VÊTEMENTS PEERLESS INC.

Enquêtes


RAPPORT AU MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D'ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE PAR VÊTEMENTS PEERLESS INC. CONCERNANT DES TISSUS DE LAINE PEIGNÉE ET DE POILS FINS PEIGNÉS
LE 28 JUILLET 2000

TABLE DES MATIÈRES


Demande no : TR-99-004

Membres du Tribunal :

Arthur B. Trudeau, membre présidant

 

Peter F. Thalheimer, membre

 

Zdenek Kvarda, membre

   

Directeur de la recherche :

Réal Roy

   

Gestionnaire de la recherche :

Paul R. Berlinguette

   

Conseillers pour le Tribunal :

Gerry Stobo

 

John Dodsworth

   

Agents du greffe :

Claudette D. Friesen

 

Susanne Grimes



Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

 
 

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l'article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 le mandat de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication, et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu, le 7 juillet 1999, de la société Vêtements Peerless Inc. (Peerless), de Montréal (Québec), une demande de suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations, en provenance de tous les pays, de certains tissus de laine peignée et de poils fins peignés, devant servir à la confection de complets, de vestes, de blazers, de gilets et de pantalons pour hommes. Peerless a aussi demandé que l'allégement tarifaire s'applique rétroactivement au 1er janvier 1999.

Le 23 septembre 1999, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d'ouverture d'enquête2 , qui a fait l'objet de diffusion aux personnes qui, à la connaissance du Tribunal, étaient des parties intéressées. L'avis a décrit les tissus qui font l'objet de l'enquête comme suit : « tissus faits uniquement de laine peignée et de poils fins peignés, d'un poids d'au moins 140 g/m2 mais n'excédant pas 300 g/m2, du numéro tarifaire 5112.11.90 ou 5112.19.91, devant servir à la confection de complets, de vestes, de blazers, de gilets et de pantalons pour hommes » (les tissus en question).

Dans le cadre de l'enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a envoyé des questionnaires à des producteurs potentiels de tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Une demande de renseignements a également été envoyée à des importateurs potentiels des tissus en question. Une lettre a été envoyée au ministère du Revenu national (Revenu Canada) (désormais l'Agence des douanes et du revenu du Canada [ADRC]) pour obtenir des renseignements sur le classement tarifaire des tissus en question, et des échantillons ont été fournis aux fins d'analyse en laboratoire. Des lettres ont également été envoyées à plusieurs autres ministères pour obtenir des renseignements et des avis.

Un rapport d'enquête du personnel, résumant les renseignements reçus des ministères susmentionnés, de Peerless, des répondants aux questionnaires et d'autres parties intéressées, a été remis à ceux qui avaient déposé un avis de comparution dans le cadre de la présente enquête et étaient, de ce fait, devenues des parties à la procédure. Après la distribution du rapport d'enquête du personnel, Peerless, l'Institut canadien des manufacturiers du vêtement (ICMV) et l'Institut canadien des textiles (ICT) ont déposé des observations auprès du Tribunal.

Dans le cadre de sa recherche, le personnel de la recherche du Tribunal a envoyé d'autres demandes de renseignements sur la production, les ventes et les prix, à Peerless et à Cleyn & Tinker Inc. (Cleyn & Tinker), une entreprise à intégration verticale qui tisse et apprête des tissus. Des membres du Tribunal ont visité les installations de Peerless et de Cleyn & Tinker afin de voir le processus de production. Des rapports décrivant les visites susmentionnées font partie du dossier.

À la suite d'une demande de Peerless, le Tribunal a tenu, les 3, 4 et 12 mai 2000, une audience publique dans le cadre de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

Les tissus en question servent à la confection de complets, de vestes, de blazers, de gilets et de pantalons pour hommes. Toute l'activité de coupe, de couture, d'apprêtage et de contrôle de la qualité des produits finals se déroule dans les installations de Peerless, à Montréal.

Les tissus décrits dans l'avis d'ouverture d'enquête diffèrent des tissus décrits dans la demande initialement déposée par Peerless, du fait que la demande faisait mention d'une teneur minimum en poils fins de 15 p. 100. Dans une lettre du 26 juillet 1999, Revenu Canada a informé le Tribunal qu'il ne pouvait pas identifier les différentes fibres de poils fins dans les échantillons fournis par Peerless ni déterminer avec précision le pourcentage en poids des poils fins et de la laine. Par conséquent, Revenu Canada a recommandé, relativement à toute recommandation éventuelle d'allégement tarifaire au Ministre, d'éviter l'inclusion d'une condition selon laquelle les tissus devraient contenir un certain pourcentage de poils fins. Par conséquent, le Tribunal a publié un avis d'ouverture d'enquête dans lequel il n'était pas fait mention de teneur minimum en poils fins, la portée dudit avis s'étendant donc à une gamme de tissus beaucoup plus étendue que celle des tissus décrits dans la demande.

Dans une lettre du 26 octobre 1999, Peerless a informé le Tribunal que deux laboratoires au Canada et trois autres aux États-Unis étaient capables de déterminer la teneur en poils fins des tissus de laine.

Dans une lettre du 6 janvier 2000, l'ADRC a informé le Tribunal qu'un seul des cinq laboratoires, à savoir Merchandise Testing Laboratories Inc. (MTL), de Brockton (Massachusetts), était capable d'effectuer les analyses spécifiques requises3 . L'ADRC a aussi révisé sa position antérieure et a plutôt déclaré que le libellé d'un numéro tarifaire proposé devrait inclure une disposition selon laquelle les tissus importés dans ledit numéro tarifaire doivent être « certifiés par l'exportateur » comme répondant aux termes du numéro tarifaire. Selon l'ADRC, une telle certification éliminerait la nécessité d'analyser chaque tissu importé dans le nouveau numéro tarifaire et permettrait à l'ADRC de ne soumettre à des méthodes d'essai que les tissus qui semblent douteux.

À compter du 1er janvier 2000, les tissus en question, classés aux fins de douane dans le numéro tarifaire 5112.11.90 ou 5112.19.91 de l'annexe du Tarif des douanes 4 , sont passibles de droits de douane de 16,0 p. 100 ad valorem, mais les droits ne doivent pas dépasser 4,60 $/kg en vertu du tarif NPF, et entrent en franchise en vertu du tarif des États-Unis, du tarif du Mexique, du tarif de l'Accord Canada-Israël et du tarif du Chili. Le taux de droits NPF demeurera de 16,0 p. 100 ad valorem jusqu'au 31 décembre 2002, puis baissera progressivement, passant à 15,1 p. 100 ad valorem et à 14,0 p. 100 ad valorem le 1er janvier 2003, et le 1er janvier 2004, respectivement5 .

OBSERVATIONS ÉCRITES

Industrie du vêtement

Demanderesse

Peerless confectionne des vêtements pour hommes depuis 1919. Il s'agit d'une société privée qui emploie plus de 2 000 personnes. À la suite de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis (ALÉ), Peerless est devenue une société internationale de fabrication et de commercialisation dont la présence sur le marché des États-Unis est importante. À cet égard, elle a conclu des accords de licence visant la commercialisation de marques de commerce réputées comme Chaps de Ralph Lauren, Ralph de Ralph Lauren et DKNY (Donna Karen New York).

Dans sa demande d'allégement tarifaire, Peerless a soutenu qu'aucun tissu identique ou substituable n'est disponible auprès des producteurs de textiles canadiens. Peerless a soutenu que personne au Canada ne fabrique des tissus de laine peignée mélangée à au moins 15 p. 100 de poils fins, comme le cachemire, le mohair, l'alpaga et l'angora. Selon Peerless, de tels tissus de fibres mélangées donnent des vêtements de meilleure qualité qui revêtent un caractère plus luxueux et présentent un plus grand attrait pour le consommateur. Puisque les caractéristiques physiques spéciales des tissus en question les distinguent des tissus nationaux, Peerless a déclaré que le prix, les frais de livraison, etc., ne sont pas pertinents. Peerless a soutenu que, même si les fabricants de textiles canadiens pouvaient produire de tels tissus, le prix en serait vraisemblablement très élevé et la livraison poserait problème. En outre, Peerless a souligné qu'il est possible de se demander si les producteurs de textiles canadiens peuvent fournir des tissus dans des quantités commerciales valables. Peerless a indiqué que l'industrie de la mode pour hommes exige des tissus d'une vaste gamme de mélanges, couleurs et patrons (ou motifs) et que, par conséquent, elle doit répondre à cette demande.

Peerless a soutenu que la suppression des droits de douane sur les importations des tissus en question réduirait ses coûts, et lui permettrait de livrer une concurrence plus efficace tant au Canada que sur les marchés étrangers et d'augmenter son chiffre d'affaires. Peerless a indiqué que de tels avantages se répercuteraient sur le consommateur. De plus, Peerless a déclaré que l'allégement tarifaire compenserait certaines des difficultés qui pourraient éventuellement découler de la modification du programme de drawback des droits6 . À cet égard, Peerless a dit ne plus recevoir de drawback pour les tissus importés qu'elle utilise dans la fabrication des vêtements qu'elle exporte, en application des NPT, aux États-Unis et que, de ce fait, les nouvelles dispositions pourraient causer un grave dommage à ce volet de son activité commerciale à l'exportation.

Dans une lettre du 25 octobre 1999, Peerless a dit avoir rencontré des représentants de Cleyn & Tinker pour examiner sa gamme de produits. Peerless a déclaré qu'aucun tissu identique aux tissus en question n'était disponible et qu'il existait peu, sinon pas du tout, d'échantillons de tissu contenant des poils fins mélangés à la laine7 . Peerless a déclaré que Cleyn & Tinker n'a fait absolument aucun effort pour promouvoir des tissus identiques ou substituables aux tissus en question. Selon Peerless, un tel état des choses s'explique du fait que, si Peerless était la seule cliente pour de tels tissus, il est peu probable que Cleyn & Tinker pourrait les fabriquer d'une manière raisonnable au point de vue commercial, c'est-à-dire dans une vaste gamme de couleurs et de motifs. Autrement dit, Cleyn & Tinker ne pourrait produire de tels tissus d'une manière économiquement viable pour elle.

Dans son exposé en réponse daté du 2 février 2000, Peerless a réitéré qu'il ne se produit pas au Canada de tissus identiques aux tissus en question. Peerless a déclaré que Cleyn & Tinker ne produit pas de tissus identiques dans des quantités disponibles valables d'un point de vue commercial. Bien que Cleyn & Tinker ait fourni certains éléments de preuve qu'elle est capable de produire des tissus qui contiennent de la laine et des poils fins similaires aux tissus en question, Peerless a déclaré que lesdits tissus ne sont pas exactement identiques du point de vue physique et, ce qui importe encore davantage, qu'ils ne sont pas disponibles en quantité commerciale raisonnablement suffisante. À cet égard, Peerless a souligné que 13 des 34 échantillons de tissu soumis par Cleyn & Tinker ne sont pas identiques aux tissus en question parce qu'ils ne contiennent pas de poils fins. Quant aux autres échantillons, qui contiennent des poils fins, Peerless a indiqué qu'ils sont très restreints en termes de motifs, couleurs, quantités et qualité. Selon Peerless, ces contraintes les rendent inacceptables d'un point de vue commercial et, par conséquent, non identiques. Peerless a déclaré que, chaque année, chacune des nombreuses usines de textiles qui produisent les tissus en question lui présentent des milliers d'échantillons de ces tissus. Peerless a soutenu que cela lui permet d'offrir des vêtements, confectionnés à partir de tissus uniques et exclusifs, qui se distinguent des vêtements offerts par ses concurrentes.

Peerless a aussi déclaré qu'aucun élément de preuve au dossier ne montre que les tissus faits de mélanges contenant des poils fins produits par Cleyn & Tinker sont vendus aux fabricants de vêtements pour hommes au Canada, par opposition à leur vente aux fabricants de vêtements pour femmes. Peerless a dit ne pas pouvoir acheter de tels tissus parce qu'ils ne répondent pas aux exigences du marché du vêtement pour hommes, c'est-à-dire le marché sur lequel elle livre concurrence. À cet égard, Peerless a dit que les hommes veulent maintenant acheter des vêtements qui peuvent être portés toute l'année. Par conséquent, il lui faut donc utiliser des tissus de poids moyen contenant une laine de meilleure qualité pour que les tissus faits d'un mélange de laine et de poils fins, c'est-à-dire les tissus en question, puissent présenter un toucher et un aspect de meilleure qualité.

Peerless a soutenu que l'acceptation par le marché des tissus de laine et de poils fins fabriqués par Cleyn & Tinker est limitée. Peerless a dit que le marché des tissus en question au Canada a plus que doublé entre 1998 et 1999 et que, si Cleyn & Tinker avait pu fabriquer de tels tissus d'une façon commerciale, elle aurait augmenté ses styles et ses volumes, et participé à la croissance du marché.

Peerless a indiqué qu'elle préférerait acheter des tissus de laine et de poils fins d'une source nord-américaine, mais que Cleyn & Tinker n'avait pas essayé de lui en vendre. Selon Peerless, cet état des choses s'explique du fait que certains des tissus de laine et de poils fins produits par Cleyn & Tinker sont exclusifs à d'autres fabricants de vêtements, et il n'est pas faisable, sur un plan commercial, pour Cleyn & Tinker de fabriquer des tissus véritablement identiques aux tissus en question pour les vendre à Peerless. Peerless a soutenu qu'il ressort de ce qui précède que les mélanges de laine et de poils fins que produit Cleyn & Tinker ne sont pas, au sens commercial, identiques. De plus, Peerless a affirmé qu'un tel état des choses ressort aussi de la différence de prix entre certains tissus faits de mélanges de laine et de poils fins produits par Cleyn &Tinker et des tissus en question et du fait que Cleyn & Tinker n'approvisionne pas le marché canadien des tissus en question.

Peerless a déclaré que certains des échantillons de tissus de laine et de poils fins fournis par Cleyn & Tinker n'ont pas été produits depuis mars 1998 et, par conséquent, qu'ils ne sont identiques en aucune manière commerciale aux tissus en question. Peerless a dit y voir une preuve additionnelle que le marché du vêtement pour hommes ne considère pas de tels tissus comme étant identiques aux tissus en question.

Peerless a aussi soutenu qu'il ne se produit pas au Canada de tissus substituables aux tissus en question. Elle a indiqué que la substituabilité dépend de plusieurs facteurs, y compris les caractéristiques techniques et la qualité des tissus, leur prix, leur acceptation par le marché et la disponibilité de l'approvisionnement. Peerless a souligné que le Tribunal a reconnu dans le passé que les tissus destinés à l'industrie de la mode ont un degré de substituabilité plus bas, puisque l'industrie de la mode attache une importance considérable aux différences même minimes entre les tissus, lesquelles leur permettent d'offrir de nouveaux produits distinctifs.

Peerless a déclaré que, dans le segment à prix moyen du marché qu'elle exploite et où le consommateur se soucie davantage de la mode, les acheteurs commerciaux exigent des vêtements fabriqués à partir des tissus en question et ils attachent une importance considérable au caractère exclusif de la qualité, du motif, de la couleur et de la main du tissu. Dans un tel contexte, Peerless a déclaré que les tissus produits par Cleyn & Tinker ne sont pas substituables aux tissus en question parce qu'ils ne présentent pas les caractéristiques physiques, comme la teneur en poils fins, ni la qualité, la variété des motifs, les couleurs, la main ou le toucher, qu'exige l'industrie de la mode. En outre, Peerless a indiqué que les éléments de preuve, à savoir la très petite taille de la production et des ventes de Cleyn & Tinker en ce qui a trait aux mélanges de laine et de poils fins, ainsi que le manque d'empressement de cette dernière à entrer en communication avec Peerless, montrent que Cleyn & Tinker n'approvisionne pas l'industrie canadienne des vêtements pour hommes dans une mesure commercialement sérieuse.

Peerless a indiqué que Cleyn & Tinker est un producteur compétent de tissus faits uniquement de laine et de tissus faits de mélanges de laine et de polyester. À cet égard, Peerless a dit avoir acheté un volume important (150 000 m2, soit une valeur de plus de un million de dollars) de tissus faits uniquement de laine de Cleyn & Tinker en vue de la saison d'automne 2000. Peerless a souligné que cet achat n'a pas déplacé d'achats des tissus en question et que cela démontre que les tissus faits uniquement de laine ne sont pas substituables aux tissus en question. Peerless a aussi déclaré qu'il s'agit là d'une preuve additionnelle que l'allégement tarifaire sur les tissus en question n'aura pas d'incidence sur les ventes de Cleyn & Tinker de tissus faits uniquement de laine ou faits de mélanges de laine et de poils autres que des poils fins.

Peerless a déclaré que l'allégement tarifaire est maintenant clairement justifié parce qu'il n'y a pas eu de changements dans l'approvisionnement des tissus des producteurs de textiles canadiens depuis la recommandation du Tribunal en février 1998. De plus, Peerless a indiqué qu'il n'y a pas d'élément de preuve que Cleyn & Tinker a utilisé ses capacités techniques depuis cette date pour fournir, ou même tenter de fournir, un tissu similaire aux tissus en question à Peerless ou à d'autres fabricants de vêtements canadiens. À cet égard, Peerless a souligné que Cleyn & Tinker continue de produire les mêmes tissus faits d'un mélange de laine et de poils fins qu'elle produisait il y a deux ans et qu'elle n'a apporté aucune modification à sa gamme de produits de laine et de poils fins au cours des deux dernières années pour suivre les tendances de la mode. Selon Peerless, cette gamme de produits est la même depuis au moins huit saisons de mode.

Peerless a soutenu que l'allégement tarifaire devrait être accordé parce que l'industrie textile canadienne n'est pas capable d'approvisionner les fabricants de vêtements canadiens en tissus identiques ou substituables et qu'un tel allégement ne causera pas de dommage aux producteurs de textiles canadiens. Peerless a affirmé que les tissus en question ne déplaceront pas les tissus produits par l'industrie canadienne. En outre, Peerless a indiqué que les centaines d'usines de textiles qui existent dans le monde et qui fabriquent les tissus en question se spécialisent dans une gamme particulière des tissus en question étant donné les contraintes de coûts. Dans un tel contexte, Peerless a déclaré qu'il serait illusoire de croire que Cleyn & Tinker pourrait répondre aux besoins des fabricants canadiens de vêtements pour hommes parce que l'investissement en fils, teintures et motifs serait prohibitif.

Peerless a déclaré que la définition des tissus en question utilisée par le Tribunal dans cette enquête inclut tous les mélanges de laine peignée et de poils fins, quelle que soit la teneur de poils fins. Peerless a fait observer qu'elle importe maintenant une gamme de tissus faits de mélanges de poils fins, dans une proportion qui varie de 5 à 25 p. 100 et plus8 , tandis que Cleyn & Tinker produit des tissus faits de mélanges de laine et de poils fins qui contiennent de 10 à 25 p. 100 de poils fins. Par conséquent, Peerless a déclaré que Cleyn & Tinker ne dessert pas le marché des tissus faits à partir d'un mélange contenant moins de 10 p. 100 de poils fins.

Affiliated Trading Canada Ltd. (Affiliated)

Affiliated, de Ville Saint-Laurent (Québec), un importateur et un agent qui fournit des tissus à l'industrie canadienne de la confection de vêtements, a déclaré que la demande de tissus de luxe, tels les tissus en question, a augmenté depuis quelques années. Elle a dit travailler étroitement avec les usines de textiles d'Italie, de l'Amérique du Sud, de l'Inde, de la République de Corée et de la République populaire de Chine, pour mettre au point de tels tissus. Affiliated a souligné que chaque usine de textiles tente de se spécialiser dans une gamme particulière de tissus, puisqu'il n'est ni faisable ni viable du point de vue économique qu'une usine de textiles mette au point une gamme complète de tissus faits de mélanges de laine et de poils fins. Affiliated a soutenu que la main et l'aspect des tissus en question sont d'une qualité de beaucoup supérieure à ceux des tissus faits uniquement de laine de qualité moyenne ou à ceux de mélanges de laine et matières artificielles ou synthétiques, même lorsque la teneur en poils fins est relativement faible.

American Pant International (American Pant)

En réponse au questionnaire du Tribunal, American Pant, de Toronto (Ontario), un fabricant de pantalons pour hommes, a appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless. Une proportion de 95 p. 100 de la production de cette société est exportée aux États-Unis et plus du tiers de ces exportations sont des pantalons faits de tissus de laine et de mélanges de laine, y compris ceux contenant des poils fins. American Pant a indiqué qu'elle produit de plus en plus de pantalons de qualité supérieure et que, parce que ses NPT sont très bas, l'allégement tarifaire lui serait avantageux.

Ari Freed

Ari Freed, de Windsor (Ontario), un grand détaillant de vêtements pour hommes depuis 1929, a appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless et a comparu à titre de témoin au nom de Peerless à l'audience. Ari Freed a déclaré que les tendances de la mode ont évolué dans le sens des tissus plus légers et des vêtements qui se portent toute l'année et que, par conséquent, la demande de vêtements confectionnés à partir des tissus en question a augmenté. Ari Freed a indiqué que les vêtements confectionnés à partir des tissus en question ont une meilleure main, ainsi qu'un certain cachet sur le marché, que les consommateurs recherchent. Ari Freed a soutenu que, à cause de la concurrence au Canada et à l'étranger, elle doit être capable d'obtenir des vêtements faits des tissus en question à des prix concurrentiels.

Ballin Inc. (Ballin)

Dans une lettre du 19 octobre 1999, Ballin, de Montréal, un fabricant de pantalons et de shorts pour hommes et de vêtements de sport pour femmes, a appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless parce qu'aucun tissu identique ou substituable n'est disponible en provenance des fabricants de textiles canadiens. Ballin a soutenu que l'allégement tarifaire lui permettrait de réagir à l'évolution des tendances du marché et de la demande des consommateurs, lui permettant ainsi de maintenir sa part de marché et son avantage concurrentiel sur le marché canadien et les marchés étrangers en croissance. Ballin a indiqué que la suppression des droits de douane sur les importations de tissus en question abaisserait ses coûts, ce qui l'aiderait à maintenir ses seuils de prix et ses marges. Ballin a aussi affirmé que ces bénéfices seraient transmis aux consommateurs.

ICMV

L'ICMV a appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless parce qu'aucun tissu substituable disponible en quantité commerciale valable n'est offert ou fourni à Peerless à des prix acceptables.

Pour l'essentiel, l'ICMV a soutenu que Cleyn & Tinker n'est guère, ou pas, présente dans le créneau du marché qu'exploite Peerless et ne devrait donc pas subir d'incidence économique si l'allégement tarifaire était accordé. L'ICMV a soutenu que les gains économiques nets sont en faveur de Peerless dans le contexte de l'allégement tarifaire. L'ICMV a déclaré que, bien que Cleyn & Tinker ait indiqué que ses volumes de production ont augmenté, les tissus de laine et de poils fins représentent une très faible proportion de la production globale de cette dernière. Selon l'ICMV, il n'est pas clair, d'après les éléments de preuve, que Cleyn & Tinker dispose des capacités techniques qui lui permettent de produire les tissus spécifiques de qualité supérieure contenant de la laine et des poils fins et qu'elle peut le faire dans la gamme requise de couleurs, de motifs et de combinaisons. L'ICMV a indiqué que les échantillons de tissus (mélanges de laine et de poils fins) fournis par Cleyn & Tinker ne sont rien de plus que l'expression de la capacité de cette société et d'occasions d'affaires potentielles. L'ICMV a déclaré que, à part ces échantillons, il existe bien peu de preuves concrètes d'un plan quelconque visant la production de tels tissus sur une base commerciale. L'ICMV a soutenu que, depuis la dernière demande de Peerless, Cleyn & Tinker n'a fait aucun effort dans le sens de la promotion, de la mise au point et de la vente de tissus identiques ou substituables à Peerless. De plus, l'ICMV a soutenu que Cleyn & Tinker ne semble pas disposer d'un plan de production ou de commercialisation lié à la livraison de produits similaires dans les quantités commerciales dont Peerless a besoin dans un proche avenir.

S. Cohen Inc. (Cohen)

Cohen, de Ville Saint-Laurent, un fabricant de vêtements pour hommes depuis 1923, a aussi appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless. Cohen a dit qu'il existe une demande croissante de vêtements faits à partir des tissus en question et qu'il n'y a pas de tissus identiques substituables disponibles au Canada. Selon Cohen, la suppression des droits sur les importations des tissus en question permettrait aux fabricants de réduire leurs coûts et de demeurer concurrentiels. Cohen a indiqué que l'allégement tarifaire sur les tissus en question n'aurait pas d'incidence sur ses achats auprès de Cleyn & Tinker de tissus faits uniquement de laine et de tissus faits de mélanges de laine et de polyester.

The Coppley Apparel Group Ltd. (Coppley)

Coppley, de Hamilton (Ontario), un fabricant de vêtements haut de gamme pour hommes qui emploie 550 personnes, a appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless et a comparu à titre de témoin au nom de Peerless à l'audience. Coppley a indiqué que la demande de tissus en question a augmenté depuis quelques années. Elle a déclaré qu'il n'y a pas de tissus identiques ou substituables disponibles auprès des producteurs de textiles canadiens. Coppley a fait observer que, depuis quelques années, elle a acheté les tissus en question d'environ 30 usines de textiles européennes, qui habituellement axent leur exploitation sur les tissus faits de mélanges de luxe de qualité supérieure, dans des motifs et gammes de coloris qui les rend uniques sur le marché mondial. À cet égard, elle a déclaré que ces usines accordent aussi l'exclusivité pour les tissus relativement à des quantités aussi faibles que 50 mètres carrés.

Coppley a soutenu que les vêtements faits des tissus en question ne font pas concurrence aux vêtements faits uniquement de laine à cause de la main différente des tissus faits de mélanges de laine et de poils fins. Selon Coppley, les détaillants spécialisés veulent des vêtements qui les distinguent de leurs concurrents.

Coppley a déclaré que Cleyn & Tinker est une usine de textiles axée sur la production en grande quantité qui produit de longues séries et vise une cible étroite. Coppley a indiqué que, bien que Cleyn & Tinker ait produit, dans le passé, quelques tissus semblables aux tissus en question, elle ne peut fournir la gamme variée de tissus dont Coppley a besoin en petites quantités.

Delfino's Men's Wear (Delfino)

Delfino, d'Ottawa (Ontario), un détaillant de vêtements de coupe élégante pour hommes depuis 44 ans, a déclaré que la demande de vêtements décontractés a augmenté, mais que les consommateurs recherchent des complets faits des tissus en question puisqu'ils sont dans la gamme de poids moyen et peuvent être portés toute l'année. De plus, Delfino a indiqué que les complets confectionnés à partir des tissus en question sont distincts des complets faits uniquement de laine, à cause de leur main.

Vêtements Golden Brand (Canada) Ltée (Golden Brand)

Golden Brand, de Montréal, un fabricant de vêtements pour hommes, a appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless. Elle a déclaré qu'il existe une demande croissante de vêtements faits de mélanges de laine et de poils fins et que, par conséquent, elle a commencé à produire des complets confectionnés à partir des tissus en question. Golden Brand a indiqué qu'il n'y a pas de tissus identiques ou substituables disponibles au Canada. Selon Golden Brand, la suppression des droits sur les importations des tissus en question lui permettrait de réduire ses coûts et de demeurer concurrentielle. De plus, elle a déclaré que l'allégement tarifaire n'aura pas d'incidence sur ses achats auprès de Cleyn & Tinker, relativement aux tissus faits uniquement de laine ou faits de laine et de polyester, parce que les vêtements confectionnés à partir de tels tissus ne sont pas substituables aux vêtements confectionnés à partir des tissus en question.

Harry Rosen Inc. (Harry Rosen)

Harry Rosen, de Toronto, un détaillant de vêtements de confection soignée pour hommes depuis 1954, a aussi appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless et a comparu à titre de témoin au nom de Peerless à l'audience. Harry Rosen a déclaré que, depuis deux ou trois ans, la demande de vêtements confectionnés à partir des tissus en question a augmenté. À cet égard, Harry Rosen a soutenu que, étant donné l'évolution vers les vêtements plus décontractés en milieu de travail, les tissus qui se portent toute l'année et qui présentent une main luxueuse et qui tombent bien sont davantage en demande. Harry Rosen a ajouté que, lorsque le prix d'un complet fait à partir des tissus en question est établi au même niveau que celui d'un complet fait uniquement de laine, le client, souvent, préfère le complet fait à partir des tissus en question.

Jack Victor Limitée (Jack Victor)

Jack Victor, de Montréal, une entreprise de confection de vêtements pour hommes, a déclaré que les vêtements confectionnés à partir des tissus en question représentent une part plus importante de son chiffre d'affaires. Elle a indiqué que les magasins de détail haut de gamme exigent des vêtements confectionnés à partir de tissus faits de mélanges sophistiqués qui présentent des motifs uniques, y compris les tissus d'un titre de fil très fin (super 100, super 110, super 120 et plus). Elle a déclaré que, plus souvent qu'autrement, de tels tissus mélangés contiennent du cachemire, du mohair, du poil de chameau ou de l'alpaga, ainsi que des titres très fins de laine merino. Selon Jack Victor, de tels tissus sont généralement obtenus en provenance d'usines de textiles du nord de l'Italie, et il n'y a pas de tissus identiques ou substituables disponibles au Canada.

Jo/Ri Inc. (Jo/Ri)

En réponse au questionnaire du Tribunal, Jo/Ri, de Montréal, un importateur et distributeur des tissus en question, a appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless. Jo/Ri a indiqué que des usines de textiles hautement spécialisées produisent lesdits tissus et que les fabricants de textiles canadiens ne sont vraisemblablement pas familiers avec le traitement de tels tissus, et qu'ils ne seraient probablement pas disposés à engager suffisamment de temps dans la mise en valeur de tissus identiques ou substituables. Bien qu'il soit possible de procéder à des séries de production d'essai, Jo/Ri a déclaré que, étant donné la grande diversité de tissus requise et les coûts afférents, il est douteux que les usines canadiennes puissent produire les tissus voulus en quantité commerciale valable.

Jo/Ri a soutenu que la suppression des droits de douane sur les importations de tissus en question ne nuirait pas aux usines de textiles canadiennes, réduirait les coûts et serait avantageuse pour le consommateur.

Samuelsohn Limitée (Samuelsohn)

Samuelsohn, de Montréal, une entreprise qui confectionne des vêtements de haute qualité pour hommes depuis 1923, a appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless et a comparu à titre de témoin au nom de Peerless à l'audience. Samuelsohn a soutenu que la demande de tissus en question augmente et qu'il n'y a pas de tissus identiques ou substituables disponibles auprès des usines de textiles canadiennes. Samuelsohn a dit acheter les tissus en question de nombre d'usines de textiles différentes dans le monde, puisque chacune se spécialise et produit une gamme très limitée des tissus en question. Samuelsohn a déclaré qu'une seule usine de textiles, comme Cleyn & Tinker, ne pourrait pas produire la gamme de tissus, dans les divers types et pourcentages de mélanges de laine et de poils fins, présentant les motifs et les couleurs requis.

Weston Apparel Manufacturing Company (Weston)

En réponse au questionnaire du Tribunal, Weston, de Toronto, un fabricant de complets, de vestons et de pantalons, a aussi appuyé la demande d'allégement tarifaire de Peerless. Weston a déclaré qu'il n'existe pas de producteurs de tissus faits de mélanges de laine peignée contenant au moins 15 p. 100 de poils fins, comme le cachemire, le mohair, l'alpaga et l'angora. Elle a soutenu que les tissus en question sont d'un niveau supérieur de qualité et de sophistication. Weston a indiqué que, bien qu'elle n'ait pas importé les tissus en question étant donné leur prix élevé, elle a l'intention de le faire puisque les clients manifestent leur intérêt pour ces types de tissus. Elle a ajouté que, d'une façon générale, les tissus deviennent de plus en plus perfectionnés et que les tissus de laine et de poils fins sont maintenant à la mode.

Weston a souligné qu'elle achète présentement des tissus uniquement de laine et de mélanges de laine et de polyester de Cleyn & Tinker. Elle a déclaré que, si l'allégement tarifaire était accordé, elle continuerait d'acheter de tels tissus de Cleyn & Tinker, à condition que la qualité et le prix soient concurrentiels9 .

Industrie textile

Cleyn & Tinker

Cleyn & Tinker, de Huntingdon (Québec), a été constituée en société en 1930. Elle produit des tissus : 1) uniquement de laine peignée; 2) de laine peignée combinée à des poils fins, comme le mohair, le cachemire et l'alpaga; 3) de laine peignée combinée avec d'autres fibres naturelles, comme la soie et le lin; 4) de laine peignée combinée avec des fibres synthétiques ou artificielles; 5) de mélanges de polyester, viscose, soie et lin. Sa capacité de production globale est de 7 millions de mètres linéaires et elle emploie 650 personnes. Elle a investi des montants importants dans du matériel de pointe pour la filature, le tissage, la teinture et l'apprêtage sec et mouillé. Elle a des bureaux de vente à Montréal, Toronto et New York, ainsi que des agents de vente au Mexique, à Hong Kong et au Royaume-Uni. Elle vend principalement aux fabricants de complets, de vestons, de blazers, de gilets et de pantalons pour hommes; une proportion d'environ 45 p. 100 de sa production est exportée, surtout aux États-Unis.

Cleyn & Tinker a fait opposition à la demande de Peerless parce que, si l'allégement tarifaire devait être accordé, il aurait une incidence négative importante sur sa production et sur ses ventes de tissus concurrents qu'elle vend présentement aux fabricants canadiens de complets, vestons, blazers et pantalons pour hommes.

Cleyn & Tinker a affirmé que les producteurs canadiens de textiles offrent une vaste gamme de tissus identiques ou substituables et qu'il s'en vend présentement en volumes importants aux fabricants de vêtements pour hommes. À cet égard, Cleyn & Tinker a dit produire des tissus de laine peignée contenant du mohair, du cachemire, de l'alpaga et d'autres poils fins10 , ainsi que des tissus faits uniquement de laine et d'autres mélanges, offerts selon différents poids (de 160 g/m2 à 275 g/m2), teneurs en fibres, contextures et finis. Selon Cleyn & Tinker, ces tissus11 présentent le même aspect et le même toucher que les tissus en question et font directement concurrence aux tissus pour lesquels Peerless recherche l'entrée en franchise. Cleyn & Tinker a indiqué que sa production globale de ces tissus substituables dépasse 5,6 millions de mètres carrés par année et a dit produire des tissus comportant plus de 175 000 motifs différents et distincts par année. Cleyn & Tinker a aussi déclaré avoir plusieurs autres tissus, à l'étape de la mise au point ou de la production d'échantillons, qui sont identiques ou similaires aux tissus en question et avoir la capacité de fabriquer d'autres tissus de ce type en fonction des préférences et des besoins actuels et à venir de ses clients.

Cleyn & Tinker a souligné que Peerless n'a fourni que deux échantillons de tissus de laine peignée aux fins d'analyse en laboratoire, tandis que la description des tissus en question énoncée dans l'avis d'ouverture d'enquête du Tribunal englobe une gamme beaucoup plus vaste de tissus. Cleyn & Tinker a soutenu que presque tous les tissus qu'elle produit entrent dans la portée de l'enquête. Cleyn & Tinker a déclaré qu'il a clairement été établi dans le cadre de la demande no TR-96-00512 qu'elle était une société à la fois dynamique et sensible aux besoins du marché et qu'elle avait la capacité technique de produire, et produisait, des tissus substituables pour l'industrie du vêtement pour hommes. Selon Cleyn & Tinker, les seules circonstances qui ont changé depuis lors (1998) se rapportent au fait que, maintenant, sa gamme de produits de tissus substituables s'est accrue sensiblement et que les conséquences néfastes de la suppression des droits sur les tissus en question seraient encore plus importantes aujourd'hui qu'au moment de l'enquête précédente. Cleyn & Tinker a aussi souligné que Peerless achète encore seulement un volume limité de ses tissus, même si elle est la deuxième plus grande productrice de tissus peignés en Amérique du Nord et l'une des plus grandes au monde et qu'elle bénéficie d'une excellente réputation en termes de qualité et de versatilité.

Cleyn & Tinker a déclaré que beaucoup de ses tissus faits uniquement de laine et de ses tissus de mélanges de laine et de poils fins font directement concurrence aux tissus en question en ce qui concerne le poids, la main, la contexture et les utilisations finales. Elle a aussi indiqué que, en ce qui a trait aux tissus contenant un faible pourcentage de poils fins, il existe une concurrence directe entre les tissus faits à partir de mélanges de laine et de poils fins et les tissus uniquement de laine. De plus, Cleyn & Tinker a dit vendre des tissus à d'autres fabricants de vêtements pour hommes qui livrent directement concurrence à Peerless. Selon Cleyn & Tinker, un écart de quelques cents le mètre carré peut suffire pour gagner un client ou le perdre.

Cleyn & Tinker a déclaré que, dans le cours normal de ses activités, elle change plus du tiers de sa gamme de produits chaque année pour suivre les tendances de la mode et qu'elle travaille, en concertation avec ses clients, à mettre au point des produits nouveaux, intéressants, à la mode et concurrentiels. À cet égard, Cleyn & Tinker a dit avoir investi des montants substantiels dans du matériel et des processus de production flexibles pour produire les tissus de la meilleure qualité qui soit à des prix concurrentiels et pour intégrer un assortiment de fibres à ses produits. Cleyn & Tinker a soutenu qu'elle est bien positionnée pour répondre aux besoins de ses clients et a dit disposer de la capacité nécessaire pour répondre à toutes les exigences des fabricants canadiens de vêtements pour hommes confectionnés à partir de tissus faits de mélanges de laine et de poils fins.

Cleyn & Tinker a soutenu que, si l'allégement tarifaire était accordé, ses clients exerceraient des pressions pour qu'elle aligne ses prix sur ces prix plus bas ou achèteraient désormais des tissus en question. Cleyn & Tinker a déclaré qu'elle serait ainsi placée dans une position intenable en ce qui concerne ses marges et ses bénéfices et que sa capacité de maintenir la production de tissus concurrents serait diminuée.

Cleyn & Tinker a soutenu que Peerless dispose d'un avantage sur le marché des États-Unis par rapport aux fabricants de vêtements américains parce que le tarif NPF du Canada (16 p. 100) sur les tissus de laine importés de pays non-ALÉNA est sensiblement moindre que le tarif des États-Unis (environ 36 p. 100). Cleyn & Tinker a souligné que Peerless bénéficie aussi des taux de droits des pays ALÉNA en application des NPT, tandis que les complets originaires de pays non-ALÉNA importés aux États-Unis sont assujettis aux taux de droits du tarif NPF. De plus, elle a déclaré que Peerless demeure admissible au plein drawback des droits de douane sur les intrants d'un pays non-ALÉNA utilisés dans les vêtements dont l'exportation est assujettie aux taux de droits NPF.

Finalement, Cleyn & Tinker a indiqué que la description énoncée dans l'avis d'ouverture d'enquête du Tribunal permettrait l'entrée en franchise de tissus de laine peignée, quelle que soit leur teneur en poils fins (c.-à-d. 95, 15 ou 1 p. 100). Cleyn & Tinker a soutenu que l'allégement tarifaire sur les tissus en question mettrait immédiatement en péril sa production de tissus devant servir à la confection de vêtements pour hommes et aurait une incidence négative sur ses ventes sur le marché des États-Unis, où les clients américains de Cleyn & Tinker livrent concurrence à Peerless.

ICT

L'ICT, appuyant Cleyn & Tinker, a fait opposition à la demande de Peerless. L'ICT a souligné que la demande déposée par Peerless est la même que la demande no TR-96-005 concernant les tissus peignés et que Peerless n'a pas fourni de preuves que les circonstances ont changé depuis la demande précédente. L'ICT a souligné que la seule différence se rapporte à la teneur minimum en poils fins. À cet égard, elle a souligné que, dans la demande no TR-96-005, le seuil avait été établi à 10 p. 100, tandis que, en l'espèce, il est de 15 p. 100.

L'ICT a indiqué que l'ADRC a aggravé la menace à l'industrie nationale en proposant une description qui ne précise pas de teneur minimum en pourcentage de poils fins, même si la teneur en poils est le facteur qui censément distinguerait les tissus en question du vaste univers de tissus faits uniquement de laine fabriqués au Canada. Sur ce point, l'ICT a soutenu que Peerless n'a produit aucun élément de preuve et n'a pas présenté de demande quant aux tissus qui entrent dans la portée de la définition élargie. L'ICT a avancé qu'il aurait été pertinent de rejeter la présente demande pour le motif que les circonstances n'ont pas changé depuis que le Tribunal a recommandé que le tarif demeure le même et que la définition de l'ADRC, si elle était acceptée, étendrait la portée de la demande d'allégement tarifaire pour inclure des secteurs qui recouperaient dans une très large mesure la production canadienne actuelle.

L'ICT a soutenu qu'il se produit des tissus de laine et de poils fins au Canada et qu'ils sont offerts en volumes et selon une diversité qui ont augmenté depuis la demande précédente. L'ICT a soutenu que l'industrie produit aussi de très grandes quantités de tissus faits uniquement de laine dont la production serait gravement touchée par la suppression des droits sur les importations des tissus en question.

L'ICT a souligné que l'ADRC n'est pas capable de déterminer le pourcentage de poils fins dans quelque tissu de laine et de poils fins que ce soit. Elle a indiqué que le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises n'établit aucune distinction dans l'une des positions et sous-positions se rapportant aux textiles en ce qui concerne la laine et les poils fins à cause de la similarité, chez ces fibres, des propriétés, des processus et des utilisations finales. De plus, l'ICT a souligné que le poids relatif de l'un ou de l'autre de ces composants ne peut être mesuré avec précision dans un tissu fait d'un mélange. Puisque l'ADRC ne peut distinguer les fibres pertinentes et que l'avis d'ouverture d'enquête n'a pas précisé de teneur minimum en poils fins, l'ICT a soutenu que la portée de l'enquête inclut les teneurs en poils fins aussi faibles que 0,1 p. 100 et les teneurs en laine aussi fortes que 99,9 p. 100.

L'ICT a déclaré que Cleyn & Tinker produit des tissus peignés, y compris des tissus faits de mélanges de laine et poils, qui sont identiques aux tissus en question, ainsi que des tissus uniquement de laine peignée qui livrent directement concurrence aux tissus en question sur le marché. L'ICT a aussi indiqué que les éléments de preuve au dossier démontrent la vigueur de la croissance de la production nationale de mélanges comprenant des poils fins. L'ICT a souligné que Peerless, qui a déjà été un important utilisateur de tissus canadiens fabriqués par Cleyn & Tinker et d'autres sociétés, a la plupart du temps évité de faire affaire avec les producteurs nationaux durant les années 1990.

L'ICT a soutenu que Peerless et les autres fabricants de vêtements nationaux paient présentement moins de la moitié des droits de douane que paient leurs concurrents aux États-Unis aux autorités américaines. L'ICT a soutenu qu'un importateur ne verse pas de droits supplémentaires lorsqu'il passe de l'importation de tissus uniquement de laine à l'importation des tissus en question. Cependant, l'ICT a déclaré que, si l'allégement tarifaire était accordé, un tel importateur aurait alors un important incitatif économique pour passer des tissus nationaux faits uniquement de laine aux tissus de laine et de poils fins importés en franchise.

L'ICT a déclaré que le Tribunal ne peut pas négliger les termes et les conditions de l'ALÉNA. Étant donné que la plus grande partie de la production de Peerless est fondée sur des tissus importés (non assujettis à l'ALÉNA), l'ICT a soutenu que les vêtements exportés par Peerless aux États-Unis ne satisfont pas aux règles d'origine de l'ALÉNA et que, par conséquent, Peerless doit utiliser les NPT ou payer les pleins taux de droits NPF. L'ICT a souligné que les NPT pour les vêtements de laine pertinents ont été pleinement épuisés chaque année et que, d'une façon générale, Peerless est perçue comme en étant la principale bénéficiaire. L'ICT a déclaré que, si Peerless voulait effectuer l'expansion de ses activités aux États-Unis grâce aux tissus en question, les vêtements non originaires d'un pays ALÉNA confectionnés avec lesdits tissus en question seront très probablement assujettis aux taux de droits NPF des États-Unis. L'ICT a indiqué que, si les droits NPF sont versés sur les vêtements exportés, l'allégement tarifaire demandé n'est plus pertinent, puisque Peerless serait admissible à recevoir le plein drawback des droits sur ses intrants de tissus importés.

L'ICT a soutenu que Peerless bénéficie déjà de nombre de mesures spéciales aux termes de l'ALÉNA ainsi que de la saisine sur les textiles et que les nombreuses demandes d'allégement tarifaire qu'elle a présentées suscitent de nouveaux dangers pour les producteurs nationaux de textiles et des coûts pour toutes les parties intéressées. En l'espèce, l'ICT a soutenu que, une fois encore, non seulement Peerless ne tient pas compte de la disponibilité de tissus identiques ou substituables produits au Canada, mais qu'elle ne tient pas compte non plus des tissus produits aux États-Unis, qui entrent au Canada en franchise.

L'ICT a dit être d'avis que Peerless devrait être tenue de divulguer le montant total des droits de douane qu'elle verse (net de toute forme d'allégement tarifaire), puisque le Tribunal serait ainsi en meilleure position pour évaluer le bien-fondé de nouvelles demandes d'allégement tarifaire.

L'CIT a soutenu que les éléments de preuve au dossier indiquent que les tissus faits uniquement de laine et les tissus faits de mélanges de laine et de poils fins sont substituables et se livrent concurrence, et que le coût des droits imposés sur les tissus en question est très faible en raison du bas tarif NPF du Canada. L'ICT a aussi soutenu que le consommateur, le détaillant et l'utilisateur de tissus faits de laine et de poils fins ne peuvent détecter la présence de poils fins dans de tels mélanges et qu'aucun des laboratoires consultés au Canada et aux États-Unis ne peut en déterminer précisément la composition.

Cashmere & Camel Hair Manufacturers Institute (CCMI)

Le CCMI est une association professionnelle internationale située aux États-Unis, qui représente les intérêts des transformateurs et fabricants de fibres, de fils et de tissus de cachemire et de poils de chameau. Le CCMI a comparu à titre de témoin au nom de Cleyn & Tinker à l'audience. Le CCMI a déclaré que, étant donné la médiocre exécution des lois sur l'étiquetage des textiles dans plusieurs pays, il est fréquent que le pourcentage de cachemire contenu dans des vêtements soit incorrectement indiqué et ce, dans l'intention de concurrencer injustement les produits de laine ou de cachemire qui portent une étiquette légitime. Le CCMI a aussi déclaré s'être penché sur plusieurs cas de mauvaise identification du cachemire dans des vêtements confectionnés au Canada et vendus à des détaillants des États-Unis. Selon le CCMI, un de ces cas se rapportait à un tissu fait d'un mélange comprenant de la laine fabriqué en Europe et dont Peerless s'est servie au Canada pour confectionner des vêtements pour hommes exportés aux États-Unis.

Le CCMI a indiqué que, dans les cas où les vêtements contiennent un faible pourcentage de poils fins, il est pratiquement impossible pour un consommateur ordinaire de détecter la présence, ou l'absence, de cachemire. Le CCMI a soutenu que les tissus de cachemire et de mélanges de laine et de cachemire doivent être traités comme des tissus de laine parce qu'ils concurrencent les tissus de laine. Le CCMI a soutenu que la capacité de production au Canada, aux États-Unis et au Mexique suffit pour approvisionner les besoins du marché ALÉNA pour tous les types de tissus de laine et de tissus peignés, y compris les tissus contenant un pourcentage quelconque de cachemire.

Warren Corporation (Warren)

Warren, de Stafford, au Connecticut, un fabricant américain de tissus de laine et de laine peignée, a comparu à titre de témoin au nom de Cleyn & Tinker à l'audience. Elle a affirmé ne pas partager l'opinion répandue selon laquelle l'introduction de proportions mineures de poils fins dans un tissu de laine crée un tissu de laine peignée qui est physiquement différent d'un tissu fait uniquement de laine peignée. Selon Warren, les clients et les consommateurs ne peuvent détecter quelque différence que ce soit entre de tels tissus en termes de l'aspect, de la main ou de la durabilité des vêtements. Warren a indiqué que, selon la finesse de la laine et de l'apprêt, il est possible de produire des tissus uniquement de laine peignée qui soient supérieurs aux tissus faits d'une laine plus grossière et, en proportion mineure, de cachemire. Warren a déclaré ne pas percevoir une forte demande, ni une demande croissante pour les tissus faits de mélanges de laine et de poils fins aux États-Unis et a ajouté que de tels tissus représentent présentement moins de 5 p. 100 de ses ventes.

Warren a aussi indiqué qu'il n'existe pas de moyen fiable pour déterminer le pourcentage exact de poils fins contenu dans des tissus faits de mélanges de laine et de poils fins et que les analyses de la teneur en poils de tels tissus sont assujettis à une marge d'erreur considérable.

West Coast Woollen Mills (West Coast)

En réponse au questionnaire du Tribunal, West Coast, de Vancouver (Colombie-Britannique), un producteur de tissus faits uniquement de laine, a fait opposition à la demande d'allégement tarifaire. West Coast a dit produire des tissus substituables et avoir la capacité de produire des tissus faits de laine peignée et poils fins, comme le cachemire. À cet égard, West Coast a dit procéder présentement à l'échantillonnage d'un fil de laine et de cachemire d'Allemagne.

West Coast a indiqué que les droits de douane sur les tissus en question représentent environ 5 p. 100 de leur valeur, ce qui n'est guère prohibitif. Elle a soutenu que Peerless occupe déjà une position dominante sur le marché nord-américain et que l'allégement tarifaire n'entraînerait pas l'augmentation de la part de marché de Peerless, mais plutôt l'augmentation de ses profits.

AUTRES RENSEIGNEMENTS

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) a informé le Tribunal que le Canada impose des contingents sur les importations de tissus de laine peignée et de poils fins, y compris les tissus mélangés principalement ou uniquement avec la laine et des poils fins (sous-catégorie 31.1), importés en provenance de la Bulgarie (1988), de la Chine (1979), de la République tchèque (1982), de la Corée (1978), de Taïwan (1979) et de l'Uruguay (1982). Par conséquent, les tissus en question, qui sont classés dans le numéro tarifaire 5112.11.90 ou 5112.19.91, entrent dans la portée des contingents à l'importation susmentionnés. Des accords bilatéraux qui prévoient les restrictions susmentionnées ont été passés entre le gouvernement du Canada et les gouvernements étrangers intéressés et sont en vigueur ainsi qu'il est précisé ci-dessus.

Le MAECI a aussi indiqué qu'il considérerait les demandes de déclaration en marge du contingent concernant les intrants textiles dans les cas où le Tribunal aura recommandé la suppression des droits de douane au motif de non-disponibilité. Le traitement en marge du contingent ne sera accordé que dans les cas où il peut être démontré que l'utilisation des produits dans le contingent comporte des frais supplémentaires ou que les marchandises ne sont pas disponibles autrement au Canada.

L'ADRC a indiqué que l'administration de l'allégement tarifaire entraînerait des coûts supplémentaires en sus de ceux qu'elle supporte déjà (p. ex., le coût de l'analyse des tissus importés dans un nouveau numéro tarifaire), si l'allégement tarifaire était accordé.

AUDIENCE PUBLIQUE

Ainsi qu'il a déjà été indiqué, le Tribunal a tenu une audience publique pour recueillir des éléments de preuve supplémentaires et entendre les arguments relatifs à trois questions spécifiques. Ces questions sont les suivantes :

· la substituabilité des tissus fabriqués par Cleyn & Tinker ou par tout autre producteur national et des tissus en question (en termes de disponibilité commerciale et d'acceptation des tissus sur le marché);

· la capacité de Cleyn & Tinker de produire des tissus identiques ou substituables aux tissus en question, et dans les volumes requis par Peerless;

· l'effet sur les prix des tissus censément identiques et substituables, produits par Cleyn & Tinker ou par tout autre producteur national, si l'allégement tarifaire sur les tissus en question était accordé.

Le Tribunal a aussi invité les parties à s'entendre sur les modalités sous lesquelles l'allégement pourrait être accordé. À cet égard, Peerless a soutenu que, si le Tribunal devait ne pas recommander l'allégement tarifaire sous la forme où il a été demandé, la solution de rechange la plus valable serait de préciser que les tissus en question doivent contenir une proportion d'au moins 5 p. 100 de poils fins. Peerless a plaidé contre l'imposition d'un prix cible pour les tissus en question, étant donné les problèmes associés à la fluctuation du coût des poils fins et des taux de change. Si le Tribunal devait conclure que cette proposition était irrecevable, Peerless a proposé une autre solution de rechange. Selon ce second scénario, l'allégement tarifaire serait accordé sur les tissus faits de mélanges de laine et de poils fins, dont la fibre de laine titre en moyenne 17,5 micromètres ou moins, devant servir à la confection de complets, de vestons de type complet, de blazers, de gilets et de pantalons pour hommes. Quant aux vestons de sport, Peerless a proposé qu'il soit précisé que les mélanges de laine et de poils fins contiennent au moins 10 p. 100 de poils fins, sans restriction sur le diamètre de la fibre de laine.

En réponse aux solutions de rechange proposées par Peerless, Cleyn & Tinker a soutenu que, si le Tribunal devait recommander l'allégement tarifaire, ledit allégement devrait se limiter aux tissus devant servir à la production de complets uniquement parce que Cleyn & Tinker produit toutes sortes de tissus faits de mélanges pour la confection de vestons de sport. De plus, Cleyn & Tinker a soutenu que des restrictions devraient être prescrites quant aux tissus, à savoir, une teneur minimum en poils fins de 7 p. 100, un diamètre de fibres de laine moyen de 17,5 micromètres ou moins, et un compte lainier de 10013 .

Peerless a accepté la notion d'une teneur minimum en poils fins de 7 p. 100, mais a proposé un compte lainier de 9014 . Quant à la question de limiter l'allégement tarifaire aux tissus devant servir à la confection de complets, Peerless a soutenu que les faits ne militent pas en faveur d'une telle recommandation. Si le Tribunal devait limiter sa recommandation d'allégement tarifaire aux tissus devant servir à la confection de complets, Peerless a soutenu que l'allégement tarifaire devrait avoir un effet rétroactif.

Peerless

Peerless a soutenu que, bien que les tissus en question puissent ne pas représenter une large part de l'industrie du vêtement de confection soignée pour hommes, ils en sont une part importante. Peerless a soutenu que les éléments de preuve au dossier établissent que le marché des tissus en question s'est accru et que les vêtements confectionnés à partir desdits tissus sont en demande. Peerless a soutenu que, pour répondre aux besoins de l'industrie de la mode, de tels tissus doivent être disponibles dans un éventail de motifs et de couleurs. Peerless a soutenu que, si les fabricants canadiens de complets et de vestes ne peuvent répondre à une telle demande, ils ne seront pas entièrement concurrentiels sur le marché et, par conséquent, perdront des ventes au profit de concurrents étrangers.

Peerless a soutenu que le critère qu'il convient d'appliquer en l'espèce est celui de savoir si l'industrie textile nationale a la capacité de produire des tissus identiques ou substituables dans les quantités commerciales nécessaires aux fabricants de vêtements canadiens. Bien que Cleyn & Tinker ait la capacité technique de produire des tissus similaires ou substituables, Peerless a soutenu que Cleyn & Tinker ne produit ni ne commercialise de tels tissus de façon sérieuse. Peerless a soutenu que le marché est entraîné par la mode et que, de ce fait, des différences mineures de contexture des tissus, et la nécessité d'une diversité de tissus, font une grande différence dans l'industrie de la mode.

Pour ce qui est de savoir s'il est possible de distinguer entre un tissu fait uniquement de laine et un tissu fait d'un mélange de laine et de poils fins, Peerless a soutenu que le toucher des deux tissus n'est pas le même lorsqu'ils sont fabriqués à partir de la même laine et qu'une certaine proportion de poils d'animaux, p. ex., 5 p. 100 de cachemire, est utilisée dans le tissu fabriqué à partir du mélange. De plus, Peerless a soutenu qu'il n'y pas de concurrence directe entre les deux tissus susmentionnés parce que les détaillants imposent une majoration sur le prix des vêtements faits à partir de poils fins. Peerless a soutenu que l'utilisation de mélanges de laine et de poils fins donne un certain cachet et un avantage au plan de la commercialisation.

Peerless a soutenu qu'il ressort clairement des éléments de preuve qu'il existe des méthodes d'essai pour déterminer le pourcentage de poils fins contenus dans les tissus faits d'un mélange.

Peerless a soutenu que les fabricants canadiens de vêtements n'ont aucune répugnance à acheter de Cleyn & Tinker. À cet égard, elle a ajouté que les fabricants canadiens achètent de grandes quantités de tissus faits uniquement de laine et de tissus faits de mélanges de laine et de polyester. Par exemple, elle a dit avoir acheté 1,2 million de mètres carrés de tissus des usines de textiles des pays ALÉNA. Elle a fait valoir que les NPT établissent un incitatif de l'ordre de 4 $/m2 en faveur de l'achat de tissus identiques en provenance des usines de textiles des pays ALÉNA.

Peerless a soutenu que les prix des tissus en question sont plus élevés de 1 $/m2 que le prix moyen des tissus de Cleyn & Tinker, soit un écart notable. Peerless a soutenu que, si des tissus identiques ou substituables de production canadienne pouvaient être obtenus à des prix comparables, les fabricants canadiens de vêtements pour hommes les achèteraient de chez Cleyn & Tinker, en raison des NPT.

En ce qui a trait à l'acceptation du produit par le marché, Peerless a soutenu que Cleyn & Tinker ne produit que quelques styles des tissus censément identiques ou substituables et que très peu sont effectivement vendus au Canada. En outre, Peerless a soutenu que ces tissus sont produits depuis un certain temps déjà, signe qu'il n'y a pas eu changement de patrons ou de motifs comme l'exige l'industrie de la mode.

Peerless a soutenu que les éléments de preuve indiquent que Cleyn & Tinker n'est pas capable de répondre à la demande de tissus de laine et de poils fins des fabricants canadiens de vêtements pour hommes. À cet égard, elle a soutenu qu'il existe des centaines d'usines de textiles dans le monde qui offrent les tissus en question en abondance, dans des patrons, motifs et couleurs que Cleyn & Tinker ne peut espérer reproduire. En outre, Peerless a soutenu que Cleyn & Tinker axe son exploitation sur la production de tissus faits uniquement de laine ainsi que de tissus faits de mélanges de laine et de polyester et que cette dernière n'a jamais utilisé de laine de 17,5 micromètres ou moins, et n'a pas l'intention de le faire.

Si l'allégement tarifaire était accordé, Peerless a soutenu que les avantages pour l'industrie canadienne de vêtements pour hommes l'emporteraient de beaucoup sur tout dommage que pourrait subir Cleyn & Tinker, puisque la production canadienne de tissus faits de mélanges de poils fins est, au mieux, minuscule. Peerless a ajouté que les complets confectionnés uniquement en laine représentent encore une proportion majeure du marché et que la vente en demeure robuste. Si le Tribunal devait accepter qu'il existe une concurrence néfaste entre les complets faits uniquement de laine et les complets faits de mélanges de poils fins, Peerless a soutenu qu'il n'existe aucun élément de preuve en ce sens en ce qui a trait au segment du veston de sport. De plus, Peerless a soutenu que, même avec ce qui constitue, pour l'essentiel, une réduction de droits de douane de 1 $/m2, rien n'empêcherait Cleyn & Tinker de se lancer dans la production de mélanges de poils fins, d'une manière valable, étant donné les avantages rattachés au fait d'être une usine de textiles d'un pays ALÉNA.

Pour ce qui est de l'étiquetage des vêtements, Peerless a soutenu qu'il n'existe pas de fraude généralisée, contrairement à ce qui semble avoir été allégué. Peerless a soutenu que, de toute façon, il est possible de procéder à des essais pour analyser les tissus et d'inclure une condition portant sur la certification, par l'exportateur, des caractéristiques des tissus.

Peerless a soutenu que les fabricants canadiens de vêtements pour hommes sont soumis à une pression constante pour maintenir les prix, ou les réduire, et qu'une économie de 8 p. 100, c.-à-d. de 1 $/m2, leur permettra d'être davantage concurrentiels et de créer de nouveaux emplois.

Cleyn & Tinker

Cleyn & Tinker a soutenu que Peerless projette de décupler, en moins de trois ans, son marché de complets faits de laine et de poils fins. Elle a ajouté qu'il est difficile de soutenir qu'il n'existe pas de concurrence entre de tels complets et les complets faits uniquement de laine alors même que la production de ces derniers a diminué chez Peerless.

Cleyn & Tinker a soutenu qu'aucune usine de textiles ne peut, à elle seule, produire des tissus dans une gamme de coloris et de styles aussi vaste qu'il s'en produit dans le reste du monde. Cleyn & Tinker a soutenu que ses ventes de tissus identiques ou substituables sont relativement modestes parce que le marché pour de tels tissus est Peerless, qui a choisi de la contourner. Cleyn & Tinker a aussi soutenu que l'expérience antérieure ne permet pas de déduire qu'elle est incapable d'approvisionner Peerless parce que, au début des années 1990, la stratégie de cette dernière était d'édifier son admissibilité aux NPT.

En ce qui a trait à la question des quantités commerciales, Cleyn & Tinker a dit pouvoir fournir n'importe quel de ses tissus, y compris les tissus qu'elle met au point, dans les quantités requises par Peerless, soit relativement à la production d'échantillons soit relativement à une commande. Cleyn & Tinker a soutenu que la gamme de tissus disponibles dans le monde est cent fois plus étendue et que Peerless trouvera toujours des tissus plus attrayants, mais que, au moins, Cleyn & Tinker devrait se voir offrir la possibilité d'approvisionner les besoins des fabricants canadiens de complets.

Cleyn & Tinker a dit fabriquer des tissus identiques ou substituables. Elle a ajouté que ces tissus sont identiques à tous égards, contiennent les mêmes pourcentages de poils fins et sont disponibles dans une gamme de motifs et de coloris. Cleyn & Tinker a soutenu que la seule question se rapporte au fait que la gamme de tissus qu'elle fabrique pourrait ne pas être suffisamment étendue, mais que, de toute façon, un fabricant de textiles canadien n'a aucune raison d'offrir une gamme plus étendue puisque Peerless n'a montré aucun intérêt à faire des affaires avec Cleyn & Tinker.

Cleyn & Tinker a soutenu avoir investi des montants considérables pour produire des tissus à partir de fibres d'un diamètre moyen aussi petit que 18 micromètres. De plus, elle a soutenu que, à la lumière des éléments de preuve, il est impossible de percevoir les différences de main d'un complet fait uniquement de laine, en fibres d'un diamètre de 18 micromètres, et d'un complet fait de laine, en fibres d'un diamètre de 17,5 micromètres, et de 5 p. 100 de cachemire. Ce fait, selon Cleyn & Tinker, corrobore la proposition que, à chaque seuil des prix, les complets de qualité similaire se livrent concurrence. C'est l'étiquette, ou la marque de commerce, qui fait vendre le complet. Cleyn & Tinker a aussi soutenu que, dans l'industrie de la mode, les usines de textiles canadiennes ne peuvent concurrencer le cachet associé aux usines européennes. Cleyn & Tinker a soutenu que l'octroi de l'allégement tarifaire, tel que demandé, incitera les fabricants de vêtements à demander à leurs fournisseurs d'inclure quelques brins de poils fins dans les tissus pour éviter l'imposition de droits et tirer avantage de cette qualité volatile qu'est le cachet.

Pour ce qui est de la question des avantages, ou gains, relatifs, Cleyn & Tinker a soutenu que, à la lumière des renseignements, il est difficile de voir comment la structure tarifaire maintenant en vigueur a pu causer un dommage à Peerless. En outre, Cleyn & Tinker a soutenu que l'allégement tarifaire n'aidera pas le Canada, puisque les clients de Peerless sont aux États-Unis. Elle a ajouté que le dommage potentiel à Cleyn & Tinker en termes de marge réduite l'emporte de beaucoup sur les gains potentiels pour Peerless. À cet égard, Cleyn & Tinker a soutenu que le volet principal de sa production, c'est-à-dire les tissus uniquement de laine fine, serait clairement menacé et que la seule réponse à une telle menace serait une réduction du prix de ces tissus.

ICT

L'ICT a soutenu que la seule conclusion indiquée en l'espèce consiste à ce que l'allégement tarifaire ne soit pas recommandé. L'ICT a soutenu que les éléments de preuve montrent une consommation insignifiante des tissus en question aux États-Unis par les fabricants de vêtements des États-Unis et qu'il n'y a pas de croissance de la demande à l'égard de tels tissus dans ce pays. L'ICT a soutenu que, puisque personne ne peut distinguer les complets ou d'autres vêtements faits à partir des tissus en question et ceux faits uniquement de laine, il n'y a pas de raison de proposer un numéro tarifaire distinct.

L'ICT a contesté, la qualifiant de mythe, l'affirmation de Peerless selon laquelle elle serait disposée à payer un montant supplémentaire de 4 $/m2 pour obtenir les tissus en question admissibles aux termes de l'ALÉNA. L'ICT a soutenu que, pour corriger toute insuffisance au niveau des NPT, Peerless n'a qu'à déplacer certains de ses achats d'autres tissus importés et acheter des tissus originaires d'un pays ALÉNA.

L'ICT a soutenu que, puisque le marché n'a pas besoin de quantités notables de mélanges de poils fins, Cleyn & Tinker n'est pas incitée à orienter le marché dans une direction où il ne se dirige pas naturellement. L'ICT a soutenu que le marché a évolué dans le sens des tissus plus fins, faits uniquement de laine, et que Cleyn & Tinker a répondu à une telle demande. À cet égard, l'ICT a soutenu que Cleyn & Tinker utilise maintenant des fibres tellement fines (mesurées en micromètres) que la finesse n'est plus un critère qui permet de distinguer les tissus nationaux et les importations.

L'ICT a soutenu que, dans certains cas, les prix de tissus identiques ou substituables sont comparables aux prix des tissus en question. De plus, il a ajouté qu'il semble y avoir peu de corrélation entre les poils fins et le prix, peu importe la source des tissus. Il a soutenu que ce n'était pas le marché qui a exigé des vêtements faits avec les tissus en question, mais que ce sont plutôt le taux de change favorable avec la Corée et les bas prix du cachemire à la fin des années 1990 qui ont contribué au succès des complets faits de laine fine et cachemire de Peerless. Étant donné que les circonstances ont maintenant changé, l'ICT a soutenu qu'il n'est pas justifié que Peerless perpétue de telles retombées. Il a aussi soutenu que, si les droits de 0,92 $/m2 qui ont été imposés sur les tissus en question n'avaient pas aussi été imposés sur toutes les importations de tissus uniquement de laine, tous les tissus que vend Cleyn & Tinker auraient subi une pression au niveau de ses prix et de sa marge.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d'évaluer l'incidence économique d'une réduction ou d'une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et les entreprises en aval, et, à cette fin, de considérer tous les facteurs pertinents qui entrent en ligne de compte, notamment la possibilité de substituer les intrants textiles nationaux aux intrants textiles importés et la capacité des producteurs nationaux de desservir les industries canadiennes en aval. Par conséquent, la décision du Tribunal de recommander un allégement tarifaire est fondée sur la mesure dans laquelle le Tribunal considère que cet allégement tarifaire apporterait des gains économiques nets au Canada.

La demande d'allégement tarifaire du 7 juillet 1999 de Peerless englobe certains tissus de laine peignée et de poils fins peignés, devant servir à la confection de complets, de vestes, de blazers, de gilets et de pantalons pour hommes. Il s'agit d'une demande similaire à la demande no TR-96-005 déposée par Peerless en juin 1997. L'enquête liée à la demande no TR-96-005 visait les tissus de fils peignés ou cardés, entièrement constitués de laine vierge et de poils fins, contenant au moins 10 p. 100 en poids de poils fins, tel que certifié par l'exportateur, d'un poids excédent 140 g/m2 mais n'excédant pas 300 g/m2. Le 20 février 1998, le Tribunal a recommandé au Ministre de ne pas accorder l'allégement tarifaire sur les importations desdits tissus15 . Dans le cadre de ladite enquête, le Tribunal a conclu que l'industrie textile nationale produisait des tissus similaires ou substituables ou avait la capacité technique de produire des tissus identiques ou substituables.

Ainsi qu'il a déjà été indiqué, la description du produit contenue dans l'avis d'ouverture d'enquête est différente de la description des tissus incluse dans la demande déposée par Peerless, en ce sens que cette dernière renvoyait à une teneur en poils fins d'au moins 15 p. 100. Parce qu'elle ne pouvait pas identifier les différentes fibres de poils fins contenues dans les échantillons fournis par Peerless et déterminer avec précision le pourcentage en poids de poils fins par rapport à la laine, l'ADRC a recommandé de ne pas inclure une condition portant sur la teneur d'un certain pourcentage de poils fins dans les tissus. À la suite de la recommandation susmentionnée, le Tribunal a diffusé un avis d'ouverture d'enquête qui ne faisait pas référence à une teneur minimale en poils fins et, donc, qui englobait une gamme de tissus beaucoup plus étendue que celle visée dans la demande. Cependant, au cours de l'enquête, l'ADRC a informé le Tribunal qu'un laboratoire américain pouvait déterminer la teneur en poils fins des tissus de laine. L'ADRC a par conséquent révisé sa position antérieure et a déclaré que le libellé d'un numéro tarifaire proposé pourrait inclure des pourcentages quantitatifs dans les mélanges de laine et de poils fins et pourrait aussi inclure une condition selon laquelle les tissus importés dans ledit numéro tarifaire doivent être « certifiés par l'exportateur » comme répondant aux termes du numéro tarifaire.

Depuis la diffusion du rapport de février 1998 du Tribunal, les besoins de Peerless relativement aux tissus de laine et de poils fins ont augmenté. Selon Peerless, cette catégorie de tissus joue depuis deux ou trois ans un rôle de plus en plus important et significatif. Peerless a déclaré que, sur le marché du vêtement pour hommes, « la barre est de plus en plus haute pour produire la meilleure qualité au meilleur prix »16 [traduction] et, pour demeurer concurrentiel, un producteur « se doit de constamment présenter de nouveaux tissus, de meilleurs tissus, des tissus plus fins »17 [traduction]. Plusieurs témoins18 pour le compte de Peerless ont indiqué qu'il y a eu croissance du marché des vêtements faits avec les tissus en question parce que, notamment, il y a eu évolution de la mode pour hommes dans le sens de vêtements plus décontractés, particulièrement en milieu de travail, et qu'une tendance a émergé dans le sens de vêtements qui se portent toute l'année et qui sont faits de tissus de poids moyens de meilleure qualité. Par ailleurs, bien que Cleyn & Tinker ait continué de mettre au point des mélanges de laine et de poils fins depuis 1998, sa production principale est demeurée axée sur les tissus faits uniquement de laine peignée et de mélanges de laine peignée et de fibres artificielles ou synthétiques. En outre, le Tribunal constate que la production et les ventes de mélanges de laine et de poils fins de Cleyn & Tinker sont demeurées stables depuis 1998 et représentent toujours une très faible proportion de l'exploitation globale de cette société19 .

Le Tribunal observe également que, dans les années 1980, Peerless était le plus gros client de Cleyn & Tinker. Cependant, depuis l'entrée en vigueur du libre-échange, la relation entre ces deux sociétés est devenue, essentiellement, inexistante20 jusqu'à ce que Peerless achète, récemment, un important volume de tissus uniquement de laine destinés à sa saison d'automne 2000. Au cours de la présente enquête, la question de savoir qui doit prendre l'initiative de la promotion ou de la recherche de nouveaux tissus a été posée. Peerless était d'avis que les usines de textiles doivent faire la promotion de leurs nouveaux tissus et « frapper à notre porte »21 [traduction] pour vendre leurs tissus. Bien qu'il n'y ait aucune réponse absolue à la question susmentionnée, il est quelque peu étrange que Cleyn & Tinker n'ait pas adopté une approche plus agressive pour promouvoir ses mélanges de laine et de poils fins immédiatement après la recommandation du Tribunal au début de 1998. Dans l'ensemble, le Tribunal est d'avis que c'est au fournisseur qu'il incombe de faire connaître sa gamme de produits sur le marché et que Cleyn & Tinker aurait dû essayer plus vigoureusement de vendre ses tissus de laine et de poils fins à Peerless.

À la lumière des éléments de preuve, il est clair qu'il semble exister deux points de vue très différents sur la direction du marché des vêtements pour hommes en ce qui a trait aux tissus en question. D'une part, Peerless voit un potentiel énorme dans les mélanges de laine et de poils fins et, donc, doit avoir accès à un grand choix de tels tissus. D'autre part, la stratégie commerciale de Cleyn & Tinker a été de cibler d'autres tissus de consommation courante, comme les tissus faits uniquement de laine et faits d'autres types de mélanges de laine, et ne perçoit pas d'augmentation notable de l'intérêt de ses clients à l'endroit des tissus de laine et de poils fins. À cet égard, le Tribunal fait observer que l'opinion de Cleyn & Tinker est corroborée, dans une certaine mesure, par Warren qui a exprimé l'avis que, dans l'ensemble, la demande sur le marché des États-Unis à l'endroit des mélanges de laine et de poils fins, contenant de faibles pourcentages de poils fins, n'avait pas augmenté récemment22 .

Pour déterminer 1) la capacité de Cleyn & Tinker de fournir des tissus identiques ou substituables aux tissus en question, 2) l'incidence de l'allégement tarifaire sur Cleyn & Tinker ou sur tout autre producteur canadien et 3) les gains économiques nets au Canada d'une réduction des droits de douane sur les tissus en question, le Tribunal s'est concentré sur les mélanges de laine et de poils fins devant servir à la confection de complets et de vestons de sport pour hommes.

Dans le cadre de la présente enquête, Peerless a soutenu que Cleyn & Tinker a la capacité de fabriquer des tissus substituables, mais avait choisi de ne pas les fabriquer dans la gamme nécessaire de motifs et de coloris et dans les quantités requises23 . À cet égard, le Tribunal note que, dans son rapport au Ministre concernant la demande d'allégement tarifaire antérieure de Peerless, il a déclaré que « Cleyn & Tinker produit présentement des tissus peignés qui sont similaires ou substituables aux tissus en question »24 . Le Tribunal a également observé que, « [b]ien que le volume de production de la laine peignée combinée à des poils fins ne représente qu'une faible proportion de la production globale de Cleyn & Tinker, il est clair que cette dernière a la capacité technique de produire et de fournir des tissus de qualité contenant de la laine et des poils fins qui répondraient aux besoins particuliers de Peerless »25 .

Le Tribunal est d'accord avec Peerless sur le fait que, dans le segment des prix moyens du marché, les acheteurs commerciaux attachent une importance considérable au caractère unique de la qualité, du motif, de la couleur et de la main du tissu. Quant au caractère unique du motif et de la couleur du tissu, il est évident qu'un fabricant de vêtements doit avoir accès à une vaste gamme d'usines de textiles pour obtenir, à chaque saison, de nouvelles couleurs et de nouveaux motifs qui satisferont l'industrie du commerce au détail. Dans un tel contexte, Peerless a indiqué que, avant d'acheter d'une usine de textiles, elle en évalue les capacités et les compétences ou connaissances spécialisées26 . Peerless a aussi dit acheter tous les types de tissus d'au moins 90 usines différentes situées partout dans le monde27 .

Il ressort manifestement des éléments de preuve que la capacité de Peerless de s'approvisionner à l'étranger en tissus de laine et de poils fins a contribué à l'énorme succès des complets faits de tissus légers et qui se portent toute l'année. À l'audience, Peerless a présenté un complet fait à 95 p. 100 de laine titrant 17,5 micromètres28 , et à 5 p. 100 de cachemire, d'un compte lainier de 10029 . Peerless a expliqué que, depuis deux ou trois ans, ce type de complet s'est très bien vendu et est devenu une partie importante de son chiffre d'affaires30 . Le Tribunal fait observer que Cleyn & Tinker n'exploite pas le créneau du marché des mélanges de laine très fine et de poils fins, mais plutôt le marché plus vaste des tissus de laine, d'un diamètre de fibre moyen de 18,5 à 21 micromètres, la plus grande partie de sa production étant faite de laine d'un diamètre de 20 micromètres31 . Cela porte le Tribunal à croire que Cleyn & Tinker n'est pas maintenant, ni ne sera dans un avenir prévisible, en mesure de produire et de fournir, en quantités commerciales, les tissus de laine très fine et de poils fins dont Peerless a besoin.

Dans un tel contexte, le Tribunal a noté à l'audience que Peerless et Cleyn & Tinker s'entendaient sur un nombre considérable de points lorsque confrontées à un scénario selon lequel l'allégement tarifaire pourraitêtre accordé sur les tissus devant servir à la confection de complets, de vestons de type complet, de blazers, de gilets et de pantalons pour hommes. Essentiellement, l'allégement tarifaire viserait les tissus faits de laine peignée d'un diamètre de fibres moyen de 17,5 micromètres ou moins et de poils fins peignés, lesdits tissus contenant au moins 7 p. 100 de poils fins. Le compte lainier n'a cependant pas fait l'objet d'une entente, puisque Cleyn & Tinker a proposé que l'allégement tarifaire se limite aux tissus en fils très fins, c'est-à-dire d'un compte lainier de 100 ou plus, tandis que Peerless a proposé un compte lainier de 90 ou plus. À la lumière des besoins de tissus très fins de Peerless, particulièrement destinés aux complets, le Tribunal est d'avis que, pour représenter un avantage quelconque pour Peerless, il faudrait que l'allégement tarifaire soit accordé sur les tissus faits de fils d'un compte lainier de 90 ou plus32 et qu'un allégement tarifaire sur les tissus répondant à une telle description n'aurait absolument aucune incidence négative sur Cleyn & Tinker.

Quant aux vestons de sport, il convient de faire observer que les tissus devant servir à cette utilisation finale sont en général faits de fils plus grossiers et que leur teneur en poils fins est en général plus élevée que dans le cas des tissus devant servir à la confection de complets. Au cours de la procédure, Peerless et Cleyn & Tinker ne se sont pas entendu sur les restrictions à appliquer si l'allégement tarifaire était accordé sur les importations de tissus de laine et de poils fins devant servir à la confection de vestons de sport. Cleyn & Tinker a soutenu que l'allégement tarifaire devrait se limiter aux tissus devant servir à la confection de complets, tandis que Peerless a proposé une teneur minimum en poils fins de 10 p. 100 dans les mélanges de laine et de poils fins devant servir à la confection de vestons, sans restriction quant au diamètre de la fibre de laine.

Comme dans le cas des autres produits finals, et notamment des complets, le Tribunal est d'avis que Peerless doit avoir un accès concurrentiel à une vaste gamme de nouveaux tissus de divers motifs et coloris pour satisfaire la demande croissante pour les vestons de sport faits de mélanges de laine et de poils fins. Sur ce point, Ari Freed a indiqué qu'il existe un besoin de complets et de vestons de sport de diverses couleurs et divers motifs faits avec les tissus en question33 . Le Tribunal fait observer que Cleyn & Tinker a certains tissus devant servir à la confection de vestons contenant de 10 à 20 p. 100 de poils fins, en production ou à l'étape de la mise au point. Ces tissus, cependant, ne représentent qu'une très faible proportion de l'exploitation globale de Cleyn & Tinker et ne sont disponibles que dans une gamme limitée de motifs et de coloris. Comme dans le cas des tissus devant servir à la confection de complets, le Tribunal est d'avis que Cleyn & Tinker n'est pas maintenant, ni ne sera dans un avenir prévisible, en mesure de produire et de fournir, dans une vaste gamme de couleurs et de motifs, les tissus nécessaires devant servir à la confection de vestons.

Le Tribunal reconnaît le besoin d'une vaste gamme de tissus de laine de diamètres différents et il est d'avis que la seule limite qui doit s'appliquer aux importations de tissus devant servir à la confection de vestons de sport se rapporte à leur teneur en poils fins. Le Tribunal est d'avis qu'un seuil de 15 p. 100, comme le précise la demande du 7 juillet 1999 de Peerless, est indiqué.

En termes d'incidence économique, Cleyn & Tinker a soutenu que l'allégement tarifaire saperait sa capacité de maintenir sa production de tissus concurrents devant servir à la confection de vestons. Bien que certains coûts pourraient être associés aux tissus devant servir à la confection de vestons de Cleyn & Tinker, le Tribunal est d'avis que les gains pour Peerless et les autres fabricants de vêtements qui se servent des tissus en question l'emportent sensiblement sur de tels coûts. Il convient également d'observer que le taux réel de droits sur les tissus en question est de l'ordre de 8 p. 100. Par conséquent, toute réduction du prix des tissus devant servir à la confection de vestons qui pourrait résulter de l'allégement tarifaire serait beaucoup plus faible que le taux NPF de 16 p. 100 publié. En outre, les éléments de preuve montrent clairement que Cleyn & Tinker cible principalement la production de tissus qui ne font pas concurrence directement aux tissus de poils fins devant servir à la confection de vestons qu'importe Peerless et le Tribunal est d'avis qu'une telle situation ne changera vraisemblablement pas d'une manière importante dans un proche avenir.

Quant à l'administration d'un nouveau numéro tarifaire pour permettre l'allégement demandé, il se peut que certains coûts découlent de l'analyse de certains tissus pour l'application d'une condition que les tissus classés dans ce numéro tarifaire doivent être « certifiés par l'exportateur ». De tels coûts, cependant, ne devraient pas être importants.

Dans l'ensemble, selon le Tribunal, des coûts minimes découleront de l'octroi de l'allégement tarifaire demandé par Peerless, étant donné les limites qui encadrent l'importation des mélanges de laine et de poils fins. À la lumière des renseignements dont dispose le Tribunal, l'allégement tarifaire procurerait des gains annuels, pour Peerless et les autres utilisateurs des tissus en question, s'élevant à plus de 500 000 $. De plus, l'allégement tarifaire entraînerait d'autres gains pour les utilisateurs des tissus en question, sous forme de réduction des coûts, ce qui améliorera leur position concurrentielle sur le marché, particulièrement aux États-Unis. En outre, l'allégement tarifaire devrait entraîner aussi une hausse de la production et des ventes, ce qui pourrait se traduire par l'emploi de nouveaux employés et des avantages pour le consommateur en termes de possibilités de choix et de plus bas prix.

Quant à la demande de Peerless visant l'application rétroactive de l'allégement tarifaire, le Tribunal a déclaré, dans des causes précédentes, qu'il n'envisagerait la recommandation d'un tel allégement avec effet rétroactif que dans des circonstances exceptionnelles. Peerless n'a pas présenté d'élément de preuve qui justifie une telle recommandation.

RECOMMANDATION

À la lumière de ce qui précède, le Tribunal recommande au Ministre, par la présente, d'accorder un allégement tarifaire, pour une période indéterminée, sur les importations, en provenance de tous les pays, de :

(1) tissus, faits uniquement de laine peignée d'un diamètre de fibre moyen de 17,5 micromètres ou moins et de poils fins peignés, titrant 100 décitex ou moins par fil simple, contenant au moins 7 p. 100 en poids de poils fins, tel que certifié par l'exportateur, d'un poids d'au moins 140 g/m2 mais n'excédant pas 300 g/m2, de la sous-position no 5112.11 ou 5112.19, devant servir à la confection de complets, de vestons de type complet, de blazers, de gilets et de pantalons pour hommes;

(2) tissus, faits uniquement de laine peignée et de poils fins peignés, contenant au moins 15 p. 100 en poids de poils fins, tel que certifié par l'exportateur, d'un poids d'au moins 140 g/m2 mais n'excédant pas 300 g/m2, de la sous-position no 5112.11 ou 5112.19, devant servir à la confection de vestons de sport pour hommes.



Arthur B. Trudeau

Arthur B. Trudeau
Membre présidant


Peter F. Thalheimer

Peter F. Thalheimer
Membre


Zdenek Kvarda

Zdenek Kvarda
Membre

1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

2 . Gaz. C. 1999.I.2826.

3 . Les deux échantillons fournis par Peerless avec sa demande ont été analysés par MTL, qui a confirmé que l'échantillon TR-99-004-4B est composé à 73 p. 100 de laine et à 27 p. 100 de mohair. Cependant, MTL a déterminé que l'échantillon TR-99-004-4C est composé à 30 p. 100 de laine et à 70 p. 100 d'alpaga, tandis que Peerless a indiqué qu'il s'agissait d'un tissu contenant 15 p. 100 de laine et 85 p. 100 d'alpaga. Au moment de la rédaction du présent rapport, l'ADRC tentait de se procurer des normes homologuées pour pouvoir déterminer la précision des méthodes appliquées par MTL.

4 . L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

5 . Étant donné que les droits de douane payables sur les importations des tissus du numéro tarifaire 5112.11.90 ou 5112.19.91 ne peuvent dépasser 4,60 $/kg, les droits payables sur les tissus qui entrent dans la portée de la présente enquête ne peuvent dépasser 0,64 $/m2 pour les tissus d'un poids de 140 g/m2 et 1,38 $/m2 pour les tissus d'un poids de 300 g/m2. Étant donné le poids des tissus en question, le taux réel de droits qui s'applique est normalement d'environ 0,92 $/m2 ou, en moyenne, de 8 p. 100.

6 . En vertu de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA), un système de remboursement des droits, appelé « concept du montant le moins élevé », a remplacé les règlements sur le drawback dans le cas du commerce Canada-États-Unis. En vertu de ce nouveau concept, le remboursement est égal au moins élevé des deux montants suivants : a) les droits payés sur les marchandises importées au Canada; b) les droits payés sur les produits finis lorsqu'ils sont exportés aux États-Unis. Cependant, l'ALÉNA prévoit certaines limites quantitatives en vertu desquelles des vêtements et des textiles qui ne satisfont pas à toutes les exigences des règles d'origine prévues obtiennent néanmoins des avantages d'accès. Ces limites quantitatives prennent la forme de niveaux de préférence tarifaire (NPT), auparavant appelés contingents tarifaires aux termes de l'ALÉ. Les NPT autorisent l'importation d'une quantité donnée de certaines marchandises « non originaires » au Canada, aux États-Unis et au Mexique à des taux de droits ALÉNA. Pour avoir droit aux taux de préférence tarifaire, les fabricants doivent avoir coupé (ou tricoté ou façonné) et cousu ou assemblé d'une autre façon les vêtements au Canada. Les marchandises qui entrent dans un pays ALÉNA dans des quantités qui dépassent les NPT sont soumises à un taux de droits NPF supérieur, habituellement appliqué aux partenaires commerciaux qui ne sont pas parties à l'ALÉNA. Aux termes de l'ALÉNA, cependant, le plein drawback des droits de douane continuera de s'appliquer indéfiniment aux exportations aux États-Unis des vêtements canadiens dont le commerce est assujetti au plein taux des droits NPF (c.-à-d. après l'épuisement des NPT).

7 . Selon Peerless, Cleyn & Tinker n'a présenté que deux échantillons de tissus de poils fins, encore à l'étape du prototype.

8 . Au cours de l'enquête, Peerless a soumis plus de 30 échantillons des tissus en question.

9 . Lettre du 17 novembre 1999.

10 . Cleyn & Tinker a dit importer des fils de poils fins d'Italie et produire de tels fils à partir de fibres qu'elle se procure directement des pays producteurs comme la Chine, la Mongolie et le Pérou.

11 Cleyn & Tinker a soumis 34 échantillons au Tribunal, ainsi que les fiches sur la gamme du tissu no 29767 (composé de laine à 80 p. 100 et de cachemire à 20 p. 100) présentant 5 motifs différents et 45 gammes de coloris.

12 . Rapport au ministre des Finances : demande d'allégement tarifaire déposée par Vêtements Peerless Inc. concernant certains tissus de laine vierge et de poils fins (20 février 1998) (TCCE).

13 . Il s'agirait de fils à deux brins.

14 . Ibid.

15 . Supra note 12.

16 . Transcription de l'audience publique, 3 mai 2000 à la p. 16.

17 . Ibid. à la p. 20.

18 . Affiliated, Ari Freed, Cohen, Coppley, Delfino, Golden Brand, Harry Rosen, Jack Victor et Samuelsohn.

19 . Pièce du Tribunal TR-99-004-43 (protégée) à la p. 13.

20 . Transcription de l'audience publique, 4 mai 2000 à la p. 300.

21 . Transcription de l'audience publique, 3 mai 2000 à la p. 36.

22 . Transcription de l'audience publique, 4 mai 2000 à la p. 466.

23 . Transcription de l'audience publique, 3 mai 2000 à la p. 64.

24 . Supra note 12 à la p. 8.

25 . Ibid. à la p. 9.

26 . Transcription de l'audience publique, 3 mai 2000 à la p. 121.

27 . Ibid. à la p. 72.

28 . L'indice micronaire est fonction à la fois de la finesse de la fibre et de sa maturité. Les faibles valeurs correspondent à des fibres fines et/ou non arrivées à maturité; les valeurs élevées correspondent à des fibres plus grossières (gros titre) et/ou arrivées à maturité.

29 . Pièce A-13; et Transcription de l'audience publique, 3 mai 2000 aux p. 19-21 et 152. Un compte lainier de 100 équivaut à 90 décitex environ.

30 . Transcription de l'audience publique, 3 mai 2000 aux p. 20 et 168-69.

31 . Pièce D-1 à la p. 10; et Transcription de l'audience publique, 4 mai 2000 à la p. 287.

32 . L'équivalent d'environ 100 décitex ou moins par fil simple.

33 . Transcription de l'audience publique, 3 mai 2000 à la p. 264.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 26 septembre 2000