COLORIDÉ INC.

Enquêtes


RAPPORT AU MINISTRE DES FINANCES
DEMANDE D'ALLÉGEMENT TARIFAIRE DÉPOSÉE PAR COLORIDÉ INC. CONCERNANT DU FIL DE FILAMENTS DE NYLON
Le 27 juillet 2000

TABLE DES MATIÈRES


Demande no : TR-99-006

Membre du Tribunal :

James A. Ogilvy, membre présidant

   

Directeur de la recherche :

Réal Roy

   

Recherchiste :

Paul R. Berlinguette

   

Préposé aux statistiques :

Lise Lacombe

   

Conseiller pour le Tribunal :

Gilles B. Legault

   

Agent du greffe :

Claudette D. Friesen

Adresser toutes les communications au :


Secrétaire
Tribunal canadien du commerce extérieur
Standard Life Centre
333, avenue Laurier Ouest
15e étage
Ottawa (Ontario)
K1A 0G7

 
 

INTRODUCTION

Le 14 juillet 1994, le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a reçu du ministre des Finances (le Ministre), aux termes de l'article 19 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur 1 , le mandat de faire enquête sur les demandes présentées par les producteurs nationaux qui souhaitent obtenir des allégements tarifaires sur les intrants textiles importés dans le cadre de leurs activités de fabrication, et de formuler des recommandations au Ministre concernant ces demandes.

Conformément au mandat confié par le Ministre, le Tribunal a reçu le 25 octobre 1999, de la société Coloridé Inc. (Coloridé), de Louiseville (Québec), une demande de suppression, pour une période indéterminée, des droits de douane sur les importations, en provenance de tous les pays, du fil de filaments simple, uniquement de nylon, devant servir à la production de méchiers.

Le 8 février 2000, convaincu que le dossier de la demande était complet, le Tribunal a publié un avis d'ouverture d'enquête qui a été diffusé et a paru dans le numéro du 19 février 2000 de la Gazette du Canada 2 . L'avis d'ouverture d'enquête décrit l'intrant textile comme « du fil de filaments simple, uniquement de nylon, du numéro tarifaire 5402.41.14 ou 5402.41.19, devant servir à la production de méchiers » (le fil en question).

Dans le cadre de l'enquête, le personnel de la recherche du Tribunal a envoyé des questionnaires aux producteurs potentiels de fils identiques ou substituables. Des questionnaires ont aussi été envoyés à des importateurs et des utilisateurs potentiels du fil en question. Une lettre a été envoyée à l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) pour lui demander une description complète des caractéristiques physiques du fil en question, une opinion quant à la possibilité d'administrer l'allégement tarifaire et un libellé possible si l'allégement tarifaire devait être recommandé. Il a aussi été demandé au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) de fournir des renseignements à jour sur toute restriction quantitative imposée sur les importations du fil en question, et le ministère de l'Industrie a été informé de la demande et prié de fournir tout commentaire jugé pertinent. Le ministère des Finances a également été informé de la demande.

Un rapport d'enquête du personnel, résumant les renseignements reçus de ces ministères, de Coloridé et d'autres parties intéressées, a été remis aux parties qui avaient déposé un avis de comparution dans le cadre de la présente enquête.

Aucune audience publique n'a été tenue dans le cadre de la présente enquête.

RENSEIGNEMENTS SUR LE PRODUIT

Le produit faisant l'objet de l'enquête est du fil de filaments simple, uniquement de nylon, devant servir à la production de méchiers. Coloridé a fourni les trois échantillons suivants avec sa demande d'allégement tarifaire :

1. Fil « base » : un fil simple, artificiel ou synthétique (nylon), constitué d'un monofilament. Titrant environ 55 décitex, le fil a un diamètre d'environ 0,1 mm. Le fil n'a fait l'objet d'aucune torsion, a une faible résistance et est entièrement étiré.

2. Fil « soie » : un fil simple, artificiel ou synthétique (nylon), constitué de six filaments. Titrant environ 413 décitex, le fil est partiellement orienté. Le fil n'a fait l'objet d'aucune torsion et a une faible résistance.

3. Fil « cristal » : un fil simple, artificiel ou synthétique (nylon), constitué de douze filaments. Titrant environ 662 décitex, le fil a fait l'objet d'une très faible torsion et a une faible résistance.

Le fil en question est importé de la France et est utilisé dans la production de méchiers. Coloridé produit des méchiers pour l'industrie de la coloration des cheveux. Chaque méchier est différent et unique. Coloridé reproduit les couleurs soumises par les producteurs de coloration en mélangeant des coloris de base (bobines de fil) dans des proportions spécifiques. Les mèches sont installées sur un porte-mèches. Cette pièce est ensuite fixée sur le méchier.

L'ADRC a informé le Tribunal que le fil en question est classé dans le numéro tarifaire 5402.41.14 ou 5402.41.19 de l'annexe du Tarif des douanes 3 et qu'il est actuellement assujetti à des droits de douane de 9,5 p. 100 ad valorem en vertu du tarif NPF et de 5,0 p. 100 ad valorem en vertu du TPG, et entre en franchise selon le tarif des États-Unis, le tarif des pays les moins développés, le tarif du Mexique, le tarif de l'Accord Canada-Israël et le tarif du Chili. Le taux de droits NPF sera réduit progressivement jusqu'à 8,0 p. 100 ad valorem d'ici le 1er janvier 2004.

L'ADRC a également informé le Tribunal que les monofilaments synthétiques de 67 décitex ou plus, devant servir à la production de méchiers, sont classés aux fins de douane dans le numéro tarifaire 5404.10.10 et entrent en franchise selon le tarif NPF.

À la suite d'un appel entendu par le Tribunal4 , les principaux produits finals dans lesquels le fil en question est intégré, à savoir des mèches ou touffes de cheveux synthétiques, sont classés dans le numéro tarifaire 6703.00.00 et, par conséquent, entrent au Canada en franchise.

OBSERVATIONS

Utilisateurs du fil de filaments simple

Demanderesse

Coloridé, fondée en 1981, est une filiale à part entière de la société George S.A. (France). Coloridé vend des méchiers en Amérique du Nord et à l'étranger. Coloridé a soutenu qu'il ne se produit pas au Canada de fils identiques ou substituables et que le fil en question présente des caractéristiques spéciales, particulièrement au niveau de la diversité des couleurs.

Coloridé a soutenu que l'allégement tarifaire lui permettrait de concurrencer plus efficacement les importations de méchiers en provenance de l'Europe. Coloridé a aussi déclaré que l'allégement tarifaire entraînerait une augmentation des ventes et l'embauche de nouveaux employés. Coloridé a dit exporter des quantités importantes de méchiers aux États-Unis et au Mexique et a affirmé que l'allégement tarifaire servirait à compenser les effets des modifications apportées au programme de drawback des droits aux termes de l'Accord de libre-échange nord-américain 5 .

Dans son exposé final au Tribunal, Coloridé a déclaré que, si quelqu'un décidait d'importer des fils semblables à ceux fournis comme échantillons par Plastifil Inc. (Plastifil), un producteur canadien de fils de nylon, deux des trois fils semblables pourraient entrer au Canada en franchise selon les spécifications établies par le laboratoire de l'ADRC. Coloridé a soutenu que Plastifil n'a jamais offert de lui vendre ses fils. Elle a ajouté que Plastifil est affiliée à Aspasie Inc. (Aspasie), un concurrent de Coloridé, et que les deux compagnies sont administrées par les mêmes personnes. Étant donné que Plastifil est une nouvelle entreprise, Coloridé doute que Plastifil puisse combler ses besoins de fils en ce qui concerne la qualité, le volume et le délai de livraison. Coloridé a soutenu que l'écart entre le prix du fil en question et celui des fils censément identiques ou substituables est considérable compte tenu des coûts de transport, du taux de change et de la qualité supérieure du fil en question. À la lumière du degré d'appartenance qui existe entre les deux entreprises et des coûts du fil en question, Coloridé a déclaré que l'octroi de l'allégement tarifaire ne se traduirait pas par l'achat de fils en Europe par Aspasie et une perte d'emplois chez Plastifil.

En outre, Coloridé a soutenu que ses compagnies soeurs en Europe desservent un territoire différent du sien et qu'elle fait face à la concurrence de plusieurs sociétés étrangères. Bien que Coloridé et Aspasie vendent parfois des méchiers aux mêmes clients, Coloridé a déclaré que d'autres clients prennent en considération la qualité, l'originalité, le prix et le délai de livraison du produit final. Étant donné que les principaux produits finals utilisant le fil en question, à savoir des mèches ou touffes de cheveux synthétiques, entrent au Canada en franchise, Coloridé a fait observer qu'il existe une anomalie tarifaire entre les mèches et le fil en question, laquelle serait corrigée si l'allégement était octroyé.

Aspasie

Aspasie, de Saint-Barnabé Nord (Québec), fabrique des méchiers depuis 1988. Un nombre important d'employés participent directement à la production de méchiers, dont plus de la moitié à domicile. Aspasie exporte une grande partie de sa production de méchiers dans plus de 60 pays à travers le monde. Depuis un an, Aspasie obtient du fil de nylon (monofilament) de Plastifil, de Trois-Rivières (Québec), soit teint dans la masse (« batch dyed ») ou de couleur naturelle. Avec ses équipements, Aspasie teint aussi le fil de nylon dans plusieurs couleurs.

Aspasie s'oppose à la demande d'allégement tarifaire pour le motif qu'il existe des fabricants de fils identiques ou substituables au Canada et aux États-Unis qui ont investi énormément en matière d'installations pour produire ce type de fil. De plus, Aspasie a indiqué que le fil en question entre en franchise en vertu du tarif des États-Unis lorsqu'il est importé de ce pays.

Étant donné que Coloridé et Aspasie sont les seuls fabricants de méchiers en Amérique du Nord et qu'elles approvisionnent la même clientèle, Aspasie a affirmé que l'allégement tarifaire donnerait à Coloridé un avantage concurrentiel injuste, ce qui risquerait de faire perdre à Aspasie un ou des clients importants, certains représentant un important pourcentage de son chiffre d'affaires. En conséquence, Aspasie soutient que l'allégement tarifaire menacerait des emplois.

En ce qui a trait à l'argument de Coloridé selon lequel elle veut concurrencer plus efficacement les importations de méchiers en provenance de l'Europe, Aspasie soutient que les producteurs étrangers ne sont pas vraiment des compétiteurs, mais plutôt des compagnies soeurs. Aspasie ajoute que ces compagnies ne sont pas véritablement menaçantes en Amérique du Nord et du Sud compte tenu des frais de transport élevés, des droits de douane avec les États-Unis et le Mexique et des salaires plus élevés en Europe, particulièrement en France et en Allemagne, où sont situés les principaux fabricants de méchiers.

Producteur national de fils censément identiques ou substituables

Plastifil6

Plastifil, de Trois-Rivières, emploie sept personnes et fabrique depuis 1999 du fil de nylon devant servir à la production de méchiers. Elle fabrique également du plastique injecté. Plastifil affirme qu'elle a l'intention de développer d'autres produits, tels le fil de canne à pêche et le fil à coudre, pour rentabiliser son installation d'extrusion et pour en ajouter un autre éventuellement.

Plastifil a déclaré qu'elle fabrique du fil7 ayant les mêmes caractéristiques que le fil en question et qu'elle peut fabriquer du fil semblable ou même supérieur aux échantillons fournies par Coloridé.

Plastifil s'oppose à la demande d'allégement tarifaire parce qu'elle est en mesure de fournir du fil de nylon à d'autres clients si besoin est. Selon Plastifil, un tel allégement ne ferait que faire baisser les prix de Coloridé et ainsi résulterait en une plus forte concurrence à Aspasie. Plastifil soutient que, si Aspasie diminue ses achats de fil, cela risque de mettre en péril les investissements de Plastifil et d'anéantir complètement la production de l'entreprise et les emplois qui y sont reliés. Plastifil a ajouté que Coloridé achète son fil en Europe et ne fait travailler personne dans ce secteur au Canada.

Autres exposés

Canatex Industries, de Montréal (Québec), Consoltex Inc., de Ville St.-Laurent (Québec) et Rentex Inc., de Montréal, ont affirmé ne pas produire ou importer le fil en question et, par conséquent, n'ont pas participé à la présente enquête.

AUTRES RENSEIGNEMENTS

Le MAECI a avisé le Tribunal que le Canada impose présentement des contingents sur le fil de filaments de nylon, importé de la République de Corée et de Taiwan. Selon le MAECI, une restriction quantitative est imposée sur le fil en question des numéros tarifaires 5402.41.14 et 5402.41.19. Les accords bilatéraux, qui prévoient les restrictions susmentionnées, passés entre le gouvernement du Canada et le gouvernement de la République de Corée et la Fédération du textile de Taiwan sont en vigueur depuis 1978. Le MAECI a précisé que les contingents sur le fil de filaments de nylon ont été mis en oeuvre pour protéger les producteurs canadiens contre les forts volumes et les bas prix des exportations en provenance des pays susmentionnés.

Le MAECI a indiqué qu'il considérera les demandes de déclaration en marge du contingent concernant les intrants textiles lorsque le Tribunal aura recommandé la suppression des droits de douane pour le motif de non-disponibilité. Le traitement en marge du contingent ne sera accordé que dans les cas où il peut être prouvé que l'utilisation des produits faisant l'objet du contingent est assortie de frais supplémentaires ou lorsque les marchandises ne sont pas disponibles au Canada.

L'ADRC a affirmé qu'il n'y aurait pas de coûts supplémentaires, outre ceux qu'elle subit déjà, pour l'administration de l'allégement tarifaire sur le fil en question.

ANALYSE

Aux termes de son mandat, le Tribunal est tenu d'évaluer l'incidence économique d'une réduction ou d'une suppression des droits de douane sur les producteurs nationaux de textiles et sur les producteurs en aval et, à cette fin, de considérer tous les facteurs économiques qui entrent en jeu, comme la possibilité de remplacer le fil en question par un fil national, la capacité des producteurs nationaux de fil d'approvisionner les entreprises canadiennes en aval et la compétitivité de ces entreprises en aval sur le plan national et à l'étranger. Par conséquent, la décision du Tribunal de recommander un allégement tarifaire se fonde sur son propre jugement selon lequel un tel allégement procurerait un avantage économique net pour le Canada.

La demande d'allégement tarifaire de Coloridé porte sur du fil de nylon devant servir à la production de méchiers. Selon les renseignements recueillis par le Tribunal, il existe deux producteurs de méchiers en Amérique du Nord, soit Coloridé et Aspasie. Coloridé obtient ses intrants textiles de la France tandis que sa concurrente, Aspasie, achète son fil de la compagnie canadienne Plastifil. Les principaux produits finals utilisant ce fil sont des mèches, ou touffes, qui sont ensuite montées dans des présentoirs ou livres, communément appelés méchiers. Ces méchiers sont achetés par des compagnies vendant des colorants à cheveux telles Clairol, Cosmair, L'Oréal et Wella, qui les distribuent à ceux qui vendent les colorants aux consommateurs.

D'une part, Coloridé a soutenu qu'il n'existe pas de fils identiques ou substituables au Canada. Par ailleurs, Aspasie et Plastifil s'opposent à la demande de Coloridé parce que, selon elles, il existe des fabricants au Canada et aux États-Unis qui produisent du fil similaire. À cet égard, Plastifil a déclaré qu'elle fabrique du fil ayant les mêmes caractéristiques que le fil en question et qu'elle peut fabriquer du fil très semblable ou supérieur aux échantillons fournis par Coloridé.

Durant l'enquête, Plastifil a présenté en preuve trois échantillons, lesquels, a-t-elle allégué, pourraient être utilisés par Coloridé pour produire des mèches ou touffes. De l'avis de l'ADRC, deux de ces échantillons8 , titrant 68 et 68,5 décitex9 , pourraient être classés aux fins de douane dans le numéro de classement 5404.10.10.10 et entreraient en franchise en vertu du tarif NPF. Le troisième échantillon10 , titrant 66,6 décitex, subirait le même traitement tarifaire que le fil en question, c'est-à-dire 9,5 p. 100 en vertu du tarif NPF. L'ADRC a fait observer que la différence du traitement tarifaire est due au décitex des échantillons. La position no 54.02 couvre les fils de filaments synthétiques (autres que les fils à coudre), y compris les monofilaments synthétiques de moins de 67 décitex, tandis que la position no 54.04 couvre les monofilaments synthétiques de 67 décitex ou plus. En outre, l'ADRC a fait remarquer que les décitex des trois fils de Plastifil sont très proches de 67 et, étant donné une marge d'erreur allouée de + 4,0 p. 100, une analyse des fils pourrait avoir comme résultat un classement dans l'un ou l'autre numéro tarifaire.

Pour examiner la question de substituabilité, le Tribunal a surtout tenu compte des caractéristiques du fil en question par rapport à celles des fils produits par Plastifil. Tel que mentionné précédemment, Coloridé a soumis trois échantillons avec sa demande d'allégement tarifaire, c'est-à-dire, un monofilament, un fil à six filaments et un fil à douze filaments. Cependant, selon les renseignements fournis par Coloridé, elle importe surtout du monofilament simple titrant environ 55 décitex.11 Après un examen attentif des échantillons fournis par Coloridé et Plastifil, plus précisément des fils constitués de monofilament, et tenant compte des observations faites par l'ADRC, le Tribunal est d'avis que même si Plastifil ne produit pas, présentement, du fil avec exactement les mêmes caractéristiques que le fil en question, c'est-à-dire du monofilament simple titrant environ 55 décitex, rien ne l'empêcherait de produire un fil identique ou substituable au fil en question car elle possède la technologie et l'équipement nécessaire à cette fin. Même si le coût du fil en question est sensiblement plus élevé que le prix de vente du fil censément substituable que produit Plastifil, ce qui pourrait susciter un sérieux doute quant à la substituabilité des deux produits, le Tribunal est d'avis que la composition technique et la description du fil censément substituable sont des considérations primordiales dans le cas présent qui amènent le Tribunal à conclure que Plastifil pourrait produire un fil substituable si la demande était suffisante.

Le Tribunal a ensuite examiné la question d'appartenance entre Aspasie et Plastifil. À la lumière des renseignements dont il dispose, le Tribunal croit que la position unique d'Aspasie vis-à-vis Plastifil fait en sorte qu'Aspasie ne cherche pas à bénéficier du privilège de franchise de droits de douane qui existe pour certains monofilaments synthétiques de 67 décitex ou plus. En ce qui concerne la situation de Coloridé, le Tribunal prend note que Plastifil n'a pas cherché à offrir son produit à Coloridé. De plus, le Tribunal fait observer que, à la suite d'un appel entendu par le Tribunal le 6 décembre 199912 , les principaux produits finals utilisant le fil en question, à savoir des mèches ou touffes de cheveux synthétiques, sont classés dans le numéro tarifaire 6703.00.00 et, par conséquent, entrent au Canada en franchise. Donc, Coloridé se trouve devant une situation où elle doit encore payer des droits de douane sur les intrants qu'elle importe pour fabriquer les mèches tandis que ces produits finals peuvent être importés en franchise. D'après le Tribunal, cette anomalie tarifaire pourrait entraîner une perte d'emplois chez Coloridé si jamais celle-ci décide de prendre avantage de cette situation et d'importer des mèches plutôt que de les produire au pays.

Plastifil a avancé l'argument qu'un allégement tarifaire sur le fil en question ne ferait que faire baisser les prix de Coloridé et ainsi causer une plus forte concurrence à Aspasie, ce qui engendrerait une diminution des achats de fil par Aspasie et mettrait en péril les investissements de Plastifil, la production de l'entreprise et les emplois qui y sont reliés. Bien que les renseignements sur cette question soient limités, le Tribunal fait observer que les droits du fil en question représentent un très faible pourcentage du prix de vente de gros d'un méchier.13 Donc, s'il devait y avoir une réduction des prix pour les aligner sur les nouveaux prix de Coloridé, le Tribunal est d'avis que cette réduction serait, tout au plus, minime. Par conséquent, le Tribunal a accordé peu de poids à l'argument avancé par Plastifil.

D'après les renseignements au dossier, il semble improbable que Plastifil puisse, dans un avenir prévisible, vendre une quelconque quantité de fil à Coloridé, même si les droits de douane demeurent en vigueur. Plastifil a ouvert ses portes il y a plus de un an et se limite à fournir du fil constitué de monofilaments à Aspasie. En outre, le Tribunal remarque que Plastifil cherche plutôt à développer d'autres marchés tels le fil de canne à pêche et le fil à coudre pour rentabiliser son équipement d'extrusion. Plastifil vient aussi de faire l'acquisition d'équipement nécessaire pour produire des accessoires utilisés dans le commerce de la coloration. Par conséquent, le Tribunal est d'avis que les coûts limités que la branche de production nationale pourrait éventuellement devoir supporter en raison de l'allégement tarifaire seront plus que compensés par les gains à venir pour Coloridé. De plus, le Tribunal est sensible à la situation particulière qui prévaut concernant le traitement tarifaire pour certains fils de nylon et les mèches. Les monofilaments synthétiques de 67 décitex ou plus ainsi que les mèches bénéficient déjà d'un privilège de franchise. Donc, il est clair qu'il existe déjà un précédent d'allégement tarifaire dans le domaine de la confection des mèches et des méchiers.

Par ailleurs, le Tribunal estime que les gains que Coloridé est susceptible de réaliser advenant l'octroi de l'allégement tarifaire assureront des gains économiques nets au Canada. L'allégement pourrait aussi entraîner des avantages indirects, par exemple la baisse des coûts unitaires de production.

RECOMMANDATION

Le Tribunal recommande par la présente au Ministre d'accorder un allégement tarifaire pour une période indéterminée sur les importations en provenance de tous les pays du fil de filaments simple, uniquement de nylon, de la sous-position no 5402.41, devant servir à la production de méchiers.



James A. Ogilvy

James A. Ogilvy
Membre présidant

1 . L.R.C. 1985 (4e supp.), c. 47.

2 . Gaz. C. 2000.I.540.

3 . L.R.C. 1985 (3e supp.), c. 41.

4 . Coloridé c. S-MRN (25 février 2000), AP-99-037.

5 . 32 I.L.M. 289 (entrée en vigueur : 1er janvier 1994) [ci-après ALÉNA]. En vertu de l'ALÉNA, un système de remboursement des droits, en vigueur depuis le 1er janvier 1996, appelé « concept du montant le moins élevé », a remplacé les règlements sur le drawback dans le cas du commerce Canada-États-Unis. En vertu de ce nouveau concept, le remboursement est égal au moins élevé des deux montants suivants :

a) les droits payés sur les marchandises importées au Canada;
b) les droits payés sur les produits finis lorsqu'ils sont exportés aux États-Unis.

6 . Plastifil et Aspasie sont gérées par les mêmes administrateurs. De plus, il existe un lien familial entre ces personnes. Toutefois, dans une lettre datée du 4 avril 2000, Plastifil a indiqué que les deux entités sont indépendantes, ayant leur charte respective, et les présidents en sont différents.

7 . En ce moment, Plastifil ne fabrique que du fil constitué d'un monofilament.

8 . Pièces du Tribunal TR-99-006-11.2A et TR-99-006-11.2C.

9 . Un décitex est égal à un dixième de tex. Le tex est une unité qui sert à exprimer la masse linéique d'un fil, en grammes par kilomètre de fil.

10 . Pièce du Tribunal TR-99-006-11.2B.

11 . Pièce du Tribunal TR-99-006-27 (protégée) à la p. 8.

12 . Supra note 4.

13 . Supra note 11.


[ Table des matières]

Publication initiale : le 27 juillet 2000