PHANTOM INDUSTRIES INC.

Enquêtes


RAPPORT AU
MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE PAR
PHANTOM INDUSTRIES INC.
CONCERNANT
CERTAINS FILS GUIPÉS DEVANT SERVIR À LA FABRICATION
DE BAS POUR FEMMES
LE 8 MAI 1998

TABLE DES MATIÈRES


Demande No : TR-97-005

Membres du Tribunal : Charles A. Gracey, membre présidant
Raynald Guay, membre
Patricia M. Close, membre


Directeur de la recherche : Réal E. Roy


Gestionnaire de la recherche : Richard Cossette


Avocat pour le Tribunal : Gerry Stobo


Agent à l’inscription et
à la distribution : Claudette D. Friesen

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat [2] de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu, le 25 juin 1997, de la société Phantom Industries Inc. (Phantom), de Toronto (Ontario), une demande de suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations en provenance de tous les pays de fils guipés, composés d’un fil continu de nylon à cinq brins, titrant pas plus de 15 décitex, tordu en spirale autour d’un fil élastomérique (spandex), devant servir à la fabrication de bas pour femmes (les fils en question).

Le 30 octobre 1997, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête, qui a fait l’objet de diffusion et a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 8 novembre 1997 [3] .

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a envoyé un questionnaire aux producteurs potentiels de fils identiques ou substituables. Un questionnaire a aussi été envoyé aux entreprises recensées comme importateurs et utilisateurs des fils en question. Une lettre a été adressée au ministère du Revenu national (Revenu Canada) pour obtenir des renseignements sur le classement tarifaire des fils en question, et des échantillons ont été fournis aux fins d’analyse en laboratoire. Des lettres ont également été envoyées à plusieurs autres ministères gouvernementaux en vue d’obtenir des renseignements et des avis.

Un rapport d’enquête du personnel, résumant les renseignements reçus des ministères susmentionnés et des entreprises qui ont répondu aux questionnaires du Tribunal, a été remis aux parties intéressées qui avaient déposé un acte de comparution dans le cadre de la présente enquête, à savoir Phantom, Rubyco (1987) Inc. (Rubyco), Shefford Textiles Ltée (Shefford), l’Institut canadien des textiles (ICT) et Fibretrade Canada Inc.(Fibretrade).

Aucune audience publique n’a été tenue dans le cadre de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LES PRODUITS

Les fils qui font l’objet de la présente enquête sont des fils guipés (« gimped [4] yarns », composés d’un fil continu de nylon à cinq brins, titrant pas plus de 15 décitex, tordu en spirale autour d’un fil élastomérique (spandex), devant servir à la fabrication de bas pour femmes.

Les fils en question contiennent deux types de fibres : une âme élastomérique (spandex) (généralement désignée par l’expression 20 deniers [5] ), provenant principalement de la société DuPont des États-Unis, et un revêtement de fibres de nylon, provenant de Nilit Ltd. (Nilit), en Israël. Selon Phantom, le caractère unique des fils en question ne procède pas de l’âme de spandex, mais du revêtement de nylon, qui est normalement désigné comme étant de 12 deniers/5 filaments (titrant de 12 à 15 décitex environ). Les fils en question et les fils prétendument identiques produits au Canada sont en général désignés dans l’industrie par l’expression « fils 20/12/5 ».

Les fils en question sont classés dans le numéro de classement 5606.00.90.10 (antérieurement le numéro tarifaire 5606.00.19) et, à partir du 1er janvier 1998, sont passibles de droits de douane de 10 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF, entrent en franchise en vertu du tarif des États-Unis et du tarif de l’Accord Canada-Israël et sont passibles de droits de douane de 5 p. 100 ad valorem et de 5,5 ¢/kg en vertu du tarif du Mexique et du tarif du Chili.

OBSERVATIONS

Phantom demande la suppression permanente des droits de douane sur les importations des fils en question.

Phantom produit des bas pour femmes et pour filles, à étiquetage de marque et de marque de distributeur, des vêtements de bain à étiquetage de marque et des vêtements de sport et d’entraînement de marque de distributeur. Elle est dans les affaires depuis 75 ans. Tous les aspects de son activité, y compris la conception de produits et la fabrication sont menés depuis ses installations de Toronto. Phantom exécute toutes les étapes de la production des bas en question, y compris le tricot, le séchage, l’apprêtage et le conditionnement.

Par l’entremise de son conseiller, Phantom soutient que l’allégement tarifaire devrait être accordé au motif que, bien qu’il existe des fils guipés de production nationale identique quant à leur construction, les façons dont les fils sont enroulés sur les cônes (« bobines ») sont très différentes. Phantom soutient que les fils en question qu’elle importe du producteur américain, Unifi, Inc. (Unifi), sont enroulés au moyen d’enrouleurs « take-up » et, selon Phantom, fonctionnent très efficacement sur son matériel, tandis que les fils des producteurs nationaux, Rubyco et Shefford, sont enroulés selon la méthode de « rebobinage », qui, selon Phantom, produit un enroulement inégal et trop de nœuds. Phantom allègue que ces défauts entraînent la présence de nombreuses auréoles dans le bas fini, produisant beaucoup de bas de second choix qu’il faut vendre à plus bas prix.

Phantom fait valoir qu’elle a pleinement donné à Rubyco l’occasion de l’approvisionner en fils guipés 20/12/5, en précisant à cette dernière les spécifications et la teneur en fils, en demandant des échantillons pour faire des essais de compatibilité initiale, et pour exécuter des tests relatifs à des facteurs comme l’aptitude à la teinture, l’ajustage et le retrait et en demandant d’effectuer des essais de production pour vérifier l’efficience et le rendement global dans les conditions actuelles de production. Phantom ajoute que Rubyco lui a fourni les meilleurs fils qu’elle pouvait, mais que ces fils ne répondaient tout simplement pas à ses exigences de production et d’efficience. À l’appui de cet argument, Phantom a inclus dans son exposé en réponse plusieurs rapports d’évaluation interne qui font état des problèmes qu’elle a éprouvés en utilisant les fils de Rubyco. Phantom déclare avoir informé Rubyco de ces problèmes de qualité.

Phantom affirme que, pour compenser les pertes d’efficience de production qu’entraînerait l’utilisation des fils guipés de Rubyco, elle devrait consentir d’importants investissements en main-d’œuvre et en matériel supplémentaires. Dans le cas de Phantom, les bobines préparées sur enrouleur « take-up », comme lui en fournit Unifi, sont, selon Phantom, une condition « obligatoire » de l’atteinte d’un niveau suffisant d’efficience dans la production. Phantom soutient également qu’aucun laboratoire extérieur n’aurait pu correctement exécuter des tests en fonction de son environnement de production.

Selon Phantom, Rubyco, à titre de division canadienne de Worldtex, Inc., n’a guère été rentable de 1993 à 1995. Phantom souligne également qu’il a été question de fermer l’usine de Rubyco. Phantom ajoute que ses observations au sujet de la position financière de Rubyco n’ont pas pour but de laisser entendre que cette dernière éprouve des difficultés financières, mais plutôt de souligner sa dépendance, en termes d’approvisionnement, à l’endroit de Rubyco. Phantom fait observer qu’elle achète déjà à Rubyco environ 40 p. 100 du volume total de ses intrants de fil et que cette proportion grimperait à plus de la moitié de ce volume total si elle décidait d’acheter les fils 20/12/5 à Rubyco. Dans un tel contexte, Phantom fait valoir qu’il est normal qu’un acheteur puisse s’inquiéter de devoir se procurer auprès du même fournisseur une proportion aussi élevée de l’ensemble de ses approvisionnements.

Phantom conteste l’affirmation de Rubyco quant à la stabilité de l’approvisionnement en fils 20/12/5 que cette dernière offrirait, étant donné son manque d’inventaire d’entrepôt pour les autres fils requis, rendu évident lors de la récente panne de courant causée par la tempête de verglas de janvier 1998, et ses livraisons incomplètes de fils commandés périodiquement par Phantom au cours des trois dernières années.

Phantom soutient que, bien que les fils retournés dont elle a fait mention dans ses exposés ne comprenaient pas les fils 20/12/5, ces exemples servent à illustrer les problèmes de fiabilité auxquels elle a été confrontée avec Rubyco. En outre, aucun fil 20/12/5 n’a été retourné parce que l’achat à Rubyco n’a été fait qu’à des fins de production d’essai.

Phantom reconnaît que l’incidence de l’allégement tarifaire ne représente qu’environ deux cents dans le prix du produit final et que ses répercussions sur le marché seraient faibles; néanmoins, ces droits de douane ne sont pas négligeables étant donné le volume de production. Phantom conteste l’affirmation de Rubyco selon laquelle cette dernière perdrait plus de un million de dollars de son chiffre d’affaires avec Phantom si l’allégement tarifaire était accordé, puisque Rubyco n’a pas été la source des approvisionnements visés.

Phantom fait en outre valoir le manque de cohérence dans l’établissement des prix de Rubyco qui n’a pas répercuté l’effet de l’entrée en franchise du composant nylon acheté à Nilit, aux termes de l’Accord de libre-échange Canada-Israël [6] (ALÉCI). Elle soutient que le processus d’enroulement appliqué par Rubyco coûte plus cher, ce qui se reflète aussi dans les prix de cette dernière, et que cet élément prend une importance capitale étant donné que Phantom doit faire face à la concurrence de produits qui entrent en franchise aux termes de l’Accord de libre-échange nord-américain [7] (ALÉNA).

Enfin, Phantom soutient que ni Rubyco ni Shefford ne subiront de pertes si l’allégement tarifaire est accordé, puisque aucune bobine de fil rebobiné de production nationale ne servira jamais sur les machines à tricoter de Phantom. À l’inverse, si l’allégement tarifaire n’est pas accordé, Phantom soutient qu’elle perdra une part du marché au profit de ses concurrents qui bénéficient des avantages liés à l’ALÉNA, et devra réduire sensiblement le nombre d’emplois qu’elle offre.

ICT et Rubyco

Dans ses exposés présentés au nom de l’ICT et de Rubyco, le conseiller soutient que Rubyco produit au Canada des marchandises qui sont identiques aux fils en question et dispose, à tous égards, du matériel nécessaire pour approvisionner les besoins de Phantom. L’ICT et Rubyco avancent que la demande d’allégement tarifaire est dénuée de fondement et doit être rejetée.

Le conseiller soutient que les fils que produit Rubyco sont faits à partir d’exactement les mêmes composants que ceux qu’utilise Unifi pour fabriquer les fils en question et que Rubyco applique le même processus de torsion en spirale du nylon autour de l’âme de spandex. En outre, le conseiller soutient qu’aucune différence notable entre les fils 20/12/5 de production nationale et les fils en question ne ressort des rapports de laboratoire de Revenu Canada.

Le conseiller soutient que les allégations de Phantom concernant la fragilité financière de Rubyco sont non fondées et a présenté des éléments de preuve de la stabilité financière de Rubyco. Il conteste également l’affirmation de Phantom selon laquelle cette dernière ne peut se fier aux producteurs canadiens pour des raisons de qualité et fait valoir que le dossier démontre que les retours dont il est fait mention dans les pièces déposées par Rubyco sont négligeables par rapport au fort volume de fils guipés que Rubyco a vendus à Phantom au cours des trois dernières années. De même, Phantom ne fait état d’aucun retour de fils 20/12/5 que lui a fournis Rubyco.

Quant à l’établissement des prix, le conseiller fait valoir que l’objectif de Phantom a été de contraindre Rubyco à réduire ses prix de façon importante. Il est par ailleurs allégué qu’il est irréaliste de supposer que l’allégement tarifaire serait suivi d’une diminution correspondante du prix des fils en question. Par exemple, Unifi, le fournisseur américain, pourrait décider de demander un prix à l’exportation plus élevé pour les fils en question. En fait, selon le conseiller, au cours des 12 derniers mois, Rubyco a offert à Phantom ses fils 20/12/5 à un prix inférieur au prix livré des importations payé par cette dernière pour les fils en question.

Le conseiller soutient que Rubyco et Shefford ont réfuté les arguments présentés par Fibretrade au sujet des méthodes de conditionnement et de production des fils et que Fibretrade n’est pas un producteur des fils, mais uniquement un agent de vente. Par exemple, Rubyco estime que son processus de rebobinage pour la production de bobines est supérieur à la méthode qui fait appel aux enrouleurs « take-up », pour des raisons d’ordre technique et de souplesse. Elle est aussi d’avis que les bobines de fils sont plus stables et que leur durée de vie est plus longue. De plus, quant au nombre de nœuds, Rubyco soutient que ses bobines ne comptent qu’un seul nœud par 150 000 mètres, soit trois nœuds par bobine complète. Il semble que cela ne représente qu’un seul nœud par 132 bas tricotés et qu’un nœud correctement fait ne produit pas de défaut dans l’article de bonneterie.

Le conseiller met en doute la crédibilité des affirmations de Phantom selon lesquelles Rubyco, qui produit beaucoup de fils guipés de nylon et dont la réputation est excellente, se révèle tout à coup incompétente quand elle se tourne vers la production des fils 20/12/5. De plus, le conseiller fait observer qu’aucun des éléments de preuve déposés par Phantom n’a été soumis à des essais de contrôle de qualité par un laboratoire indépendant. Le conseiller avance en outre que les notes de service internes déposées par Phantom au sujet de problèmes de qualité sont sujettes à caution, tant à cause de la manière dont elles ont été rédigées que du dépôt tardif de ces documents clés.

Le conseiller fait valoir l’absence totale, dans les éléments de preuve déposés, de tout message à Rubyco qui fasse mention de problèmes ou d’insatisfaction au sujet des fils 20/12/5. La réponse de Rubyco comprend deux déclarations sous serment émanant de représentants à son emploi qui jurent qu’aucun représentant de Phantom ne les a jamais avisés de quelque problème que ce soit au sujet des fils 213-1 [8] expédiés à cette dernière. Rubyco a aussi inclus un registre détaillé de la correspondance échangée entre elle et Phantom, à l’appui de l’argument selon lequel Phantom n’a pas répondu aux demandes de renseignements de Rubyco au sujet du rendement des fils 213-1. Le conseiller ajoute qu’il va dans l’intérêt commercial de Rubyco, et qu’elle s’en soucie, de déceler et de corriger tout défaut que pourrait avoir son produit.

Quant aux allégations selon lesquelles Phantom a éprouvé des difficultés à obtenir des livraisons de fils durant la récente tempête de verglas, le conseiller répond que Rubyco a fait preuve de diligence dans son approvisionnement en livrant quotidiennement du fil à Phantom, par courrier.

Quant à la qualité de la production de Rubyco, le conseiller souligne qu’il n’existe aucun élément de preuve provenant d’autres parties qui indique que la qualité des produits de Rubyco soit moins qu’excellente et que Phantom elle-même témoigne de la bonne qualité de la production et des services de Rubyco en achetant un volume considérable de divers fils de cette dernière.

Enfin, le conseiller soutient que la rémunération supplémentaire que Rubyco verserait aux employés de son usine de Montréal, si elle fournissait les fils 20/12/5 à Phantom, l’emporterait considérablement sur la valeur du gain économique indiqué dans le rapport du personnel.

Shefford

Shefford soutient qu’elle produit des fils guipés de mêmes caractéristiques que les fils en question. En fait, elle produit des fils guipés dont le couvrant du fil est de 10/7, ce qui est plus fin que pour le fil 12/5 utilisé dans les fils guipés qui font l’objet de l’enquête.

Shefford affirme que Phantom n’a aucunement tenté de trouver d’autres sources d’approvisionnement que Rubyco. Les nombreux efforts, faits de vive voix et par écrit, de Shefford pour être en rapport avec Phantom sont demeurés sans réponse. Dans son exposé en réponse, Shefford a documenté des communications téléphoniques de son directeur des ventes à Phantom en 1993 et en 1994, auxquelles Phantom n’aurait prétendument pas donné suite.

En réponse aux arguments présentés par Phantom, Shefford soutient que les problèmes de rendement de Phantom concernant les fils 20/12/5 de Rubyco devraient faire l’objet d’une évaluation extérieure indépendante, puisque Phantom est une partie intéressée.

En réponse aux affirmations de Fibretrade selon lesquelles les bobines préparées par enrouleur « take-up » sont de qualité supérieure à celles préparées par rebobinage, Shefford soutient que, en vérité, la méthode par enrouleur « take-up » est un raccourci de production qui donne comme résultat un fil de moindre qualité comparativement à celle du fil obtenu par rebobinage. Shefford ajoute que, en Europe, près de 100 p. 100 des fils simples guipés sont rebobinés et que, aux États-Unis, une moindre proportion est rebobinée parce que plusieurs bonnetiers acceptent une qualité moindre pour payer moins cher. Shefford soutient de plus que la méthode de rebobinage ne donne pas plus de nœuds que celle faisant usage d’enrouleurs « take-up » et que le nombre et la qualité des nœuds dépendent, en fait, de nombreuses variables.

Shefford dit se demander pourquoi Phantom sollicite un allégement tarifaire, étant donné que cette dernière affirme que ledit allégement ne changera pas son choix de sources d’approvisionnement. Selon Shefford, si l’allégement tarifaire est accordé, les fournisseurs américains inonderont le marché canadien de produits identiques et similaires en l’absence de toute mesure de protection. Elle soutient que, même si les États-Unis devaient consentir à un allégement tarifaire sur le marché américain, Shefford ne serait pas en mesure de percer ce vaste marché à court ou à moyen terme. Shefford est d’avis que le dommage qu’elle subirait entre-temps pourrait devenir irréversible.

Fibretrade

Fibretrade est l’agent et le distributeur d’entreposage de Unifi (Caroline du Nord) aux États-Unis pour les produits de nylon et de spandex de cette dernière. Elle ne vend les fils en question qu’à un seul client canadien, Phantom.

Fibretrade appuie la demande d’allégement tarifaire et dit ne pas prévoir d’augmentation du volume des importations advenant une décision favorable. Plutôt, elle estime que l’allégement tarifaire améliorera la rentabilité de Phantom et consolidera les assises de la bonneterie canadienne.

Quant à la qualité du produit, Fibretrade soutient que Unifi fournit à Phantom des bobines préparées au moyen d’enrouleurs « take-up », une méthode dans laquelle la guipeuse continue de fonctionner jusqu’à l’obtention d’une pleine bobine de fil. Selon Fibretrade, cette méthode prend plus de temps, mais donne un produit d’avantage uniforme et de meilleure qualité qui permet de réduire, de façon marquée, le nombre de bas de second choix à l’étape du tricotage.

D’autre part, Fibretrade est d’avis que les fils 20/12/5 qu’offre Rubyco sont préparés selon la méthode de rebobinage. Dans cette méthode, des bobines incomplètes sont enlevées de la guipeuse, puis les fils sont rebobinés et noués jusqu’à l’obtention de pleines bobines de fils. Fibretrade soutient qu’il s’agit là d’un raccourci qu’applique le producteur pour augmenter la productivité aux dépens de la qualité. Selon Fibretrade, toutefois, la méthode de rebobinage accroît de beaucoup le nombre de nœuds, ce qui a une incidence négative directe sur l’efficience opérationnelle à l’étape du tricotage et accroît le nombre de bas de second choix.

En réponse aux arguments selon lesquels Rubyco et Shefford peuvent répondre aux besoins de Phantom, Fibretrade soutient que Rubyco a éprouvé des problèmes aux niveaux de la qualité et des livraisons en 1988, et dit croire que cette dernière n’a pas investi dans du matériel de guipage conventionnel depuis lors. Fibretrade est également d’avis que Shefford n’a pas la capacité nécessaire pour approvisionner Phantom.

Enfin, Fibretrade soutient que la ligne de produits « Silks » de Phantom, qui utilise les fils en question, est commercialisée aux échelons supérieurs de la fourchette des prix de détail et que toute économie qui découlerait de l’allégement tarifaire ne suffirait pas pour permettre la commercialisation en volume des produits de Phantom aux échelons inférieurs de la fourchette des prix. Par conséquent, l’allégement tarifaire ne causerait de dommage à aucun fabricant national, mais permettrait cependant à Phantom de demeurer compétitive face aux importations de produits finals similaires.

Ministères gouvernementaux

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a informé le Tribunal que le Canada n’impose pas de contingent sur les fils uniquement de filaments synthétiques ou artificiels simples classés dans le numéro tarifaire 5606.00.19. Par conséquent, les fils en question ne sont assujettis à aucune restriction à l’importation.

Revenu Canada a indiqué que l’administration de l’allégement tarifaire n’entraînerait aucun coût en sus de ceux déjà supportés par le Ministère si l’allégement tarifaire était accordé.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d’évaluer l’incidence économique d’une réduction ou d’une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux et les producteurs en aval, et, à cette fin, de considérer tous les facteurs pertinents qui entrent en ligne de compte, notamment la possibilité de substituer les fils nationaux aux fils en question, la capacité des producteurs nationaux de desservir les industries canadiennes en aval et la compétitivité de ces industries au pays et à l’étranger. En dernière analyse, la décision du Tribunal de recommander ou non un allégement tarifaire est fondée sur la mesure dans laquelle le Tribunal considère que cet allégement tarifaire apporterait des gains économiques nets au Canada.

Dans la présente cause, les parties sont d’accord sur le fait que des fils guipés identiques sont produits au Canada, en termes de construction du fil. En vérité, les éléments de preuve montrent clairement que Rubyco produit des fils identiques faits avec exactement les mêmes matières premières que les fils en question et qu’elle en a fournis à Phantom à des fins d’essais, pas plus tard qu’en 1997. Le cœur du litige a plutôt trait aux problèmes de rendement des fils fournis par Rubyco à Phantom et aux efforts de cette dernière en vue d’informer Rubyco des problèmes susmentionnés.

Les deux parties ont débattu considérablement, par écrit, les avantages et les inconvénients des deux méthodes de préparation des cônes de fils guipés. Les bobines des fils 20/12/5 de Rubyco sont préparées au moyen de la méthode de rebobinage qui, selon Phantom, produit trop de nœuds et un enroulement inégal, tandis que les fils 20/12/5 importés de Unifi sont mis sur bobines au moyen d’enrouleurs « take-up » ce qui, selon Phantom, lui permet d’atteindre l’efficience opérationnelle sur ses appareils.

D’autre part, tant Rubyco que Shefford ont contesté les allégations de Phantom quant à la supériorité de la méthode par enrouleurs « take-up » et ont soutenu que, en fait, la méthode de rebobinage ne produit pas plus de nœuds que la méthode par enrouleurs « take-up » et est supérieure pour des raisons d’ordre technique, comme une plus longue durée de vie et une plus grande stabilité du fil. Le Tribunal ne peut, à ce moment, trancher cette question, mais estime que la question la plus importante se rapporte aux efforts de Phantom en vue d’obtenir un approvisionnement au pays.

Les éléments de preuve soumis par Phantom concernant la capacité des producteurs nationaux de fournir les fils 20/12/5 comprennent plusieurs rapports d’évaluation d’usine internes qui soulignent les problèmes censément éprouvés lors de ses essais avec les fils de Rubyco. Phantom a soutenu qu’elle a procédé à une gamme complète de tests de production avec les fils 20/12/5 de Rubyco, mais que ces fils avaient causé de nombreuses auréoles dans les bas finis, produisant ainsi beaucoup de bas de second choix. Cependant, les exposés de Phantom ne contiennent guère d’éléments de preuve qu’elle a informé Rubyco des problèmes susmentionnés. En fait, la seule indication qu’un effort aurait été tenté pour informer Rubyco des problèmes susmentionnés consiste en une allégation selon laquelle le représentant de Rubyco, chargé des communications avec Phantom, a été verbalement tenu au courant de ce qui se passait. En réponse à cette dernière allégation, Rubyco a déposé des déclarations sous serment provenant de deux représentants à son emploi, y compris celui qui est chargé des communications avec Phantom, qui déclarent ne jamais avoir été informés par Phantom de l’existence d’un problème quelconque concernant les fils 20/12/5. Le Tribunal prend note que Phantom n’a pas contesté lesdites déclarations dans sa réfutation finale. Le Tribunal prend également note que les demandes écrites de Phantom au sujet des résultats obtenus avec les fils 20/12/5, qui ont été incluses dans les exposés de Rubyco, sont demeurées sans réponse.

Le Tribunal constate également que Phantom semble satisfaite des nombreux autres fils qu’elle achète à Rubyco depuis plusieurs années, sans cependant l’être des fils 20/12/5. Le Tribunal est d’avis que Phantom aurait dû, à tout le moins, activement informer Rubyco des problèmes éprouvés et donner à cette dernière l’occasion d’apporter des modifications ou des correctifs pour rendre les fils acceptables. Comme Rubyco l’a fait observer, corriger tout problème associé à un produit fourni à un client fait partie du cours normal de l’activité d’un fabricant de fils et il est également normal qu’un fabricant se soucie de ces choses.

Enfin, le Tribunal prend note que Shefford, un plus petit fabricant qui a déjà produit des fils guipés similaires et a la capacité pour produire des fils identiques, a documenté les efforts qu’elle a faits pour établir la communication avec Phantom, sans que Phantom n’y donne toutefois suite. Bien qu’il ne soit pas clair dans quelle mesure Shefford pourrait approvisionner les besoins de Phantom, ce qui est clair, de l’avis du Tribunal, c’est que Shefford n’a pas eu l’occasion de faire la preuve qu’elle pourrait fournir des fils 20/12/5 à Phantom.

En résumé, le Tribunal conclut que, même s’il peut bien exister certaines différences opérationnelles entre les fils en question et les fils 20/12/5 produits au Canada, Phantom n’a pas fait la preuve qu’elle a suffisamment tenté de s’approvisionner auprès de sources nationales et que les fils nationaux ne peuvent être substitués aux fils en question. Dans un tel contexte, le Tribunal ne peut conclure que l’allégement tarifaire procurerait des gains économiques nets au Canada.

Si, à l’avenir, Phantom peut démontrer clairement qu’elle a donné pleinement l’occasion aux producteurs nationaux de lui fournir des fils qui répondent à ses besoins et que, après de tels efforts, elle peut démontrer que les fils ne répondent toujours pas à ses besoins opérationnels, le Tribunal serait alors disposé à examiner une nouvelle demande d’allégement tarifaire que déposerait Phantom.

RECOMMANDATION

Compte tenu des renseignements susmentionnés, le Tribunal recommande au Ministre, par la présente, de ne pas accorder l’allégement tarifaire sur les importations, en provenance de tous les pays, de fils guipés, composés d’un fil continu de nylon à cinq brins, titrant pas plus de 15 décitex, tordu en spirale autour d’un fil élastomérique (spandex), devant servir à la fabrication de bas pour femmes.

Charles A. Gracey
_________________________
Charles A. Gracey
Membre présidant


Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre


Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre


1. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

2. Les 20 mars et 24 juillet 1996, et le 26 novembre 1997, le ministre des Finances a révisé ledit mandat.

3. Vol. 131, no 45 à la p. 3503.

4. Selon The Concise Oxford Dictionary, 7e éd., Oxford, Clarendon Press, 1982 à la p. 417, le mot « gimp » (« guimpe ») s’entend de « silk, worsted, or cotton twist with cord or wire running through it, used esp. as trimming; fishing-line of silk etc. bound with wire; coarser thread outlining design of lace » (« torsion de soie, de laine peignée ou de coton autour d’une corde ou d’un fil, utilisée spécialement comme garniture; ligne de pêche de soie, etc. liée à un fil; fil plus gros traçant le contour d’une dentelle »).

5. Le denier est une unité de mesure des fils qui correspond au poids en grammes de 9 000 mètres de fil. Une autre mesure utilisée dans le cadre de la présente enquête est le décitex, qui correspond au poids en grammes de 10 000 mètres de fil.

6. Sanctionné le 18 décembre 1996 et entré en vigueur le 1er janvier 1997.

7. Signé à Ottawa (Ontario) les 11 et 17 décembre 1992, à Mexico, D.F., les 14 et 17 décembre 1992 et à Washington, D.C., les 8 et 17 décembre 1992 (entré en vigueur au Canada le 1er janvier 1994).

8. « 213-1 » est le code de produit de Rubyco pour les fils guipés 20/12/5.


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Publication initiale : le 11 mai 1998