux équivalents.

Doubletex a soutenu que son tissu fait d’un mélange de coton et de spandex sera plus large que les tissus en question. Selon Doubletex, l’avantage découlant de la coupe et du rendement de son tissu permettra à ses clients de produire plus de vêtements à partir de chaque verge carrée de tissu produit.

Doubletex a dit considérer son tissu extensible « Viscount » comme un tissu extensible ou confort destiné aux mêmes utilisations finales que les tissus indiqués dans la demande en cause et a affirmé que ledit tissu et les tissus en question sont substituables.

Doubletex a déclaré que plusieurs critères servent pour définir les tissus confort, y compris le pouvoir respirant et la perméabilité, et a soutenu que l’enduit ou la finition confère parfois de telles caractéristiques au tissu. Doubletex a fait savoir qu’elle possède un procédé spécial breveté appelé « H2 Out », soit un enduit traité à chaud qu’elle applique aux tissus pour leur donner des propriétés de respirabilité et de confort. Doubletex a soutenu que les tissus dotés d’une « mémoire » sont généralement considérés comme étant des tissus dotés d’une certaine extensibilité élastique. Selon Doubletex, il n’est pas nécessaire d’utiliser des bandes d’élastomères dans un tissu pour produire un tissu doté d’une « mémoire », un véritable effet d’extensibilité élastique pouvant être obtenu avec d’autres types de fils (p. ex., en polyester texturé). Elle a dit offrir, sur le marché des vêtements de sport et d’exercice, des tissus « confort », « d’aspect naturel » et « à mémoire ». Doubletex a dit œuvrer sur ce marché depuis plusieurs années, et non simplement depuis la veille de la présentation de la demande de Tribal.

Doubletex s’est dite très offensée des affirmations de Tribal et de la Fédération canadienne du vêtement (FCV) selon lesquelles la valeur qu’elle ajoute n’a pas d’importance ou est nulle. Doubletex a soutenu qu’elle ajoute de 95 p. 100 à 150 p. 100 de valeur canadienne aux tissus écrus importés et qu’elle emploie directement plus de 450 travailleurs canadiens, et est à l’origine de plus de 1 000 emplois indirects au Canada.

Doubletex a dit pouvoir approvisionner le marché canadien. De plus, elle a indiqué qu’un nombre considérable d’usines de textiles des États-Unis et d’autres grandes usines de textiles dans le monde offrent des tissus faits d’un mélange de coton et de spandex et qu’il s’agit là de tissus relativement courants. Doubletex a ajouté qu’elle ne peut obtenir de tissus écrus faits d’un mélange de coton et de spandex en franchise de droits de douane.

Finalement, Doubletex a soutenu qu’elle devra supporter un coût global important si l’allégement tarifaire est accordé. Elle a soutenu que les effets commerciaux de l’allégement tarifaire, s’il est accordé, pourraient être importants parce qu’elle devra baisser ses prix et que ses marges bénéficiaires diminueront.

Consoltex

Consoltex a fait savoir qu’elle ne participerait pas à la présente enquête.

Cleyn and Tinker Inc.

La société Cleyn and Tinker Inc. a fait savoir qu’elle n’avait pas d’intérêt dans la présente affaire et ne ferait pas parvenir de réponse au questionnaire.

Institut canadien des textiles

L’institut canadien des textiles (ICT) a dit ne pas être d’accord sur la déclaration de Tribal selon laquelle cette dernière ne pouvait pas se servir de tissus canadiens pour ses vêtements mode printemps-été sans causer une perturbation de son marché. L’ICT a de plus contesté l’affirmation de Tribal selon laquelle il n’y a pas de production nationale de tissus identiques.

L’ICT a dit douter que les détaillants ou les consommateurs bénéficient d’une partie importante de l’allégement demandé par Tribal. Il a ajouté que le fait que Tribal ait fait mention de la difficulté de transmettre les augmentations de coûts laissait croire que le fournisseur étranger pouvait exercer des pressions dans le sens de l’augmentation des prix ou que les taux de change auraient pour effet d’accroître le prix franco dédouané.

Selon l’ICT, les éléments de preuve ne corroborent pas la déclaration de Tribal selon laquelle les avantages qui découleraient de l’allégement tarifaire l’emporteront de loin sur les coûts. De plus, l’ICT a soutenu que les affirmations de Tribal, selon lesquelles les consommateurs recherchent censément les fibres naturelles, et non les fibres artificielles ou synthétiques, sont le fait d’opinions personnelles concernant le marché américain, qui sont fondées sur les revues américaines sur le commerce. L’ICT a aussi fait valoir que Tribal n’a pas fourni de données quantitatives concernant les marchés américain ou canadien pour étayer les affirmations susmentionnées. Le fait que certains clients puissent effectivement préférer les vêtements de coton et spandex à ceux confectionnés avec d’autres tissus ne modifie pas, selon l’ICT, le fait que les tissus faits d’un mélange de coton et de spandex font concurrence aux autres tissus sur le « marché du vêtement de sport ».

L’ICT a soutenu que les tissus de coton de Doubletex, au sujet desquels des données techniques ont été fournies, sont susceptibles d’être déplacés par des tissus faits d’un mélange de coton et de spandex importés à des prix considérablement majorés. L’ICT a de plus affirmé que, quel que soit le montant actuel des majorations, ces dernières changeront radicalement si des droits de douane ne sont plus imposés sur les tissus en question.

L’ICT a dit ne pas être d’accord sur la proposition que l’incorporation de 2 p. 100 de spandex dans un tissu de coton crée une telle différence que le tissu qui en résulte ne fait pas concurrence au tissu sans spandex sur le marché des tissus. Elle a soutenu que, si tel était le cas, les détaillants présenteraient séparément, sur des présentoirs distincts, les vêtements de sport en tissus faits d’un mélange de coton et de spandex plutôt que de présenter ensemble les vêtements en coton, en tissus faits d’un mélange de coton et de spandex ou d’un mélange de polyester et de rayonne, en polyester et en tissus faits d’un mélange de polyester et de spandex.

L’ICT a soutenu que la suppression des droits nuirait à la production actuelle de tissus de coton à 100 p. 100 et que lesdits droits ne doivent donc pas être supprimés. L’ICT a en outre soutenu que la propriété de confort - d’extensibilité élastique, soit le seul caractère distinctif des tissus en question, se retrouve aussi dans des produits nationaux. Selon l’ICT, Tribal elle-même a fourni des éléments de preuve se rapportant à des tissus confort - à extensibilité élastique fabriqués par Consoltex à partir de fibres synthétiques ou artificielles contenant du spandex. Par conséquent, pour tout détaillant ou tout consommateur qui considère important le caractère de confort - d’extensibilité d’un tissu, l’existence des tissus de Consoltex est significative.

L’ICT a aussi soutenu que le tissu « Viscount » de Doubletex est composé, dans la chaîne, de coton à 100 p. 100 et, dans la trame, de fibres extensibles, comme les tissus en question, ce qui le met en concurrence directe avec ces derniers. L’ICT a soutenu que la suppression des droits modifierait radicalement le rapport des prix des deux tissus.

Selon l’ICT, le rapport du laboratoire de Revenu Canada confirme que le nouveau tissu de Doubletex est pratiquement identique aux tissus en question. Supprimer les droits nuirait aux produits fabriqués et vendus par Doubletex et nuirait aux produits des autres fournisseurs nationaux qui ne se sont pas présentés à titre de parties intéressées à la présente enquête.

L’ICT a dit ne pas être d’accord que l’allégement tarifaire demandé serait suivi d’un élargissement de la gamme de vêtements mode, des modèles et des choix offerts aux consommateurs et a soutenu que, même avec les droits présentement appliqués, Tribal utilise avec succès les tissus en question, dans des quantités importantes à la fois en termes absolus et par rapport à la quantité globale de tissus qu’elle utilise.

Quant à la question des gains ou avantages, l’ICT a soutenu que, même si le Tribunal devait estimer que le fournisseur étranger ne s’accaparerait pas des économies de droits et que Tribal transmettrait entièrement ces dernières aux détaillants, il faudrait exclure toutes les ventes de Tribal aux détaillants étrangers du calcul des gains que représenterait l’allégement tarifaire pour le Canada. De plus, l’ICT a déclaré qu’aucun élément de preuve ne corrobore l’affirmation de Tribal selon laquelle les gains qui découleraient d’un allégement tarifaire l’emporteraient de loin sur les coûts.

L’ICT a aussi soutenu que la suppression des droits de douane, durant la phase de pré-production d’un nouveau tissu, pour le motif qu’il n’y a pas de tissu « identique ou substituable » de production nationale, entraînerait l’épuisement systématique des occasions de croissance indispensables à la survie et au renouvellement de la production de textiles.

L’ICT a demandé au Tribunal de reconnaître qu’on ne peut s’attendre à ce que des producteurs de textiles qui œuvrent dans le monde en évolution rapide de la mode planifient parfaitement leurs projets de production de tissus. Par conséquent, l’ICT a soutenu que les producteurs de textiles ont le droit de décider tardivement d’entreprendre la fabrication de tout tissu donné.

Finalement, l’ICT a exhorté le Tribunal à recommander que le tarif pertinent demeure inchangé.

Institut canadien des manufacturiers du vêtement

L’Institut canadien des manufacturiers du vêtement a déposé un exposé au nom des membres de la FCV. La FCV appuie pleinement la position de Tribal selon laquelle il n’y a pas de tissus identiques et substituables de production nationale et il convient d’accorder l’allégement tarifaire sur les tissus en question.

La FCV a souligné que Consoltex n’est pas une des parties à la présente enquête. De plus, elle a soutenu que Doubletex ne comprend pas que ses tissus de coton et ses tissus faits d’un mélange de coton et de polyester ne peuvent pas être substitués aux tissus en question, sinon elle aurait vendu ses marchandises dans ce créneau du marché, soit les vêtements de loisirs (vêtements décontractés), et ferait montre de données historiques de ventes plutôt que de se rabattre sur des possibilités à venir.

La FCV a dit trouver étonnant que, après qu’il lui eut été demandé si elle fabriquait un tissu substituable ou identique, Doubletex ait présenté un nouveau tissu, qu’elle a désigné comme ayant un caractère confidentiel, non accessible au public. La FCV a soutenu que Doubletex, consciente qu’elle peut empêcher l’allégement tarifaire, a déniché une version écrue du tissu, l’a fait finir au Canada et l’a présenté comme étant de fabrication canadienne. Selon la FCV, Doubletex a ensuite défendu la position que les tissus en question, entrés au Canada à un prix inconnu, font concurrence avec ce qu’elle dit être un de ses nouveaux produits offerts sur le marché [6] .

La FCV a dit s’interroger sur la question de savoir si des éléments de preuve au dossier corroboraient l’affirmation de Doubletex selon laquelle elle est capable de produire un tissu substituable ou identique. Elle a dit s’interroger en outre sur la façon dont le Tribunal évaluerait l’incidence au niveau des coûts d’un produit qui n’a fait l’objet d’aucune donnée historique de ventes et qui n’offre aucune garantie de réussite sur le marché. La FCV a dit douter des prétendus effets sur Doubletex, puisqu’il apparaît qu’elle ne produisait pas de tels tissus il y a à peine quelques mois. La FCV a en outre soutenu que les fabricants et les ennoblisseurs nationaux de textiles continueront de souligner les problèmes possibles de concurrence et les coûts d’opportunité lorsqu’ils voudront protéger des domaines dans lesquels ils pourraient vouloir faire affaires.

La FCV a déclaré que les producteurs de vêtements, comme Tribal, sont contraints de réagir très rapidement à l’évolution des goûts des consommateurs et à s’ajuster à de telles pressions et à d’autres exigences connexes sur le marché. La FCV a soutenu que, si les producteurs de textiles continuent de soutenir que des tissus différents du point de vue technique sont des tissus substituables, les producteurs de vêtements seront privés des avantages de l’allégement tarifaire durant l’enquête ou, si leurs demandes sont accueillies en bout de ligne, verront les avantages qui s’y rattachent injustement retardés.

La FCV a soutenu que, pour conclure en faveur du producteur national, le Tribunal devrait être convaincu que Doubletex est capable de livrer immédiatement son produit et d’en garantir l’approvisionnement en quantités commerciales, le tout dans des conditions de qualité, d’acceptation par le marché et de prix qui soient concurrentiels aux conditions qui caractérisent les tissus en question. Cependant, la FCV a fait observer l’absence d’éléments de preuve clairs en ce sens.

La FCV a soutenu que les producteurs nationaux n’ont pas été capables, et ne sont présentement pas capables, de répondre à la demande du marché des tissus en question par l’offre de tissus dotés des caractéristiques techniques voulues, et encore moins de démontrer une capacité authentique à fournir de tels tissus à l’avenir.

Selon la FCV, il n’est que juste et raisonnable d’accorder l’allégement tarifaire sur les tissus en question jusqu’à l’émergence d’un bien meilleur caractère de prévisibilité‚ des conditions comme la qualité, l’approvisionnement commercial et les prix.

La FCV a dit trouver inacceptable que les sociétés de textiles du pays tentent de s’immiscer dans la production actuelle authentique et d’intervenir dans les demandes d’allégement tarifaire des producteurs de vêtements en invoquant des occasions possibles liées à des tissus non disponibles et, ce faisant, de bloquer l’allégement. Selon la FCV, permettre un tel précédent accorderait trop d’importance aux produits en phases de lancement et de développement, ce qui va à l’encontre du mandat du Tribunal dans les enquêtes sur les demandes d’allégement tarifaire.

La FCV a soutenu que, bien que le Tribunal ait, dans le passé, autorisé des producteurs de textiles à défendre des positions parfois exagérées en ce qui concerne les allégements tarifaires et ait protégé les investissements de ces derniers ou la mise en place déclarée d’une future production, un tel état des choses ne tient pas compte du fait que l’acceptation par le marché de tout tissu expérimental est incertaine. Selon la FCV, il est extrêmement peu réaliste de présumer que des tissus similaires seront automatiquement bien reçus sur le marché.

AUTRES RENSEIGNEMENTS

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAÉCI) a avisé le Tribunal que le Canada impose des contingents sur les tissus de coton, finis (de la sous-catégorie 32.2), importés de la République populaire de Chine, de Hong Kong et de Taïwan. Par conséquent, les tissus de coton de la sous-position no 5209.32.00 y sont visés. L’accord bilatéral, qui prévoit la restriction susmentionnée, passé entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République populaire de Chine, est en vigueur depuis 1987. Les accords bilatéraux passés entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de Hong Kong et la Fédération du textile de Taiwan sont en vigueur depuis 1979.

Le MAÉCI a aussi indiqué qu’il considérera les demandes de déclaration en marge du contingent concernant les intrants textiles lorsque le Tribunal aura recommandé la suppression des droits de douane pour le motif de non-disponibilité. Le traitement en marge du contingent ne sera accordé que dans les cas où il peut être prouvé que l’utilisation des produits faisant l’objet du contingent est assortie de frais supplémentaires ou lorsque les marchandises sont introuvables au Canada.

Revenu Canada a indiqué que l’administration de l’allégement tarifaire n’entraînerait aucun coût en sus de ceux qu’il supporte déjà si l’allégement tarifaire.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d’évaluer l’incidence économique d’une réduction ou d’une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et sur les entreprises en aval et, à cette fin, de considérer tous les facteurs économiques qui entrent en ligne de compte, y compris la possibilité de substituer les tissus en question aux tissus nationaux, la capacité des producteurs nationaux de tissus de desservir les industries canadiennes en aval et la compétitivité de ces industries au Canada et à l’étranger. Par conséquent, la décision du Tribunal de recommander l’allégement tarifaire est fondée sur la mesure dans laquelle le Tribunal considère que cet allégement tarifaire apporterait des gains économiques nets au Canada.

La demande de Tribal vise des tissus de coton particuliers, c.-à-d. des tissus de coton, à armure sergé dont le rapport d’armure est de 3, contenant 98 p. 100 en poids de coton et 2 p. 100 de spandex, teints, d’un poids excédant 200 g/m2. Les tissus susmentionnés servent à la confection de pantalons, de jupes et de shorts pour femmes. Tribal a déclaré que les tissus qui se vendent sur le marché canadien, et qui feraient censément concurrence aux tissus en question, sont soit faits d’un mélange de polyester et de spandex ou de coton et de polyester, soit faits de coton à 100 p. 100 et sont inacceptables pour Tribal. Selon Tribal, les tissus censément substituables susmentionnés sont vendus dans des segments du marché distincts et relèvent d’une catégorie de produits différente de celle des tissus en question. Tribal a en outre soutenu que ses clients savent ce qu’ils veulent et qu’il existe une réaction très favorable face aux propriétés d’extensibilité élastique, de confort et d’ajustement qu’offrent les tissus faits d’un mélange de coton et de spandex. Autrement dit, dans le créneau du marché en cause, Tribal a déclaré qu’il n’existe pas de produits de substitution en ce qui concerne les tissus faits d’un mélange de coton et de spandex.

Doubletex et l’ICT ont fait opposition à la demande, invoquant le fait que Doubletex produit présentement et vend des tissus de coton à 100 p. 100 et des tissus contenant 55 p. 100 de coton et 45 p. 100 de polyester qui peuvent être substitués aux tissus en question, et que Doubletex est également en voie de mettre sur le marché un tissu fait d’un mélange de coton et de spandex identique aux tissus en question [7] .

Pour déterminer s’il existe un tissu substituable de production nationale, le Tribunal tient compte de facteurs comme la description technique du tissu, sa qualité, son prix et son acceptation sur le marché. Si les facteurs semblent comparables, le Tribunal étudie ensuite la question de la disponibilité de l’approvisionnement avant de conclure son analyse. En outre, ainsi que le Tribunal l’a déjà déclaré dans le passé, « l’industrie de la mode fonctionne à un degré de substituabilité moins élevé et, par conséquent, cherche et insiste pour avoir de nouveaux tissus qui sont ou seront bientôt exigés par les consommateurs » [8] . Autrement dit, le Tribunal est d’avis que l’industrie de la mode attache une importance considérable aux différences même minimes entre divers tissus qui leur permettraient d’offrir de nouveaux produits distincts.

Dans la présente affaire, Doubletex a présenté certains tissus faits de coton et faits de mélange de coton et de polyester comme étant substituables aux tissus en question. Les éléments de preuve montrent que les tissus susmentionnés ne contiennent pas à la fois du coton et du spandex. Bien que Doubletex les ait décrits comme étant des « tissus extensibles », lesdits tissus ne présentent pas toutes les caractéristiques des tissus en question, à savoir les propriétés de confort et le pouvoir respirant du coton ainsi que le facteur d’extensibilité élastique propre au spandex [9] . Le Tribunal est d’accord avec la position de Tribal, selon laquelle le consommateur recherche des vêtements qui non seulement sont dotés d’une certaine souplesse, mais qui peuvent s’étirer et reprendre leur forme normale. Le Tribunal est d’avis que, dans le segment de marché qu’exploite Tribal, les tissus de coton et de mélanges de polyester et de coton produits par Doubletex ne peuvent être substitués aux tissus en question.

En ce qui concerne le tissu fait d’un mélange de coton et de spandex présentement à la phase de mise en valeur par Doubletex, le Tribunal fait observer que le fait même de procéder à la mise en valeur dudit tissu laisse croire que Doubletex a défini à son endroit un marché distinct de celui de ses tissus de coton et de ses tissus faits d’un mélange de coton et de polyester. Le Tribunal fait en outre observer que les analyses en laboratoire de Revenu Canada indiquent que le tissu expérimental possède des caractéristiques très proches de celles des tissus en question et peut-être identiques. Selon le Tribunal, la question à trancher se résume donc à la question de l’acceptation par le marché et de la capacité de Doubletex à approvisionner le marché à partir des tissus expérimentaux susmentionnés.

À de nombreuses reprises [10] , le Tribunal a mentionné que les producteurs nationaux ont l’entière responsabilité de fournir des preuves, et non seulement des assertions ou des allégations, de leur capacité de produire des marchandises identiques ou substituables. Bien que Doubletex ait indiqué avoir déployé des efforts supplémentaires à la mise en valeur du nouveau tissu susmentionné, avoir investi dans du nouveau matériel et être à la recherche de clients, le fait demeure que ce tissu n’est pas encore offert sur le marché. Le Tribunal a de la difficulté à accepter les affirmations de Doubletex selon lesquelles le nouveau tissu fait d’un mélange de coton et de spandex présentement mis en valeur sera, dans un proche avenir, disponible sur le marché en quantités commerciales suffisantes ou à des prix acceptables. Doubletex n’a pas soumis d’éléments de preuve dans la présente affaire à l’appui d’une conclusion de production imminente ou de l’existence du potentiel nécessaire pour approvisionner le marché à partir du nouveau produit. Une conclusion de production prévisible et imminente pourrait se fonder sur des éléments comme les commandes en main, les données réelles des ventes, des résultats détaillés des séries d’essai par le producteur et par l’utilisateur final ou, en l’absence des éléments ci-dessus, une étude de faisabilité qui présenterait en détail les plans de commercialisation, de production et d’affectation en capital relatifs aux nouveaux produits. Néanmoins, si l’allégement tarifaire est accordé, le Tribunal serait prêt à considérer une future demande de réexamen si Doubletex peut fournir la preuve de sa capacité de produire et de vendre des quantités commerciales de tissus identiques ou substituables aux tissus en question.

Le Tribunal ne voit guère de coûts associés à l’octroi de l’allégement tarifaire demandé par Tribal. Ainsi qu’il a déjà été expliqué, le Tribunal ne considère pas que les tissus de coton et ceux faits d’un mélange de coton et de polyester que produit Doubletex sont substituables aux tissus en question et, de ce fait, ne peut attribuer de coûts liés aux tissus susmentionnés dans l’évaluation du gain économique net pour le Canada susceptible de découler de l’allégement tarifaire demandé. Le Tribunal observe aussi que Consoltex, un producteur de textiles entièrement intégré de tissus synthétiques ou artificiels et de tissus mélangés, a choisi de ne pas participer à la présente enquête. Quant au tissu fait d’un mélange de coton et de spandex que Doubletex s’attache présentement à mettre en valeur, le Tribunal fait observer que l’acceptation dudit tissu sur le marché et la capacité de Doubletex d’approvisionner le marché n’ont pas, à ce jour, été démontrées. Le Tribunal ne peut donc, dans l’évaluation du gain économique net pour le Canada qui découlerait de l’octroi de l’allégement tarifaire demandé, tenir compte d’un coût que pourrait éventuellement devoir supporter Doubletex.

L’octroi de l’allégement tarifaire procurera un gain annuel pour Tribal et pour les autres utilisateurs de tissus en question d’une valeur estimative de plus de 200 000 $. L’allégement tarifaire devrait aussi entraîner une hausse de la production et des ventes et des avantages indirects, par exemple de plus grandes séries de production et la baisse des coûts unitaires de production.

Finalement, quant à la question de savoir si l’allégement tarifaire devrait également être accordé sur les tissus écrus correspondant aux tissus en question, le Tribunal est d’avis que, conformément à ses recommandations antérieures, il ne convient pas de le faire sans la tenue d’une enquête distincte. Cependant, si, à l’avenir, Doubletex peut déposer une demande d’allégement tarifaire, accompagnée d’un dossier complet, concernant le tissu écru utilisé pour produire des tissus identiques ou substituables, le Tribunal est disposé à envisager d’accélérer sa procédure d’enquête pour ladite demande.

RECOMMANDATIONS

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal recommande, par la présente, au Ministre d’accorder l’allégement tarifaire, pour une période indéterminée, sur les importations en provenance de tous les pays, des tissus de coton, à armure sergé dont le rapport d’armure est de 3, contenant 98 p. 100 en poids de coton et 2 p. 100 en poids de bandes d’élastomères, teints, d’un poids excédant 200 g/m2, classés dans la sous-position no 5209.32, devant servir à la confection de pantalons, de jupes et de shorts pour femmes.

Arthur B. Trudeau
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Arthur B. Trudeau
Membre présidant


1. Les 20 mars et 24 juillet 1996, et le 26 novembre 1997, le ministre des Finances a révisé ledit mandat.

2. L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 47.

3. Vol. 133, no 17 à la p. 1097.

4. « Spandex » est un terme générique pour des matières textiles faites de polyuréthane.

5. L.R.C. (1985) (3e suppl.), ch. 41.

6. Doubletex a déclaré que, d'après son expérience, si le coût des importations ne dépasse pas de plus de 30 p. 100 le coût de ses tissus, les acheteurs délaisseront ces derniers et se tourneront plutôt vers les tissus importés faits de spandex à 100 p. 100 et de mélanges.

7. Un échantillon du tissu expérimental a été soumis au Tribunal. Doubletex a demandé que l'échantillon soit traité à titre de pièce confidentielle. Le Tribunal a été d'accord, mais a demandé que l'échantillon soit mis à la disposition des parties à l'enquête, à condition qu'un acte de déclaration et d'engagement, visant la non-divulgation de l'échantillon aux autres parties, soit déposé auprès du Tribunal et accepté par ce dernier. Seule Tribal a reçu un échantillon confidentiel.

8. Magasins Château du Canada (le 19 septembre 1995), TR-94-011 et TR-94-019 (T.C.C.E.) à la p. 8.

9. Selon Tribal, ni les clients ni les consommateurs n'achèteront un tissu fait d'un mélange de coton et de spandex s'il ne répond pas aux exigences suivantes : le retrait ne peut dépasser 3 p. 100 dans la chaîne et 4 p. 100 dans la trame, et le retour élastique doit atteindre 85 p. 100.

10. Voir, par exemple, Camp Mate (le 10 juin 1996), TR-95-051 (T.C.C.E.); Lady Americana Sleep Products (le 12 février 1997), TR-95-064 et TR-95-065 (T.C.C.E.); Cambridge Industries (le 12 février 1999), TR-98-001 (T.C.C.E.); Helly Hansen Canada (le 19 mars 1999), TR-97-015, TR-97-016 et TR-97-020 (T.C.C.E.); et Jones Apparel Group Canada (le 8 juillet 1999), TR-98-017 (T.C.C.E.).


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Publication initiale : le 24 août 1999