TÔLES D'ACIER AU CARBONE LAMINÉES À CHAUD

Enquêtes


CERTAINES TÔLES D’ACIER AU CARBONE LAMINÉES À CHAUD ORIGINAIRES OU EXPORTÉES DU MEXIQUE, DE LA RÉPUBLIQUE POPULAIRE DE CHINE, DE LA RÉPUBLIQUE DE POLOGNE, DE LA RÉPUBLIQUE D’AFRIQUE DU SUD ET DE LA FÉDÉRATION DE RUSSIE
Renvoi no : RE-96-002

TABLE DES MATIÈRES


Ottawa, le lundi 7 avril 1997

Renvoi no : RE-96-002

EU ÉGARD À un renvoi fait, aux termes de l’alinéa 34(1)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation, par la société Wirth Limited, un importateur, au Tribunal canadien du commerce extérieur;

ET EU ÉGARD À un avis donné par le Tribunal canadien du commerce extérieur aux termes de l’article 37 de la Loi sur les mesures spéciales d’importation;

AU SUJET DU dumping au Canada de certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud originaires ou exportées du Mexique, de la République populaire de Chine, de la République de Pologne, de la République d’Afrique du Sud et de la Fédération de Russie.

A V I S

Le Tribunal canadien du commerce extérieur conclut, par la présente, que les éléments de preuve déposés auprès du sous-ministre du Revenu national indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud originaires ou exportées du Mexique, de la République populaire de Chine, de la République de Pologne, de la République d’Afrique du Sud et de la Fédération de Russie a causé un dommage sensible ou menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

Raynald Guay
_________________________
Raynald Guay
Membre présidant


Patricia M. Close
_________________________
Patricia M. Close
Membre


Charles A. Gracey
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Charles A. Gracey
Membre


Michel P. Granger
_________________________
Michel P. Granger
Secrétaire






Date de l’avis : Le 7 avril 1997


Membres du Tribunal : Raynald Guay, membre présidant
Patricia M. Close, membre
Charles A. Gracey, membre


Directeur de la recherche : Peter Welsh
Gestionnaire de la recherche : W. Douglas Kemp


Avocats pour le Tribunal : John L. Syme
Shelley Rowe

EXPOSÉ DES MOTIFS

Le 13 février 1997, le sous-ministre du Revenu national (le Sous-ministre), saisi d’un dossier complet soumis par la société Stelco Inc. (Stelco), a ouvert une enquête sur le présumé dumping dommageable au Canada de certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud originaires ou exportées du Mexique, de la République populaire de Chine, de la République de Pologne, de la République d’Afrique du Sud et de la Fédération de Russie (les marchandises en question). Le Sous-ministre était d’avis que les éléments de preuve indiquaient, de façon raisonnable, que le présumé dumping « a causé ou menace de causer un dommage à la production au Canada de marchandises similaires [1] ».

Le Sous-ministre a fait observer que le Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) a, depuis 1993, mené deux enquêtes sur la question du dumping dommageable au Canada de tôles d’acier au carbone laminées à chaud. Le 6 mai 1993, le Tribunal a conclu que le dumping de certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud de la Belgique, du Brésil, de la République tchèque, du Danemark, de la République fédérale d’Allemagne, de la Roumanie, du Royaume-Uni et de l’ancienne République yougoslave de Macédoine avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires. Le 17 mai 1994, le Tribunal a conclu que le dumping de certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud de l’Italie, de la République de Corée, de l’Espagne et de l’Ukraine avait causé, causait et était susceptible de causer un préjudice sensible à la production au Canada de marchandises similaires.

Le 7 mars 1997, l’avocat de Wirth Limited, un importateur des marchandises en question, a saisi le Tribunal, aux termes de l’alinéa 34(1)b) de la Loi sur les mesures spéciales d’importation [2] (la LMSI), de la question de savoir si les éléments de preuve déposés auprès du Sous-ministre indiquaient, de façon raisonnable, que le dumping des marchandises en question avait causé un dommage ou un retard, ou menaçait de causer un dommage.

Aux termes de l’alinéa 37b) de la LMSI, le Tribunal doit donner son avis sur la question, sans tenir d’audience, en se fondant sur les renseignements dont disposait le Sous-ministre pour arriver à une décision ou conclusion, dès qu’il en est saisi ou au plus tard dans les 30 jours suivant la date où il en est saisi.

Le Sous-ministre a défini les marchandises en question comme suit :

tôles d’acier au carbone laminées à chaud ou tôles d’acier allié résistant à faible teneur, n’ayant subi aucun autre complément d’ouvraison que le laminage à chaud, traitées ou non à la chaleur, coupées à longueur, d’une largeur variant de 24 pouces (+/- 610 mm) à 152 pouces (+/- 3 860 mm) inclusivement et d’une épaisseur variant de 0,187 pouces (+/- 4,75 mm) à 4 pouces (+/- 101,6 mm) inclusivement, originaires ou exportées du Mexique, de la République populaire de Chine, de la République de Pologne, de la République d’Afrique du Sud et de la Fédération de Russie,

à l’exclusion

- des tôles devant servir à la fabrication de tuyaux ou de tubes (aussi appelées « feuillards »);

- des tôles en bobines;

- des tôles dont la surface présente par intervalle un motif laminé en relief (aussi appelées « tôles de plancher »);

- des tôles fabriquées selon les spécifications A515 et A516M/A516 de l’ASTM, nuance 70, d’une épaisseur supérieure à 3,125 po (+/- 79,3 mm).

Les tôles d’acier au carbone laminées à chaud sont fabriquées en laminant à chaud des lingots ou des brames semi-finies pour obtenir des formes rectangulaires ou des rouleaux. Le procédé de fabrication des tôles d’acier au carbone laminées à chaud est essentiellement le même pour tous les producteurs. On chauffe d’abord la brame ou le lingot, puis on procède au décalaminage. On effectue ensuite le laminage et le planage. Le produit qui en résulte est coupé à dimension et soumis à un contrôle et à des essais.

Les tôles d’acier au carbone laminées à chaud fabriquées selon les spécifications susmentionnées peuvent être traitées à chaud ou non. Les deux types de tôles comprennent des tôles de qualité de construction et des tôles destinées à la fabrication de récipients et réservoirs sous pression. Les tôles de construction peuvent servir à un certain nombre d’applications, les plus fréquentes étant la fabrication de wagons de chemin de fer, de réservoirs pour le stockage de l’huile et de l’essence, de matériels de construction lourds, de machines agricoles, de ponts, de bâtiments industriels, de gratte-ciel, de pièces d’automobiles et de camions, ainsi que la construction et la réparation de navires. Les tôles destinées à la fabrication de récipients et réservoirs sous pression sont normalement utilisées dans les récipients ou les réservoirs sous pression qui doivent retenir leur contenu tout en résistant à des pressions notables.

Le ministère du Revenu national (Revenu Canada) a évalué que la marge moyenne pondérée de dumping des marchandises qui ont été sous-évaluées, en provenance de tous les pays visés, était de 16,2 p. 100. Les marges moyennes pondérées de dumping, évaluées pour chaque pays par Revenu Canada, variaient d’aussi peu que 12,9 p. 100, pour la République d’Afrique du Sud, à un sommet de 28,0 p. 100, pour la République de Pologne. Revenu Canada a déterminé que plus de 90 p. 100 des marchandises en question avaient été sous-évaluées.

Les renseignements concernant le dommage dont disposait le Sous-ministre lorsqu’il a pris la décision de faire ouvrir l’enquête comprenaient une plainte confidentielle déposée par Stelco et une analyse de ladite plainte préparée par les agents de Revenu Canada. La plainte de Stelco présentait des données sur les envois nationaux; les calendriers et les prix des importations des pays visés et d’ailleurs dans le monde; le marché national; l’établissement des prix, le rendement financier, les tendances de la capacité; l’utilisation de cette capacité. L’analyse qu’a faite Revenu Canada de la plainte comprenait aussi des renseignements sur les volumes de production et les gammes de produits, fournis par Algoma Steel Inc. et IPSCO Inc., les deux autres producteurs canadiens de tôles d’acier au carbone laminées à chaud, qui appuient toutes deux la plainte de Stelco. Revenu Canada a publié un énoncé des motifs qui reprend les sommaires statistiques des importations compilés par le Sous-ministre.

Dans la plainte qu’elle a déposée auprès de Revenu Canada, Stelco a indiqué que le volume des importations des marchandises en question est passé de presque zéro, pour la période de 1991 à 1993, à presque la moitié du volume total des importations pour la période de 1994 à 1996. Stelco, qui représente plus du tiers de l’ensemble de la production canadienne de tôles d’acier au carbone laminées à chaud, a soutenu que ces importations lui ont causé un dommage parce que les tôles d’acier au carbone laminées à chaud sont des produits de base et que la considération déterminante de l’acheteur est le prix. À l’appui de son assertion, Stelco a fourni, à titre d’exemple, un certain nombre de cas spécifiques où elle a perdu des ventes, a dû réduire ses prix ou a dû accorder de plus fortes remises pour concurrencer les marchandises en question.

Stelco a également soumis des éléments de preuve qui, selon elle, montrent l’étroite corrélation entre, d’une part, l’érosion des prix, les remises additionnelles et la perte de ventes et, d’autre part, le début et la poursuite des importations des marchandises en question. Bien que les renseignements déposés auprès du Sous-ministre indiquent une certaine contraction en 1996 du marché national des tôles d’acier au carbone laminées à chaud et une distribution relativement homogène de cette contraction entre les importations en provenance des pays visés et les importations d’ailleurs dans le monde, Stelco a fait valoir que les renseignements montrent que l’érosion des prix et la perte directe de ventes ont eu une incidence considérable sur son rendement financier au dernier trimestre de 1995 et aux trois premiers trimestres de 1996.

En preuve de la menace de dommage que représente le dumping des marchandises en question, Stelco soutient que les renseignements qu’elle a soumis montrent que chacun des pays visés dispose d’une importante capacité de production des marchandises en question. Étant donné les marges de dumping évaluées par Revenu Canada, liées au fort volume des marchandises en question et au fait qu’il s’agit de produits de base, Stelco a fait valoir que les pays visés seraient toujours disposés à approvisionner les importateurs qui tentent continuellement d’obtenir le prix le plus bas disponible sur le marché. Selon Stelco, pour concurrencer de telles importations, il lui faudrait abaisser ses prix jusqu’à un point tel qu’elle ne pourrait plus récupérer le prix de revient des marchandises vendues.

À titre d’indication additionnelle de l’incidence du dumping sur le marché national, Stelco a fourni des renseignements qui indiquent que, dans l’ensemble, elle a connu une baisse générale de l’utilisation de sa capacité de production de tôles d’acier au carbone laminées à chaud au cours des trois premiers trimestres de 1995, par rapport aux trois premiers trimestres de 1996. Stelco soutient que, si les marchandises en question n’avaient pas accaparé une partie notable du marché, une certaine partie de cette part du marché lui serait revenue et ses volumes de production et le taux d’utilisation de sa capacité auraient augmenté d’autant.

Aux termes de l’article 34 de la LMSI, le Tribunal est tenu de se prononcer sur la question de savoir si les éléments de preuve déposés auprès du Sous-ministre indiquent, de façon raisonnable, que le dumping ou le subventionnement des marchandises à l’étude a causé un dommage ou un retard ou menace de causer un dommage. Le Tribunal est d’avis qu’une telle indication existe dans la présente cause.

Quant au dommage, le Tribunal observe que, bien que la branche de production nationale ait augmenté sa part du marché malgré le dumping, les gains acquis n’ont pas été sans coûts. De fait, la majorité des ventes de la dernière partie de 1996 ont été effectuées à des prix inférieurs d’environ 6 p. 100 à ceux de 1995. Le Tribunal prend également note des éléments de preuve soumis par Stelco concernant la perte de ventes.

En termes de relation de cause à effet, le Tribunal est d’avis que l’étroite corrélation entre l’entrée des marchandises en question sous-évaluées sur le marché canadien et la baisse des prix et de la rentabilité de Stelco constituent une indication raisonnable du dommage que le dumping des marchandises en question a causé ou menace de causer. Cependant, seule une enquête permettra au Tribunal d’examiner pleinement si la branche de production nationale a subi, ou pourrait subir, un dommage et s’il existe un lien de causalité entre ce dommange et le dumping. Dans le cours de cet examen, le Tribunal considérera aussi l’effet d’autres facteurs sur le rendement de la branche de production.

Compte tenu de l’information qui lui a été soumise, le Tribunal conclut, conformément à l’article 37 de la LMSI, que les éléments de preuve indiquent, de façon raisonnable, que le dumping de certaines tôles d’acier au carbone laminées à chaud originaires ou exportées du Mexique, de la République populaire de Chine, de la République de Pologne, de la République d’Afrique du Sud et de la Fédération de Russie a causé un dommage sensible ou menace de causer un dommage sensible à la branche de production nationale.

Le Tribunal fait observer que les éléments de preuve soumis jusqu’à présent dans cette cause traitent principalement des importations sous-évaluées de tôles de qualité de construction, non traitées à chaud, fabriquées selon les spécifications A36/44W. Afin de l’aider à évaluer l’incidence sur le marché des marchandises en question sous-évaluées, le Tribunal ordonne à Revenu Canada de fournir des données distinctes sur les marges et les volumes de dumping des types suivants de qualité de tôles : tôles de qualité de construction non traitées à chaud, tôles de qualité de construction traitées à chaud, tôles destinées à la fabrication de récipients et réservoirs sous pression non traitées à chaud et tôles destinées à la fabrication de récipients et réservoirs sous pression traitées à chaud.

Le Tribunal observe que le volume des marchandises en question importées de la République de Pologne durant les deux dernières années semble être inférieur au seuil de 3 p. 100 prévu dans la LMSI pour définir un volume « négligeable » d’importations sous-évaluées. Bien qu’il revienne au Sous-ministre, à cette étape de la procédure, d’estimer si les volumes actuels ou potentiels des importations sont « négligeables », le Tribunal, s’il enquête dans cette affaire en application de l’article 42 de la LMSI, devra peut-être aussi examiner la question de la négligeabilité pour décider quelles importations, le cas échéant, il y a lieu d’inclure aux fins de l’évaluation des effets cumulatifs du dumping.


1. Ministère du Revenu national, Énoncé des motifs, le 13 février 1997 à la p. 10.

2. L.R.C. (1985), ch. S-15, modifiée par L.C. 1994, ch. 47, art. 164.


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Publication initiale : le 11 avril 1997