DISTEX INC.

Enquêtes


RAPPORT AU MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D’ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE PAR DISTEX INC. CONCERNANT LE TRICOT TRAME
LE 4 AVRIL 2000

TABLE DES MATIÈRES


Demande no : TR-99-005

Membres du Tribunal : Richard Lafontaine, membre présidant
Peter F. Thalheimer, membre
Zdenek Kvarda, membre


Directeur de la recherche : Réal Roy


Recherchiste : Peter Rakowksi


Préposé aux statistiques : Lise Lacombe


Avocat pour le Tribunal : Marie-France Dagenais


Agent à l’inscription et

à la distribution : Claudette Friesen

Adresser toutes les communications au :

Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l’article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur [1] , le mandat de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication, et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu le 19 août 1999, de Distex Inc. (Distex), une demande de suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations de tricot trame devant servir à la confection de gilets de golf.

Le 18 octobre 1999, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête qui a été diffusé et a paru dans le numéro du 30 octobre 1999 de la Gazette du Canada [2] . L’avis d’ouverture d’enquête décrit l’intrant textile comme du « tricot trame, uniquement de fils de coton, mercerisés, titrant en fils simples 180 décitex ou plus mais n’excédant pas 200 décitex, d’un poids de 150 g/m² ou plus mais n’excédant pas 200 g/m², du numéro tarifaire 6002.92.90, devant servir à la confection de gilets de golf » (le tissu en question).

Dans le cadre de l’enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a envoyé des questionnaires aux producteurs possibles de tissus identiques ou substituables. Des questionnaires ont aussi été envoyés à des importateurs et des utilisateurs possibles du tissu en question. Une lettre a été envoyée au ministère du Revenu national (maintenant l’Agence des douanes et du revenu du Canada [ADRC]) pour lui demander une description complète des caractéristiques physiques du tissu en question, une opinion quant à la possibilité d’administrer l’allégement tarifaire, et un libellé possible si l’allégement tarifaire devait être recommandé. Il a aussi été demandé au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) de fournir des renseignements à jour sur toute restriction quantitative imposée sur les importations du tissu en question, et le ministère de l’Industrie a été informé de la demande et prié de fournir tout commentaire jugé pertinent. Le ministère des Finances a également été informé de la demande.

Un rapport d’enquête du personnel, résumant les renseignements reçus de ces ministères, de Distex et d’autres parties intéressées, a été remis aux parties qui avaient déposé un avis de comparution dans le cadre de la présente enquête.

Aucune audience publique n’a été tenue dans le cadre de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

Le produit faisant l’objet de l’enquête est un tricot trame « mercerisé » [3] constitué uniquement de coton. Il diffère de l’intrant textile décrit dans la demande déposée par Distex en ce sens que ce dernier est un tricot trame « mercerisé deux fois » [4] constitué uniquement de coton. Toutefois, l’ADRC a indiqué que l’allégement tarifaire pour un tissu caractérisé par un « double mercerisage » ne serait pas administrable. Par conséquent, le Tribunal a publié un avis d’ouverture d’enquête qui ne mentionnait pas le double mercerisage et qui s’étendait ainsi à une gamme plus large de tissus que ce qui était indiqué dans la demande.

L’ADRC a informé le Tribunal que le tissu en question est classé au numéro tarifaire 6002.92.90 de l’annexe du Tarif des douanes [5] et qu’il est actuellement assujetti à un droit de douane de 16 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF et à 7,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif du Mexique et du tarif du Chili, et qu’il est importé en franchise selon le tarif des États-Unis et du tarif de l’Accord Canada-Israël.

OBSERVATIONS

Distex

Distex, établie à Saint-Laurent (Québec), confectionne des vêtements de sport pour hommes et pour femmes vendus sous la marque de commerce « Robert Barakett ». L’entreprise est en exploitation depuis trois ans. Tous les modèles sont conçus par Distex à ses installations de Saint-Laurent. L’entreprise retient les services de fabricants locaux pour la coupe et la couture de sa gamme de produits.

Distex a affirmé que des tissus identiques ou substituables ne sont pas disponibles auprès des producteurs canadiens et a déclaré que son fournisseur étranger mercerise le fil et le tissu au moyen d’une machine automatique, ce qui permet un mercerisage continu par opposition à un mercerisage en lots. Selon Distex, le mercerisage continu donne un fil dont l’épaisseur est plus uniforme, ce qui est essentiel étant donné la finesse du fil dont elle a besoin. Distex a également affirmé que le mercerisage continu diminue les nœuds et le molletonnage du fil et élimine l’inégalité de la couleur. Distex a demandé que l’allégement tarifaire entre en vigueur immédiatement [6] .

Distex a également indiqué que les facteurs additionnels suivants expliquent sa préférence pour le tissu en question :

• Disponibilité - Le fournisseur offre en tout temps le tissu en 24 couleurs. S’il faut d’autres couleurs, il les produit sur demande.

• Production en petite série - Si une couleur donnée n’est pas disponible dans les marchandises offertes, le fournisseur peut tricoter aussi peu que 160 mètres linéaires dans une couleur donnée.

• Délai de livraison - Une telle diversité de couleurs de tissu en stock, qui sont prêtes à l’expédition, signifie une réponse plus rapide aux commandes de Distex, un délai de livraison réduit, et des commandes répétitives rapides.

• Exigences de production - Le tissu utilisé pour le collet et les poignets est fabriqué avec un fil dont la spécification est différente de celle du tissu servant au reste du gilet de golf. Le fournisseur étranger peut teindre les deux tissus uniformément.

Distex a allégué que, étant donné l’absence de substituts produits au Canada, elle doit importer le tissu en question et payer des frais de douane inutiles. Si elle pouvait obtenir un allégement tarifaire, elle pourrait faire des économies élevées de droits, abaisser son coût de production, offrir son produit final à un prix plus concurrentiel et augmenter ses ventes.

Distex a indiqué qu’une augmentation de ses ventes lui permettrait d’embaucher plus d’employés pour réaliser une telle expansion et qu’une production plus élevée inciterait ses entrepreneurs à employer plus de personnes au Canada. Elle a également indiqué que les entreprises canadiennes qui importent des gilets de golf finis seraient encouragées à les fabriquer au Canada et elle a rappelé la conclusion du Tribunal dans sa recommandation précédente [7] , selon laquelle des gains économiques nets au Canada seraient réalisés si le tarif était éliminé sur l’intrant textile.

Dans son exposé final au Tribunal, Distex a déclaré ce qui suit :

• Les spécifications fournies par Agmont Inc. (Agmont) pour ses échantillons de tissus sont très différentes de celles établies par le laboratoire de l’ADRC lorsqu’il a analysé ces mêmes échantillons.

• Distex est disposée à accommoder Agmont et a proposé que la demande soit modifiée, c’est-à-dire restreinte, pour spécifier qu’elle porte sur les « fils mercerisés à deux brins » ayant « un titre variant de 30/2 à 32/2 » [8] . Selon Distex, ces modifications devraient être suffisantes pour exclure et protéger toute la production d’Agmont de tissus identiques ou substituables.

• Pour ce qui est des allégations d’Agmont selon lesquelles elle est capable de produire des tissus identiques aux tissus en question, Distex allègue que le Tribunal a déclaré à maintes reprises que seule la production actuelle peut être considérée pour déterminer si un producteur national sera touché par l’allégement tarifaire.

• La technique particulière de mercerisage utilisée par les fournisseurs étrangers a permis à Distex de pénétrer le segment haut de gamme du marché des gilets de golf. La précision du détail permise par la méthode de mercerisage est un facteur important de la vente de ses gilets de golf.

• Les tissus d’Agmont ne sont pas substituables parce que les gilets de golf mercerisés deux fois constituent un segment particulier du marché et que les tissus constitués de fils non mercerisés ne peuvent remplacer le tissu en question. Les gilets de golf de Distex se vendent beaucoup plus cher au détail et par conséquent ne sont pas en concurrence avec les produits fabriqués avec les tissus d’Agmont.

• Même si Agmont fabriquait des tissus identiques ou substituables, Distex ne pourrait se procurer ces tissus parce Agmont ne veut ou ne peut pas les lui vendre.

• Agmont n’a jamais vendu, ni même offert de vendre, des tissus à Distex. Par conséquent, Agmont ne peut alléguer que ses investissements seront mis en péril si l’allégement tarifaire est accordé.

• Même si Agmont allègue que l’un de ses clients fabrique des gilets de golf qui se vendent à peu près au même prix au détail que ceux de Distex, ces gilets sont fabriqués de tissus jacquard et, par conséquent, n’entrent pas dans le cadre de la présente enquête.

• Étant donné la réalité commerciale pour le segment du marché en question, Distex a déclaré que le Canada n’est pas un lieu attrayant pour la fabrication de gilets de golf haut de gamme. La mise en œuvre d’une recommandation d’allégement tarifaire remédierait à la situation et donnerait au Canada un atout.

• Bien que l’Institut canadien des textiles ait allégué que le Guide de la saisine sur les textiles enlève aux producteurs de textiles toute voie d’appel, le fait est que, selon l’article 19 des Lignes directrices sur les textiles, Agmont a tout à fait le droit de déposer une demande d’annulation de l’ordonnance.

• Les fabricants canadiens, comme Distex, sont trop petits pour intéresser les tricoteurs nationaux; par conséquent, ils n’ont pas d’autre choix que de s’approvisionner auprès de tricoteurs étrangers.

Enfin, Distex a déclaré rejeter la position de l’ADRC selon laquelle, si la définition du tissu en question mentionne des tissus mercerisés deux fois, l’allégement ne serait pas administrable en raison de l’incapacité du laboratoire de l’ADRC de déterminer le double mercerisage. Distex soutient qu’il y a d’autres façons de s’assurer que le tissu est mercerisé, comme un affidavit, un questionnaire, un registre de production et la vérification sur place. Selon Distex, un certificat de l’exportateur sert à l’administration d’autres initiatives tarifaires et ne semble pas imposer un fardeau financier trop lourd à l’ADRC.

Après la réception des exposés finals, Agmont a déposé d’autres échantillons d’un tissu, lequel, allègue-t-elle, est mercerisé deux fois et est identique au tissu en question. En réponse, Distex a affirmé qu’elle était toujours d’avis qu’un tissu identique au tissu en question ou qui lui est substituable n’était pas disponible au Canada. Distex a soutenu qu’il ne semble pas y avoir de preuve qu’Agmont vend effectivement le tissu échantillon, ni d’ailleurs que les ventes d’Agmont de ce tissu en particulier seraient mises en péril si l’allégement tarifaire était accordé. Distex a également allégué qu’il n’y avait toujours pas de preuve au dossier pour montrer qu’elle serait en mesure de se procurer au Canada des tissus identiques ou substituables au tissu en question. Distex a conclu en affirmant qu’Agmont ne subirait aucun coût si l’allégement était accordé et que l’allégement tarifaire procurerait des gains économiques nets au Canada.

Ardent Sportswear Inc. (Ardent)

Ardent est un fabricant canadien de vêtements de sport qui produit des gilets de golf en coton pour homme. L’entreprise a indiqué qu’elle n’a pu remplir le questionnaire parce qu’elle n’a pas reçu de commandes de gilets de golf fabriqués avec le tissu en question.

Hathaway Canada Limited (Hathaway)

Hathaway a indiqué que, bien qu’elle n’importe pas le tissu en question pour l’instant, elle appuie la demande d’allégement tarifaire.

Wing Son Garments (Wing Son)

Wing Son a indiqué qu’elle n’importe pas le tissu en question et qu’elle n’a pas l’intention de le faire dans l’année à venir.

Fountain Set Textiles (Ontario) Ltd. (Fountain Set)

Fountain Set n’a pas rempli le questionnaire de l’importateur, mais elle a indiqué qu’elle appuie la demande d’allégement tarifaire parce qu’un tel allégement l’aiderait à faire des ventes dans l’avenir et à créer plus d’emplois pour l’industrie locale du vêtement.

Agmont

Agmont, de Montréal (Québec), une entreprise en exploitation depuis 30 ans, fabrique des tissus de tricot trame circulaire et dessert une clientèle au Canada et aux États-Unis.

Agmont a déclaré qu’elle exploite une usine de tricot à la fine pointe de la technologie et qu’elle dispose des machines les plus perfectionnées en Amérique du Nord (Agmont America Dyeing Inc.) pour la teinture et la finition des tricots. L’entreprise a expliqué qu’elle se spécialise dans la production de tricots de coton, de polyester/coton, de coton/lycra et de mélanges spéciaux servant à la confection de vêtements de sport, ainsi que de vêtements, de linge de corps et de maillots de bain pour hommes, femmes et enfants. Elle prétend avoir la compétence et la capacité de produire le tissu spécifié dans la demande de Distex.

Agmont s’est opposée à la demande d’allégement tarifaire, alléguant qu’elle produit des tissus identiques au tissu en question décrit dans l’avis d’ouverture d’enquête. Agmont soutient qu’elle produit également des tissus qui sont pour ainsi dire identiques aux échantillons de tissus présentés par Distex et qu’elle peut produire des tissus identiques à tous égards à ces échantillons en utilisant des fils identiques. Agmont a aussi soutenu qu’elle produit une diversité de tissus qui sont en concurrence directe avec ceux qui sont décrits dans la demande de Distex.

Agmont a soutenu que, si Distex est autorisée à importer en franchise le tissu en question, Distex sera en concurrence directe avec les clients d’Agmont aux États-Unis, de sorte que leur part de marché diminuera. Selon Agmont, cette situation entraînerait une baisse de l’emploi dans les usines de ses clients aux États-Unis, une diminution de la part de marché d’Agmont aux États-Unis et une baisse de l’emploi dans les installations de production d’Agmont au Canada.

Agmont a déclaré que les fabricants nord-américains de tissus essaient de recapturer une part du marché détenu par les vêtements importés de haute qualité et elle a indiqué qu’elle est en voie de modifier sa production pour produire des tissus de plus grande valeur. Elle a indiqué que, pour faciliter cette transition, elle a investi dans des appareils de mercerisage afin de développer le marché des tissus mercerisés et elle a prétendu que cet investissement serait en péril si elle perdait sa part de marché au profit du tissu en question.

Agmont a présenté les arguments additionnels suivants en réponse à l’affirmation de Distex selon laquelle le Tribunal a reconnu que « les fabricants canadiens ne peuvent reproduire » [traduction] les caractéristiques des tissus qu’ils importent lorsqu’il a présenté sa recommandation dans l’affaire antérieure [9] .

• La nouvelle demande porte sur les tissus teints, et non sur les jacquards.

• Il est tout à fait faux que les fabricants canadiens, et plus expressément Agmont, ne peuvent produire des tissus identiques à ceux qui sont importés par Distex, qu’il s’agisse de jacquards de fils teints ou de tissus teints. Agmont a indiqué qu’elle achète du fil mercerisé et qu’elle en fait des tissus, et aussi qu’elle fait le mercerisage tant des jacquards que des tissus teints. Pour ce qui est des tissus « mercerisés deux fois », Agmont a soutenu que la raison pour laquelle ses statistiques de production ne montraient pas un grand volume de production actuellement ou dans le passé, c’est que la demande a été faible tant de la part de ses clients que de la part des consommateurs.

• Agmont s’inquiète beaucoup du fait que l’ADRC, en n’autorisant pas l’utilisation de la spécification relative au double mercerisage dans la définition du produit, ait proposé un libellé qui autoriserait l’importation en franchise d’une gamme beaucoup plus vaste de tissus pour les gilets de golf au Canada, en concurrence directe avec la production canadienne de tricots.

Agmont a aussi allégué que ses ventes totales sur le marché des gilets de golf sont importantes et que, si l’importation en franchise de tissus mercerisés est autorisée, ce volet de ses affaires serait défavorablement affecté. Agmont a en outre allégué que l’un de ses clients aux États-Unis fabrique des gilets de golf qui se vendent à peu près au même prix de détail que celui de Distex.

Agmont a indiqué que, même si la demande sur le marché porte surtout sur les tissus fabriqués de fils simples, elle produit également des tissus composés de fils à deux brins pour les clients qui le demandent.

Edward Textile Inc. (Edward)

Edward a indiqué qu’elle ne produit pas des tissus identiques ou substituables et qu’elle ne s’oppose pas à la demande.

Glenoit Corporation of Canada (Glenoit)

Glenoit a indiqué qu’elle ne s’oppose pas à la demande d’allégement tarifaire.

Fédération canadienne du vêtement (FCV)

Voici les principaux points avancés par l’Institut canadien des manufacturiers du vêtement, pour le compte de la FCV, à l’appui de la demande :

• Il n’y a pas de production au Canada de tissus identiques ou substituables au tissu en question de sorte qu’un allégement tarifaire n’aurait pas de répercussions sur les fabricants canadiens de textiles.

• Agmont n’est à peu près pas présent, sinon pas du tout, en tant que fournisseur dans le créneau de marché où évolue Distex et il n’y aurait pas de répercussions sur Agmont si le tarif était éliminé. En outre, les avantages économiques nets seraient maximisés si l’allégement tarifaire était accordé pour le tissu de coton mercerisé deux fois pour les gilets de golf, comme le demande Distex.

• La FCV met en doute le fait qu’Agmont produise à l’heure actuelle des tissus mercerisés ou même si elle a la capacité de produire des tissus mercerisés deux fois.

• La FCV a signalé que, bien qu’Agmont ait allégué qu’elle puisse produire des tissus substituables, le Tribunal a déclaré, dans nombre de ses recommandations, que l’industrie du vêtement peut difficilement substituer des tissus à d’autres et qu’elle attache beaucoup d’importance à des différences si minimes soient-elles entre les tissus, ce qui lui permet d’offrir de nouveaux produits distinctifs.

• Les tricoteurs nationaux de textiles eux-mêmes reconnaissent qu’il y a des différences fondamentales entre les tricots de polyester/coton, de coton et de coton/lycra. Ils reconnaissent également qu’il y a des raisons commerciales à la fabrication de ces trois tissus, c’est-à-dire que le marché exige une telle diversification.

• Il n’est pas certain que les tissus de fil de coton simple mercerisé deux fois qui sont fabriqués par Agmont soient vraiment comparables au tissu en question. La FCV croit comprendre que le fil de Distex a une plus forte résistance à la traction et que, par conséquent, il peut servir au tricotage de tissus à jauge plus fine.

• Il semble qu’Agmont veut établir qu’elle achète du fil mercerisé, qu’elle le tricote pour en faire du tissu et qu’elle mercerise ensuite le tissu. La FCV n’a vu aucune preuve qu’Agmont fait le mercerisage du fil.

• Distex et Ardent ont démontré que les tissus non mercerisés servent à la fabrication de gilets de faibles et moyens prix. Il s’agit des créneaux de marché occupés par les fabricants de gilets de golf de bas de gamme qui utilisent du tissu non mercerisé fabriqué au Canada. Agmont n’a pas démontré qu’elle occupe un créneau de fournisseur spécialisé et il n’y a pas de preuve qu’elle a la compétence pour produire des tissus mercerisés deux fois de haute qualité, comme le demande Distex.

• Un seul des échantillons d’Agmont est mercerisé deux fois; les autres le sont une seule fois et ne doivent pas être considérés plus avant.

• Agmont n’a pas démontré qu’elle est en mesure de fabriquer et de fournir des tissus mercerisés deux fois. En outre, Agmont approvisionne des fabricants qui confectionnent des gilets de golf de bas de gamme et qui n’utiliseront pas le tissu en question pour ce type de gilet. Si et au moment où Agmont décide de fabriquer des tissus mercerisés deux fois, cette question pourrait alors se poser plus légitimement et pourrait être réexaminée.

• La FCV ne voit pas de raison pour laquelle les certificats d’importation ne pourraient fonctionner, même si d’autres contrôles à l’importation étaient aussi nécessaires.

En réaction à la dernière présentation par Agmont d’un échantillon de tissu lequel, a-t-elle allégué, était identique au tissu en question, la FCV a déclaré que Distex n’a pas mis un tel tissu à l’essai et qu’il n’y a pas eu de ventes à Distex ni de commandes de la part de Distex.

Institut canadien des textiles (ICT)

L’ICT s’est opposé à la demande d’allégement tarifaire. L’ICT a déclaré que, dans la première demande par Distex, le Tribunal a fait une recommandation malgré les objections de l’ICT et de deux tricoteurs importants, sans tenir compte de la capacité de production de l’industrie nationale et des investissements récents dans le secteur. L’ICT a allégué que la saisine sur les textiles amène les importateurs de textile à s’en prendre à la production nationale de textiles et qu’il prive les producteurs de textiles de toute voie d’appel.

L’ICT s’est dit d’accord que le tissu en question ne devrait pas être décrit comme un tissu mercerisé deux fois parce que cette caractéristique du tissu ne peut être administrée par l’ADRC. L’ICT a soutenu que les allégations de Distex quant à la supériorité du tissu en question sur les tissus canadiens ne se justifient pas par une preuve comparative entre la performance du fournisseur de Distex en Italie et les tricoteurs canadiens.

L’ICT a soutenu qu’Agmont dispose des machines, des sources d’approvisionnement en fil et des connaissances nécessaires pour produire des tissus identiques au tissu en question. L’ICT a également affirmé que la gamme de tissus comprise dans la description du « tissu en question » sur laquelle la demande est fondée, est beaucoup plus large que la gamme des échantillons de Distex.

L’ICT a prétendu qu’Agmont peut produire des tissus en tricot trame des façons suivantes :

• à partir de fils mercerisés pour produire des tissus mercerisés une seule fois;

• à partir de fils ordinaires pour produire des tissus qui sont mercerisés dans le procédé de finition;

• à partir de fils mercerisés pour produire un tissu qui est mercerisé dans le procédé de finition.

L’ICT a également mentionné qu’Agmont avait entrepris de produire un tissu identique aux échantillons de tissu de Distex pour montrer qu’elle peut fabriquer des tissus identiques au tissu en question [10] .

Le MAECI a informé le Tribunal que le Canada ne contingente pas le tissu en question qui est classé dans la sous-position no 6002.92. Par conséquent, le tissu en question n’est assujetti à aucune restriction quantitative d’importation.

L’ADRC a affirmé qu’il n’y aurait pas de coûts supplémentaires, outre ceux qu’elle subit déjà, pour l’administration de l’allégement tarifaire sur le tissu en question.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d’évaluer l’incidence économique d’une réduction ou d’une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et sur les producteurs en aval et, à cette fin, de considérer tous les facteurs économiques qui entrent en jeu, comme la possibilité de remplacer le tissu en question par un tissu national, la capacité des producteurs nationaux de tissu d’approvisionner les entreprises canadiennes en aval et la compétitivité de ces entreprises en aval sur le plan national et à l’étranger. Par conséquent, la décision du Tribunal de recommander un allégement tarifaire se fonde sur son propre jugement selon lequel un tel allégement procurerait un avantage économique net pour le Canada.

La présente enquête porte sur un tissu mercerisé de tricot trame teint qui sert à la confection de gilets de golf au Canada, surtout pour exportation sur le marché des gilets de golf haut de gamme aux États-Unis. Les acheteurs de ces gilets sont des particuliers qui dépensent beaucoup plus d’argent pour les activités reliées au golf que la majorité des golfeurs et qui recherchent une certaine exclusivité dans leurs vêtements. Distex allègue qu’elle a pu capturer une part de ce marché parce que son fournisseur fait un mercerisage continu, plutôt qu’en lots, que le tissu est mercerisé deux fois et qu’il est tissé avec du fil à deux brins. Distex a demandé qu’un allégement tarifaire soit accordé pour un tissu qui est mercerisé deux fois et qui est teint mais non confectionné avec une machine à tricot trame jacquard [11] . Comme il a été expliqué plus tôt, parce qu’elle était incapable de déterminer si un tissu avait été mercerisé plus d’une fois, l’ADRC a recommandé que le tissu ne soit pas décrit comme ayant fait l’objet d’un double mercerisage. En outre, l’ADRC a recommandé que ne soit pas ajouté un libellé tel « certifié par l’exportateur » [12] . De l’avis de l’ADRC, un allégement tarifaire sur un produit décrit comme ayant été « mercerisé deux fois » ne serait pas administrable parce que le double mercerisage ne peut être vérifié par analyse en laboratoire. Par conséquent, le Tribunal a commencé une enquête qui portait seulement sur un tissu mercerisé une seule fois, et non mercerisé deux fois, comme le demande Distex.

Agmont, le seul fabricant canadien qui s’est opposé à cette demande, a allégué qu’elle produit des tissus identiques ou substituables au tissu décrit dans l’avis d’ouverture d’enquête (c.-à-d. un tissu mercerisé une seule fois) et qu’elle est capable de produire des tissus qui sont identiques à tous égards aux échantillons fournis par Distex avec sa demande (c.-à-d. mercerisés deux fois). Agmont a affirmé que l’allégement tarifaire lui ferait perdre sa part de marché aux États-Unis et entraînerait une baisse de l’emploi dans ses installations de production au Canada. Agmont a également allégué que son investissement dans le matériel de mercerisage serait mis en péril si l’allégement tarifaire était accordé. Agmont a également affirmé que, si la spécification de mercerisage simple dans la définition du produit était autorisée, on autoriserait de ce fait l’importation en franchise d’une gamme beaucoup plus vaste de tissus pour les gilets de golf au Canada, en concurrence directe avec la production de tricots au Canada. En réponse, Distex a proposé une modification de la définition du tissu en question pour y inclure les termes « fils à deux brins » et « mercerisé deux fois ». Distex a signalé le fait que, comme ses gilets de golf sont fabriqués de fils mercerisés à deux brins, ils peuvent être vendus au détail à un prix plus élevé. Distex a également allégué que les tissus faits de fils mercerisés à deux brins sont plus durables et plus souples et elle a affirmé que des tissus identiques ou substituables ne sont pas fabriqués au Canada. Selon Distex, avec une telle modification, les tissus d’Agmont seraient protégés de tout effet négatif entraîné par l’allégement tarifaire.

Agmont a présenté en preuve divers échantillons de tissus mercerisés une fois et deux fois, lesquels, a-t-elle allégué, pourraient être utilisés par Distex pour produire des gilets de golf. Toutefois, Agmont n’a produit aucune preuve indiquant qu’elle offre ses tissus mercerisés une seule fois sur le même marché que celui qui est approvisionné par Distex (c.-à-d. les gilets de golf haut de gamme), de sorte que le Tribunal ne peut conclure que ces tissus mercerisés une seule fois peuvent remplacer le tissu en question. Pour ce qui est des tissus mercerisés deux fois produits par Agmont, il s’agit dans un cas de tissus produits sur un métier tricot jacquard, tandis que l’autre est un tissu ayant servi d’échantillon qui n’a pas encore été offert en vente.

Un tissu de coton à tricot jacquard mercerisé deux fois est généralement considéré de meilleure qualité que le tissu en question [13] . Bien qu’Agmont signale des ventes modestes de son tissu jacquard à un producteur américain de gilets de golf, on ne sait pas exactement si ce producteur exploite le même marché que Distex [14] . De toute façon, ce tissu ne relève manifestement pas de l’enquête actuelle du Tribunal.

Le tissu d’Agmont ayant servi d’échantillon n’a jamais été vendu, de sorte que le Tribunal est d’avis qu’il ne peut être considéré comme un produit actuellement disponible en quantités commerciales. Le Tribunal a maintes fois indiqué dans le passé [15] qu’il incombe aux producteurs nationaux de fournir la preuve, et non seulement de faire des affirmations ou des allégations, de leur capacité de produire des tissus identiques ou substituables. De l’avis du Tribunal, la fabrication d’un petit échantillon sur mesure aux fins de l’enquête du Tribunal, en l’absence d’antécédents de production ou de vente, ne constitue pas une preuve suffisante de la capacité d’un producteur national de fabriquer des tissus identiques ou substituables.

En résumé, bien qu’Agmont puisse avoir la capacité de produire un échantillon d’un tissu identique ou substituable au tissu en question, elle n’a pas démontré au Tribunal que ses tissus sont en concurrence sur le même marché que celui de Distex. Par conséquent, le Tribunal conclut que les tissus censément identiques ou substituables produits par Agmont, soit ne peuvent être substitués au tissu en question, soit ne sont pas encore disponibles en quantités commerciales. Par conséquent, il n’y aurait pas de coûts économiques pour les producteurs nationaux si un allégement tarifaire était consenti. Pour ces raisons, et compte tenu des avantages pour Distex, le Tribunal conclut qu’un allégement tarifaire entraînerait des avantages économiques nets pour le Canada.

Dans l’administration d’un nouveau numéro tarifaire pour fournir l’allégement tarifaire demandé, l’ADRC s’est demandé si elle pouvait déterminer si un tissu importé a été mercerisé deux fois. Comme il a été dit plus tôt, l’ADRC a indiqué qu’elle ne pouvait déterminer si les échantillons de tissus analysés avaient été mercerisés deux fois et elle a, par conséquent, recommandé que cet élément ne soit pas une caractéristique de la description du produit et que ne soit pas utilisée l’expression « certifié par l’exportateur ». Toutefois, le Tribunal croit que le fil à deux brins et mercerisé deux fois est essentiel pour que Distex puisse vendre ses gilets de golf sur le marché haut de gamme. En outre, le Tribunal n’a pris connaissance d’aucune preuve indiquant qu’Agmont offre des tissus en tricot trame teints et mercerisés deux fois dans le même créneau de marché que Distex. À cet égard, le Tribunal remarque qu’il n’y a pas de preuve au dossier indiquant qu’Agmont, ou tout autre tricoteur national, ait tenté à un moment ou l’autre de vendre des tissus mercerisés deux fois à Distex. Par conséquent, le Tribunal est d’avis qu’il convient de modifier la définition du tissu en question pour y ajouter une mention relative au fil à deux brins et au double mercerisage. Non seulement cette définition protégerait-elle la production d’Agmont, mais elle répondrait également aux inquiétudes d’Agmont et de l’ICT au sujet de l’étendue de la définition du tissu en question dans l’avis d’ouverture d’enquête du Tribunal.

Le Tribunal est d’avis que, dans les circonstances du présent cas, la façon la plus efficace d’accorder un allégement tarifaire tout en protégeant les intérêts des tricoteurs nationaux consiste à exiger de l’exportateur qu’il fournisse un certificat acceptable de certaines caractéristiques témoignant de la particularité du tissu importé. L’ADRC elle-même a appliqué la recommandation antérieure de Distex en utilisant le certificat de l’exportateur, sans que des problèmes ou des abus n’aient été signalés au Tribunal. En outre, il existe certaines indications que l’ADRC se fie au certificat de l’exportateur dans la surveillance et l’administration d’autres ententes commerciales et tarifaires [16] .

Pour ce qui est de la demande d’allégement tarifaire rétroactif par Distex, le Tribunal a indiqué dans des décisions antérieures qu’il n’envisage pas de recommander un tel allégement sauf dans des cas exceptionnels. Distex n’a fourni aucune preuve pour justifier une telle demande. Le Tribunal n’est par conséquent pas convaincu que les circonstances actuelles sont telles qu’elles justifient une recommandation d’allégement tarifaire rétroactif.

Si le Ministre rend un décret appliquant la recommandation d’allégement tarifaire faite par le Tribunal et si les circonstances qui ont abouti à la recommandation initiale ne sont plus les mêmes à un moment donné dans l’avenir, les producteurs de textiles pourront demander au Tribunal de réexaminer la recommandation qui a entraîné la délivrance de ce décret.

RECOMMANDATION

Le Tribunal recommande par la présente au Ministre d’accorder un allégement tarifaire pour une période indéterminée sur les importations en provenance de tous les pays de tricot trame, uniquement de fils de coton à deux brins, titrant en fils simples 180 décitex ou plus mais n’excédant pas 200 décitex, d’un poids de 150 g/m² ou plus mais n’excédant pas 200 g/m², certifié par l’exportateur comme ayant été « mercerisés deux fois » (c.-à-d. les fils ont été mercerisés, tricotés pour faire un tissu et assujettis à un deuxième procédé de mercerisage), du numéro tarifaire 6002.92, pour utilisation dans la fabrication des gilets de golf.

Richard Lafontaine
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Richard Lafontaine
Membre présidant


Peter F. Thalheimer
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Peter F. Thalheimer
Membre


Zdenek Kvarda
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Zdenek Kvarda
Membre


1. L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

2. Gaz. C. 1999.I.3133.

3. Le mercerisage est un traitement à l’alcali du fil ou du tissu de coton servant à augmenter son lustre, sa résistance et son affinité tinctoriale.

4. Le double mercerisage est un procédé par lequel les fils sont mercerisés puis tricotés en un tissu, lequel est à son tour mercerisé.

5. L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

6. Est interprété par le Tribunal comme étant la date du dépôt de la demande.

7. Distex Inc. (8 février 1999), TR-98-002. La recommandation portait sur un tissu mercerisé deux fois de tricot trame jacquard.

8. Ce qui équivaut à 187 à 195 décitex par fil simple.

9. Supra note 7.

10. Le tissu a été présenté le 16 février 2000.

11. Supra note 7.

12. Supra note 7. À la suite de la recommandation du Tribunal dans le cas Distex précédent, un allégement tarifaire a été accordé pour un tissu mercerisé deux fois qui a été produit avec une mécanique Jacquard. Pour obtenir un allégement tarifaire sur ce tissu, l’importateur devait fournir, à l’importation, un certificat de l’exportateur selon lequel le tissu avait été à la fois mercerisé deux fois et tricoté au moyen d’une mécanique Jacquard.

13. Supra note 7 aux p. 7 et 8.

14. Lettre d’Agmont au Tribunal en date du 17 janvier 2000.

15. Voir, par exemple, Camp Mate (le 10 juin 1996), TR-95-051 (T.C.C.E.); Lady Americana Sleep Products (12 février 1997), TR-95-064 et TR-95-065 (T.C.C.E.); Cambridge Industries (12 février 1999), TR-98-001 (T.C.C.E.); Helly Hansen Canada (19 mars 1999), TR-97-015, TR-97-016 et TR-97-020 (T.C.C.E.); Jones Apparel Group Canada (8 juillet 1999), TR-98-017 (T.C.C.E.); Tribal Sportswear (24 août 1999), TR-98-019 (T.C.C.E.); et Western Glove Works (4 février 2000), TR-99-003 (T.C.C.E.).

16. Exposé final de Distex daté du 28 janvier 2000, à la p. 14 .


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Publication initiale : le 4 avril 2000