DISTEX INC.

Enquêtes


RAPPORT AU
MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE PAR
DISTEX INC.
CONCERNANT LE
TRICOT TRAME CIRCULAIRE JACQUARD
LE 8 FÉVRIER 1999

TABLE DES MATIÈRES


Demande no . : TR-98-002

Membres du Tribunal : Richard Lafontaine, membre présidant
Peter F. Thalheimer, membre
Anita Szlazak, membre


Directeur de la recherche : Réal Roy


Agent de la recherche : Don Shires


Préposé aux statistiques : Lise Lacombe


Avocat pour le Tribunal : Gilles B. Legault


Agent à l’inscription et
à la distribution : Claudette Friesen

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat [2] de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu le 6 juillet 1998, de la société Distex Inc. (Distex), une demande de suppression, pour une période indéterminée, des droits de douanes sur les importations de tricot trame circulaire jacquard devant servir à la confection de gilets de golf.

Le 27 août 1998, le ministère du Revenu National (Revenu Canada) a fait rapport des résultats de son analyse d’échantillons du tissu visé dans la demande d’allégement tarifaire et a inclus les résultats de l’analyse dans une ébauche de description du produit, qui précisait : « tricot trame circulaire jacquard, certifié par l’exportateur comme ayant été tissé sur un métier Jacquard, uniquement de coton, mercerisé, de fils de diverses couleurs, devant servir à la confection de gilets de golf ». Le rapport de laboratoire indique que Revenu Canada a pu déterminer que les fils avaient été mercerisés, mais n’a pu déterminer si le tissu avait été « mercerisé deux fois », c.-à-d., si les fils avaient été mercerisés, tricotés pour en faire un tricot et ensuite soumis à un deuxième traitement de mercerisage.

Le 28 septembre 1998, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête qui a été diffusé et a paru dans la Partie I de la Gazette du Canada du 10 octobre 1998 [3] . L’avis d’ouverture d’enquête décrit l’intrant comme étant du tricot trame circulaire jacquard, certifié par l’exportateur comme ayant été tissé sur un métier Jacquard, uniquement de coton, mercerisé, de fils de diverses couleurs, d’un poids de 100 g/m2 ou plus mais n’excédant pas 200 g/m2, de la sous-position no 6002.92, devant servir à la confection de gilets de golf (le tissu en question).

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a envoyé des questionnaires aux producteurs éventuels de tissus identiques ou substituables. Des questionnaires ont aussi été envoyés à des importateurs éventuels du tissu en question. Il a aussi été demandé au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international de fournir des renseignements à jour sur toute restriction quantitative imposée sur les importations du tissu en question et des lettres ont été envoyées aux ministères de l’Industrie et des Finances pour les aviser de la demande et leur demander de fournir les renseignements et avis pertinents. En outre, des échantillons de cinq tissus censément identiques fournis par la société Agmont Inc. (Agmont) ont été soumis aux fins d’analyse en laboratoire à la Direction des travaux scientifiques et de laboratoire de Revenu Canada.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

Revenu Canada a avisé le Tribunal que le tissu en question est classé dans le numéro tarifaire 6002.92.90.10 et est présentement passible de droits de douane de 16 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF et de 10 p. 100 ad valorem en vertu des tarifs du Mexique et du Chili, mais entre en franchise en vertu des tarifs des États-Unis et de l’Accord Canada-Israël [4] .

OBSERVATIONS

Le Tribunal a reçu des observations en provenance de l’Institut canadien des manufacturiers du vêtement (l’ICMV) qui appuie la demande et de l’Institut canadien des textiles (l’ICT) qui s’oppose à la demande ainsi qu’un exposé en réponse provenant de Distex. Les producteurs nationaux n’ont pas soumis d’observations directement. Toutes les opinions attribuées aux producteurs nationaux dans les sections suivantes du présent rapport sont tirées des réponses au questionnaire du Tribunal à l’intention du producteur [5] , des mémoires suite aux visites des installations, de la demande de Distex ou des observations et de l’exposé en réponse dont il a déjà été fait mention.

Demandeur

La demande de Distex porte sur la suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations du tissu en question. Distex, située à Saint-Laurent (Québec), confectionne des vêtements de sport pour hommes et pour femmes vendus sous la marque de commerce « Robert Barakett ». Distex est en exploitation depuis deux ans. Elle importe le tissu en question d’Italie et fait appel à des sous-traitants de Montréal (Québec) pour la confection de gilets de golf avec le tissu en question. La plupart des gilets de golf susmentionnés sont exportés aux États-Unis. Distex a affirmé que la suppression des droits de douane améliorerait sa compétitivité et ferait augmenter son volume de vente. Elle a dit se trouver en position de désavantage puisque ses concurrents américains importent le tissu en question à un taux de droits moindre [6] . Distex a aussi soutenu que la suppression des droits lui permettrait de réduire le prix de vente de ses gilets sur le marché des États-Unis, ce qui lui permettrait d’améliorer sa compétitivité par rapport aux gilets confectionnés en Italie. Cela, selon Distex, entraînerait une augmentation de la demande à l’endroit de ses produits et un accroissement de sa production et du nombre d’emplois qu’elle offre.

Distex a fait savoir que le tissu en question est un tricot jacquard de haute qualité, mercerisé deux fois, composé de motifs très complexes, fabriqué selon les prescriptions du client à partir d’un inventaire de plus de 150 fils de diverses couleurs. Elle a aussi fait savoir que son fournisseur italien satisfait à ses besoins de production de petites séries. Distex a de plus soutenu que tous ses clients exigent des tricots mercerisés deux fois et que ses ventes dépendent de la qualité de double mercerisage de ses tissus. Elle a affirmé qu’elle perdrait des ventes si elle utilisait une autre qualité de tissu. Distex a dit avoir fait enquête auprès des tricoteurs canadiens et avoir ainsi déterminé qu’il n’existe pas de tissu de production nationale identique ou substituable au tissu en question.

Dans son exposé en réponse, Distex a soutenu que les cinq tissus censément identiques que produit Agmont ne sont pas identiques puisque ce ne sont pas des tricots jacquard. Elle a aussi souligné que l’analyse de Revenu Canada montrait qu’aucun des cinq tissus susmentionnés ne satisfaisait les spécifications du tissu en question. En particulier, Distex a souligné que deux de ces tissus étaient des tricots réalisés sur deux fontures (à mailles doubles) plutôt que sur une seule et qu’ils étaient faits de fils à un brin, plutôt qu’à deux brins, d’une valeur en décitex [7] sensiblement différente, par rapport aux fils utilisés dans le tissu en question.

Distex a aussi soutenu que les cinq tissus d’Agmont n’étaient pas substituables au tissu en question parce que ce ne sont pas des tissus jacquard, que les motifs en sont trop simples, qu’ils ne sont pas faits de fils à deux brins qui offrent une durabilité et une souplesse supérieures, que le titre, en décitex, des fils est trop élevé et que les tissus sont trop lourds, trop épais et insuffisamment lustrés. Distex a soutenu que, pour protéger les intérêts des tricoteurs canadiens, elle était disposée à modifier sa définition du tissu en question en ajoutant une mention de l’utilisation de fils à deux brins et en limitant le titre des fils à une valeur n’excédant pas 180 décitex par fil simple.

Distex a soutenu que les gilets de golf confectionnés avec du tissu mercerisé deux fois occupent un segment distinct du marché des gilets de golf. Les gilets qu’elle produit avec le tissu en question se vendent à des prix de détail plus élevés et sont distribués par l’entremise des clubs de golf les plus huppés qui attirent une clientèle exclusive. Ses gilets sont censément achetés par des consommateurs affluents, qui sont membres des clubs de golf les plus exclusifs et les plus dispendieux, et qui recherchent la qualité avant tout dans les gilets de golf qu’ils achètent. Distex a aussi soutenu que ses gilets font concurrence uniquement aux gilets de golf haut de gamme confectionnés en Italie offerts dans la fourchette supérieure de la gamme des prix (c.-à-d. à des prix de détail d’au moins 160 $US).

Distex a soutenu que, pour qu’il puisse être considéré comme étant substituable, un tissu doit être mercerisé au moins une fois. Par conséquent, elle a fait valoir que les tissus non mercerisés produits par Agmont et par la société Manoir Inc. (Manoir), qui sont censément substituables au tissu en question, ne le sont pas.

Distex a soutenu que, en l’absence de tissus substituables ou identiques de production nationale, le Tribunal devrait accorder la demande d’allégement tarifaire.

Si le Tribunal devait conclure que des tissus soit identiques soit substituables sont produits au Canada, Distex a soutenu qu’elle n’y a pas accès. Par exemple, si le Tribunal devait conclure que les tissus censément identiques d’Agmont sont soit identiques soit substituables, Distex a fait valoir que les éléments de preuve montrent qu’Agmont n’a ni la capacité ni la volonté de fournir à Distex la qualité, la diversité et les faibles volumes nécessaires. Distex a affirmé avoir communiqué avec Agmont en avril 1998 dans l’intention nette d’acheter le tissu en question. Cependant, Agmont a décliné la demande et informé Distex qu’elle ne produit pas de tissus jacquards. Distex a soutenu que, lorsque des tissus identiques ou substituables ne sont pas disponibles, la demande d’allégement tarifaire devrait être accordée.

Enfin, Distex a soutenu que les avantages de l’allégement tarifaire l’emporteraient sur les coûts que les producteurs nationaux devront prétendument supporter même si le Tribunal devait conclure que des tissus identiques ou substituables sont disponibles. Distex a soutenu que les pertes éventuelles de ventes et de profits, déclarées par les producteurs nationaux, sont exagérées et se fondent sur l’hypothèse erronée que toute perte de vente à leurs clients (producteurs de gilets de golf) des États-Unis se ferait au profit de Distex. Distex a soutenu qu’il n’y aurait pas de telle perte de vente parce que ses clients aux États-Unis occupent un segment distinct du marché et ne font pas directement concurrence aux détaillants qui achètent les gilets de golf des clients américains d’Agmont.

ICMV

L’ICMV appuie la demande d’allégement tarifaire de Distex. L’ICMV a soutenu que la comparaison des caractéristiques techniques du tissu de production nationale et du tissu en question montre qu’aucun tissu identique ou substituable n’est produit au Canada. De plus, l’ICMV a avancé que la qualité du tissu en question le distingue des tissus produits au Canada censément identiques ou substituables. L’ICMV a aussi soutenu que le coût du tissu et le prix de vente des gilets montrent que Distex occupe un créneau du marché unique, distinct du segment du marché visé par Agmont et par les autres tricoteurs en tant que fournisseurs de tissus. Selon l’ICMV, l’octroi de l’allégement tarifaire n’entraînerait aucune répercussion économique négative pour les producteurs de textiles canadiens.

Selon l’ICMV, le double traitement de mercerisage est un facteur important de la qualité du tissu, puisqu’il lui confère sa brillance, son chatoiement et son touché soyeux. L’ICMV a soutenu que la teinture et le mercerisage du fil (avant l’étape du tricotage) confèrent au tissu des caractéristiques qui ne pourraient s’obtenir par le mercerisage du tricot uniquement. Par exemple, selon l’ICMV, le mercerisage des fils accroît leur résistance à la traction, permettant d’obtenir des tricots plus fins. L’ICMV a soutenu que l’investissement d’Agmont dans du matériel de mercerisage ne vise que le mercerisage du tissu. L’ICMV a soutenu que, bien qu’Agmont ait affirmé pouvoir importer des fils de coton Pima de grande qualité du Pérou pour produire des tissus mercerisés deux fois, Agmont n’a fourni aucune indication quant à savoir qui merceriserait le fil et à quel prix. L’ICMV a soutenu que l’affirmation d’Agmont laisse croire à une possibilité de production vraisemblablement non économique et n’ayant pas fait ses preuves sur le marché. L’ICMV a aussi soutenu que Manoir, qui affirme approvisionner certains producteurs de gilets de golf haut de gamme, n’a pas fourni de tissu mercerisé. Selon l’ICMV, les éléments de preuve soumis par Distex montrent que les tissus non mercerisés ne sont pas utilisés dans la confection de gilets de golf haut de gamme.

L’ICMV a soutenu que le type de machines à tricoter Jacquard utilisées pour produire le tissu en question est un élément crucial pour obtenir la qualité nécessaire à Distex. Agmont n’a pas fourni d’éléments de preuve que ses machines à tricoter sont du type Jacquard ni que leur jauge soit comparable ni que leur capacité de changement des fils équivaille à celle des machines utilisées pour produire le tissu en question.

L’ICMV a soutenu qu’il est douteux que la qualité des tissus censément identiques d’Agmont soit telle qu’elle les rendent compétitifs par rapport au tissu en question, étant donné l’écart entre le prix moyen de vente du produit d’Agmont et celui du tissu plus coûteux en question. L’ICMV dit également douter qu’Agmont et Manoir approvisionnent des producteurs de gilets de golf haut de gamme qui font concurrence à Distex sur le marché américain, étant donné la structure des prix du marché du gilet de golf aux États-Unis. L’ICMV a soutenu que les producteurs de vêtements élaborent des catégories de produits stratégiques fondées sur des caractéristiques qualitatives spécifiques. La structure des prix de détail reflète une telle catégorisation et tend à segmenter les préférences des consommateurs. L’ICMV a soutenu que les consommateurs perçoivent une différence de qualité à différents prix. De plus, l’ICMV a affirmé que les consommateurs établissent une distinction entre la qualité des gilets de fils à un brin non mercerisés et celle des gilets confectionnés à partir de fils à deux brins, mercerisés, à double torsion. L’ICMV a soutenu que le consommateur sait par expérience que les tissus de qualité supérieure gardent leurs qualités de brillance et de chatoiement assez longtemps, une caractéristique obtenue en mercerisant non seulement le tissu, mais aussi le fil. Les consommateurs sont disposés à payer davantage pour un produit doté de caractéristiques comme un double mercerisage, des fils de diverses couleurs, un motif, un chatoiement et un toucher doux. Selon l’ICMV, Distex assure sa survie en ciblant un prix de détail au-delà du seuil des 100 $US, mais en-dessous de 160 $US [8] . En comparaison, les gilets de golf que produit la société Ardent Sportswear Inc. (Ardent), un importateur de tissus censément substituables, mais non mercerisés, sont vendus à un prix plafond moindre. Selon l’ICMV, Ardent ne peut offrir ses marchandises à un prix équivalent à un prix de détail supérieur à 100 $US parce que son tissu n’est pas mercerisé deux fois. L’ICMV a soutenu que Distex n’est pas menacée par la concurrence d’Ardent, ce qui démontre un cloisonnement des segments du marché en fonction des caractéristiques de qualité.

L’ICMV a soutenu qu’il ne se produit pas de tissus substituables au Canada. Par conséquent, il a affirmé que les effets négatifs de l’octroi de l’allégement tarifaire demandé seraient minimes, sinon nuls, pour les producteurs nationaux et que l’allégement tarifaire entraînerait des gains économiques pour Distex.

Importateurs de tissus censément substituables

Ardent et la société Fountain Set Textiles (Ontario) Ltd. (Fountain Set ) appuient la demande d’allégement tarifaire parce qu’elles importent des tissus censément identiques ou substituables devant servir à la confection de gilets de golf. Ardent a souligné que le tissu en question est fait de fils à double torsion, comme l’est le tissu qu’elle importe. Selon Ardent, une telle caractéristique réduit les moments de torsion dans le tissu. Par conséquent, Ardent demande l’allégement tarifaire sur les tricots jacquard faits de fils à deux brins teints, à double torsion, titrant 60. Les tissus qu’importent Ardent et Fountain Set et les fils utilisés pour les produire ne sont pas mercerisés.

ICT

L’ICT fait opposition à la demande d’allégement tarifaire parce qu’il existerait une production nationale de tissus identiques ou substituables et que les coûts de l’allégement tarifaire l’emporteraient sur les gains.

L’ICT a soutenu que la description de produit retenue par le Tribunal d’après l’avis de Revenu Canada a une portée d’application plus vaste que la description du tissu soumise par Distex dans sa demande. L’ICT a soutenu que l’absence de toute mention du titre du fil et la plus vaste gamme de poids du tissu visé dans la définition du tissu en question augmentent la possibilité de dommage découlant de l’allégement tarifaire par rapport à la menace afférente à la demande initiale. L’ICT a aussi fait valoir que Revenu Canada a conclu que le titre des fils et le poids du tissu de l’échantillon fourni par Distex s’écartaient des valeurs prévues pour ces éléments dans la description comprise dans la demande. Plus particulièrement, les fils étaient d’un titre moins élevé (plus gros) et le poids du tissu était plus élevé que les valeurs indiquées dans la demande.

L’ICT a soutenu que, bien que Distex ait affirmé que le double mercerisage soit une caractéristique unique du tissu en question qui la distingue d’autres tissus, Distex n’a pas démontré comment il est possible de détecter l’exécution d’un tel traitement et n’a pas précisé l’avantage offert pour le consommateur. L’ICT a soutenu que les détaillants et les consommateurs ne peuvent percevoir si un tissu de coton mercerisé a fait l’objet d’un traitement de mercerisage à plus d’une étape de sa production. L’ICT a aussi soutenu que Revenu Canada n’a pu déterminer si l’échantillon fourni par Distex avait été mercerisé deux fois. De plus, l’ICT a affirmé que les réponses d’Ardent et de Fountain Set au questionnaire indiquent que ces dernières considèrent que les tissus non mercerisés qu’elles importent sont substituables au tissu en question.

L’ICT a souligné qu’Agmont a acheté de l’équipement de mercerisage et a dit être prête à produire, de trois manières, des tricots trame mercerisés : 1) par l’achat de fils mercerisés pour ainsi produire un tissu mercerisé une fois; 2) par l’achat de fils ordinaires pour produire un tissu mercerisé à l’étape de l’apprêtage du tissu; 3) par l’achat de fils mercerisés pour produire un tissu à nouveau mercerisé à l’étape de l’apprêtage du tissu (c.-à-d. mercerisé deux fois). Il a été soutenu qu’Agmont produit du tricot trame circulaire de chacune des manières susmentionnées.

L’ICT a aussi soutenu que l’expression « métier Jacquard » incluse dans la définition du tissu en question qu’a retenue le Tribunal est incorrecte, puisqu’il n’existe pas de telles machines textiles. Les producteurs ont interprété l’expression comme signifiant une machine à tricoter trame Jacquard. L’ICT a soutenu que le tricot produit sur une machine à tricoter trame Jacquard ne se distingue pas nécessairement, que ce soit en laboratoire ou sur le marché, du tissu produit avec un métier à tricoter trame ordinaire. Il a observé que Revenu Canada n’a pas pu déterminer si l’échantillon du tissu en question avait été produit sur une mécanique Jacquard. L’ICT s’est aussi opposé à l’inclusion, dans la définition du tissu en question, d’une exigence d’attestation que le tissu a été produit sur une mécanique Jacquard, parce que l’administration du tarif ne doit pas être confiée à des concurrents à l’étranger. L’ICT a soutenu que l’unique raison pour laquelle Agmont ne produit pas de tissus Jacquard présentement est que ses clients n’exigent pas de tels produits.

L’ICT a aussi soutenu que la société Taxitex Inc. produit au Canada des tricots trame jacquard, mercerisés, de coton, faits de fils teints [9] .

Quant à l’affirmation de Distex selon laquelle des tissus identiques ou substituables ne sont pas disponibles auprès de producteurs nationaux, l’ICT a soutenu qu’aucun élément de preuve ne montre que Distex se soit suffisamment efforcée de se procurer le tissu en question au Canada.

L’ICT a soutenu que les coûts et les prix moyens ne peuvent servir de base de comparaison des importations et des produits de source nationale parce que les caractéristiques techniques des fils qui entrent dans leur production, et donc leurs coûts, diffèrent. Selon l’ICT, la seule comparaison valable entre les coûts des importations et ceux des tissus de production nationale en serait une qui porte sur des tissus produits au Canada à partir de fils identiques à ceux utilisés par le producteur italien de Distex.

L’ICT a soutenu que l’analyse coût-avantage montre que le seul avantage prendrait la forme d’une petite économie en droits de douane par rapport au coût substantiel que devrait supporter les producteurs nationaux. L’ICT a soutenu que les coûts qui ressortent de l’analyse sont substantiels à cause de la vaste portée de la définition du tissu en question retenue par le Tribunal, cette définition englobant une vaste gamme de divers tissus qui sont produits au Canada et sur lesquels l’octroi de l’allégement tarifaire aurait une incidence négative.

Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international a avisé que le Canada n’impose pas de contingent sur le tissu en question classé dans la sous-position no 6002.92. Ce tissu n’est donc pas soumis à des restrictions quantitatives à l’importation.

Revenu Canada a déclaré que l’administration de l’allégement tarifaire n’entraînerait aucun coût en sus de ceux déjà supportés par le Ministère, si l’allégement tarifaire était accordé pour le tissu en question.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d’évaluer l’incidence économique d’une réduction ou d’une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et les entreprises en aval et, à cette fin, de considérer tous les facteurs pertinents, notamment la possibilité de substituer un tissu produit au Canada à un tissu importé, la capacité des producteurs nationaux de desservir les industries canadiennes en aval et la compétitivité de ces industries en aval au Canada et à l’étranger. Par conséquent, la décision du Tribunal de recommander l’allégement tarifaire se fonde sur la mesure dans laquelle il estime qu’un tel allégement tarifaire apporterait un gain économique net pour le Canada.

La demande porte sur un tissu fabriqué en Italie qui sert dans la production, au Canada, de gilets de golf en vue de leur exportation aux États-Unis sur le marché des gilets de golf haut de gamme. Les gilets finis sont vendus aux boutiques de professionnels des clubs de golf les plus huppés qui attirent une clientèle exclusive. Les acheteurs de ces gilets sont des personnes qui consacrent considérablement plus d’argent à jouer au golf que la majeure partie de la population des golfeurs et qui souhaitent obtenir des vêtements d’un degré d’originalité élevé. Il s’agit d’un marché de petite taille, où les prix de détail dépassent 100 $US et avoisinent les 200 $US pour un gilet. Le Tribunal est convaincu que les caractéristiques techniques du tissu en question, et particulièrement le fait qu’il s’agisse d’un tricot jacquard et qu’il soit mercerisé deux fois, sont des facteurs critiques de l’aptitude de Distex à livrer concurrence sur ce marché haut de gamme.

Les renseignements dont dispose le Tribunal indiquent que l’allégement tarifaire entraînerait un gain annuel, sous forme d’économie de droits de douane, de plus de 20 000 $ pour Distex, l’augmentation de ses ventes et la création de trois nouveaux emplois.

Quatre tricoteurs nationaux ont avisé le Tribunal qu’ils produisent des tissus censément identiques ou substituables. Il s’agit d’Agmont, de Manoir, des sociétés Tricot Liesse (1983) Inc. et Cannon Knitting Mills Limited. Parmi les quatre tricoteurs susmentionnés, Agmont est la seule à avoir affirmé produire des tissus identiques et à avoir fourni des échantillons aux fins d’analyse en laboratoire par Revenu Canada. Agmont a aussi affirmé produire des tissus substituables, tout comme les autres trois sociétés susmentionnées. Parmi ces trois autres sociétés, seule Manoir a répondu au questionnaire du Tribunal à l’intention du producteur. Le Tribunal n’a donc examiné que la possibilité de substituabilité des tissus identifiés par Agmont et Manoir.

L’ICT fait opposition à la demande parce qu’il se produit au Canada des tissus identiques ou substituables. Le Tribunal n’est pas d’accord sur cette affirmation.

Le Tribunal a d’abord examiné les tissus censément identiques soumis par Agmont. Les résultats de l’analyse qu’a faite Revenu Canada du tissu en question et des tissus censément identiques soumis par Agmont montrent que diverses caractéristiques techniques distinguent le tissu en question et les tissus produits par Agmont. Le tissu en question se compose de fils mercerisés à deux brins, tandis que le tissu d’Agmont est fait de fils à un brin. Le tissu en question est fait de fils ayant un décitex moindre que ceux produits par Agmont et le tricot en est réalisé sur une seule fonture par rapport au tricot sur deux fontures d’Agmont. Le Tribunal prend note que Revenu Canada n’a pas été en mesure de déterminer avec certitude si le tissu en question avait été mercerisé deux fois ou tricoté au moyen d’une mécanique Jacquard. Cependant, Distex a témoigné que de telles caractéristiques sont des éléments clés du tissu sur lequel elle souhaite obtenir un allégement tarifaire, et Agmont a fait savoir que ses tissus ne sont pas mercerisés deux fois et sont des tricots trame ordinaires plutôt que sur des tricots Jacquard. Selon le Tribunal, ces différences techniques établissent le fait que les tissus d’Agmont ne sont pas identiques au tissu en question.

Le Tribunal s’est ensuite penché sur la question de savoir si les tissus censément identiques d’Agmont pourraient être substitués au tissu en question. Ainsi qu’il a déjà été indiqué, les tissus d’Agmont ne sont ni des tricots jacquard ni mercerisés deux fois. En outre, le Tribunal est convaincu que les gilets de golf produits avec le tissu en question occupent un créneau haut de gamme sur le marché du gilet de golf aux États-Unis. Les renseignements dont dispose le Tribunal indiquent que le marché de détail américain des gilets de golf haut de gamme est divisé selon les segments de prix suivants : au-dessus de 160 $US, entre 140 $US et 160 $US, et entre 120 $US et 140 $US. Distex peut viser un prix de détail de plus de 120 $US à cause des caractéristiques du tissu en question, mais en-deçà de 160 $US, soit le seuil de la gamme de prix des gilets de golf haut de gamme importés d’Italie. Bien que les gilets de Distex soient faits de tissus italiens, il leur manque l’atout de vente important que représente le fait d’avoir été confectionnés en Italie. Pour demeurer compétitive, Distex doit offrir ses gilets à un prix inférieur au seuil de la fourchette de prix des produits fabriqués en Italie. À la lumière des renseignements dont il dispose, le Tribunal est convaincu que les gilets produits en se servant des tissus censément identiques d’Agmont ne pourraient pas faire face à la concurrence au même seuil de prix ni dans le même segment du marché que ceux que produit Distex en se servant du tissu en question. Le Tribunal prend note qu’aucun élément de preuve ne fait ressortir l’existence d’une concurrence directe entre les clients de Distex et les détaillants qui vendent les gilets produits avec les tissus d’Agmont. Par conséquent, le Tribunal conclut que les tissus censément identiques que produit Agmont ne sont pas substituables au tissu en question.

Le Tribunal a ensuite examiné les tissus censément substituables produits par Agmont et Manoir. Les renseignements au dossier montrent que ces produits ne sont ni des tricots jacquard ni des tissus mercerisés. Le Tribunal est convaincu que ces tissus censément substituables ne possèdent pas les caractéristiques techniques les plus cruciales du tissu en question et ne pourraient livrer concurrence dans le même segment du marché du gilet de golf que Distex. Par conséquent, le Tribunal ne les considère pas comme étant substituables au tissu en question.

À la lumière des renseignements dont il dispose, le Tribunal conclut qu’il n’y a pas de production nationale de tissus identiques ou substituables. Par conséquent, l’octroi de l’allégement tarifaire demandé ne devrait entraîner aucun coût économique pour les producteurs. Compte tenu des motifs susmentionnés et compte tenu des gains qui en découleront pour Distex, le Tribunal conclut que l’octroi de l’allégement tarifaire assurera des gains économiques nets au Canada.

La question de la possibilité de détecter si un tissu importé a été mercerisé deux fois et s’il a été produit sur un métier à tricoter trame Jacquard a été soulevée relativement à l’administration d’un nouveau numéro tarifaire en vue de procurer l’allégement tarifaire demandé. Revenu Canada a fait savoir qu’il n’était pas en mesure de déterminer si les échantillons de tissu qu’elle a analysés avait été mercerisés deux fois ou si la machine à tricoter était une mécanique Jacquard. Le Tribunal est d’avis que la préoccupation susmentionnée peut être réglée au moyen d’une demande d’attestation par le producteur, dans le cadre de la définition du produit, de l’existence des caractéristiques techniques visées.

Le Tribunal prend note des préoccupations exprimées par l’ICT au sujet de la vaste portée d’application de la définition du tissu en question incluse dans l’avis d’ouverture d’enquête publié par le Tribunal. Distex a proposé, dans son exposé en réponse, de restreindre la portée d’application de la définition par l’ajout de la mention de fils à deux brins et de la définition de la valeur en décitex des fils par l’expression « titrant en fils simples pas plus de 180 décitex ». Le Tribunal est convaincu que les modifications proposées suffisent pour répondre aux préoccupations susmentionnées de l’ICT et a intégré lesdites modifications dans la définition du tissu en question.

Si le Ministre prend un décret pour mettre en œuvre la recommandation d’allégement tarifaire du Tribunal, et advenant un changement éventuel des circonstances qui ont fondé la recommandation initiale, les producteurs de textiles peuvent demander au Tribunal de réexaminer la recommandation qui aura mené à la prise du décret du Ministre.

RECOMMANDATION

Le Tribunal recommande au Ministre, par la présente, d’accorder l’allégement tarifaire, pour une période indéterminée, sur les importations, en provenance de tous les pays, de tissu, uniquement de fils de coton à deux brins de diverses couleurs, titrant en fils simples pas plus de 180 décitex, d’un poids de 100 g/m2 ou plus mais n’excédant pas 200 g/m2, certifié par l’exportateur comme ayant été tissé sur une machine à tricoter trame circulaire Jacquard et ayant été « mercerisé deux fois » (c.-à-d. dont les fils ont été mercerisés, puis tricotés pour en faire un tricot lui-même ensuite soumis à un deuxième traitement de mercerisage), de la sous-position no 6002.92, devant servir à la confection de gilets de golf.

Richard Lafontaine
_________________________
Richard Lafontaine
Membre présidant


Peter F. Thalheimer
_________________________
Peter F. Thalheimer
Membre


Anita Szlazak
_________________________
Anita Szlazak
Membre


1. Les 20 mars et 24 juillet 1996, et le 26 novembre 1997, le ministre des Finances a révisé ledit mandat.

2. L.R.C. (1985), ch. 47 (4e suppl.).

3. Vol. 132, no 41 à la p. 2660.

4. Les taux de droits de douane en vertu du tarif NPF et des tarifs des États-Unis et de l’Accord Canada-Israël étaient en vigueur en 1998 et n’ont pas changé en 1999. Les taux de droits de douane en vertu des tarifs du Mexique et du Chili ont baissé, passant de 12,5 p. 100 ad valorem en 1998 à 10 p. 100 ad valorem le 1er janvier 1999.

5. Agmont et la société‚ Manoir Inc. ont fourni des réponses complètes au questionnaire du Tribunal. La société Cannon Knitting Mills Limited a envoyé une lettre dans laquelle elle allègue produire des tissus substituables, mais n’a pas fourni d’autres renseignements. La société Tricot Liesse (1983) Inc. n’a pas répondu au questionnaire, mais a indiqué lors d’une visite de ses installations par le personnel du Tribunal qu’elle produisait des tissus qu’elle a dit substituables.

6. Le taux NPF au Canada demeurera à 16 p. 100 ad valorem du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2002, par rapport au taux NPF aux États-Unis qui baissera progressivement chaque année, passant de 12,0 p. 100 ad valorem à 10,8 p 100 ad valorem entre le 1er janvier 1999 et le 1er janvier 2002, puis demeurera à 10,8 p. 100 ad valorem jusqu’au 31 décembre 2002.

7. Un décitex est égal à un dixième de tex. Le tex est une unité qui sert à exprimer la masse linéique d'un fil, en grammes par kilomètre de fil.

8. Ce prix (160 $US) équivaut au prix approximatif associé au seuil inférieur de la gamme des prix des gilets de golf importés d'Italie.

9. Il convient de noter que la société Taxitex Inc. a été incluse dans l'enquête des producteurs éventuels de tissus identiques ou substituables menée par le personnel du Tribunal. Le personnel du Tribunal lui a fait parvenir un questionnaire à l'intention du producteur, mais elle a fait savoir qu'elle n'y répondrait pas.


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Publication initiale : le 8 février 1999